Quand la religion chrétienne et la génétique se rencontrent:

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Quand la religion chrétienne et la génétique se rencontrent:
Quand la religion chrétienne
et la génétique se rencontrent:
un programme pratique pour groupes
ISBN: 978-0-9784498-9-6
Copyright © 2012 Le Conseil canadien des Églises
Tous droits reserves.
Le Conseil canadien des Églises
47 Queen’s Park Crescent East
Toronto, Ontario
M5S 2C3
Le Conseil canadien des Églises
Fondé en 1944, le Conseil canadien des Églises est le plus vaste organisme œcuménique
au Canada; il représente en effet 24 Églises, de traditions anglicane, évangélique, de
l’Église libre, orthodoxe de l’Est et orthodoxe orientale, protestante et catholique. Nous
sommes l’un des quelques organismes du monde à représenter un tel éventail d’Églises
chrétiennes. Les dirigeants et le personnel du Conseil proviennent de la diversité entière
des traditions représentées par les Églises qui en sont membres.
Ces Églises confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les
Écritures et s’efforcent de suivre ensemble une même vocation pour la gloire du seul
Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
Groupe consultatif sur la biotechnologie
Le Groupe consultatif sur la biotechnologie (GCB) fut constitué en 1999 par le Conseil
canadien des Églises comme centre destiné à recueillir et à échanger l’information sur la
biotechnologie. La Commission Foi et Témoignage et la Commission Justice et Paix sont
toutes deux représentées dans le Groupe consultatif sur la biotechnologie, dont elles
considèrent le travail comme le leur propre.
Objectifs du Groupe sur la biotechnologie
Recueillir l’information provenant des Églises, des organisations œcuméniques
sœurs, mettant à contribution les compétences existantes.
Partager généreusement l’information.
Réduire le double emploi du travail des Églises, des organisations sœurs et des
autres organisations connexes.
Encourager un groupe de discussion voué à la réflexion théologique et éthique.
Aider à l’éducation des Églises sur ces questions en leur indiquant, par exemple,
des sources de recherche ainsi que d’autres publications.
Rassembler les représentants des Églises qui travaillent sur les mêmes sujets.
i
Remerciements
Ce présent programme éducatif a d’abord retenu l’attention du Groupe consultatif sur la
biotechnologie (GCB) du Conseil canadien des Églises (CCE) en décembre 2007, lors de
la consultation dite Global Consultation on Genetics and New Biotechnologies and the
Ministry of the Church tenue à Johannesburg, en Afrique du Sud. La conférence
réunissait des représentants des Églises et des conseils ecclésiaux du monde entier,
venus discuter des pressantes questions éthiques, sociales et théologiques suscitées par
les nouvelles technologies génétiques. Le membre de la GCB Jim Rusthoven y a entamé
une discussion avec David Lesley, représentant du National Council of Churches in the
United States. Ce dernier présentait, en sa qualité de directeur des Oregon Ecumenical
Ministries (OEM), un programme éducatif sur les technologies génétiques récemment
testé dans de nombreuses confessions représentées auprès de l’OEM. Le programme
éducatif fut d’abord une idée de Marc Marenco et de Lisa Sardinia, respectivement
professeurs de philosophie et de biologie à la Pacific University, de Forest Grove,
Oregon. Tous deux voyaient le besoin de mieux enseigner aux membres du corps du
Christ les nouvelles technologies génétiques qui commencent à avoir des répercussions
sur un nombre croissant de vies. Il émerge actuellement des questions morales,
théologiques et sociales qui inquiètent aussi bien des chrétiens que des non chrétiens.
Le besoin d’un tel programme éducatif a d’abord été soulevé par des pasteurs locaux à
qui des paroissiens demandaient conseil au sujet des questions éthiques et
théologiques suscitées par les nouvelles biotechnologies. Avec le temps, Marc et Lisa
ont concentré leur travail sur l’élaboration du programme éducatif à l’usage des
paroissiens eux-mêmes.
Marc et Lisa ont pu obtenir des ressources de la Pacific University et des National
Institutes of Health pour concevoir une première version de ce programme éducatif. Ils
y sont parvenus grâce à l’aide de divers consultants externes tels qu’Allen Verhey,
Audrey Chapman, Ted Peters et Ronald Green. Ils ont recruté David et l’OEM pour
persuader leurs Églises de participer à un essai pilote du programme éducatif. On avait
déjà obtenu de la rétroaction lorsqu’on a présenté le programme éducatif à la réunion
de Johannesburg. David a eu l’amabilité de permettre à Jim de rapporter au Canada
une copie papier du programme éducatif, dont le GCB a discuté des avantages
éventuels dans le cadre œcuménique canadien. Après des discussions avec Marc
Marenco, dont une visite personnelle à une réunion du GCB, il fut clairement établi que,
dans la mesure où on ne prévoyait pas de profit commercial, le GCB pourrait se servir de
la version initiale du programme éducatif pour aller de l’avant avec ses propres révisions
et avec la phase d’essai pilote sans violer le droit d’auteur. Le GCB a convenu de
reconnaître pleinement le travail antérieur du groupe américain et de ses
ii
commanditaires dans la création de la version américaine originale dont pourrait
s’inspirer la version canadienne finale. Celle-ci comprend diverses mises à jour dans la
section science et des modifications dans toutes les sections qui actualisent le
programme éducatif et le rendent convenable pour la communauté canadienne des
croyants chrétiens.
Nous remercions sincèrement Marc et Lisa, consultants pour la version américaine, pour
leurs efforts d’avant-garde; Pacific University et les National Institutes of Health pour
leur contribution au programme éducatif dans sa forme originale. La version canadienne
a été rédigée par des membres du GCB, qui ont consacré bénévolement leur talent et
bien des heures de travail et de talent à la production d’une ressource éducative à
l’intention des Églises du Canada. Le document est tout prêt sur le site Web du CCE,
accompagné d’un guide permettant aux animateurs de l’organiser et de le mettre en
pratique dans toute communauté. Nous désirons également remercier le Reid Trust et la
Conférence des évêques catholiques du Canada pour leur généreuse contribution
financière au projet; sans eux, nous n’aurions pu disposer des ressources qui en ont
assuré le succès.
La préparation de la version canadienne actuelle est le fruit de nombreuses heures de
travail coopératif de membres du GCB, de consultants externes et d’animateurs
bénévoles, de membres du GCB et du personnel du CCE, ainsi que de l’apport des
autres contributeurs intéressés qui ont formé le groupe de rédaction et ont su rallier les
forces dans les moments critiques, dont Moira McQueen, Mary Marrocco, George Tattrie,
Isaac Kawuki Mukasa, Mark Boulos, Jaya Kirstmeyer, Anne Mitchell et Jim Rusthoven. Un
appui administratif expert et opportun a été assuré par Bambi Rutledge, de l’Institut
canadien catholique de bioéthique et par Mary Delph, adjointe administrative au Conseil
canadien des Églises. Durant la phase pilote du projet, des bénévoles ont animé des
groupes restreints faisant partie de groupes religieux de confessions particulières,
communiquant une précieuse relation de leur expérience dans cette phase de
développement. On relève, au nombre de ces animateurs et de leurs groupes
ecclésiaux participants, le membre du GCT Moira McQueen (Église catholique de NotreDame-de-Lourdes, Toronto), Gus Pappas (Église orthodoxe Saint-Silouan l’Athonite,
Toronto), Jason Taekema (Église réformée chrétienne Ancaster) et Jacob Plantinga
(Église chrétienne réformée de l’Alliance Ancaster, d'Ancaster), Jaya Kirstmeyer et Anne
Mitchell (de 8 à 12 membres de l’Assemblée mensuelle des Amis de Toronto (Quakers))
et John Wilton (Église anglicane Saint-Augustin de Canterbury, Toronto). Merci
également à Katarina Prosenjak, pasteure allemande interne auprès du CCE, qui a
apporté son aide durant la phase pilote, de même que ses précieux commentaires sur la
version post-pilote du programme éducatif.
iii
À la suite de la phase pilote, on a révisé le programme éducatif d’après le précieux
apport des animateurs et de leurs groupes ecclésiaux respectifs. On a aussi invité
d’autres personnes à offrir une critique objective et d’utiles suggestions d’améliorations.
