Les limites de l`assujettissement de la SCI à l`IS et la solution du

Transcription

Les limites de l`assujettissement de la SCI à l`IS et la solution du
Les limites de la société civile immobilière assujettie à
l’impôt sur les sociétés et la solution du démembrement1
Par Marc AMBLARD
Avocat (cabinet Amblard à Chamalières) et Maître de conférences à l’Université de Provence
(Aix en Provence) - www.amblard-avocats.fr
Publication :
http://www.village-justice.com/articles/limites-societe-civile-immobiliere,10947.html
La société civile immobilière bénéficie du régime dit de « transparence fiscale » : ses
résultats fiscaux seront déterminés en fonction de la qualité fiscale des associés (art. 8,
CGI). S’il s’agit de personnes physiques, cas le plus fréquent, c’est le régime de l’impôt sur
le revenu (IR pour la suite) qui s’applique (catégorie des revenus fonciers, art. 14, CGI). Or,
dans ce cas de figure, la taxation annuelle peut être un réel handicap selon la tranche
marginale du contribuable. Pour mémoire, le taux maximal d’imposition s’élève à 41 %
majorés des prélèvements sociaux, 13,5%.
Cette solution est d’autant plus embarrassante que les revenus fonciers, le plus souvent, ne
sont pas encaissés par les associés car destinés en réalité à couvrir les remboursements
d’emprunt contracté par la société. Les associés sont donc imposés sur des revenus qu’ils
n’ont pas perçus.
1. La société civile immobilière à l’IS : une option à éviter
Pour éviter une telle pression fiscale, les contribuables sont tentés d’assujettir la société
civile immobilière à l’impôt sur les sociétés (IS pour la suite), généralement sur les conseils
de leur comptable. Il est vrai qu’on peut y trouver certains intérêts à court terme :
-
amortissements des immeubles déductibles du résultat imposable (impossible dans
le cadre d’une société civile assujettie à l’impôt sur le revenu). Le bénéfice taxable
est par conséquent beaucoup plus faible.
Opacité fiscale grâce à laquelle les revenus dégagés par la société ne sont pas
déclarés par les associés si aucun dividende n’est distribué.
Pourtant, ces avantages fiscaux en cours de vie de la société sont loin de compenser le coût
fiscal prohibitif supporté lors de la revente de l’immeuble ou des titres de la société
immobilière. Selon les hypothèses, l’imposition de la plus-value dépasse en effet, très
largement le taux de 100% dans le cadre d’une société ayant opté pour l’IS (voir infra).
1
Cet article tient compte des modifications apportées par la 2
2011.
nde
loi de finance rectificative votée en septembre
Selon les simulations, ce coût fiscal de sortie est alors bien supérieur à la somme des
avantages obtenus annuellement.
Illustration. En prenant pour hypothèse : un bien acquis pour 100 et revendu 15 ans plus
tard pour 150 par un contribuable dont la tranche marginale d’imposition (TMI) s’élève à 30%
durant la détention du bien et à 41% l’année de cession (compte tenu du produit
complémentaire), un taux d’impôt sur les sociétés de 15% en cours de vie (résultat inférieur
à 38 120 €, art. 219 CGI), de 33,1/3% l’année de la cession et une durée d’amortissement de
30 ans, on obtient les résultats suivants :
-
la somme des quinze IS annuels s’élève à 6 contre 37,62 dans le cadre d’une
imposition à l’IR soit une économie de 31,6 sur 15 ans.
N.B. L’économie n’est plus que de 18 si la TMI du contribuable est de 14%.
-
en revanche, le supplément d’imposition lors de la cession est égal à 42 (13 pour l’IR
contre 55 pour l’option IS)
En résumé et dans le cas de l’option pour l’IS (selon les paramètres retenus) :
a) l’impôt frappant la plus-value avoisine 110% (Impôts : 553 / plus-value faciale :
50) ;
b) Le frottement fiscal supplémentaire lors de la cession est 33% plus élevé que la
somme des économies d’impôt sur le revenu obtenues durant la détention du
bien (42/31,6).
N.B. Le ratio grimpe à 133% si la TMI s’établit à 14%. Il descend à 3% lorsque la TMI
s’établit à 41% (tranche maximale).
Nous constatons que le gain fiscal annuel d’un assujettissement de la société à l’IS ne
compense pas la double imposition supportée lors de la cession du bien. Cet écart
défavorable sera d’autant plus important que la durée de détention du bien est longue ou
que la tranche marginale d’imposition du propriétaire est basse.
En traitant le problème dans sa globalité (de l’entrée jusqu’à la sortie),
l’assujettissement de la société civile immobilière à l’impôt sur les sociétés ne présente donc
pas d’intérêt et ce quelles que soient les hypothèses retenues.
2. La solution du démembrement
La réflexion fiscale doit donc conduire, dans la plupart des cas, à éviter d’assujettir la
société civile immobilière à l’impôt sur les sociétés. Elle s’orientera plutôt vers la recherche
2
Ce montant intègre chaque année l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux (minorés en raison de la
déductibilité de la contribution sociale généralisée)
3
Comprend : l’impôt sur les sociétés calculé sur la valeur nette comptable (après amortissement), l’impôt sur le
revenu (ici le prélèvement libératoire de 19%) et les prélèvements sociaux (13,5%).
d’un système dual réduisant les bénéfices taxables (grâce au régime de l’IS) tout en limitant,
à terme, la taxation des plus-values (grâce au régime de l’IR)4.
Une telle optimisation conciliant le meilleur des deux régimes peut être atteinte grâce au
démembrement temporaire : l’usufruit du bien immobilier détenu par une société relevant du
régime de l’IS et la nue propriété portée par une société assujettie à l’IR.
