Whitehouse, Merzbow, Maurizio Bianchi, The Haters

Transcription

Whitehouse, Merzbow, Maurizio Bianchi, The Haters
As Loud as Possible
As Loud as Possible
Concert de Hanatarash, Toritsu Kasei Loft, Tokyo, 1985 (Photos : Gin Satoh)
Concert de Hanatarash, Toritsu Kasei Loft, Tokyo, 1985 (Photos : Gin Satoh)
Whitehouse, Merzbow, Maurizio Bianchi, The Haters,
Hanatarash, The Gerogerigege, Massona, Prurient, John
Wiese… Un parcours parmi les grandes figures du harsh
noise, au sein de l’internationale du bruit sale de ses
origines à nos jours.
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AS LOUD
AS
POssible.
Whitehouse, Merzbow, Maurizio Bianchi, The Haters,
Hanatarash, The Gerogerigege, Massona, Prurient, John Wiese…
A tour among the major figures in harsh noise, within dirty
Noise International—from its inception to the present day.
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Fenêtre ouverte. Le bruit, c’est ce son fronde, indomptable, discordant, une puanteur dans l’oreille, comme l’a écrit
Ambrose Bierce dans son Devil’s Dictionary, ce que tout
oppose et tout interdit à la musique. Le bruit sévère, le bruit
dur, le harsh noise, c’est, pire encore, le chaos volontaire, la
crasse en liberté, même pas la musique de son-bruits rêvée
par Luigi Russolo dès 1913, même pas le bruit des machines
ou un miroir sale, mais plutôt le vide exagéré par la violence
électrique. Il n’est pas moderne, il n’est pas industriel, il est
pire. Russolo voyait l’art des bruits des machines comme le
possible dans le creux de l’oreille nouvelle : le harsh noise,
terminal, envisage juste détruire jusqu’à cette oreille-là. Le
harsh noise est un trou noir. Le harsh noise asservit ses
praticiens servants, ses militants. Le harsh noise est, dans
la musique, l’ennemi sensible, une extrémité horrible. Le
harsh noise n’est pas anxiogène, mais, pire encore, un assaut
volontaire, une menace littérale pour le corps, un marteau
piqueur, un livre sans narrateur ni personnages, un cylindre
de douleur, une aberration au monde à moudre du signe, ce
qui n’aurait jamais dû s’incarner, en quelque sorte. Le harsh
noise, c’est un bruit volontairement libéré, un labyrinthe de
feedbacks autogénéré, autodévorant en même temps, avec
juste une main pour sculpter, une intention pour guider,
à peine une idée pour le conceptualiser. Il n’est pas une
musique bruyante mais une musique-bruit taillée, pas un
genre, encore moins un mélange, car s’il est né d’amonts
lisibles dans l’histoire de la musique, dans l’histoire du XXe
siècle, il n’a dans sa pratique et sa nature d’autre horizon
que ses propres vertus terminales, il n’a d’autre filiation que
le petit paradoxe technologique qui lui permet d’exister. Il
convient à cet effet de ne pas se perdre dans les méandres
des mélodies sculptées, éventuellement mises à mal par le
bruit, l’électricité, les logiciels, de la musique produite, en
cherchant désespérément le harsh noise, puisqu’il n’est lié à la
technologie que dans ses mésusages, la violence qu’il inflige
aux machines en les dérivant avec elles-mêmes, en lacérant
membranes par le volume, en forçant les épousailles avec
les pires artefacts de junk technologique récupéré dans la
poubelle du voisin puis branché tel, ou un peu éventré, dans
la mixette épuisée ; il convient de comprendre que le harsh
noise est né au bout du siècle de l’information, en essayant
de faire sans elle, en s’incarnant en poussière exagérée des
musiques électriques, en cendre de mort de musique sacrifiée, annulation saturée.
Mais comment la musique a-t-elle osé muter en ça ?
Objectivement, si on regarde la tête du harsh noise, son
nom, il faut tout de même se pencher un peu en arrière, le
XXe siècle brouhaha, pour comprendre cette « birth-death
experience », si l’on m’autorise à citer le titre d’un disque de
Whitehouse, le premier de surcroît. Jacques Attali écrit dans
son Bruits de 1977 (hors-sujet, quand même, n’en déplaise
aux universitaires du noise qui adorent venir y piocher des
explications), que « la vie est bruyante, bruits du travail,
bruits des hommes, bruits des bêtes », mais ce qui est surtout arrivé en même temps que les machines et les véhicules,
c’est la musique qui a envahi la vie, qui est devenue ce bruit
de fond total sans filiation avec l’art, quand les supports de
stockage eux-mêmes (disques, bandes, ondes et fréquences
dématérialisées dans les airs, dans les mémoires virtuelles,
dans les réseaux) sont devenus sources supplémentaires.
Dans l’art, le parcours est un éclat dans toutes les directions
du monde, l’invasion progressive des glissandi et des tessitures dans l’orchestre, Henri Barzun et la simultanéité dans
la poésie pour « boucaner », Dada, ses bruits de tambour et
ses monceaux d’ordures, Russolo et ses machines de musique de guerre, Schwitters et « la pensée dans la bouche »,
Varèse et ses sirènes, Varèse et ses tambours, les radios
et les platines sur la scène de l’auditorium avec Milhaud,
avec Cowell, avec Cage, l’interlude de la musique de bruits
enregistrés (et, c’est hors-sujet, organisés) de Schaeffer, le
Le harsh noise, c’est le chaos volontaire, la crasse en
liberté, le vide exagéré par la violence électrique.
Le harsh noise est un trou noir...une extrémité horrible.
