La chute de cheveux diffuse et chronique chez une jeune femme

Transcription

La chute de cheveux diffuse et chronique chez une jeune femme
À vos soins
La chute de cheveux diffuse et
chronique chez une jeune femme
Mme A.T., 34 ans, vous consulte, car elle vient de remarquer l’apparition de poils sur ses joues. Elle sait qu’il s’agit d’un effet secondaire du
minoxidil topique, qu’elle utilise depuis un an pour traiter une chute de cheveux diffuse et chronique (female pattern hair loss, ou FPHL),
anciennement appelée « alopécie androgénétique féminine ». Au questionnaire, vous apprenez qu’elle a utilisé du minoxil 2 % deux fois
par jour pendant six mois, puis, à la suite d’une progression de la perte de cheveux, cette concentration a été augmentée à 5 % par son
dermatologue. La patiente était satisfaite de ce traitement jusqu’à l’apparition de cet effet secondaire. Elle vous demande quelles seraient
les autres options de traitement.
Discussion
La chute de cheveux diffuse et chronique est la
cause la plus fréquente d’alopécie chez la femme1.
Cette forme de calvitie peut survenir dès la
puberté, quoique la prévalence augmente avec
l’âge. En effet, la prévalence est d’environ 12 %
chez les femmes de 20 à 29 ans et de plus de 50 %
chez celles de plus de 80 ans1.
Ce type d’alopécie est une maladie chronique
qui s’installe graduellement et progresse de
façon variable selon les patientes1. La présentation diffère par rapport à l’homme. Typiquement, on remarque un éclaircissement diffus
des cheveux, surtout dans la portion centrale du
cuir chevelu, résultant en un épaississement de
la raie centrale. La ligne de cheveux au niveau
du front est généralement épargnée2,3. Elle est
causée par un dérèglement du cycle de vie du
cheveu4. En effet, plus de follicules pileux sont
dans la phase de chute et moins dans la phase de
croissance, par rapport à la normale. Au fur et à
mesure des cycles, la miniaturisation du follicule pileux s’installe1,2,4.
Le rôle des hormones androgènes dans ce
type d’alopécie est moins bien établi que chez
l’homme. En effet, la majorité des femmes présentent des niveaux sériques d’androgène normaux et pas d’autres signes d’excès d’androgène1-4. Ainsi, un dosage de la testostérone libre
n’est pas requis d’emblée, à moins qu’il y n’ait
présence d’autres signes d’hyperandrogénisme,
tels que l’hirsutisme, l’acné sévère ou les menstruations irrégulières2,3.
Deux approches de traitement sont possibles :
le minoxidil topique et les agents antiandrogènes, soit le finastéride, inhibiteur de la 5-alpharéductase, ainsi que les bloqueurs des
récepteurs à androgènes spironolactone
et cyprotérone (cette dernière étant combinée
à l’éthinyloestradiol dans le contraceptif
Diane 35MD).
Pour ce qui est du minoxidil topique, plusieurs mécanismes d’action sont proposés,
notamment une modification du cycle de vie
du cheveu ainsi qu’une action vasodilatatrice1,5. Le minoxidil peut être utilisé à une
concentration de 2 %, disponible commercialement, ou de 5 %, sous forme de préparation
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magistrale. Le minoxidil 5 % peut être utilisé
chez les femmes qui n’ont pas obtenu de résultats satisfaisants avec le minoxidil 2 % ou qui
souhaitent une approche plus énergique. Dans
une étude randomisée à double insu comparant l’efficacité des deux concentrations chez
des femmes présentant une chute de cheveux
diffuse et chronique, celles qui avaient pris du
minoxidil 5 % avaient obtenu une meilleure
satisfaction, bien que les investigateurs n’aient
pas observé de différence d’efficacité entre les
deux traitements3. Un délai de 6 à 12 mois est
nécessaire afin d’évaluer l’efficacité du traitement3. Les effets indésirables les plus fréquents
Texte rédigé par Sophie Grondin, B. Pharm.,
M.Sc., Pharmacie Félice Saulnier.