Les consultants externes Gus Pappas, Minya Milanovic et Jason Taekema ont offert leur
avis à distance à divers stades du projet. Gus, Minya et Jason nous ont valu une critique
inestimable, ainsi que des suggestions d’améliorations à la section science. Nous
remercions particulièrement l’éditeur, Patrick Gallagher, qui a guidé le programme
éducatif de l’ébauche finale jusqu’au manuscrit définitif en supervisant la révision finale,
ajoutant des sections telles que la Lettre aux animateurs, assurant l’utilité éducative du
programme et contribuant de précieuses perspectives à l’ensemble. Mentionnons en
particulier le membre du GCB Stephen Allen, dont l’introduction peaufinée établit avec
sensibilité le contexte et le ton du programme éducatif. Nous voulons aussi remercier le
membre du personnel du CCE Peter Noteboom d’avoir contribué sans défaillir au
soutien des processus organisationnels en vertu desquels le projet a pu avancer, étape
par étape, et pour avoir tenu constamment le Conseil de direction du CCE au courant de
l’avancement du projet. Enfin, nous désirons remercier le traducteur Louis Rémillard
pour sa traduction en français du programme éducatif et Thomas Hentrich du CCE pour
sa correction des épreuves de la traduction française. Aucune de ces contributions
n’aurait été possible sans le soutien inébranlable du Conseil de direction du CCE, de son
président, le Rév. Bruce Adema, et de sa secrétaire générale, la Rév. Karen Hamilton.
Le GCB et le CCE voient dans ce programme éducatif l’œuvre de Dieu, accomplie par
l’entremise de ses serviteurs du corps du Christ, son Église. Dans cette initiative
œcuménique, les défis de la diversité historique, ecclésiastique et théologique ont été
relevés grâce à un effort pour incorporer les forces de chacune des confessions dans le
contenu du présent programme éducatif. Nous prions pour que les petits
rassemblements qui utiliseront le programme éducatif soient bénis par le pouvoir de
l’Esprit Saint, de sorte qu’ils trouveront la sagesse collective pour répondre aux défis
auxquels sont confrontées les Églises membres à titre individuel, les communautés, les
confessions et l’Église entière.
James Rusthoven, MD, PhD
Membre du Groupe de rédaction du programme éducatif
Ex-président, Groupe consultatif sur la biotechnologie, Conseil canadien des Églises
iv
Table des matières
Préface
1
Déclaration commune
7
Lettre aux animateurs
11
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
19
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
29
Troisième leçon : Technologies génétiques; recherche sur des sujets humains ou non
39
Quatrième leçon : Technologies génétiques et ingénierie des futures générations
49
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
61
Génétique 101
71
Génétique comportementale
85
Maladie héréditaire et test génétique
93
Transgénique
103
Développement embryonnaire et ingénierie génétique
109
Génétique des populations
115
Génétique et thérapie d’orientation
121
Glossaire
127
Annexes
139
Préface
Préface
Ce programme éducatif a été préparé par de dévoués collègues du Groupe consultatif
sur la biotechnologie (GCB) du Conseil canadien des Églises. Des membres du GCB
représentent leurs confessions respectives et apportent une variété de talents et de
dons en tant que scientifiques, professionnels des soins de santé, théologiens et
éthiciens.
Les diverses applications de la biotechnologie, dont les cultures et aliments, la
génétique, la biologie moléculaire, la biologie, la nanotechnologie et la biologie
synthétique, sont de dimensions globales. Le Canada est un acteur clé en
biotechnologie et une bonne part de la recherche et du développement au pays est
subventionnée. Le gouvernement fédéral, de même qu’un bon nombre de provinces,
offrent de généreux avantages fiscaux afin de favoriser le développement des
entreprises.
Le Canada – Un acteur clé en biotechnologie
Voici quelques exemples de développements récents au Canada.
Une équipe internationale de scientifiques du Canada, de la Chine, du Japon, du
Royaume-Uni et des États-Unis collabore depuis 2002 au projet HapMap. De la
recherche publiée en 2007 permet aux scientifiques de détecter de minimes
fractions de matériel génétique qui varient d’un individu à l’autre; ces variations
pourraient expliquer les différences dans la sensibilité aux maladies et la réponse
aux médicaments. Cette HapMap, comme l’explique le leader scientifique
canadien établi à l’Université McGill, est en réalité une carte permettant d’étudier
la génétique des maladies courantes. (www.genomecanada.ca). Cette recherche a
permis à des scientifiques d’identifier les gènes reliés au diabète de type 2 et au
cancer du côlon.
AquaBounty Technology, une société fondée par suite de recherche à la
Memorial University de Saint-Jean de Terre-Neuve, a modifié génétiquement un
saumon qui grossit deux fois plus vite que sa contrepartie sauvage. La société
sollicite l’approbation, par la U.S. Federal Drug Administration, de la mise en
marché de son saumon AquaAdvantage. Elle en est par ailleurs aux premiers
stades de sa demande d’approbation de la part de l’Agence canadienne
d’inspection des aliments (« A drug with gills? U.S. agency reshapes debate on
biotech fish » par Jessica Leeder, The Globe and Mail, 4 sept. 2010).
Préface
1
Cet animal appelé « EnviropigMD » (enviroporc) pourrait bientôt être le premier
animal à viande génétiquement modifié sur le marché. EnviropigMD est la marque
déposée d’un porc qu’on a génétiquement modifié pour excréter moins de
phosphore dans ses fèces. L’EnviropigMD a été conçu par des chercheurs de
l’University of Guelph, Ontario.
Seize universités canadiennes font partie d’un réseau d’au-delà de 100 hôpitaux
d’enseignement et instituts de recherche voués à la biotechnologie et à son application
à la santé humaine. Des facultés de nombreuses universités font de la recherche en
biotechnologie et en agriculture. Plus de 530 sociétés de biotechnologie canadiennes
font de la recherche et du développement dans un bon nombre de domaines, dont ceux
de la santé humaine, de l’agriculture, de la transformation des aliments et de
l’environnement. Cela représente le genre de sociétés le deuxième en importance au
monde quant au nombre; 58 % d’entre elles se spécialisent dans la santé humaine et
24 % dans l’agriculture et la transformation des aliments. (Industrie Canada Passerelle
des sciences de la vie – L’industrie canadienne de la biotechnologie); voir www.ic.gc.ca.
Voir aussi BioCanada www.biotech.gc.ca). C’est par les médias que la plupart d’entre
nous se renseignent sur les grandes avancées. Le recours à un vocabulaire et à des
concepts non familiers peut se révéler frustrant. Chose plus importante, le manque de
compréhension de la génétique peut nous rendre difficile de faire des choix favorables à
notre santé ou à celle d’un être cher au moment où ces technologies deviennent
disponibles.
Engagement du gouvernement fédéral à l’égard de la
biotechnologie
Le gouvernement fédéral lançait en 2007 Stratégie science et technologie – Réaliser le
potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada, établissant ainsi les
priorités du gouvernement; le programme a pour but « d’améliorer la qualité de vie des
Canadiens et de renforcer l’économie. » (Voir Industrie Canada, « Réaliser le potentiel
des sciences et de la technologie au profit du Canada) : Rapport d’étape 2009 »,
www.ic.gc.ca) Le gouvernement fédéral voit dans la biotechnologie une plateforme
importante dans l’économie du 21e siècle, ce qui est conforme aux vues des
gouvernements précédents. Le principal ministère du gouvernement responsable de la
biotechnologie est Industrie Canada. Il est le moyeu, les autres ministères les rayons.
Rôle du gouvernement fédéral dans la surveillance publique
C’est du Parlement que relève en bout de compte la surveillance; c’est à lui qu’incombe
la responsabilité de fixer le mandat et le cadre réglementaire assurant le respect des lois
2
Préface
et règlements qui régissent les biotechnologies, dont l’approbation des nouveaux
médicaments et autres produits. Des ministères gouvernementaux tels qu’Agriculture
Canada, Environnement Canada, Santé Canada et le ministère de la Justice ont des
responsabilités de surveillance particulières. La Chambre des communes et le Sénat ont
un certain nombre de Comités permanents susceptibles de discuter de biotechnologie.
Le Comité permanent sur la Santé de la Chambre des communes, par exemple, a
déposé, le 23 novembre 2010, un rapport contenant bon nombre de recommandations,
dont l’une incitait Santé Canada à concevoir un programme faisant en sorte que les
Canadiens disposent d’information appropriée au moment de prendre des décisions
éclairées quant à la sécurité et à l’efficacité du traitement par des cellules souches, plus
particulièrement par celles qui ne sont pas disponibles au Canada ou dans des pays
bénéficiant d’une stricte surveillance réglementaire. (Comité permanent sur la Santé
Neuvième rapport 23 novembre 2010. www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication).
Les Comités permanents offrent un important point d’accès aux organisations et aux
citoyens qui participent à des discussions sur la biotechnologie et la politique publique.
Le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB)
fut créé par le
Gouvernement libéral, en septembre 1999, pour conseiller le gouvernement du jour et
intéresser les Canadiens au développement et à la réglementation des biotechnologies,
pour le profit et la protection du public. Des sceptiques trouvaient que le CCCB
acceptait trop facilement la biotechnologie sans la remettre en question, mais au moins
il s’efforçait d’être consultatif. Le Gouvernement a dissous le CCCB en 2007, pour le
remplacer par un regroupement de scientifiques qui font rapport à Industrie Canada.
Qu’en pensent les Canadiens?