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Texte / Text : Olivier Lamm
Harsh noise is deliberate chaos, filth set free, the void
exaggerated by electric violence.
Harsh noise is a blak hole... a horrible extreme.
An open window. Noise is that rebellious, uncontrollable, discordant sound, “a stench in the ear,” as Ambrose
Bierce wrote in his Devil’s Dictionary, what everything
opposes to music and forbids music from being. Loud
noise, hard noise, “harsh noise” is worse still: it is deliberate chaos, filth set free, not even the noise-sound music
dreamt up by Luigi Russolo as early as 1913, not even the
noise of machines or a dirty mirror, but rather the void
exaggerated by electric violence. It isn’t modern, it isn’t
industrial, it’s worse. Russolo saw the art of the noises
made by machines as the potential in the hollow of the
new ear: terminal harsh noise envisages only destroying
that selfsame ear. Harsh noise is a black hole. Harsh noise
enslaves its serving practitioners, its militants. In music
harsh noise is the perceptible enemy, a horrible extreme.
Harsh noise does not generate anxiety, worse still it is a
deliberate assault, a literal threat to the body, a pneumatic drill, a book with no narrator or characters, a cylinder
of pain, an aberration in the world of sign-grinding, what
should never have been embodied, in a way. Harsh noise is
a deliberately released noise, a self-generated and likewise
self-devouring labyrinth of feedbacks, with just a hand to
sculpt it, an intention to guide it, barely an idea to conceptualise it. It is not noisy music but hewn noise-music, not
a genre, still less a mixture, because it is born of sources
detectable farther back in the history of music, in the history of the 20th century, in its practice and its nature it
has no horizon other than its own terminal virtue, it has
no filiation other than the little technological paradox that
allows it to exist. It is therefore appropriate not to get lost
in the meanders of sculpted melodies, possibly undermined
by noise, electricity, software, music produced searching
desperately for harsh noise, since it is linked to technology
only in its misuses, the violence it inflicts on machines by
using them to bypass themselves, by lacerating membranes
with volume, by forcing a union with the worst artefacts of
technological junk retrieved from the neighbour’s rubbish
bin and plugged in as it is, or eviscerated a little on the
exhausted mixing table; it is appropriate to understand that
harsh noise was born at the end of the information century,
trying to do without it, being embodied in the exaggerated
dust of electric music, in the ashes of sacrificed music, in
saturated cancellation.
But how did music dare to change into that?
Objectively, if we look at the first feature of harsh noise,
its name, we need to turn back a little, to the 20th-century
hubbub, to understand this “birth-death experience,” if I
may quote the title of a record by Whitehouse, their first
what’s more. Jacques Attali wrote in Noise, published in
1977 (irrelevant, even so, whatever university academics of
“noise” who love digging around in it for explanations may
think), that “life is noisy, work noises, human noises, animal noises,” but above all what happened at the same time
as machines and vehicles was the invasion of our lives by
music, which became that total background noise with no
relation to art, when the very means of storing it (records,
tapes, waves and frequencies dematerialised in the air, in
virtual memories, in networks) became supplementary sources of noise. In art, the path taken was an explosion to all
corners of the world, the gradual invasion of the orchestra
by glissandi and tessituras, Henri Barzun and simultaneity
in poetry for making a racket, Dada, its drum noises and its
mounds of rubbish, Russolo and his war music machines,
Schwitters and “thought made in the mouth,” Varèse and
his sirens, Varèse and his drums, radios and turntables on
the stage of the auditorium with Milhaud, with Cowell, with
Cage, the interlude of music consisting of noises recorded
(and organized, though this is irrelevant) by Schaeffer, the
pure sound-effects happiness of nascent electronic music,
Stockhausen who made white noise with hymns in praise
of war, Cage again, less important for his violation of music
electrophilia
Black Noise Practitioner
(Skul, 2004)
En 1997, Steven Parrino concevait ce qui
devait devenir sa nouvelle tendance musicale : un son électrique et brutal. Après
quelques obscurs concerts, Electrophilia
était né. En 2002, Jutta Koether, ellemême artiste noise et performeuse de
longue date, rejoignait le groupe. Avec
Koether et Parrino comme agitateurs
d’idées et de sons, Electrophilia s’est
imposé et a marqué de sa présence divers
shows new-yorkais. Ces concerts ont été
enregistrés, et quatre d’entre eux rassemblés sur un nouvel album : Black Noise
Practitioner. Le son d’ Electrophilia s’apparente à un mélange de la densité sonore
du Metal Machine Music de Lou Reed,
de la stridence libératrice d’Albert Ayler,
des intrusions radicales de Merzbow et
de la brutalité obscène des Stooges. Noise
psychédélique radical, Electrophilia mêle
la manipulation brutale des basses électriques aux textures glaçantes des synthés.
In 1997 Parrino conceptualized what was
to be his new musical focus, a sound
electric and brutal, and after a few small
obscure shows, Electrophilia was born. In
2002 Jutta Koether, long time noise & performance artist in her own right, joined the
band. With Koether and Parrrino mashing
ideas and sounds Electrophilia has expanded and made its presence felt in shows
around NYC. These shows have been documented, and four have been collected and
turned into this double LP release: Black
Noise Practitioner. The sound of Electrophilia evokes a mix of the sonic denseness
of Lou Reed’s Metal Machine Music, the
free screech of Albert Ayler, the extreme
attack of Merzbow and the raw dirt of the
Stooges. Electrophilia is extreme psychedelic noise; brutal electric bass manipulations
interwoven with freezing synth textures.