Texte original soumis le 20 septembre 2011.
Texte final remis le 29 septembre 2011.
Révision : Sonia Lacasse, B. Pharm.
SLa patiente semble anxieuse par rapport au traitement de sa chute de cheveux diffuse
et chronique.
O
de chute de cheveux diffuse et chronique, ou FPHL, établi par
un dermatologue il y a un an.
■Patiente de 34 ans préménopausée. Aucun signe d’hyperandrogénisme.
■Traitements utilisés : minoxidil topique 2 % deux fois par jour durant six mois.
Dose augmentée à 5 % deux fois par jour il y a six mois, à la suite de la progression
de la perte de cheveux. Stabilisation de cette perte remarquée par la patiente avec
cette concentration.
■Apparition récente d’hypertrichose sur les joues.
■Autre médicament : CyclenMD 1 co die.
■Pas de grossesse prévue à moyen et long termes.
A ■L’hypertrichose
P
■Diagnostic
est un effet secondaire relié à la dose du minoxidil topique,
qui disparaît quatre mois après la cessation du traitement.
■Le finastéride 1 mg die peut être utilisé comme traitement de deuxième ligne
chez les patientes qui ne répondent pas ou ne tolèrent pas le minoxidil topique.
■Contacter
le dermatologue afin de suggérer de remplacer le minoxidil topique
par le finastéride. Rédiger l’opinion pharmaceutique.
■Aviser la patiente du délai de quatre mois nécessaire à la disparition de
l’hypertrichose.
■Procéder à un test de grossesse avant de commencer le finastéride.
■Conseils sur le finastéride. Informer de son potentiel tératogène et insister sur
l’importance d’une contraception efficace.
■Discuter avec la patiente de la possibilité d’avoir recours à des aides cosmétiques.
■Suivi de la stabilisation de la perte de cheveux par la patiente et le dermatologue
dans 12 mois.
■Suivi des effets indésirables par le pharmacien dans un mois.
■Suivi de l’observance, incluant le contraceptif oral, à chaque renouvellement.
décembre 2011 – janvier 2012 vol. 58 n° 8 Québec Pharmacie
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À vos soins
« Le minoxidil peut être utilisé à une concentration de 2 %,
disponible commercialement, ou de 5 %, sous forme de préparation magistrale.
Le minoxidil 5 % peut être utilisé chez les femmes qui n'ont pas obtenu de résultats
satisfaisants avec le minoxidil 2 % et qui souhaitent une approche plus énergique. »
sont l’irritation du cuir chevelu ainsi que l’hypertrichose, survenant principalement au
niveau des joues et du front1. Cet effet secondaire apparaît chez environ 7 % des femmes et
serait relié à la dose2,3,5. Les poils disparaissent
généralement quatre mois après la cessation du
traitement1-3. Le minoxidil ne doit pas être utilisé lors de la grossesse ou durant l’allaitement3.
Quant au finastéride, il inhibe la 5-alpharéductase, qui catalyse la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone. L’efficacité de cet
agent dans ce type d’alopécie féminine a surtout
été démontrée dans des rapports de cas et de
petites études non contrôlées4. Les bénéfices ont
été démontrés chez des femmes pré et postménopausées, avec ou sans signes d’hyperandrogénisme, avec ou sans niveau d’androgène élevé
et avec ou sans médication concomitante4. Toutefois, dans des études contrôlées, le finastéride
n’a pas démontré de bénéfices par rapport au
placebo ou à l’absence de traitement4.
Ainsi, des auteurs suggèrent de réserver le
finastéride en tant que traitement de deuxième
ligne aux patientes qui ne répondent pas ou ne
tolèrent pas le minoxidil topique4. La dose suggérée est de 1 mg die4. Un essai de 12 mois est
nécessaire afin de bien évaluer la stabilisation de
la perte de cheveux. La repousse de cheveux
peut prendre deux ans ou plus4. Le traitement
est bien toléré, bien qu’une baisse de la libido et
une sensibilité des seins soient possibles4.