Le ministère de la Justice commandait, il y a plusieurs années, un sondage permettant
de s’informer des attentes des citoyens quant à la confidentialité en génétique. Une des
conclusions importantes fut que les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement
établissent des lois et des politiques
permettant de protéger la confidentialité
génétique
des
personnes.
(« Genetic
Information and Privacy », Valerie Howe,
agente de recherche principale, JustResearch
No.
10,
ministère
de
la
Justice,
www.justice.gc.ca)
Il y a carence de sondages récents sur les
attitudes des Canadiens face à la
biotechnologie.
Cela
n’implique
pas
Préface
3
nécessairement que les Canadiens ne se soucient pas de la biotechnologie ou qu’ils ne
pensent pas à celle-ci ni à son impact possible sur leur vie. Nous tendons à être plus
intéressés par la biotechnologie lorsqu’un problème capte notre attention – comme la
brebis Dolly ou l’annonce d’un remède à une maladie jugée incurable.
Il se s’offre malheureusement aux Canadiens peu d’occasions de participer à des
conversations publiques sur des technologies qui changent notre manière de vivre.
Certains instituts de recherche offrent au public des occasions d’assister à des
conférences et de se renseigner sur les questions par l’entremise de leurs sites Web.
Tout en étant louable, cette initiative ne répond pas de manière satisfaisante au besoin
d’en apprendre plus, afin que tous les citoyens puissent mieux saisir en quoi la
commercialisation des biotechnologies touchera leur vie. (Voir Ontario Genomics
Institute www. ontariogenomics.ca et Génome Canada www.genome.ca)
L’Église : Un lieu de discernement moral
L’Église est une communauté par excellence qui a pour mandat (comme l’enseignent les
Écritures) de réfléchir sur ces questions qui touchent nos vies. Il est impossible à ceux
d’entre nous qui sont chrétiens (tout comme à la société
en général), de se tenir au courant des nombreux
développements en biotechnologie, de sorte qu’on risque
d’accepter sans critique les nouveaux développements en
technologies génétiques. Il ne faudrait pas, en revanche,
voir avec scepticisme tout développement ou en rejeter un
nouveau sans mûre réflexion. Nous devons avoir à notre
disposition des outils permettant d’évaluer dans un esprit
critique les occasions et les risques de la biotechnologie.
Le présent programme éducatif se veut un tel outil capable de nous aider à apprendre à
nous colleter avec les technologies génétiques qui transforment nos vies. Vous
découvrirez dans ce programme des mots tels qu’ADN, gène, génome, nanotechnologie
et biologie synthétique, des mots que vous ne trouverez pas dans la Sainte Bible.
Vous trouverez cependant dans celui-ci des mots tels que compassion, création, Dieu,
espérance, humilité, Jésus, Esprit-Saint, amour, mystère, prudence, sacrifice, souffrance
et sagesse. Il ne saurait y avoir de meilleur fondement à la discussion et au
discernement des implications théologiques et éthiques de la biotechnologie et de ses
nombreuses applications au 21e siècle!
Stephen Allen
Église presbytérienne du Canada
4
Préface
Déclaration commune
Déclaration commune
Il faut nous pencher, en tant qu’Églises chrétiennes, sur les questions soulevées par la
médecine et la science, dont celles du domaine, relativement nouveau et en constante
évolution, de la génétique. Il incombe à l’Église la responsabilité, en vertu de l’appel de
Dieu, de soutenir la vie, s’opposant à tout ce qui lui est nuisible, et de protéger
l’ensemble de la création. Nous savons, par le Christ, que Dieu est incarné dans le
monde et qu’être humain, c’est avoir un corps et une âme, qui relèvent tous deux de
nos soins. Il découle de cette responsabilité que nous devons écouter la science et en
venir à la comprendre, particulièrement en ce qui touche les technologies génétiques. Il
nous faut aussi parler science, car ces technologies influent sur la vie même, et la vie de
tous. Nous vivons dans un monde brisé, où les sciences génétiques peuvent servir à
faire le mal ou le bien. Dans cette conversation entre foi et science suscitée par les
technologies
génétiques,
nous
reconnaissons nos limites et abordons
avec humilité notre quête visant à
comprendre les mystères de la
création. Notre connaissance et nos
limites nous rapprochent toutes deux
de Dieu, dont elles nous rappellent le
pouvoir de l’amour de Dieu.
Cette conversation, ce n’est pas à titre
indépendant, en tant que confessions
séparées, que nous l’avons abordée,
mais en travaillant ensemble à la
lumière de nos diverses traditions
chrétiennes. Ce qui nous unit est plus
grand que ce qui nous divise. Nous
pouvons accomplir et dire beaucoup
plus en travaillant ensemble, dans nos
efforts pour comprendre la relation
entre foi et science. Parler ensemble avec authenticité, c’est renforcer la voix de l’Église.
Cette voix commune, ce fruit de notre travail et de notre sagesse que nous partageons,
rappellent à la société élargie que les Églises collaborent et œuvrent ensemble pour le
bien commun. Nous parvenons en même temps à mieux nous comprendre, et c’est ce
qu’il faut faire.
Les technologies génétiques nous touchent tous. C’est grâce à une intense réflexion
commune que nous pourrons relever le défi de juger le bien ou le mal rendus possibles
Déclaration commune
7
par de telles technologies. Il est utile de prêter l’oreille à la sagesse de l’interprétation
de chacune des traditions chrétiennes. Il y a avantage à rassembler le Corps du Christ,
dont toutes les Églises font partie. En agissant ainsi, nous apportons une réponse à
notre quête de l’unité chrétienne, selon la prière de Jésus pour que tous soient un (Jean
17).
Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Pourtant, nous ne
répondons pas pleinement à l’intention originale de Dieu pour nous; nous nous du mal,
autant à nous-mêmes qu’au monde dont Dieu nous a confié le soin. Nous savons que la
quête de connaissances en science génétique et autres biotechnologies peut être
bénéfique pour nous-mêmes et pour la gloire de Dieu, dans la mesure où nous
permettons à la puissance de l’Esprit-Saint de nous aider à trouver les bonnes voies.
Nous savons aussi, par contre, que de pareilles connaissances peuvent s’utiliser à
mauvais escient pour abuser des faibles et des vulnérables et pour détruire la création
de Dieu. Il nous faut, en tant que Corps du Christ, écouter l’appel de Dieu à protéger sa
création et à soutenir l’égalité de la valeur de toute vie humaine. Nous savons que par la
mort, la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ, Dieu triomphe ultimement du
mal.
C’est dans cette foi et cette compréhension communes que nous présentons ce
programme éducatif sur la Foi et la génétique comme guide de réflexion sur les
questions théologiques et éthiques soulevées par les technologies génétiques.
8
Déclaration commune
Lettre aux animateurs
Lettre aux animateurs et animatrices
Chers animateurs :
Nous désirons vous remercier, au nom du Conseil canadien des Églises, d’avoir assumé
le rôle d’animateur ou d’animatrice de ce programme éducatif « Foi et génétique ».
Vous accomplissez une tâche importante et nous apprécions votre générosité.
Nous avons préparé ce document pour vous aider, mais libre à vous de le faire vôtre.
Chacun des groupes qui s’en serviront ayant ses propres intérêts et préoccupations, son
animateur ou animatrice devrait répondre aux besoins du sien et adapter le document
en conséquence.
Voici quelques renseignements qui, croyons-nous, vous seront utiles.
Organisation du document
Le programme se divise en cinq leçons:
1. Génétique, foi et dignité humaine
2. Technologies génétiques, information et identité personnelle
3. Technologies génétiques; recherche sur les sujets, humains ou non
4. Technologies génétiques et ingénierie des générations futures
5. Technologies génétiques et justice sociale
Chacune des leçons a la même structure, qui se veut simple.
Introduction
L’introduction de chaque leçon est une brève orientation destinée à ouvrir la voie à ce
qui suit. On y retrouvera parfois des renseignements généraux et des questions
susceptibles d’être prises en compte lors de la présentation des scénarios.
Questions méritant réflexion
À la suite de l’introduction, on présente une question destinée à proposer un point
d’intérêt à inspirer à la réflexion au début de la séance, de même qu’à mettre en relief
un principe fondateur susceptible d’aider à bien asseoir la discussion.
Lettre aux animateurs et animatrices
11
Récit
Chaque scénario comprend un récit qui offre un contexte humain permettant d’aborder
et d’étudier les questions éthiques et scientifiques sur lesquelles est axée la leçon.
Chaque récit permet au groupe d’examiner une facette différente de la leçon. Le lecteur
se voit habituellement assigner un rôle dans ces récits.
Questions pour discussion
Après le récit, on suggère un certain nombre de questions pour discussion, afin de
guider et d’orienter les réponses et les idées du groupe vers la question faisant l’objet
de leur réflexion.
Comme on ne s’attend pas à ce que vous-même ni personne d’autre ne possédiez une
formation scientifique ou soyez un scientifique chevronné, on trouvera, de la
documentation additionnelle qui pourra vous aider et aider les autres participants, soit
plusieurs articles traitant de génétique, de même qu’un glossaire de termes.