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hanatarash
The Hanatarashi
(Alchemy, 1984)
Hanatarash (traduire par « morve au nez » )
est formé en 1984 à Osaka par un dénommé
Eye Yamatsuka, futur leader des Boredoms, qui n’aime alors rien tant que de
tout saccager sur scène en hurlant et faire
du boucan par tous les moyens possibles,
comme un enfant-roi sans garde-fou. La
fureur incontrôlable qui s’empare de lui
s’apparente à une forme de rite sacrificiel
où les accessoires sont des matériaux de
construction industriels auxquels sont
apposés le logo du groupe. Si l’esthétique
renvoie à la transgression punk (le mot
cock est décliné dans chaque titre), le
contenu est une entité sonore hors normes
qui condense l’énergie destructrice la plus
pure qui soit, totalement étrangère à toute
forme musicale préexistante. Le bruit y
est indissociable du geste qui le produit,
résultant d’une action proche d’une crise
de démence. Tout n’est que folie et violence à l’état pur, larsens, cris et percussions saturées. Eye y vomit toute forme
d’académisme, de stratégie intellectuelle,
de politesse ou de bon goût.
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Hanatarash (which can be translated as
“snot”) was formed in Osaka in 1984 by
someone called Eye Yamatsuka, the future
leader of the Boredoms, who at that time
liked nothing better than to lay waste to
everything on the stage while howling
and making a racket by every possible
means, like an imperious child without a
safety rail. The uncontrollable frenzy that
gripped him was like a form of sacrificial
rite in which the accessories were industrial building materials with the group’s
logo affixed to them. While the aesthetics refer back to punk transgression (the
word “cock” crops up in every title), the
content is an exceptional sound entity that
condenses the purest destructive energy
in existence, totally alien to any pre-existing musical form. The noise cannot be dissociated from the gesture that produces
it, resulting from action that is close to an
attack of madness. Everything is just insanity and violence in its pure state, feedback,
screams and saturated percussions. Eye
abhors any form of academicism, intellectual strategy, good manners or good taste.
— Julien Bécourt
pur bonheur bruiteur de la musique électronique qui naît,
Stockhausen qui fait du bruit blanc avec des hymnes va-t-enguerre, Cage à nouveau, moins important pour son viol de la
musique par la vie que pour son championing de la pratique
amateur tous azimuts, de l’aléatoire total dans la pièce de
musique, des boîtes en plastique pour jouer, AMM, le Nihilist Spasm Band et les autres, Maciunas qui casse un piano,
Persepolis de Xenakis qui délivre, dès 1971, bruits métalliques écrasés et grincements saturés de poussière, du vrai
noise volontaire dans le fond de la bande, la poésie sonore
de Henri Chopin ou François Dufrêne qui mettent le micro
dans la gorge pour amplifier le corps-orchestre et achever de
démanteler, après le signe, la voyelle jusqu’au bruit pur. Et
puis, lisiblement, les noces de la musique et de la violence,
la mise au monde de l’aberration rock, Bo Diddley, la course
au boucan de la British Invasion (de mémoire, les plus durs,
c’était The Creation), puis l’escalade infinie, Blue Cheer, les
Sonics et le Velvet, Metal Machine Music ou le bruit de rien
dans la machine mainstream, les Rallizes Denudés, Pere Ubu,
l’industriel total de Throbbing Gristle, P16.D4, SPK, NON ou
Neubauten, Branca et ses enfants, les Swans, Discharge puis
Napalm Death, Slayer, le black metal, l’Everest de bruit sur
la page de JR de William Gaddis en 1975, et, enfin, en même
temps, juste avant, juste après, la pure boucle de mort, Whitehouse, Merzbow, Hanatarash, le harsh noise.
Ce truc dégueulasse. Au bout du tunnel de la saturation des sources, les découvreurs du harsh ont réussi à en
imiter les effets (meilleure instance a posteriori, Play Standards, chef d’œuvre de 1997 de l’orchestre de bruit du monde
Ground Zero, concentration absolue de sources mêlées, parasitées et parasites mêlés) en supprimant la source : ils ont
branché la machine-relais, la mélangeuse sur elle-même, et
ont réussi à ne garder de l’euphorie de violence du rock que
l’euphorie, que la violence. C’est Jojo Hiroshige, à la tête de
Hijokaidan et d’Alchemy Records, harsh noiser since 1979,
qui explique, « Nous adorions l’euphorie live de Deep Purple,
Black Sabbath ou Hendrix, ils arrivaient sur scène avec ces
immenses murs de feedback. Ce que Hijokaidan a fait, c’est
se débrouiller sans les mélodies, sans les solos de guitares,
pour aller directement au feedback, à la décharge orgasmique
de bruit qui s’échappe des enceintes explosées. » Le bruit
est ce signal impur et irrégulier, chaos flou de fréquences
simultanées, qui parasite un message codé en démantelant
le code. Il n’existe pas par lui-même, ainsi une musique de
bruit est un néant qui doit se parasiter lui-même pour se
faire entendre. S’il a aussi commencé en empilant et saturant les déchets (les premiers pas du Merzbow de Masami
Akita, en lien direct avec le Merzbau de Schwitters qui lui
a donné son nom, célébraient les monticules d’ordures du
monde moderne), s’il aime parfois s’apposer à la pop et s’exhiber en excès théorique de la musique occidentale impé-
rialiste comme altérateur, le harsh noise, s’est ainsi presque
immédiatement constitué en signaux purs sabotés, retournés, bouclés par et sur eux-mêmes. Akita a entendu la power
electronics de Whitehouse, amas purulent de fréquences
synthétisées, bruits accidentels en invasion et de scansions
dégueulasses, il a rencontré le pionnier Maurizio Bianchi, et
la matière harsh noise, ultradensité qui impose ses propres
enjeux, ses propres procédés d’écoute, est venue, presque
accidentellement, au monde.
