Conseil de Sécurité Historique

Transcription

Conseil de Sécurité Historique
Conseil de Sécurité Historique
Guerre d’Algérie :
Au lendemain du bombardement de Sakiet Sidi Youssef du 8 février 1958
Berta Paredero Moreno, présidente
Catalina Pajares Gay, vice-présidente
Introduction
Entre 1944 et 1975, la décolonisation — processus par lequel les colonies des pays développés
obtiennent leur indépendance — représente un des phénomènes les plus remarquables de l’aprèsSeconde Guerre mondiale : en moins de 30 ans, les grandes puissances coloniales doivent
abandonner leurs colonies, et de nouveaux Etats sont alors créés.
Plus précisément, la France perd en 1956 le Maroc et la Tunisie. En 1958 (Guinée) et 1960, la
France finira par accepter de décoloniser un grand nombre de ses territoires d’Afrique noire.
Cependant, la France ne se résigne pas à la décolonisation de l’Algérie pour de nombreuses raisons
historiques et stratégiques : le début de la conquête de ce territoire remonte à 1830, et au début de la
guerre d’Algérie, en novembre1954, ce sont trois départements qui font parties intégrantes de la
France. Finalement, l´Algérie atteint son indépendance en 1962 grâce aux Accords d´Évian au
terme d´une longue et douloureuse guerre qui a eu de nombreuses conséquences collatérales. Un
des évènements majeurs de cette guerre est le bombardement le 8 février 1958 de Sakiet Sidi
Youssef en Tunisie, en particulier du fait de ses résonnances internationales.
Le contexte
Après son indépendance, La Tunisie est devenue une base
logistique et politique pour le FLN. Les chefs du FLN sont
installés là-bas et gèrent le passage d´armes vers l´Algérie et
la propagande diffusée. Entre novembre 1957 et février
1958, 15 000 armes sont fournies, dont 10 000 du 1er janvier
au 15 février 1958. La complicité du gouvernement tunisien
aurait ainsi permis l’armement de 34 000 rebelles.
1) La stratégie du barrage
Le général Salan ne cesse de donner la priorité à la frontière tunisienne. Le corps d’armée de
Constantine a reçu une « mission d’interception des convois d’armes »1, en même temps que
commence la construction du barrage le long de la frontière avec la Tunisie pour empêcher le
ravitaillement des combattant de l’Armée de Libération Nationale (ALN). C’était une « mission de
surveillance et d’anéantissement des bandes », toute « action généralisée » en Tunisie étant
interdite. Au début de 1958, Salan connaît la majorité des mouvements du FLN mais ne connaît pas
les itinéraires détaillés. Il demande donc de multiplier les efforts et d’organiser des embuscades.
2) Les incidents se multiplient
Le 22 octobre 1956, la France réalise son premier ‘acte terroriste’ de l´histoire. Un avion égyptien
qui transportait les dirigeants du FLN est détourné par les Français. Les dirigeants du FLN sont
interceptés et incarcérés en France. C’est avec eux que, cinq ans plus tard, le général de Gaulle
négociera l’indépendance de l’Algérie.
Au début d’octobre 1957, deux avions T6, en patrouille sur le Djebel Gouboul, en Tunisie,
découvrent «une caravane de douze mulets portant des caisses et convoyée par trois hommes qui
ont ouvert le feu ». Leur riposte tue « douze mulets et un convoyeur ». Comme ils volaient audessus du sol tunisien, on invoqua le mauvais temps et une erreur. Salan ne put que rappeler son
interdiction de pénétrer en territoire tunisien.
Le 11 janvier 1958, une compagnie du 23e RI, forte de 50 hommes, est attirée dans une embuscade.
Son chef, le capitaine Allard, est trompé par son informateur qui l’avait incité à monter une
embuscade sur un itinéraire utilisé pour pénétrer en Algérie. « Ses éclaireurs de pointe détectaient
deux rebelles en tenue militaire et en armes, qui paraissaient faire le guet. Le capitaine Allard
donnait l’ordre de les prendre en chasse et, en compagnie de cinq fantassins et de gendarmes, il se
lance à leur poursuite. Les "hors-la-loi" s’enfuient aussitôt vers le Djébel et entraînaient les
poursuivants sous le feu d’une embuscade tendue par l’adversaire au pied même du massif
montagneux ».
L’officier découvrit alors le piège : « La retraite était dès lors considérablement gênée par une
fusillade nourrie, qui se généralisait de part et d’autre de l’itinéraire emprunté, néanmoins cet
officier et ses hommes regagnaient intacts le restant de la section ». Les pertes françaises ont été
élevées alors qu’il ne s’agissait que d’une brève embuscade : 15 tués, 1 blessé et 4 disparus. Deux
jours plus tard, le gouvernement tunisien fit diffuser une dépêche déclinant toute responsabilité, le
combat « s’étant déroulé entièrement en territoire algérien ».