Information documentaire sur la génétique
On a préparé sept brèves sections d’information générale sur la génétique visant à aider
les participants à comprendre quelque peu de la science ayant trait aux questions
abordées dans la leçon.
Génétique 101 : Base moléculaire et implications de la variation génétique
Génétique comportementale
Maladie héréditaire et test génétique
Transgénique
Développement embryonnaire et ingénierie génétique
Génétique des populations
Génétique et thérapie d’orientation
Des références à l’information sur la science sont incluses à l’endroit d’une leçon
particulière où elles sont le plus pertinentes, mais les participants auraient avantage à
lire ces sections préalablement à la séance.
12
Lettre aux animateurs et animatrices
Glossaire
La documentation inclut un glossaire des termes scientifiques et génétiques rapide à
consulter.
Échéanciers
Pour la plupart des gens qui ont eu recours à cette ressource, une séance dure environ
deux heures, pause incluse. Cela peut paraître long, mais le temps passera vite. Une
séance soulève des questions importantes, difficiles et souvent compliquées. Quiconque
y participe y est intéressé, mais certains auront un intérêt prononcé pour un sujet
particulier ou auront des opinions bien ancrées sur ce qui est soulevé. Voici quelques
suggestions permettant à tous de faire le meilleur usage possible du temps.
Encouragez les gens à lire la documentation appropriée à chaque séance,
particulièrement le matériel scientifique, avant celle-ci. Si on est familier avec la
documentation et qu’on a préparé au préalable ses questions et ses discussions,
on trouvera très fructueux le temps passé ensemble.
Chacune des leçons regorge d’idées et de questions : bien plus, en fait, qu’on ne
peut traiter en une seule séance. Avant la première séance, essayez de trouver ce
qui intéresse particulièrement votre groupe et choisissez les récits et les
questions pour discussions permettant de scruter cette question. Sentez-vous
libre de les adapter et de les modifier de façon à répondre aux besoins de votre
groupe ou pour tenir compte de quelque nouvelle d’actualité. (Vous aimeriez, par
exemple, déterminer dès le début de chaque séance si on devrait en fixer la
durée, quitte à la prolonger au besoin, ou si on devrait prévoir une séance
supplémentaire pour poursuivre la discussion plus tard.)
Participants
Vous distinguerez, parmi ceux qui se présentent à la première séance, ceux qui sont
profondément intéressées personnellement par une question et ceux qui sont poussés
par une curiosité intellectuelle, ceux qui possèdent un certain degré d’expertise et ceux
qui ont peu de connaissances scientifiques, mais qui se rendent compte qu’il se passe
quelque chose d’important, ceux qui ont un solide fond théologique et ceux dont les
attaches religieuses sont plus fragiles. Bref, chacun des groupes sera unique en son
genre, parce que chacun l’est.
Lettre aux animateurs et animatrices
13
Il importe que vous fassiez sentir à chacun qu’il est personnellement bienvenu et que sa
contribution l’est tout autant. Voici quelques suggestions.
À la première séance, assurez-vous que chacun soit invité à se présenter et à dire
ce qu’il attend des leçons. Cela permet à chacun de sentir partie au processus dès
le départ et permet de s’assurer qu’on y tienne compte des intérêts ou des
préoccupations particuliers. Il pourrait être utile de porter son insigne d’identité
lors des premières séances.
Assurez-vous qu’il y ait une pause. En plus de donner à chacun une chance de se
détendre, cela crée l’occasion d’entamer de ces discussions inattendues ou
imprévues qui constituent souvent une partie importante d’une réunion. Il serait
fort agréable de prévoir quelque aliment ou rafraîchissement.
Vous contribueriez à enrichir grandement les discussions en incitant ceux qui
possèdent des connaissances préalables ou spécialisées sur un sujet ou une
question à partager leur savoir avec le groupe. Veillez cependant à ce que ceux
qui sont versés en génétique, en éthique ou en théologie ne dominent pas la
discussion.
Faites en sorte que chacun soit invité à parler. D’aucuns sont très à l’aise dans les
discussions de groupe, tandis que d’autres y peinent. Chacun devrait néanmoins
avoir l’occasion de poser une question ou d’exprimer son opinion.
Rôle des groupes confessionnels
Ces avancées scientifiques sont si dramatiques et leurs implications sociales, politiques,
personnelles et religieuses si profondes, que le Conseil canadien des Églises a cru
important que ses membres œuvrent ensemble à ce programme éducatif. Nous
espérons qu’en partageant nos connaissances, notre expérience et nos prières, nous
aiderons tous les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté.
Nous voulons que quiconque participe à ces séances sente que non seulement il a
bénéficié personnellement de l’expérience, mais qu’il a aussi grandi en tant que
membre de son groupe confessionnel. S’il sent qu’il a au moins commencé à répondre
à la question « Comment, en tant que communauté chrétienne, répondons-nous et
réagissons-nous à ces questions? », un des objectifs du programme éducatif aura été
atteint.
Vous trouverez, parmi les éléments importants de cette documentation, les
annexes préparées par les communautés chrétiennes individuelles à l’intention
de leurs membres. Elles reflètent les réponses particulières d’Églises individuelles
14
Lettre aux animateurs et animatrices
à quelques-unes de ces questions
difficiles et complexes et peuvent guider
les participants, qui sont fortement
encouragés à les lire et à les incorporer
dans leurs séances. Ils sont en outre
invités à entrer en contact avec l’office
national de leur communauté ecclésiale
ou avec un membre du Groupe
consultatif sur la biotechnologie de leur
confession qui a aidé à préparer cette
documentation.
Assurez-vous de compter sur le
partenariat avec votre équipe pastorale
au moment d’offrir ce programme
éducatif. Tenez ses membres au courant
et profitez de leur expérience et de leurs
forces pour vous aider dans votre rôle
d’animateur. Vous pouvez vous attendre,
par exemple, à ce que certaines de ces questions aient immédiatement et
directement touché des participants. Certains peuvent avoir déjà recouru à la FIV,
tandis que d’autres ont peut-être eu à prendre des décisions vitales reposant sur
la génétique. Soyez préparé à faire face à ces situations; s’il survient quelque
chose lors d’une séance, soyez prêt et consentant à parler privément à la
personne. Vous pouvez aussi solliciter l’aide d’un membre de l’équipe pastorale.
Succès
Il ne s’agit pas ici d’un programme scolaire où un test final mesure le niveau de
rendement. Le programme aura réussi si tous les participants, dont vous-même, sont
d’avis qu’ils en savent plus qu’au début; qu’ils ont partagé leur temps avec autrui de
manière respectueuse et secourable et qu’ils pourront par la suite participer plus
pleinement, à la fois comme citoyens et comme membres d’une communauté
chrétienne, à quelques-unes des grandes questions éthiques et religieuses du jour.
Merci encore de votre générosité. Nous espérons que vous trouverez enrichissante et
gratifiante votre expérience d’animation de ces séances.
Sincèrement,
Le Groupe consultatif sur la biotechnologie
Lettre aux animateurs et animatrices
15
Première leçon:
Génétique,
foi et dignité humaine
Introduction
L’objectif de notre première leçon est la foi : la foi et la science, la foi et les technologies
génétiques, la foi et la dignité humaine. La discussion n’est peut-être pas facile, mais
elle est sûrement importante.
Commençons par l’examen de ce commentaire du sociologue Alex Mauron :
« On affirme que notre génome est d’une importance sans égale. Le génome constitue
le cœur ontologique de notre être, le principal déterminant de nos caractère individuels
et de ceux de notre espèce, la cause nécessaire et suffisante qui nous fait ce que nous
sommes. Le génome est devenu, à toutes fins pratiques, l’équivalent séculier de l’âme. »
On affirme par là que notre matériel génétique est le principal déterminant de qui et de
quoi nous sommes.
Comment réagissons-nous à une telle affirmation?
Comment une telle assertion affecte-t-elle notre connaissance de nous-mêmes?
Sommes-nous prédéterminés à être ce que nous sommes à cause de notre
constitution génétique?
La science génétique ou la science générale dit-elle tout ce qu’il y a à dire sur la
définition de l’être humain?
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
19
Premier scénario
Question méritant réflexion
Comment les valeurs de notre foi touchent-elles notre pensée éthique et
notre prise de décision sur les procédures génétiques?
Pour vous, qu’est-ce que la foi? Signifie-t-elle que vous acceptez radicalement tout ce
qu’il y a dans votre vie, confiant que Dieu vous soutiendra et qu’il y sera présent à
vous? Ou qu’elle consiste en une confiance radicale que Dieu vous soutiendra et sera
présent à vous si vous faites en sorte de changer les circonstances de votre vie à la
lumière de ce que vous croyez être vrai à vos yeux et conforme à ce que Dieu veut pour
vous? Cette première question a pour but de vous aider à précises votre compréhension
de la foi et de la manière dont elle peut influencer votre pensée sur la science et la
technologie génétiques.