L’idiot la tête dans la bouche du lion. D’abord calquée sur les raccourcis de la power electronics de Whitehouse, des Haters de GX Jupitter-Larsen ou Con-Dom, héritiers
des jeux subversifs de l’indus, Throbbing Gristle, Brighter
Death Now ou NON, cette extrémité empirique nouvelle s’est
vue promouvoir et avancer tous les motifs de la déviance
et des art de la limite, porno, guerre, viol, techno, merde
— ce n’est pas par hasard que l’écrivain Peter Sotos, editor
de la subversion totale du fanzine Pure, ait été membre de
Whitehouse, ce n’est pas par hasard que Tetsuya Endoh de
The Gerogerigegege (gero pour vomi, geri pour diarrhée)
se branle sur scène à toutes les occasions, ce n’est pas par
hasard que Mayuko Hino de C.C.C.C soit une ancienne star
du porno bondage —, mais la vérité, c’est que le raccourci
est moins logique qu’historique, les racines du noise nippon
étant plus à trouver dans le rock psychédélique, le garage
As Loud as Possible
by life than for his all-out championship of amateurism,
of the totally random in pieces of music, plastic boxes for
playing, AMM, the Nihilist Spasm Band and the others,
Maciunas who breaks a piano, Persepolis by Xenakis who
as early as 1971 delivered crushed metal noises and dusty
saturated grinding sounds, real deliberate noise in the
background of the tape, the sound poetry of Henri Chopin
or François Dufrêne who put the microphone in the throat
to amplify the body-orchestra and finish dismantling the
vowel, after the sign, to make it pure noise. And then, as we
can read, the marriage of music with violence, the begetting of the rock aberration, Bo Diddley, the rush towards
racket of the British Invasion (from memory, the harshest
were The Creation), then the endless escalation, Blue Cheer,
the Sonics and Velvet, Metal Machine Music or the nothing
noise in the mainstream machine, the Rallizes Denudés,
Pere Ubu, the total industrialism of Throbbing Gristle, P16.
D4, SPK, NON or Neubauten, Branca and its children, the
Swans, Discharge, then Napalm Death, Slayer, black metal,
the Everest of noise on the page of JR by William Gaddis in
1975, and finally, at the same time, just before, just after,
the pure death loop, Whitehouse, Merzbow, Hanatarash,
harsh noise.
This lousy thing. At the end of the tunnel of the saturation of sources, the discoverers of harsh noise have succee-
ded in imitating its effects (the best a posteriori instance,
Play Standards, the 1997 masterpiece of the Ground Zero
world orchestra of noise, a total concentration of mixed,
parasitized sources and mixed parasites) by doing away
with the source: they have plugged the feed machine, the
mixer into itself, and of the euphoria of violence of rock
have succeeded in retaining only the euphoria, only the violence. Hiroshige, leader of Hijokaidan and head of Alchemy
Records and a harsh noiser since 1979, explains: “We just
loved the live euphoria of bands like Deep Purple, Black
Sabbath and Hendrix. They would really let go on stage
with massive walls of feedback. What Hijokaidan did was
to dispense with tunes and guitar solos, and cut straight
to the feedback, the orgasmic release of noise from speakers broken in the process. ” Noise is that impure, irregular
signal, a blurred chaos of simultaneous frequencies, that
parasitizes a coded message by dismantling the code. It
doesn’t exist through itself, so noise music is a nothing that
has to parasitize itself to make itself heard. If it also started by piling up and saturating garbage (the first steps of
Masami Akita’s Merzbow, directly linked with Merzbau by
Schwitters which gave it its name, celebrated the rubbish
heaps of the modern world), if it sometimes likes to latch on
to pop and display itself in a theoretical excess of western
imperialist music as a debaser, harsh noise was thus almost
immediately constituted in pure botched, turned-back
signals looped by and on themselves. Akita heard Whitehouse’s power electronics, a purulent heap of synthesized
frequencies, invasive accidental noises and lousy scansions,
he met the pioneer Maurizio Bianchi, and harsh noise as an
entity, an ultra-density that sets its own agenda, imposes
its own listening procedures, came into the world, almost
by accident.
The idiot with his head in the lion’s mouth
Initially modelled on the power electronics shortcuts of
Whitehouse, The Haters, GX Jupitter-Larsen or Con-Dom,
the heirs of the subversive games of industrial music,
Throbbing Gristle, Brighter Death Now or NON, this novel
empirical extremism found itself being promoted and
advancing all the motifs of deviancy and the marginal arts,
pornography, war, rape, techno, shit—it’s no accident that
the writer Peter Sotos, editor of the total subversion of the
fanzine Pure, was a member of Whitehouse, it’s no accident
that Tetsuya Endoh of The Gerogerigegege (gero for vomit,
geri for diarrhoea) tosses off on stage at every opportunity,
it’s no accident that Mayuko Hino of C.C.C.C is a former
porno bondage star—, but the truth is that the shortcuts
are less logical than historical: the roots of Japanese noise
are to be found more in psychedelic rock, amateur garage
recording or in Zen, the depiction of harsh noise being
far more problematic than that of the harsh noiser. So the
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As Loud as Possible
Concert de Hanatarash, Shibuya Lamama, Tokyo, 1985 (Photos : Gin Satoh)
amateur ou dans le zen, la représentation du harsh noise
étant bien plus problématique que celle du harsh noiser.
