Le recouvrement de créances - Infos

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Le recouvrement de créances - Infos
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Le recouvrement de créances
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Note
Ce dossier s’adresse aux indépendants, dirigeants de petites et moyennes entreprises, ainsi
qu’à leurs conseillers.
Les termes abordés ont été volontairement vulgarisés et simplifiés, afin d’utiliser un langage
clair et pratique.
Les différents raisonnements exposés dans ce texte peuvent connaître des exceptions ou
devront être relativisés selon les situations.
Ce dossier est réservé à un usage exclusivement documentaire. En utilisant ce dossier, vous
renoncez à mettre en cause la responsabilité de l’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation ainsi
que du Centre pour Entreprises en difficulté - Wallonie, de ses auteurs ou de l’auteur du texte,
même en cas de faiblesse ou d’inexactitude, flagrante ou non, de son contenu.
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1/
Introduction.
De plus en plus d’entreprises commerciales sont, en raison notamment de l’environnement
économique général, confrontées à un problème récurrent : le non-paiement de leurs
factures.
En pratique nous pouvons constater que beaucoup de commerçants restent très négligents
par rapport à ce problème de « recouvrement de créances » !
Lorsque le montant facturé n’est pas très élevé, nombreux sont ceux qui laissent tomber,
pensant à tort que les frais à débourser pour tenter de récupérer la créance seront plus
importants que la créance elle-même.
Par contre dans les cas où la facture est relativement élevée et que le client ne paie pas, alors
seulement l’entreprise se pose la question de la procédure à suivre ou des protections qui
existent en la matière … malheureusement à ce stade, il est parfois déjà trop tard !
Il est impératif pour les entreprises commerciales de mettre en place des procédures de
recouvrement de créance avant l’apparition du problème, si elles veulent un jour récupérer
les sommes qui leur sont dues par les clients « mauvais payeurs ».
La notion de « recouvrement de créances » peut se diviser en plusieurs étapes :
-
préparation ;
facturation ;
récupération
La récupération proprement dite n’est finalement que la dernière étape du processus.
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2/
Première étape du processus : La préparation.
« Un bon chef d’entreprise est un chef d’entreprise qui prévoit et anticipe les difficultés ! »
Dans le cadre de son activité, le chef d’entreprise doit sans cesse anticiper les problèmes qu’il
pourrait rencontrer et prévoir, à l’avance, les solutions à apporter.
Il est donc impératif d’établir à l’avance les règles à appliquer pour affronter les « mauvais
payeurs ».
La procédure de recouvrement de créances peut aboutir à une procédure longue et coûteuse
(frais de justice, frais de défense, etc.).
Afin de réduire un maximum ces frais, il est indispensable de rédiger des conditions générales
de vente ou conditions générales dans le cadre de son activité.
a)
Rédiger des conditions générales de vente.
« Les conditions générales de vente sont les clauses préalablement établies par le vendeur
d'un produit ou d'un service et qui définissent les droits et obligations des parties au contrat ».
La loi ne prévoit pas pour un commerçant une obligation de rédiger des conditions générales
de vente. S’il n’y en a pas, ce sont les dispositions légales (Code civil, Lois particulières, …)
qui s’appliqueront supplétivement.
Il est plus que recommandé de rédiger des conditions générales de vente qui doivent indiquer
de manière claire et précise les sanctions applicables dans les cas où le client ne paye pas sa
facture à l’échéance.
Plusieurs types de clauses peuvent apparaître :

Une clause prévoyant « le délai de contestation des factures ».
Une fois qu’une facture est émise, elle peut être contestée. Afin d’éviter de rester dans
l’insécurité, il est important d’indiquer le délai que le client doit impérativement respecter s’il
souhaite contester la facture. Le commerçant pourra librement fixer ce délai, tout en restant
raisonnable. En effet, si le délai est trop court (par exemple 1 jour) il pourrait être considéré
comme abusif et un juge pourra constater la nullité de la clause. En pratique, un délai de
15 jours à dater de l’envoi de la facture sera considéré comme « raisonnable ».