Récit : Une invitation à faire une politique ecclésiale
Karen est un membre actif de son Église depuis presque toujours. Versée dans la science
rattachée à la recherche génétique, elle a été choisie pour participer à un comité
d’examen et d’élaboration des politiques ecclésiales traitant de la génétique, de la
théologie et de l’Église. On lui a confié pour tâche de rédiger un essai montrant en quoi
les développements en recherche génétique soutiennent la foi de l’Église et sont
conformes à la volonté de Dieu.
Questions pour discussion
Si c’est à vous qu’on confiait cette tâche, que diriez-vous? La foi ferait-elle une
différence dans votre façon d’aborder les questions légales, éthiques, théologiques et
de politiques soulevées par la science génétique? La découverte scientifique représentet-elle une menace pour la foi chrétienne? Pourrait-elle constituer une menace pour
votre propre foi?
20
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
Deuxième scénario
Question méritant réflexion
La science de la génétique contribue-t-elle à notre croyance selon laquelle
nous sommes créés à l’image de Dieu, ou la contredit-elle?
Cette question provient d’un dialogue très ancien entre foi et science. Dans un certain
sens, les questions soulevées par le concept d’« héritage généalogique » sont les
mêmes que celles soulevées par Copernic lorsqu’il affirma que la terre tourne autour du
soleil ou par Darwin lorsqu’il affirma qu’en tant qu’espèce, nous avons évolué à partir
d’autres espèces. Qu’entendons-nous en disant qu’en tant qu’êtres humains, nous
portons les marques de Dieu? Dans notre familiarisation avec la biologie, la
neuroscience et la génétique, y a-t-il place pour concevoir que les humains ont la sorte
de liberté, de dignité et de stature soutenues par les communautés religieuses et
exprimées dans les déclarations de valeurs et de droits humains?
Récit : Le livre de la Genèse et les origines de l’humanité
Depuis des années, vous êtes membre actif de votre Église et participez pleinement à la
vie commune, à la vie de prière, de votre communauté. Depuis quelque temps, de par
vos connaissances croissantes de la science génétique, vous réfléchissez, à travers le
prisme de la génétique, sur les enseignements de votre Église sur les origines de
l’humanité. Dans le contexte de votre groupe confessionnel, vous voulez vous engager
avec honnêteté et efficacité, dans ce genre de réflexion. Vous êtes confronté à deux
grandes questions.
Quel est le lien entre notre affirmation selon laquelle nous sommes créés à
l’image et à la ressemblance de Dieu et les découvertes de la science génétique
associant certains marqueurs génétiques à nos traits comportementaux?
Comment pouvons-nous réconcilier notre foi en la liberté humaine et la liberté
de pensée avec les contraintes et les limites indiquées par nos profils
génétiques?
Questions pour discussion
1) La science génétique, telle que vous la concevez, menace-t-elle véritablement la
croyance selon laquelle nous sommes créés à l’image de Dieu? La foi et la science
décrivent-elles deux façons très différentes et incompatibles de comprendre nos
origines? La génétique ajoute-t-elle quelque chose aux autres débats sur la foi et
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
21
la raison, révélés dans la théologie
révélée et naturelle, la religion et la
science? (Vous gagneriez peut-être
à lire Behavioural Genetics: Genes
and their Environment, ce qui
permet de mieux comprendre le
lien entre la génétique et les
caractères comportementaux qu’on
peut acquérir de par l’expression
de ses gènes.)
2) Il se peut que certains allèles
produisent invariablement des
résultats
particuliers.
Si,
par
exemple, vous avez l’allèle de la
maladie de Huntington, on est
généralement d’avis que vous en
serez atteint. D’autres allèles sont
plus complexes. Ils ne créent pas
des
certitudes,
mais
des
probabilités. Les femmes qui ont
les allèles BRCA1 ou BRCA2 en
voient augmenter le risque de
cancer. La plupart des allèles associés à des traits comportementaux sont de ce
genre. Cela signifie-t-il que, quel que soit l’allèle pertinent quant au
comportement, si l’on résiste à la tendance comportementale, on peut préserver
son libre arbitre et sa dignité d’être humain? (Vous pourriez peut-être revoir le
reste de la section science intitulé Behavioural Genetics, plus particulièrement la
sous-section Genetic Vatiation and the Environment : Complex Interactions, où
l’on discute de troubles génétiquement reliés, dont la maladie de Huntingdon, la
fibrose kystique et l’anémie falciforme.)
3) Le fait que la plupart des conceptions n’aboutissent pas à des naissances vivantes
influence-t-il ce que vous pensez de la notion selon laquelle la vie est une
création de Dieu?
4) La connaissance fondamentale de la génétique rend-elle difficile de conserver
une foi traditionnelle?
22
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
Troisième scénario
Question méritant réflexion
À quelles questions d’éthique donne lieu le recours à la génétique
dans les technologies reproductives; quelles sont certaines des réponses
théologiques?
On retrouve souvent, dans la discussion sur le recours à la génétique dans les
technologies, l’expression « usurpation de la prérogative divine ». Celle-ci reflète
l’opinion selon laquelle nous ne sommes pas destinés à faire certaines choses, même si
nous les faisons. Des scientifiques, par exemple, ont récemment reconstruit la
constitution génétique d’un organisme
Relisez Génétique 101. Cette section
monocellulaire primitif, utilisant le minimum
contient un bref historique de la
requis de gènes pour permettre à la cellule
découverte des gènes et de leur
de se reproduire et de fonctionner. S’agit-il
colonne vertébrale moléculaire,
d’« usurpation de la prérogative divine », ou
l’acide désoxyribonucléique, ou
d’une manière acceptable de découvrir de
ADN. Il donne également de
nouveaux types d’organismes vivants
l’information structurale générale sur
susceptibles les gens ou l’environnement?
la location et la structure des gènes
La question nous amène à constater qu’il
dans chaque cellule du corps et
faut penser à la sorte de monde où nous
vous familiarise avec certains termes
voulons vivre et nous servir de nos
fondamentaux de la génétique
connaissances d’une façon modeste et
permettant de distinguer les gènes
intelligente pour le rendre meilleur. Tout
eux-mêmes et les caractères
enrichissement de nos connaissances,
associés à leur fonctionnement dans
combiné à l’amélioration de nos aptitudes à
l’organisme. Cette section vous
nous servir de ces connaissances, entraîne
familiarisera aussi avec l’impact de
l’augmentation de notre responsabilité
la variation génétique sur le
fonctionnement de l’organisme, à
morale.
l’aide de l’exemple de la
détermination génétique de divers
groupes sanguins. Ce procédé est
particulièrement important quand
on a besoin d’une transfusion
sanguine. Enfin, vous trouverez dans
le glossaire des termes importants.
Récit : Maladie
génétique
et
counseling
Dix ans dans plus tard que maintenant,
Jacques et Jeanne sont assis à une table
avec un conseiller en génétique. Est assise à
côté d’eux dans une poussette leur fille
Sara. Elle a été conçue par l’entremise d’une méthode déjà considérée comme normale,
par rapports sexuels. Sara était née sourde. Ses parents sont assez à l’aise, de sorte qu’ils
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
23
auraient pu passer des tests afin de détecter leur
statut de porteurs de gènes; ils auraient aussi pu
recourir à un test prénatal pour voir si Sara avait une
anomalie génétique. Ils appartiennent à un groupe
confessionnel et croient sincèrement que bricoler
ainsi avec la reproduction constitue un affront à Dieu.
Ils aiment Sara et ne peuvent imaginer ce que serait la
vie sans elle, mais se sentent terriblement coupables
de ses souffrances, qu’ils auraient pu lui épargner s’ils
n’avaient pas joué à une sorte de roulette russe en la
concevant par rapports sexuels. Ils veulent un autre
enfant, mais ne veulent pas d’un enfant affligé d’une
maladie génétique évitable. Ils ne sont pas sûrs
d’avoir pris la bonne décision en demandant cette
rencontre et évitent de se regarder en attendant leur
interview.
Sympathique et connaisseur, le conseiller en génétique dit à Jacques et Jeanne qu’ils
ont ici à leur disposition trois de douze embryons libres de toute grande maladie
génétique. Ils ont établi les profils génétiques des trois que Jacques et Jeanne peuvent
choisir parmi eux. L’embryon no 1 est mâle. Tout en étant normal sous la plupart des
aspects, l’embryon a cependant un des allèles actuellement associés à un
comportement de dépendance. L’embryon no 2 est femelle. Elle a un allèle qui produira
une déficience en hormone de croissance (HDC) et sera probablement normale sous
tous les autres aspects, mais elle ne dépassera peut-être jamais 4 pieds 9 pouces.
L’embryon no 3 est également femelle. Son profil indique aussi une prédisposition à un
comportement de dépendance.