L’école occidentale de la noise music, sadienne, bataillenne,
fouille donc d’abord le lubrique et met le corps, cette « usine
qui ignore le silence » comme dit Henri Chopin, au centre du
boucan, le met en scène, tout puissant ou docile, souffreteux
(William Bennett de Whitehouse, qui expose un torse chétif
en mimant les pleins pouvoirs), incarnant le bruit sans visage
en monstre tortionnaire en prenant le raccourci de ses effets
sur le corps qui écoute. Sans se voiler la face, le bruit est cet
assaut qui prend à partie et éprouve, et le noise occidental,
au moins dans sa frange post-indus, est une affaire de pouvoir, et la mise en scène, sur les pochettes dégueulasses des
cassettes, ou sur scène, en leather boys musculeux, d’une
ascendance sur le bruit tout puissant, ou, en corps ravagé
et figure misérable, d’une mise à mort par le bruit (voir les
rapports privilégiés que la scène harsh américaine, via le
Prurient de Dominick Fernow, entretient ces temps avec le
black metal dépressif ou le doom metal miséreux). Power
electronics, ça signifie un peu, pour crâner ou pour mourir,
la tête dans la bouche du lion. Plus près de nous, le harsh
noiser est aussi ce clown désespéré qui met en scène son
amateurisme, ce musicien volontairement dépassé par ses
outils et par la musique, qui hurle la subversion technologique et le sabotage du progrès au moins autant que celui de
son corps, et qui ne doit surtout pas avouer de surconscience
dans ses gestes maladroits et dérisoires. Qu’on se le dise, le
harsh noise est facile à faire, mais il demande, comme l’idiotie, une dévotion totale.
Grand Impassible. À l’inverse, le harsh noiser au Japon,
après les excès de mise en scène de Hanatarash (le premier groupe de Eye Yamatsuka, qui aimait bien détruire les
concert halls à la pelleteuse), les cris primaux de Yamazaki
« Maso » Takushi a.k.a. Masonna, ou les affinités d’Akita avec
le bondage, n’a rien à montrer, tout à faire entendre. Violent Onsen Geisha, Aube, Hijokaidan, les deux salarymen
d’Incapacitants, MSBR (R.I.P.) ou Solmania (R.I.P.) sont ces
travailleurs impassibles, serviteurs presque fascinés, comme
frappés de mutisme, cloîtrés et entièrement dévoués à la
cause esthétique du harsh pur, simple. Comme l’écrit Matthias
Huss pour le magazine Release, « J’ai aimé le noise japonais
avant même en avoir entendu. C’était le black des intellos, je
me suis dit, insupportable pour les gens ordinaires, et pourtant exigeant et mystérieux bien plus que nécessairement
evil […]. D’après les revues, il y avait ce gars intello appelé
Akita qui ne parlait pas beaucoup, mais qui montait sur scène
pour faire LA MUSIQUE LA PLUS EXTRÊME DU MONDE. »
C’est le mystère du Grand Impassible, qui permute le grand
déballage du corps transgressé et le geste invisible, doigt à
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western school of noise music, influenced by de Sade, by
Bataille, first rummages around in lewdness and puts the
body, that “factory that is ignorant of silence” as Henri
Chopin describes it, at the centre of the racket, puts it on
stage, all-powerful or docile and sickly (William Bennett
of Whitehouse, who exposes a puny torso while miming
omnipotence), embodying faceless noise as a torturing
monster by taking the shortcut of its effects on the listening body. Without covering its face, noise is that assault
that sets about us and tests us, and western noise, at least
in its post-industrial fringe, is a question of power, and the
presentation, on the lousy cassette sleeves or on stage as
muscular leather boys, of an ascendancy over all-powerful
noise, or the presentation, as a wasted body and a wretched face, of death by noise (see the special relationship
that exists right now between the U.S. harsh scene, through
Dominick Fernow’s Prurient, and depressive black metal or
down-and-out doom metal). Power electronics more or less
means putting your head in the lion’s mouth, in order to
show off or to die. Closer to us, a harsh noiser is also that
desperate clown who makes a feature of his amateurism,
that musician deliberately out-of-his-depth with his tools
and with music, who bellows technological subversion and
the sabotage of progress at least as much as the sabotage
of the body, and whatever happens must not confess to any
superconsciousness in his clumsy pathetic gestures. Let’s
say it, harsh noise is easy to make, but like idiocy it requires total dedication.
The Great Impassive. The harsh noiser in Japan on the
other hand, after the excesses of the staging of Hanatarash
(Eye Yamatsuka’s first group which delighted in destroying
concert halls with a mechanical shovel), the primal screams
of Yamazaki “Maso” Takushi a.k.a. Masonna, or Akita’s affinities with bondage, has nothing to show, and everything
to make heard. Violent Onsen Geisha, Aube, Hijokaidan,
the two salarymen of the Incapacitants, MSBR (R.I.P.) or
Solmania (R.I.P.) are impassive workers, almost fascinated,
mute, cloistered servants, completely dedicated to the aesthetic cause of harsh noise pure and simple. As Matthias
Huss writes for the magazine Release, “I liked Japanese
noise even before hearing it. It was the black of intellectuals, I told myself, unbearable for ordinary people, yet
demanding and mysterious far more than necessarily evil
[…]. According to the magazines, there was this highbrow
chap called Akita who didn’t talk much, but got up on stage
and made THE MOST EXTREME MUSIC IN THE WORLD.”