Il est bien entendu impératif de fixer la sanction applicable en cas de dépassement du délai,
dans le cas contraire la clause perdrait toute son utilité. Il faudra par exemple indiquer que :
« les contestations introduites après ce délai ne seront plus acceptables, la facture étant
présumée acceptée par son destinataire sans renversement possible de cette présomption ».
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
Une clause prévoyant « l’application d’intérêts de retard ».
Les intérêts de retard permettent au « vendeur » d’obtenir des intérêts lorsqu’une facture n’est
pas payée à temps, c'est-à-dire à l’échéance.
Les intérêts moratoires (étant la somme d’argent destinée à réparer le préjudice subi par un
créancier découlant du retard de paiement de son débiteur) ne peuvent, en principe, être
calculés qu’à partir de la première mise en demeure de paiement. Cette règle n’est pas
impérative, ce qui signifie qu’il est possible d’y déroger en prévoyant clairement que : « les
intérêts de retard seront dus de plein droit, sans mise en demeure préalable ». Il faudra
également fixer le taux des intérêts de manière raisonnable (par exemple 10 % l’an).

La clause pénale.
Une clause pénale a nécessairement un caractère indemnitaire, son but est de réparer le
dommage subi par le créancier suite au non-paiement du débiteur.
En pratique, le montant demandé est de 10 % du montant de la facture. Force est de constater
que si le montant de la facture n’est pas très élevé, cette indemnité sera plus que dérisoire.
C’est la raison pour laquelle il est important de prévoir un montant minimum indemnitaire : par
exemple entre 50 et 75 euros (même si le montant principal de la facture est proche de ce
montant).

Principe de réciprocité
Prévoir « une clause pénale », c'est-à-dire la possibilité pour le vendeur d’obtenir une
indemnité forfaitaire de la part de l’acheteur si celui-ci manque à ses obligations, n’est permis
que si une indemnité semblable est prévue à charge du vendeur qui n’exécuterait pas ses
obligations. Il s’agit du principe de « réciprocité ». Ce principe s’applique aux relations entre
vendeur et consommateur.
Il faudra donc insérer une clause indiquant par exemple que : « La même indemnité sera due
par le vendeur à l’acheteur en cas de manquement à ses obligations contractuelles ». Cela a
pour conséquence que si le vendeur ne respecte pas ses délais de livraison par exemple,
l’acheteur pourra réclamer une indemnité.

La clause d’attribution de compétence en cas de conflit.
En cas de conflit, le Code judiciaire prévoit que le défendeur peut être assigné devant le juge
de son domicile.
Le demandeur a le choix entre le domicile du défendeur, le lieu de livraison effective de la
chose ou le lieu d'exécution de la prestation de service.
Cela peut avoir des conséquences importantes : imaginons que le défendeur soit domicilié à
Anvers, la procédure devra être introduite devant un tribunal anversois et les débats devront
se faire en néerlandais (les pièces du dossier qui seront en langue française devront faire
l’objet d’une traduction en néerlandais par un traducteur juré, ce qui a un coût relativement
important).
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A cet égard, il est tout à fait possible de prévoir une clause « d’attribution de compétence » en
stipulant que le tribunal compétent en cas de conflit sera toujours celui du lieu d’exécution de
la prestation caractéristique du contrat ou encore de préciser que « seules les juridictions du
siège social du créancier seront compétentes ». Dans cette hypothèse peu importe que le
défendeur soit domicilié en Flandre ou à l’étranger, si l’entreprise (le créancier) a son siège
social à Bruxelles, les juridictions bruxelloises seront compétentes.

La clause de réserve de propriété.
En cas de vente (de meuble ou d’immeuble), il s’avère parfois très utile de prévoir une clause
de réserve de propriété.