Vous aimerez peut-être
consulter Développement
embryonnaire et ingénierie
génétique. Cette section vous
apporte les fondements de la
compréhension de ce qu’est un
embryon, la manière dont on
l’utilise dans la recherche sur les
cellules souches et de la façon
dont on pourrait l’utiliser dans le
clonage d’animaux et,
possiblement, d’êtres humains.
24
Le conseiller informe Jacques et Jeanne qu’ils
peuvent modifier génétiquement l’embryon
avec le défaut en HDC. Ceux-ci ne prévoyaient
pas ces genres de choix et deviennent de plus
en plus mal à l’aise à mesure que le conseiller
leur parle. Finalement, au moment où il leur
parle de modifications génétiques en vue de
créer un enfant de taille dite normale, Jeanne
fond en larmes et sort précipitamment de la
pièce, suivie de Jacques.
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
Questions pour discussion
1) De l’avis de Jacques et Jeanne, manipuler le processus reproductif de la manière
que suggère le conseiller en génétique équivaut à usurper de la prérogative
divine. Ils croient que choisir des embryons plus désirables ou modifier des
embryons existants revient à contrecarrer l’acte de création, et que c’est à la fois
dangereux et moralement mauvais. Qu’en pensez-vous?
2) Jacques et Jeanne s’aiment et ils veulent que leur amour produise un enfant. Les
rapports sexuels, avec tous les désirs, les espoirs, les craintes et le mystère qui
accompagnent l’acte, les touchent profondément. Que signifie être une personne
de foi, dans le contexte de la reproduction humaine?
3) D’aucuns diraient que ce scénario représente un affront à Sara et à toutes les
personnes affligées de maladies et de troubles génétiques. Ce qu’on veut dire à
Sara, est-ce « si nous avions agi ainsi, nous ne t’aurions pas eue »? Ce qu’on veut
dire aux personnes atteintes d’incapacité, est-ce « Si nous le pouvions, nous
vivrions dans un monde libre de ce que vous êtes »? Qu’en pensez-vous? La
manipulation prénatale et pré-implantation est-elle différente d’autres sortes
d’activités altérant le nature (par exemple, la recherche de traitement médical
pour le cancer ou pour la maladie cardiovasculaire)?
4) Qu’est-ce que l’adoption d’embryon? À quelle fin la fait-on? Est-ce qu’elle
représente une réponse appropriée aux problèmes éthiques soulevés par la
fécondation in vitro (FIV)?
Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine
25
Deuxième leçon:
Technologies
génétiques, information
et identité personnelle
Introduction
La synopsis du film « Gattaca » est une histoire familière. Un garçon aime une fille. La
fille aime le garçon. Garçon et fille accomplissent le rituel du rendez-vous. Ils se
renseignent l’un sur l’autre. Ils parlent de leurs rêves.
L’histoire prend un tournant inattendu lorsque la fille dit au garçon qu’elle a fait faire le
séquençage et le profilage génétiques de ce dernier. La fille s’excuse. La fille avoue alors
au garçon qu’elle a un problème cardiovasculaire. Le garçon ne semble pas ému par
l’aveu de la fille. La fille s’arrache un cheveu, qu’elle
tend au garçon en disant : « Si tu ne me crois pas,
prends ceci. Si tu es encore intéressé, fais-le-moi
savoir. Le garçon prend le cheveu, le regarde un
instant, regarde la fille, laisse tomber le cheveu et
dit : « Je regrette, mais le vent l’a emporté ».
On est actuellement à même de dépister au-delà
d’un millier de maladies, de troubles et de traits
génétiques. Il se crée de nouveaux essais presque
tous les jours. On travaille à des techniques
permettant de faire plusieurs tests à la fois et à
bon marché. Nous allons discuter, dans cette
leçon, de quelques-uns des nombreux casse-tête
qui surviennent par suite de notre aptitude
toujours grandissante à créer des profils
génétiques globaux d’individus. Le cas tristement
célèbre d’O. J. Simpson a projeté devant l’œil du
public le concept de la preuve par ADN. Elle fait
maintenant partie courante de la science médicolégale. Mais ce n’est là que la pointe de
l’iceberg.
Selon le critique en technologie Neil Postman, chaque technologie est porteuse d’au
moins une grande idée. Quelle est alors la grande idée intégrée dans la technologie
génétique? Que tout ce qui a une valeur pour nous peut être découvert dans la
structure et la fonction de nos gènes? Il se peut que nous n’aimions pas notre profil
génétique, mais selon cette grande idée, il est immuable. En quoi notre aptitude à
séquencer et à analyser influe-t-elle sur notre autocompréhension et sur notre façon
d’interagir entre nous? Cela va-t-il changer nos institutions sociales, notre façon de
juger de l’aptitude des gens à devenir des maris, des épouses, des pères, des mères, des
fils, des filles, des employés?
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
29
Premier scénario
Question méritant réflexion
En quoi l’approfondissement de la connaissance des gènes
et de leur signification va-t-il influencer nos vies?
Bien que le premier récit soit axé sur le rendez-vous, il est facile d’extrapoler, à partir de
ceci jusqu’aux autres institutions et rituels sociaux? En quoi la possibilité croissante du
profilage génétique va-t-elle changer notre vie de tous les jours?
Récit : Le nouveau rituel du rendez-vous
Revoyez Genetics 101 pour
rafraîchir votre mémoire sur
la relation entre les gènes et
les traits génétiques. Les
tests aideront aussi à bien
comprendre les fondements
des essais permettant
d’identifier les divers gènes
associés à certains traits.
Ginny et Kevin, qui s’échangent des rendez-vous
depuis quelque temps, sont maintenant prêts à porter
leur relation à un autre niveau. Kevin fait sa demande à
Ginny, elle accepte. Ils se rendent compte qu’ils sont
désormais voués à une nouvelle destinée et qu’il va
leur falloir planifier ensemble leur avenir. Avant
d’annoncer leurs intentions à leurs familles et à leurs
amis, ils conviennent qu’il va falloir passer des examens
médicaux pour s’assurer de leur compatibilité et de
leur attente d’une saine vie à deux. Ils conviennent qu’en plus de passer des tests pour.
le VIH et autres maladies transmises sexuellement, ils vont tâcher de tout savoir sur leur
profil génétique. Kevin et Ginny sont d’avis que c’est tout simplement une affaire de
responsabilité.
Questions pour discussion
1) L’échange de rendez-vous permet aux couples, entre autres, de se connaître
mutuellement, afin de voir s’ils sont compatibles. Ils peuvent se renseigner sur
leur histoire et leurs familles mutuelles. Cette connaissance des traits génétiques
mutuels est-elle simplement une autre partie de tout cela?
2) Chaque technologie recouvre une idée, habituellement puissante, capable de
modifier ce que nous pensons de la vie. Quelle idée sous-tend notre aptitude à
nous renseigner sur le profil génétique de quelqu’un?
3) Au fur et à mesure que le recours aux tests devient routinier et à portée de
bourse, ce scénario va devenir plus plausible. Devrait-il y avoir une
réglementation régissant de tels essais? De quel genre? Comment l’appliquer?
30
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
Deuxième scénario
Question qui mérite discussion
Est-il responsable, pour qui envisage d’avoir des enfants,
de recourir au dépistage génétique?
Le deuxième scénario examine la prise de décision
génétique préalable à la conception. Lorsqu’un couple
songe à la conception d’un enfant et à son avenir, le
problème devient complexe. Il y a des cas où les
parents sont, par exemple, tous deux porteurs d’une
maladie particulière, qui peut atteindre leurs rejetons.
Avec des maladies telles que celle de Tay-Sachs, un
couple peut décider de ne pas avoir d’enfants, voire de ne pas se marier.
Relire Genetics 101 and
repasser des termes du
glossaire tels que allèle,
phénotype, génotype, et
aux termes mentionnés dans
Génétique 101.
Les parents veulent offrir à leurs enfants le meilleur avenir possible. Ce scénario
demande jusq’où peut aller cet espoir.
Récit : Contrôle préconceptionnel
Vous êtes pasteur dans une clinique. Julie et Frank ont pris rendez-vous avec vous pour
discuter de leur projet d’avoir une enfant. Julie n’est pas encore enceinte. Elle étudie à
l’université et suit un cours de génétique. Elle a beaucoup appris sur ce sujet et
comprend que leurs enfants hériteront d’allèles des deux parents et que ces
combinaisons pourraient affecter leur progéniture. Elle veut que tous deux passent une
batterie de tests génétiques avant sa conception, afin qu’ils puissent évaluer les risques
génétique posés par leur conception commune d’un enfant. Comme ni Frank ni Julie ne
veut entendre parler d’avortement, ils espèrent que grâce aux tests de dépistage, ils
seront en mesure de choisir entre concevoir ou adopter.