It is the mystery of the Great Impassive who swaps the
large-scale unpacking of the violated body for the invisible
gesture, a barely moving finger on the pedal control or, bet-
peine mouvant sur le potard de la pédale ou, mieux encore,
sur le pad du Powerbook — c’est la plus belle révolution du
noise numérique, mieux que les impassibles finlandais de
Pan Sonic et leurs machines magiques, le harsh noise Apple
(Pita, Russell Haswell) n’a plus besoin de se mettre en scène
du tout. On dira ainsi ce qu’on veut sur ce qu’a perdu la
musique de Merzbow en rentrant dans l’ordinateur, à tort
ou à raison : sur scène, Akita immobile avec un laptop qui
délivre le bruit total, qui ne peint rien, propose l’expérience
ultime d’un vertige insondable, sépulcral, abyssal, le regard
vide de Gilles de Rais.
The Ideology of Noise. Attali écrit que « la musique dans
l’espace des bruits est une canalisation de la violence », et
l’auditeur de harsh noise, le hard disk bourré de rips MP3
de 45 tours ou de cassettes de noise obscur du début des
années 1980 et de black metal latvien est en droit de se
demander : qu’est-ce que c’est, donc, un bruit exagéré dans
un espace de bruits ? C’est quoi, le bonheur du fan de harsh
noise ? Il y a la catharsis de l’hétérogène, de l’informe dionysiaque, l’immanence acoustique de l’immersion, la submersion dans la violence, et la pure jouissance de l’anxiogène,
la grande contradiction, maso, juvénile, qu’importe, la reconnaissance animale du bruit sur le corps, dans le corps. Et puis,
juste avant et juste après : la reconnaissance connaisseuse
du gourmet, qui sait pénétrer dans la boule de feu pour en
apprécier les matières, les monticules, les crevasses et les
contours, car la vérité, pour le noisehead, c’est que le harsh
est fabuleusement riche, généreux, varié. L’internationale
Noise se porte ainsi à merveille, pulsant à pleins poumons
en éditions-mystères, cassettes en or (si, si, cassettes), split
singles et 33 tours super épais, festivals-marathons, coffrets
sans échelle, fanzines actifs et forums super exclusifs, titillée
par les engouements hippie, métal sombre, spazz, idiot-rock
qui emplissent les souterrains arty de toute la planète. Aux
États-Unis, après les légendes Emil Beaulieu (à la tête du
label RRR), Bastard Noise, Kevin Drumm, les poster-boys
parfaits de Wolf Eyes ont quasi chacun une base de ralliement entre les mains (Dilloway fait Nelson Records, Olson
fait American Tapes, Connelly fait Gods of Tundra), et sont
autant de rouages au sein d’une scène tentaculaire, pleine
de noms magiques et autant de groupe one-shot, actifs ou
inactifs, tous emmêlés, Nautical Almanach, Sickness, Forcefield, Lockweld, Sissy Spacek, LHD (ces trois-là avec le héros
As Loud as Possible
Loud
as
Possible
Steven Parrino, sans titre, 1994, collaboration avec / collaboration with Alix Lambert, chewing gum sur photo / chewing gum on pho-
tograph, coll. de la famille Parrino / of the Parrino family, Gagosian Gallery, New York (photo : Didier Barroso)
Sur scène, Merzbow immobile avec un laptop qui
délivre le bruit total, propose l’expérience ultime d’un
vertige insondable, sépulcral, abyssal, le regard vide de
Gilles de Rais.
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As Loud as Possible
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On stage, Merzbow motionless with a laptop, serving up
total noise, painting nothing, offers the ultimate experience
of an unfathomable, sepulchral, abyssal vertigo, the empty
gaze of Gilles de Rais.
ter still, the pad of the Powerbook—it’s the finest development of digital noise, better than the impassive Finns of
Pan Sonic and their magic machines, and Apple harsh noise
(Pita, Russell Haswell) no longer need appear on stage at
all. So people can say what they like about what Merzbow’s
music being lost by going back into the computer, wrongly
or rightly: on stage, Akita, motionless with a laptop, serving
up total noise, painting nothing, offers the ultimate experience of an unfathomable, sepulchral, abyssal vertigo, the
empty gaze of Gilles de Rais.