Le 30 janvier 1958, un avion français qui survolait l´Algérie est « pris à partie par des armes
automatiques du poste de Oued Zitoun, occupé par l’armée tunisienne ».
Cette accumulation d´évènements autorise Salan à contourner l´interdiction du ministre d´intervenir
en Tunisie.
1
Les citations qui suivent proviennent de rapport de l’état-major de l’armée française.
Le bombardement
La chronologie du bombardement est la suivante :
•
7 février 1958 : un avion T6 est la cible de tirs tunisiens. L´avion est indemne.
•
8 février, 9h10 : des avions qui allaient bombarder les Aurès sont détournés vers Sakiet. Ils
reçoivent des bombes plus lourdes, munies de fusées retard pour détruire les abris des armes
automatiques. Les enveloppes contenant le plan d’intervention préparé depuis longtemps sont
ouvertes.
« Ce jour là, c’est un jour de marché. Il est midi et la foule se presse autour des étals. Soudain, un
vacarme assourdissant, des explosions… Une vingtaine de bombardiers et de chasseurs français
viennent de passer à l’action. Le bourg abrite en effet un cantonnement des rebelles algériens de
l’ALN, l’Armée de libération nationale. Le bilan est lourd : plus de 70 tués, en majorité des civils,
et 130 blessés. » [Samy Ghorbal, 2007]
Ce bombardement doit être placé dans son contexte militaire. Après les nombreuses embuscades,
Salan décide de répliquer. Le 15 janvier, il convoque les généraux Loth et Vanuxem, qui
commandent l’Est constantinois, pour qu’ils préparent « des ripostes locales » à déclencher sur
ordre du général Ely, à Paris. Sakiet est choisi comme cible, pour des raisons stratégiques. Ce
village est à une centaine de mètres de la frontière. Il est devenu une base de transit et de départ de
convois vers les wilayas 2 et 3 (l’Algérie est alors découpé en six divisions administratives,
appelées wialaya). Il était aussi la base du 3e bataillon de la wilaya de Souk Ahras, spécialiste des
attaques entre la frontière et le barrage. Sakiet était devenu un village algérien, le délégué tunisien
en avait expulsé les habitants français. En plus, les défenses avaient été construites selon les plans
du FLN.
La crise
Bourguiba réagit tout de suite. Interrompant son week-end à Monastir, il revient « en trombe à
Tunis pour y présider un Conseil des ministres extraordinaire réuni d’urgence » [Valette, 2009].
Puis il intervient à la radio, « d’une voix tragiquement contenue » pour annoncer diverses mesures
dont la demande d’évacuation des troupes françaises, de restitution de Bizerte, doublées du rappel
de l’ambassadeur à Paris et d’une plainte à l’ONU. Il vise un double objectif : isoler la France des
autres pays occidentaux, dont les États-Unis, et réduire les oppositions intérieures possibles en
faisant arrêter les derniers militants yousséfistes et en expulsant les Français connus pour leurs
sentiments hostiles à son régime. Il laisse se développer, avec lenteur, une sorte de préparation
belliqueuse comme les barrages sur les routes et le blocus alimentaire des garnisons françaises.
Il autorise aussi une mise en scène à Sakiet. La propagande officielle explique que les projectiles
français n’ont touché que les Tunisiens, surtout des femmes et des enfants. Les journalistes
étrangers sont empêchés de visiter les galeries de la mine de Sakiet. On leur présente les corps des
tués comme de paisibles citoyens, alors que ce sont ceux de fellaghas algériens.
De plus, ce bombardement avait été effectué un jour de marché et un jour où des délégués de la
Croix-Rouge internationale étaient venus distribuer des vêtements à des adolescents, en principe
enfants de réfugiés algériens.
Les conséquences internationales
Cette affaire a un retentissement énorme, et même les États-Unis se prononcent. Le secrétaire
d’État, Dulles, cherche depuis des mois à s’imposer dans l’affaire algérienne où il voit une cause
d’affaiblissement sur le flanc méridional de l’OTAN. Le bombardement du 8 février donne à Dulles
le prétexte qu’il cherche. Dès qu’il en a connaissance, il reçoit l’ambassadeur Hervé Alphand. Pour
lui, cette affaire va causer « un désastre majeur », car la France, faute de contrôler la situation en
Algérie, pourrait être responsable d’un conflit général en Afrique du Nord. Il reproche pêle-mêle au
gouvernement français d’avoir employé des avions américains, de mener une pacification sans
résultats, de tenter d’appliquer une loi-cadre inefficace. Dans une conférence de presse, Dulles
prend le risque d’une crise avec la France. Il accuse le gouvernement d’avoir prémédité ce
bombardement. Il se proposa d’agir directement afin d’améliorer la situation, « car la France se
montrait incapable de régler le problème algérien ».