La cyprotérone et la spironolactone peuvent
également être utilisées en deuxième ligne de
traitement. À noter que peu de données sont
disponibles afin de comparer ces agents de
deuxième ligne entre eux4. Il semblerait que la
cyprotérone et la spironolactone soient plus efficaces chez les patientes présentant aussi de l’hyperandrogénisme1,4,5.
Les femmes en âge de procréer et qui reçoivent
un agent antiandrogène doivent utiliser une
contraception efficace compte tenu du risque
tératogène associé (féminisation du fœtus
mâle)2,4.
Enfin, notons que, puisque la dégradation de
l’image corporelle perçue par les femmes
atteintes peut être très prononcée, l’utilisation
d’aides cosmétiques (p. ex., accessoires et prothèses capillaires) s’avère d’une grande importance, en plus des traitements pharmacologi-
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ques. Certaines femmes peuvent aussi être
candidates à la transplantation capillaire1. La
détresse psychologique est souvent très importante et le médecin doit en être informé lorsque
présente1. ■
Acte pharmaceutique facturable
Substituer en raison d’un effet secondaire
(DIN : 00999598).
Opinion pharmaceutique
Bonjour Docteur,
À la suite de notre conversation concernant
Mme A.T., voici un résumé de notre entretien.
Madame A.T utilise du minoxidil topique 5 %
pour traiter une chute de cheveux diffuse et
chronique, après un échec du minoxidil 2 %.
Elle s’est présentée aujourd’hui avec de l’hypertrichose au niveau des joues, secondaire à l’utilisation du minoxidil. Nous avons donc convenu
de remplacer le minoxidil par du finastéride
1 mg die. Je l’ai avisée de l’importance d’une
contraception efficace. Je ferai le suivi des effets
indésirables et de l’observance du traitement, et
vous contacterai si nécessaire.
N’hésitez pas à me joindre pour de plus amples
informations.
En toute collaboration,
La pharmacienne
Références
1. Dinh QQ, Sinclair R. Female pattern hair loss: Current
treatment concepts. Clinical interventions in aging.
2007; 2(2): 189-99.
2. Olsen EA, Messenger AG, Shapiro J, et coll. Evaluation and treatment of male and female pattern hair
loss. J Am Acad Dermatol. 2005; 52: 301-11.
3. Shapiro J. Hair loss in women. N Engl J Med. 2007;
357: 1620-30.
4. Stout SM, Stumpf JL. Finasteride treatment of hair
loss in women. Ann Pharmacother. 2010; 44: 10907.
5. Rogers NE, Avram MR. Medical treatment for male
and female pattern hair loss. J Am Acad Dermatol.
2008; 59: 547-66.
Question de formation continue
1) Lequel des énoncés suivants
est vrai ?
A.La chute de cheveux diffuse et
chronique, ou FPHL, est caractérisée
par un excès d’androgène.
B.L’hypertrichose secondaire à du
minoxidil topique disparaît généralement quatre mois après la cessation
du traitement.
C.Le finastéride peut être utilisé
en première ligne de traitement
de la chute de cheveux diffuse
et chronique.
D.Le finastéride entraîne une repousse
des cheveux visible après un an chez
la majorité des patientes.
Répondez maintenant en ligne. Voir page 50. 
Erratum
Questions et réponses sur Cymbalta
La publicité « Questions-Réponses à propos de CymbaltaTM » publiée dans le numéro de septembre 2011 de Québec Pharmacie (pages 22 et 23) contenait une erreur. Dans le tableau intitulé
« Essais sur la douleur associée à la NDP », on aurait dû lire que le résultat relatif aux nausées
dans le groupe placebo est de 9 % et non de 39 %.
Québec Pharmacie vol. 58 n° 8 décembre 2011 – janvier 2012