Ce mécanisme permet aux associés de la société civile immobilière transparente (IR) de
démembrer temporairement (15 ans par exemple) le bien qu’elle possède. C’est ainsi qu’elle
en cédera l’usufruit à une société commerciale imposée, quant à elle, à l’impôt sur les
sociétés. Il s’agira, le plus souvent, de la société exploitant une activité dans les locaux en
question.
Dans le cas d’un bien qui serait déjà détenu en pleine propriété par la société d’exploitation à
l’IS, celle-ci transfèrera alors la nue-propriété par la cession à une société civile immobilière
prévue à cet effet
Un certain nombre de mesures seront prises pour éviter une situation relevant de l’abus de
droit :
-
statuts de la société civile spécialement conçus et rédigés dans la perspective du
démembrement (important pour éviter la qualification de fictivité) ;
évaluation pointue de la nue propriété et de l’usufruit recourant à une méthode
mathématique actuarielle ;
écritures comptables d’inventaire annuel idoines (une comptabilité d’engagement
sera retenue).
La société commerciale qui est soumise à l’IS sera alors temporairement propriétaire de
l’usufruit et donc bénéficiaire des revenus. Ces derniers seront néanmoins fiscalement
neutralisés en tout ou partie grâce à l’amortissement annuel de l’usufruit (un quinzième si la
durée de l’usufruit temporaire est fixée à quinze ans dans la convention de démembrement).
Concernant la société civile immobilière, ses associés ne seront plus imposés
personnellement, celle-ci n’encaissant désormais aucun loyer.
A terme, l’usufruit détenu par la société commerciale reviendra de facto à la propriété de la
société civile immobilière nu-propriétaire ; c’est l’« effet d’élastique ».
S’il y a revente, soit de l’immeuble, soit des titres, la plus-value subira une taxation limitée,
puisque le point de départ pour son calcul sera l’acquisition la plus lointaine de l’un des
droits. En l’occurrence, la date d’acquisition de la nue-propriété. La plus-value en cas de
revente bénéficiera ainsi d’un abattement d’autant plus élevé que la période de détention
sera longue (20% après 15 ans, 36% après 20 ans, 100% après 30 ans, art. 150 VC CGI).
Il y a donc bien dans ce 2nd schéma, cumul des deux avantages : amortissement de
l’immeuble à l’IS et diminution à terme de l’imposition des plus-values dégagées par les
associés de la SCI fiscalement transparente.
Pour résumer, ce mécanisme juridique et fiscal permet aux associés d’une SCI à l’impôt sur
le revenu d’échapper à la taxation annuelle suivant le régime des revenus fonciers, tout en
4
Sociétés civiles immobilières : comment éviter l’option à l’impôt sur les sociétés, Fondevila P. in www.echosjudiciaires.com.
ménageant, à terme, la possibilité d’être soumis au régime des plus-values des particuliers
en cas de revente de l’immeuble.
Au demeurant, les spécialistes reconnaîtront dans cette solution des avantages assez
proches de ceux obtenus dans le cadre du bail à construction, mais c'est là un autre sujet.
3. Quelle solution lorsque la SCI a déjà opté pour l’impôt sur les sociétés ?
Malheureusement, il peut arriver que des associés peu informés ou mal conseillés aient
assujetti leur société civile immobilière à l’impôt sur les sociétés. L’option étant irrévocable, la
question se pose alors de savoir s’il existe un montage pour sortir de cette impasse.
La solution consiste à démembrer la propriété du bien détenu par la société imposée à
l'impôt sur les sociétés, en faisant acquérir la nue-propriété par une société soumise à l'impôt
sur le revenu (SCI en l’occurrence), tout en réservant l'usufruit temporaire à la première5.
La valeur de la nue-propriété portée par la société civile immobilière est généralement
comprise entre 25 à 35 % de la valeur d'un bien dont l'usufruit temporaire serait de 15 ans.
Rappelons que le calcul sera réalisé à partir de la valeur économique de l'usufruit, ellemême déterminée de manière actuarielle (actualisation d’une suite de loyers étalés dans le
temps selon un taux calculé d’après la rentabilité locative du bien démembré).
A l'extinction de l'usufruit temporaire, la société civile immobilière, nu-propriétaire, retrouve,
comme dit plus haut, la pleine propriété du bien qu'elle pourra louer ou vendre. Dans ce
dernier cas, la plus-value éventuellement dégagée échappera alors à la double taxation (IS
& IR) propre aux sociétés opaques (IS) pour être imposée à l’impôt sur le revenu.
L’imposition sera ainsi limitée à 26 % si la détention démembrée a duré 15 ans ((19% +
13,5%6) x 80%7) (art. 150 VC, CGI). Après 30 ans, elle sera nulle (abattement de 100%).
Quelle que soit la durée de détention, ce niveau de taxation reste très inférieur à celui qui
frapperait la société ayant opté pour l’impôt sur les sociétés (proche de 110% selon les
hypothèses de l’exemple retenu).
On peut finalement s’interroger sur les raisons qui poussent certains professionnels
notamment du chiffre, à recommander l’exercice d’une option pour l’impôt sur les sociétés.
L’explication réside, à notre sens, tant dans l’absence de prise en compte de la fiscalité lors
de la cession future du bien que la méconnaissance de solution alternative telle qu’ici
présentée. Ce constat est d’autant plus regrettable que la détention de biens immobiliers
d’entreprise pourrait, à terme, constituer pour bien des dirigeants un complément de retraite
très appréciable pour peu que le montage ait été correctement pensé.
5
6
7
Notre confrère Franck Demailly a développé cette solution sur son blog : http://avocats.fr/space/franck.demailly
Prélèvements sociaux depuis septembre 2011.
Abattement de 20% : 2% par an à partir de la sixième et jusqu’à la dix-septième année.