Ce bombardement détermine le retour du Général de Gaulle au gouvernement français. De plus, à
cause de ce bombardement, la France est de plus en plus isolée.
La mission Murphy et Beeley
Il est tout de même significatif que la Tunisie n’ait pas présenté une plainte aux Nations-Unies dans
les 3 jours qui ont suivi le bombardement. Les négociations dans les coulisses pour contenir le
conflit sont en marche, ce qui permet aux Etats-Unis et à la Grande Bretagne d’engager leur mission
de bons offices. [Chérif, 2015]
Les tractations sont longues et difficiles, car il s’agit de remettre en question la présence militaire
française sur le sol tunisien. Il faut souligner à la fois l’âpreté des négociations engagées et son
caractère secret. Un véritable marathon diplomatique est initié par les deux ministres Murphy et
Beeley afin de minimiser l’ampleur de la crise.
Pour se rendre compte de l’importance et de la délicate mission de bons offices, un télégramme
chiffré en date du 17 mars 1958, nous éclaire sur la démarche entreprise par les Etats-Unis et la
Grande Bretagne, pour sauver à la fois leur allié du bloc occidental, la France, et donner une
partielle satisfaction à la Tunisie sans pour autant toucher à la question algérienne.
Quelques pays
L´Égypte : un des pays clés dans la révolution algérienne, une base logistique pour les membres du
FLN et le premier pays à proposer son aide aux victimes.
L´URSS : soutient économiquement cette révolution algérienne et ne néglige pas cette opportunité
pour renforcer son influence dans le monde arabe.
Vocabulaire et personnages à connaître
FLN : Le Front de Libération Nationale est un mouvement politique qui revendique l'indépendance
de l'Algérie vis à vis de la France. Ce mouvement est né en 1954 et s'est illustré lors des émeutes de
novembre 1954 qui marquent le début de la guerre d’Algérie.
Général Salan : Raoul Salan, né le 10 juin 1899 à Roquecourbe (Tarn), mort le 3 juillet 1984 à
Paris, est un général français, et le militaire le plus décoré de France. Son état de service s’étend de
1917 à 1959 où il prend sa retraite. Il participe au Comité de salut public d'Alger en 1958 puis au
putsch des généraux en 1961. Il est également le chef de l'Organisation armée secrète (OAS) qui
lutte pour le maintien du statu quo de l'Algérie française.
Habib Bourguiba (1903-2000) : président de la République de Tunisie entre 1957 et 1987.
Conclusion
Ainsi, le Bombardement de Sakiet Sidi Youssef ne provoque pas seulement un problème entre les
pays concernés, mais un conflit à l’échelle mondiale. Le Conseil de sécurité historique se trouve
dans la meilleure des positions pour trouver une solution globale qui aurait dû être mise en place en
1958 pour intervenir dans le conflit de la manière la plus objective et juste possible.
Le délégué
En tant que délégués, vous devrez réfléchir et proposer des solutions sur le thème proposé tout en
défendant la position et le point de vue de votre délégation.
Sources
• Jacques Valette, « Le bombardement de Sakiet Sidi Youssef en 1958 et la complexité de la guerre
d'Algérie », Guerres mondiales et conflits contemporains 1/2009 (n° 233), p. 37-52
URL : www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2009-1-page-37.htm
Samy Ghorbal, « Le bombardement de Sakiet Sidi Youssef », Jeune Afrique, 5 février 2007
URL : http://www.jeuneafrique.com/130045/archives-thematique/le-bombardement-de-sakiet-sidi-youssef/
• Fayçal Chérif, « A la mémoire des martyrs de Sakiet Sidi Youssef: Les dessous d’une mission de "bons
offices" , in Réalités (hebdomadaire tunisien), février 2015
URL : http://www.realites.com.tn/2015/02/a-la-memoire-des-martyrs-de-sakiet-sidi-youssef-les-dessousdune-mission-de-bons-offices/
• http://www.babzman.com/cela-sest-passe-un-8-fevrier-1958-bombardement-de-sakiet-sidi-youcef/
•
• http://fresques.ina.fr/independances/fiche-media/Indepe00042/l-affaire-de-sakiet-sidi-youssef.html
(L’affaire de Sakiet Sidi Youssef vue par les actualités cinématographiques françaises le 19 février 1958)
• http://www.ina.fr/video/CPC86005655 (des extraits mis en images du Bloc-notes de l’écrivain François
Mauriac sur les événements de Sakiet)