The Ideology of Noise. Attali writes that “music in the
noise space is a channelling of violence,” and the hearer
of harsh noise, the hard disk stuffed with MP3 rips of EPs
or of cassettes of obscure noise from the early 1980s and
Latvian black metal, is entitled to wonder : So what is an
exaggerated noise in a noise space? What is the happiness
of the harsh noise fan? There is the catharsis of the heterogeneous, of Dionysiac shapelessness, the acoustic immanence of immersion, submersion in violence, and the pure
enjoyment of what engenders anxiety, the great contradiction, masochistic or juvenile, what does it matter, the
animal recognition of noise on the body, in the body. And
then, just before and just after: the connoisseur’s recognition of the gourmet who knows how to penetrate the ball
of fire to savour its materials, its hummocks, crevices and
contours, for the truth is that for the noisehead harsh noise
is fabulously rich, generous and varied. The Noise International is really thriving, pulsating with full lungs in mystery
editions, gold cassettes (yes, really, cassettes), split singles
and super thick LPs, marathon festivals, outsize record
boxes, active fanzines and super exclusive forums, titillated
by hippie, dark metal, spazz, idiot-rock infatuations which
fill arty underground rooms right round the planet. In the
United States, after legends like Emil Beaulieu (head of the
RRR label), Bastard Noise, Kevin Drumm, practically every
one of the perfect poster-boys of Wolf Eyes has a rallying
base under his control (Dilloway does Nelson Records,
Olson does American Tapes, Connelly does Gods of Tundra), and they are all just cogs within a tentacular scene,
full of magic names and lots of one-shot groups, active or
inactive, all intermingled, Nautical Almanach, Sickness,
Forcefield, Lockweld, Sissy Spacek, LHD (the last three with
the hero John Wiese, the founder of the Helicopter label),
John Wiese, fondateur du label Helicopter), Kites, Metalux,
Marcia Bassett (Zaimph, Hototogisu), Pedestrian Deposits,
Oubliette, Prurient et le label Hospital. En Europe, il y a le
grand Matthew Bower (Hototogisu, Skullflower), Andy Bolus,
le nordic noise de Sewer Election, Anus Presley, Number Sore,
Grunt, Jazkammer et Lasse Marhaug (et son label Jazzasin),
et on me glisse à l’oreille que la scène parisienne (Hélicoptère Sanglante, Tourette, Vomir ou Fred Nipi) a beaucoup
de bruit à dire, pour rien, pour tout. C’est que, si le harsh
ne saura jamais se vassaliser, dans sa forme pure, au monde
pop, il est capable d’imposer ses propres modes d’écoute, de
critique, de terreur et de bonheur (la discographie infinie et
infiniment variée de Merzbow, en horizon, semble contenir
tous les bruits du corps et tous les bruits du monde, toutes
les intentions, toutes les mal intentions), et si l’on ne pourra
jamais retirer au harsh noise sa suprématie, sa dangerosité,
son essence de stockage de mort, sa production immense et
ses publics pourraient bien l’incarner, aussi, en bout de course,
en activité constitutive, définitive, de l’animal humain.
-
Olivier Lamm est musicien de musique électronique et journaliste. Il a
publié trois albums entre electronica, chaos numérique et techno poppy, et
participe aux projets Section Amour et Labranisch. Il écrit régulièrement
pour le magazine Chronicart et achevé plusieurs travaux de recherche dans
le domaine du postmodernisme en littérature américaine.
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Kites, Metalux, Marcia Bassett (Zaimph, Hototogisu), Pedestrian Deposits, Oubliette, Prurient and the Hospital label.
In Europe, there is the great Matthew Bower (Hototogisu,
Skullflower), Andy Bolus, Sewer Election’s nordic noise,
Anus Presley, Number Sore, Grunt, Jazkammer and Lasse
Marhaug (and his Jazzasin label), and it is being murmured
in my ear that the Parisian scene (Hélicoptère Sanglante,
Tourette, Vomir or Fred Nipi) has a lot of noise to contribute, for good or for bad. If harsh noise in its pure form
could never became a vassal of the pop world, it is nonetheless capable of imposing its own methods of listening, criticizing, its own forms of terror and happiness (Merzbow’s
infinite and infinitely varied discography, looked at all
round, seems to contain all the noises of the body and all
the noises of the world, all intentions, all misintentions),
and while it will never be possible to take its supremacy,
its dangerousness and its essence of storing death away
from harsh noise, at the end of the day its huge output and
its audiences could well also embody it as a constitutive,
definitive activity of the human animal.
-
Olivier Lamm is a musician working in the electronic music sector, and
a journalist. He has published three albums lying somewhere between
electronica, digital chaos and poppy techno, and is taking part in the Section Amour and Labranisch projects. He writes regularly for the magazine
Chronicart and has completed several pieces of research in the field of
postmodernism in American literature.
whitehouse
incapacitants
merzbow
wolf eyes
Birthdead Experience
(Come Organisation, 1980)
As Loud as Possible
(Zabriskie Point, 1995)
Pulse Demon
(Release, 1995)
Human Animal
(Sub Pop, 2006)
Whitehouse, groupe fondé en 1980 par
William Bennet, fut le pionnier anglais du
power electronics : genre musical consistant en vagues de feedback, pulsations de
sub-basses ou d’ultrasons générés par des
synthétiseurs analogiques, paroles hurlées et distordues, généralement haineuses ou offensives, le tout complètement
atonal et sans aucun rythme ni mélodie.
La définition en fut donnée par Bennet
lui-même sur les notes de pochette de
l’album 33 tours Psychopathia Sexualis.
Birthdeath Experience contient tous ces
éléments, dont quelques lyrics d’une rare
violence (notamment ce qui ressemble
à une séquence de viol ou de séquence
sado-maso sur Mindphaser, Bennet psalmodiant « Feel the pain with pleasure ! »
sur une fréquence radio figée). Tel une
bande originale de snuff movie, Birthdeath
Experience se vit comme un trip malsain,
la plongée en un Enfer digne d’une Divine
Comédie contemporaine, où le Diable
serait seul à hurler au milieu de ses suppliciés. Révolutionnaire et totalement
déviant.
Pionniers du noise électronique, le duo
Incapacitants est fondé en 1981 par
Toshiji Mikawa, employé de banque de son
état, rejoint bientôt par Fumio Kosakai,
qui travaille pour une agence gouvernementale. Leur but affirmé est de produire
une masse de bruit pur dégagé de toute
intention musicale et de tout référent
humain, à l’aide d’une batterie d’effets
électroniques et de machines interconnectées. Leur noise est caractérisée par
son impénétrable densité et sa frénésie
épileptique ; c’est un vortex de fréquences
d’une brutalité sidérante où viennent se
fracasser des cris distordus noyés dans des
vagues de feedback. Entre le grondement
statique d’Apoptosis et l’écran de bruit
crissant et saturé de Necrosis pousse une
jungle sonore où les stridences électroniques obstruent l’ouïe comme des lianes.