Julie dit que le couple a maintenant trois enfants, dont chacun a le même défaut
génétique, qui a inhibé la croissance et suscité des problèmes de développement. Un
des enfants a manifesté un trouble relatif à l’autisme et est dans un établissement. Ni
l’un, ni l’autre parent n’a d’histoire familiale donnant à penser que l’un ou l’autre d’entre
eux ait été porteur de ce trouble. Julie vous tend une brochure provenant d’un groupe
d’appui aux tests soutenant que vu l’état des technologies de tests génétiques, il est
irresponsable, de la part de parents en perspective, de ne pas passer ces tests afin
d’éviter des tragédies telles que celles qui ont frappé les amis de Julie.
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
31
Frank n’est pas en faveur du dépistage génétique, mais il reconnaît qu’il ne comprend
pas grand-chose à la génétique et consent à faire ce que veut Julie, pourvu que vous
leur pasteur, appuie cette importante décision.
Questions pour discussion
1) Comment devriez-vous répondre à l’information génétique qu’apporte Julie à la
conversation? À quel point cette science est-elle pertinente à votre pensée?
Frank devrait-il se mettre au courant de la science? Dans le cas qui nous occupe,
pouvez-vous jouer efficacement votre rôle de conseiller sans posséder quelques
notions de génétique?
2) Quelles pourraient être les conséquences psychologiques et sociales, selon que
Julie et Frank décident de passer ou non ces tests?
3) Que conseilleriez-vous à Julie et Frank?
4) Si, en revanche, Julie et Frank venaient solliciter votre counselling prémarital,
changeriez-vous d’idée au sujet sur une de ces questions?
32
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
Troisième scénario
Question méritant réflexion
La connaissance de la génétique va-t-elle changer notre façon de penser
sur la reproduction?
On aborde ici la question, d’une plus large portée, de la reproduction même. Dans ce
scénario, un couple se voit présenter des choix sur la reproduction par sa société
d’assurance, la société fictive GenLife Insurance Inc. Les idées exposées dans ce scénario
font partie de la logique de la société d’assurance et du désir tout naturel, de la part des
parents éventuels, de faire tout en leur possible pour mettre au monde un enfant en
santé.
Avant d’étudier ce récit, vous
voudrez peut-être revoir Embryo
Development and Genetic
Engineering. Vous pourriez aussi
consulter, dans le glossaire,
quelques-uns des termes utilisés
dans ce scénario, comme, par
exemple, fécondation in vitro,
dépistage génétique pré-
Récit : Dépistage génétique
préimplantatoire
George et Melinda habitent en Ontario, dix ans
plus tard que maintenant. Ils ont décidé qu’ils
voulaient avoir un enfant. Melinda retire des
prestations de maladie par l’entremise de son
employeur, une université importante. Voici ce
que leur dit l’examen de sa police.
implantatoire.)
GenLife s’engage à l’égard de soins de santé à
un prix abordable. Vous voulez un enfant en
santé et nous vous aiderons à atteindre cet objectif. Nous acquitterons 100 % des coûts
entraînés par la grossesse et la naissance, pourvu que vous remplissiez les conditions
suivantes :
Vous devez consentir à soumettre votre embryon ou fœtus à un dépistage de
toute maladie, trouble ou désordre génétique. Nous le ferons par fécondation in
utero ou in vitro (notre méthode de beaucoup préférée) Tous les coûts associés à
ce dépistage seront assumés par GenLife.
Si le dépistage révèle des marqueurs génétiques entraînant la probabilité que
votre enfant (si vous menez l’embryon à terme) manifeste un trouble ou une
maladie génétiques, vous aurez deux options :
1) Détruire l’embryon et reprendre le processus. GenLife assumera le coût de la
destruction de l’embryon ou fœtus et travaillera avec vous, autant de fois qu’il le
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
33
faudra, à la production d’un embryon exempt d’anomalies génétiques
potentiellement coûteuses susceptibles de menacer la vie de votre enfant à venir
et d‘augmenter sensiblement le coût des soins de santé.
2) Garder l’embryon et assumer l’entière responsabilité financière du traitement de
tout ou tous troubles détectés, s’il ou ils venaient à se manifester.
GenLife N’ACQUITTERA PAS les coûts prénatals ou d’accouchement si vous avez
choisi de mener à terme un embryon non testé.
GenLife OFFRIRA l’assurance-maladie à votre enfant non soumis au dépistage,
mais à un coût proportionné aux risques que présentent des embryons non
testés.
Sachez que votre enfant non testé sera toujours membre d’’un groupe à haut risque,
d’où le paiement de primes plus élevées. Sachez aussi que si vous choisissez de mener à
terme un embryon susceptible d’avoir une maladie ou un trouble connus, GenLife ne
couvrira pas cette maladie ou ce trouble.
CETTE PROCÉDURE N’EST PAS OBLIGATOIRE. Si vous décidez de faire tester votre
embryon ou fœtus, nous COUVRIRONS votre enfant une fois né, mais la prime sera
proportionnée à celle de son groupe non testé, prime sensiblement plus élevées que
celle des groupes non testés. Nous offrons également les programmes prénatals plus
étendus décrits ci-dessous.
Programme de sélection fœtale GenLife (GFSP)
En vertu du programme GFSP, nous vous aiderons à produire 20 embryons par FIV.
Comme pour le programme de dépistage normal, ces embryons seront attentivement
testés pour tout trouble ou maladie génétiques. Nous testerons en outre pour déceler
tout caractère génétiquement influencé tel que le sexe, la taille, la peau, la couleur des
cheveux et des yeux, etc. Nous vous aiderons ensuite à choisir, non seulement les plus
en santé, mais les plus désirables, en fonction de vos propres besoins. Nous sommes
persuadés que vous voulez donner à votre enfant tous les avantages possibles. Nous
sommes là pour aider. COÛT 45 000 $.
Programme d’amélioration fœtale GenLife (GFEP)
En vertu du programme GFEP, non seulement vous recevez les avantages des
programmes normaux de dépistage et de sélection fœtale, mais vous pouvez aussi
bénéficier des dernières avancées de la technologie d’intervention germinale. Celle-ci
recourt à la technologie du chromosome artificiel pour véritablement modeler sur
34
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
mesure le profil génétique de votre enfant. Il existe actuellement 6 modifications
reconnues comme sûres et efficaces. Beaucoup d’autres sont en développement. La
technologie actuelle vous permet de pratiquement garantir un bébé en santé possédant
des traits reconnus comme avantageux dans le monde compétitif d’aujourd’hui. Nos
recherches poussées démontrent que le profil génétique de votre enfant est le facteur le
plus important pour la santé, la longévité et la qualité de vie. Nous avons tellement
confiance que vous apprécierez les résultats, que nous réduirons de moitié la prime
pour le dépistage standard de l’embryon et garantirons ces tarifs pour la vie entière de
votre enfant. Coûteux? Oui, mais combien vaut la santé de votre enfant? COÛT : 180 000
$.
Questions pour discussion
1) Que pensez-vous d’une société d’assurance qui vous dit que si vous recourez à la
fécondation in vitro, il faut que vous acceptiez de soumettre votre fœtus ou
embryon au dépistage des défauts génétiques?
2) Les choix offerts par GenLife vous semblent-ils acceptables? Pourquoi? Pourquoi
pas?
3) Tenant pour acquis que de tels programmes sont légaux, que pensez-vous des
programmes Sélection fœtale et Amélioration fœtale de GenLife?
Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle
35
Troisième leçon:
Technologies génétiques;
recherche sur des
sujets humains ou non
Introduction
Au fur et à mesure que nous comprenons la base génétique de maladies particulières,
nous apprendrons à approcher celles-ci du point de vue génétique. Il ne fait aucun
doute qu’à ce moment même, la recherche en matière génétique engendre des
nouveaux traitements prometteurs pour la maladie. La recherche sur les cellules
souches, par exemple, pourrait mener à la culture d’organes pour la transplantation qui
ne seraient pas susceptibles au rejet. Pour bien des gens, la recherche qui se fait sur des
cellules souches à la fois d’adultes et d’embryon soulève
des questions d’éthique. D’aucuns ne font pas de
distinction morale entre les deux types de cellules.
D’autres n’approuvent pas l’utilisation de ces cellules
souches embryonnaires, qui requiert la destruction
d’embryons humains. Tout comme celle de l’avortement,
cette question peut paraître axée sur qui est une
personne. Au Canada, un fœtus n’est pas légalement
une personne (et par conséquent sujet aux droits) tant
qu’il n’est pas expulsé vivant du ventre de sa mère. La
société est divisée sur cette position légale; ceux qui s’y
opposent, en effet, soutiennent que le fœtus devrait être
considéré comme une personne dès le moment de la
conception. Les deux points de vue ont des implications
sur le recours aux cellules souches embryonnaires pour
la recherche et l’expérimentation. Pour ceux qui s’opposent à la recherche sur les
cellules souches embryonnaires, l’expérimentation est moralement inacceptable,
puisque l’embryon est une personne, qu’on tue par suite de cette expérimentation.