Cette clause permet au vendeur de reprendre possession du bien vendu si le client ne paie
pas. Il suffit pour cela d’indiquer clairement par écrit au plus tard lors de la livraison des biens
que « le bien vendu reste la propriété du vendeur jusqu’au paiement intégral du prix ».
b)
L’opposabilité des conditions générales de vente.
Pour une entreprise, posséder de bonnes conditions générales de vente est une chose, mais
encore faut-il les rendre opposables, c'est-à-dire applicables, aux cocontractants.
Il arrive fréquemment que les entreprises se bornent à faire apparaître leurs conditions
générales de vente au verso de leurs factures … C’est donc au moment de la facturation que
le client prend pleinement connaissance de celles-ci.
C’est souvent trop tard.
La loi sur la pratique de commerce prévoit que : « pour que les conditions générales de vente
soient applicables, elles doivent être rentrées dans le champ contractuel ». Cela signifie
qu’elles ne pourront être opposables au client que s’il a pu préalablement en prendre
connaissance et qu’il les a acceptées.
En pratique, il suffira de faire signer au client un document reprenant le texte complet des
conditions générales de vente, par exemple un bon de commande ou encore un devis sur
lequel apparaît la mention suivante : « le client reconnaît par le seul fait de sa signature, avoir
pris connaissance des conditions générales de vente reproduites au verso et les avoir
acceptées ».
Dans le cas où cette démarche n’a pu être réalisée, l’entreprise devra envoyer le plus
rapidement possible (le jour même ou le lendemain) un courrier confirmant au client de
manière précise sa commande et indiquant que les conditions générales de vente annexées
seront pleinement applicables. A défaut, elles ne seront pas applicables et l’entreprise ne
pourra les revendiquer (sauf à prouver l’existence d’un courant d’affaires entre les parties et
l’acceptation régulière de ces conditions générales entre les parties pour de nombreuses
opérations équivalentes).
En conclusion, nous pouvons affirmer que la phase de préparation est primordiale et
indispensable pour, en cas de conflit, avoir une chance de récupérer sa créance.
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Si, au sein de l’entreprise, personne ne possède de connaissance juridique suffisante, il est
vivement conseillé de confier cette tâche à un avocat.
3/
Deuxième étape du processus : La facturation.
La facturation est, bien entendu, une étape obligatoire.
Ce document doit mentionner :
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Le mot « facture »
Le numéro d’ordre de la facture
La date de la facture
La dénomination exacte de l’entreprise et sa raison sociale
Le siège de l’entreprise
Le numéro B.C.E. de l’entreprise
Le numéro d’identification à la TVA (qui est en fait un numéro unique)
L’identité complète du client
L’adresse du client
Le numéro d’identification à la TVA du client
La date de la livraison ou de la prestation
L’identification du produit ou du service
Le prix HTVA
Le taux et le montant de la TVA
Le prix TVAC
Le numéro de compte de l’entreprise et le nom de la banque
Idéalement, l’entreprise devra conserver une preuve que le client a bien reçu la facture
Un envoi par e-mail est souvent utile.
Enfin, la facture devra impérativement être rédigée dans la langue du siège de l’entreprise. A
défaut, la facture sera considérée comme nulle et cette nullité pourra être soulevée d’office
par le juge.
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Troisième étape : La récupération.
Quelles sont les étapes à suivre si le débiteur (le client) ne paie pas sa facture à l’échéance ?
L’entreprise devra procéder à un premier rappel dans un délai de 15 jours ou d’un mois après
l’échéance.
Il est possible que le client soit de bonne foi. Il a pu simplement oublier de payer. Dans ce cas,
inutile de procéder au premier envoi par lettre recommandée (ne fût-ce que pour ne pas perdre
le client). Un envoi, si possible, par fax pourra être conseillé afin de se ménager la preuve de
la réception du rappel par le client.