Hautement convulsives, leurs rares performances repoussent les limites physiques
de l’expérience sonore.
Le « Merz » de Kurt Schwitters, art basé
sur la récupération de détritus, et particulièrement son Merzbau, ou « bâtiment
Merz », furent à l’origine du projet Merzbow, du tokyoïte Masami Akita, créé
en 1978. Il transposa cette rhétorique
à la musique en réintroduisant le bruit
(déchet sonore ou matière dérivée) dans
ses compositions. Pulse Demon est une
de ses œuvres les plus radicales, les plus
sombres, s’alignant tout du long sur une
pulsation, une ligne sourde de fréquences graves, presque rythmique, lardée de
saillies en ultra hautes fréquences grésillantes, sursaturées. Merzbow produit là
une noise progressive et psychédélique,
sur des titres pouvant durer plus de 24
minutes. Provoquant d’étranges hallucinations sonores (des voix dans la machine),
Pulse Demon est une expérience extrême,
qui met à l’épreuve nos limites aurales
et se joue des distinctions entre bruit et
musique, matière et forme, hasard et composition.
Depuis son apparition au début des années
2000 et plus de deux cent productions
K7 et CD-R à son actif, Wolf Eyes s’est
imposé comme l’un des piliers de la nouvelle scène noise américaine, chaînon
manquant entre le hardcore, le power
electronics et le free jazz. Avec le départ
d’Aaron Dilloway, remplacé par Mike
Connelly de Hair Police, ce disque marque
un aboutissement dans la discographie du
groupe. Avec ses fréquences lancinantes,
ses guitares distordues, ses borborygmes
abjects, ses chuintements de saxophone et
ses coups de massue électroniques, Human
Animal distille un climat surnaturel qui
s’installe sournoisement dans le cortex.
Aucune échappatoire dans ce magma
électro-statique pétri dans le feedback
et la distorsion, jugulé par la pulsation
sourde de circuits imprimés en bout de
course. Abrasive et viscérale, aussi glauque qu’un film d’horreur cracra des années
1970, la musique de Wolf Eyes exorcise la
part maudite de l’Amérique, un territoire
occulte hanté par des démons white trash.
Whitehouse, a group founded in 1980 by
William Bennet, was the English pioneer
of power electronics, a musical genre
consisting of waves of feedback, pulses
of sub-basses or ultrasounds generated
by analog synthesizers, words howled and
distorted, generally hateful or offensive,
the whole thing completely atonal, and
with no rhythm or melody. The definition was given by Bennet himself on the
sleeve notes of the LP album Psychopathia
Sexualis. Birthdeath Experience contains
all these elements, including some lyrics of
unusual violence (in particular what seems
like a rape sequence or a sadomasochism
sequence on Mindphaser, with Bennet
intoning “Feel the pain with pleasure!” on
a fixed radio frequency). Like an original
snuff movie tape, Birthdeath Experience is
experienced like a bad trip, a dive into an
Inferno worthy of a contemporary Divine
Comedy, where the Devil would be howling
alone amid those he tortures. Revolutionary
and completely deviant.
— Wilfried Paris
Pioneers of electronic noise, the Incapacitants duo was founded in 1981 by Toshiji
Mikawa, a bank clerk by profession, soon
joined by Fumio Kosakai, who worked for
a government office. Their stated aim was
to produce a mass of pure noise, freed of
any musical intention and any human reference, with the help of an electronic effects
drum kit and interconnected machines.
Their noise is characterized by its impenetrable density and its epileptic frenzy; it
is a vortex of frequencies of stunning brutality where distorted screams drowned in
waves of feedback crash into one another.
Between the static rumbling of Apoptosis
and the screen of squealing, saturated
noise in Necrosis a sound jungle emerges
where the electronic stridencies obstruct
hearing like creepers. Their rare performances are convulsive in the extreme, and
push back the physical boundaries of the
sound experience.
Kurt Schwitters’ “Merz” art based on the
retrieval of rubbish, and his Merzbau or
“Merz building” in particular, were the
starting point for the Merzbow project,
created by Tokyoite Masami Akita in 1978.
He transposed the same rhetoric to music
by reintroducing noise (sound waste or
diverted material) into his compositions.
Pulse Demon is one of his most radical and
darkest works, aligning itself throughout
on one beat, one muted line of low, almost
rhythmic frequencies, interlarded with
bursts of crackling, supersaturated ultra
high frequencies. Merzbow here produces
a progressive psychedelic noise, above
titles that can last more than 24 minutes.
Giving rise to strange sound hallucinations
(voices in the machine), Pulse Demon is an
extreme experience which tests our aural
limits and plays fast and loose with the distinctions between noise and music, matter
and form, chance and composition.
— J. B.
— W. P.
Since it first appeared in the early
2000s and with over 200 K7 and CD-R
releases to its credit, Wolf Eyes has
established itself as one of the pillars
of the new American noise scene, the
missing link between hardcore, power
electronics and free jazz. With the
departure of Aaron Dilloway, replaced
by Mike Connelly of Hair Police, this
disk marks a culmination in the group’s
discography. With its monotonous
frequencies, its distorted guitars, its
abject stomach rumbles, its saxophone
hisses and electronic bludgeon blows,
Human Animal distils a supernatural
climate that stealthily establishes
itself in the cortex. No way out of this
electrostatic magma moulded out of
feedback and distortion, stifled by the
muffled beat of printed circuits at full
stroke. Abrasive and visceral, as flaky
as a 1970s crap horror film, the music
of Wolf Eyes exorcizes the cursed
aspect of America, a hidden territory
haunted by white trash demons.
— J. B.
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