Si ce premier rappel reste lettre morte, une seconde mise en demeure devra être envoyée,
sans pour autant se montrer menaçant. La pratique nous apprend que les juges n’apprécient
que moyennement les techniques d’intimidation. Il est néanmoins important de rappeler à ce
stade que vos conditions générales de vente sont pleinement applicables, par conséquent la
somme due doit être majorée des intérêts de retard ainsi que de la clause pénale.
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Si ce second rappel n’engendre aucune réaction de la part du client, dans ce cas, une mise
en demeure officielle devra être introduite.
A cet égard, trois grandes possibilités s’offrent à vous : soit l’envoi par lettre recommandée
d’une mise en demeure de paiement par vos soins, soit faire intervenir un organisme de
recouvrement de créance, soit faire adresser votre mise en demeure par le biais d’un avocat.
-
Les sociétés de recouvrement de créances sont mandatées pour faire pression sur les
débiteurs (les clients). Il s’agit en fait d’intermédiaires entre les créanciers et les débiteurs,
s’occupant essentiellement du côté administratif du recouvrement (mise en demeure,
rappel téléphonique, etc.). Ce type de structure n’a pas de pouvoir spécifique. Elle se
borne à effectuer les démarches normales d’un créancier, mais avec l’expérience et les
moyens techniques adéquats. Elles peuvent s’occuper de la phase amiable du
recouvrement de créances. Elles peuvent aussi introduire une action judiciaire, si elles ont
racheté les créances litigieuses. Elles passeront par un avocat pour les représenter devant
les juridictions compétentes.
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Les avocats ont, quant à eux, un véritable pouvoir de représentation. Ils seront votre
mandataire et agiront en ce sens pour récupérer les créances litigieuses. Concrètement,
l’avocat commencera par mettre à son tour le débiteur (le client) en demeure de payer le
montant dû en principal, les intérêts ainsi que la clause pénale. En cas d’inaction du
débiteur, l’avocat introduira une procédure contre ce dernier dans les formes prévues par
la loi. Il vous appartiendra dans un premier temps de payer les frais de cette procédure
(citation, requête, frais de mise au rôle, …).
-
Par la suite, si vous gagnez votre procédure, l’adversaire devra vous rembourser ces frais,
augmentés d’une indemnité de procédure calculée selon la loi.
Si un jugement est prononcé et que votre client ne paye toujours pas sa dette, vous pourrez
vous adresser directement à un huissier de justice afin de faire procéder à l’exécution forcée
de la décision.
Sauf les exceptions prévues par la loi ou si le juge en décide autrement et qu’il a spécialement
motivé sa décision, les jugements sont exécutoires par provision.
Cela veut dire que vous pouvez faire exécuter le jugement par un huissier, même si
l’adversaire fait appel de la décision.
La prudence reste de rigueur, car si l’huissier procède à une saisie et que le client introduit un
recours en appel et qu’il gagne, vous serez redevable à son égard de dommages et intérêts.
Par contre, en cas d’opposition de l’adversaire (c’est le recours ouvert à la personne qui n’a
pas pu être présente à l’audience et donc n’a pas pu se défendre), l’exécution est suspendue,
sauf si le juge a spécialement accordé l’exécution provisoire.
Si votre client (débiteur) est insolvable, il est évident que même en possession d’un jugement,
vous ne récupérerez pas votre argent. Cependant, votre démarche ne restera pas inutile, car
elle vous permettra de récupérer la TVA et de faire passer votre facture (créance) en « créance
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irrécupérable ». Il existe donc un véritable intérêt fiscal dans cette démarche de recouvrement
de créances.
De plus, les établissements bancaires exigent souvent, en cas de demande de crédits, de
prouver que vous avez fait le nécessaire pour récupérer vos factures en souffrance.
En résumé, nous pouvons dire qu’en matière de recouvrement de créances, la préparation et
la facturation sont aussi deux étapes indispensables et primordiales afin de mettre toutes les
chances de son côté face à un client « mauvais payeur ».
Fiche mise à jour avec la collaboration de Maître Geoffroy GALOPPIN – Barreau de Mons
Version du 17/02/2016
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