L’utilisation des cellules souches adultes ne présente pas ce dilemme moral. Elles
peuvent être prélevées de divers organes humains spécifiques et servent à concevoir
des traitements pour des cellules détruites par la maladie ou génétiquement anormales.
Par ailleurs, de récentes avancées scientifiques sur la reprogrammation de cellules
somatiques ou matures adultes pour les mettre dans un état semblable à celui de
cellules souches embryonnaires changent le paysage moral, particulièrement parce que
cette méthode semble aussi résoudre problème du rejet et de la formation de tumeurs,
problèmes qui ont inhibé le progrès dans l’utilisation de cellules souches
embryonnaires. Nous verrons comment les technologies sont employées – et sont
susceptibles de l’être – dans la recherche future chez des sujets humains et non
humains. Les scénarios ci-après sont à la fois fascinants et troublants. Chacun pose une
question difficile soulevée par l’évolution de nos technologies.
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
39
Scénario 1
Question méritant réflexion
Devrions-nous créer des êtres transgéniques?
Notre premier scénario est fondé sur un remarquable événement survenu récemment,
en 2001. L’Oregon Primate Center a annoncé la première réussite dans l’ingénierie de la
lignée germinale chez un primate non humain. Le Centre avait un animal
« transgénique », un singe chez qui on avait inséré l’ADN d’une autre espèce, une
méduse, dans toutes les cellules de son corps. L’expérience a prouvé qu’on pouvant
modifier génétiquement des embryons de primates non humains.
Récit : ANDi et la méduse
Vous êtes membre d’un groupe de spécialistes
Relisez Transgenics, en
d’un important centre de recherche médicale. La
remarquant particulièrement
proposition de recherche étudiée par le groupe
la distinction entre le mélange
provient du laboratoire du docteur Chan, dont
des gènes de deux organismes
l’équipe de recherche a fait de remarquables
ou plus et le clonage de
avancées en technologie génétique, dont la
l’organisme entier. La partie
naissance réussie du premier primate non humain
Ingénierie humaine et clonage
cloné à l’aide de la technique de la séparation de
dans le développement
blastomère in vitro. L’expérience qu’ils veulent
embryonnaire et Ingénierie
faire consiste en l’insertion de matériel génétique
génétique vous sera
provenant d’une méduse (GFP) dans les ovules
également utile.
d’un singe rhésus. Une fois le matériel génétique
inséré dans les ovules, ceux-ci seront fécondés,
puis implantés chez les singes. Si l’expérience réussit, les rejetons auront la séquence
génétique provenant de la méduse dans toutes les cellules de leur organisme. La
technologie GFP a été insérée chez des souris sans effets secondaires indésirables. On
justifie cette recherche en avançant que s’il est possible d’insérer des séquences d’ADN
dans la lignée germinale de primates non humains, on pourra produire des primates
non humains sensibles aux maladies humaines. Un tel animal sera très efficace pour des
fins de recherche; par ailleurs, la recherche requerra beaucoup moins d’animaux.
40
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
Questions pour discussion
1) Quelles questions poseriez-vous si vous étiez membre d’un comité d’éthique
auquel ou soumet cette proposition ?
2) Avez-vous des préoccupations d’ordre éthique du fait que l’expérience se faisait
sur un singe rhésus plutôt que sur une souris ou un nématode, par exemple? À
quels principes feriez-vous appel pour
distinguer entre les espèces, si vous formuliez
des règlements pour des classes d’animaux
différentes?
3) La
société
devrait-elle
permettre
les
expériences transgéniques? Nous avons déjà
inséré des gènes humains dans des espèces
(des vaches, par exemple) afin de produire des
protéines servant à soigner des maladies
humaines. Le Royaume-Uni, pour sa part,
permet de combiner des ovules de vache
énucléés avec du matériel humain pour des
fins d’expérimentation. Quels risques possibles
y a-t-il à insérer des séquences d’ADN
humaine chez un singe rhésus? Se peut-il que
nous soyons en mesure de créer un singe
hybride mi-singe, mi-humain? Quelles sont les implications éthiques d’une telle
possibilité?
4) La manipulation génétique de cellules germinales est peut-être l’ultime
trajectoire de la recherche génétique. Que signifie ce genre d’aptitude à nous
faire maîtres de notre propre évolution et de celle d’autres espèces?
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
41
Deuxième scénario
Question méritant réflexion
Qui est une personne? Quel est le statut de l’embryon humain?
On a incorporé dans la Loi sur la reproduction humaine assistée de 2004 quelques-unes
des recommandations de la Commission royale d’enquête sur les technologies de
reproduction. Cette loi permettait l’expérimentation sur des embryons
« surnuméraires », à des fins thérapeutiques, mais non reproductrices. Précédemment,
en 1978, Pierre Soupart avait soumis la proposition de faire de la recherche sur
l’embryon humain. Sa proposition a contribué à l’élaboration de la première déclaration
de politique sur la recherche embryonnaire aux États-Unis. En 1983, il prenant la défense
de la recherche sur l’embryon humain : « À cause de son origine humaine », écrivait-il en
1983, « il mérite sans aucun doute le
plus haut respect lorsque traité en tant
qu’objet de recherche. Or, comment
accorder plus de respect à l’embryon
humain qu’en lui demandant de fournir
de l’information menant au soulagement
de certains types d’infertilité humaine, à
la
prévention
de
déficiences
congénitales, à la recherche sur la
contraception et la cancer et aux causes
véritables des pertes embryonnaires
naturelles chez l’humain? »
La recherche sur les cellules souches
embryonnaires demeure us sujet éthique
controversé et nous continuons de nous interroger sur ce que nous savons sur l’embryon
humain. Y a-t-il quelque chose de distinctif au sujet de son statut ou de son utilisation dans la
recherche? Qu’entendons-nous par « identité individuelle »? La question de savoir quand un
fœtus devient une personne devient compliquée et troublante et il y est apporté des réponses
différentes par des groupes différents. Au Canada, un fœtus n’est pas légalement une personne
avant sa naissance, donc la recherche sur les cellules souches embryonnaires est permise,
puisque l’embryon n’a pas de droits légaux, dont le droit à la vie. Voici deux scénarios qui
soulèvent la question de savoir ce que signifie être une personne.
42
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
Récit : L’utilisation de cellules souches embryonnaires et de tissu
fœtal dans le traitement médical
1) Vous êtes conseiller en génétique et Tom et Jackie sont venus vous faire part d’un
dilemme. Leur fillette de six ans, Monique, souffre de l’anémie de Fanconi, un
trouble génétique rare qui inhibe la production de moelle osseuse et peut tuer à
un très jeune âge. Une greffe de moelle osseuse provenant d’un frère ou d’une
sœur compatible a quatre-vingts pour cent de chance de guérir Monique. Tom et
Jackie ont conçu un enfant dans l’intention de se servir de cellules souches du
cordon ombilical et du placenta après la naissance pour tâcher de sauver
Monique. Ils n’avaient pas voulu avoir un deuxième un enfant, mais n’avaient
aucun doute que c’était la seule et la meilleure option pour Monique. Ils veulent
se servir du dépistage anténatal pour savoir si le fœtus a) a le même trouble que
Monique et b) serait un sujet compatible pour une transfusion.
2) Mark et Anna sont venus vous voir dans l’intention de tester un fœtus qu’ils ont
conçu dans le dessein de l’avorter s’il est compatible pour le père d’Anna, qui se
meurt de la maladie de Parkinson. Ils veulent se servir du tissu fœtal pour ce
qu’on leur a dit représenter un traitement très efficace de la maladie de
Parkinson.
Questions pour discussion
1) Le philosophe allemand Immanuel Kant parle du principe éthique selon lequel on
n’utilise jamais un être humain comme un moyen permettant de parvenir à une
fin, si grande que puisse être cette fin. Peut-on appliquer ce principe à ces deux
scénarios? Y a-t-il une différence morale entre les premier et deuxième scénarios
présentés ici?
2) L’avortement est permis en vertu du Code criminel du Canada. Les motifs pour
lesquels les femmes requièrent l’avortement sont considérés comme leur affaire.
Y a-t-il quelque chose de différent dans les deux cas dont on discute ici?
3) Devrait-on réglementer des processus tels que ceux-ci? Quels règlements devraiton formuler?
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
43
Troisième scénario
Question méritant réflexion
Devrait-on cloner des embryons humains pour la recherche médicale?
Ian Wilmut a fait les manchettes internationales en 1996 en annonçant que lui et son
équipe avaient réussi à cloner une brebis à l’aide des technologies de transfert des
cellules nucléaires. Le Roslin Institute s’est vu accorder une licence, la seconde au
Royaume-Uni, pour cloner des embryons humains à des fins de recherche. Les travaux
de Wilmut soulèvent des questions fondamentales, non seulement au sujet des
embryons humains dans la recherche, mais aussi au sujet de l’application des
technologiques du clonage chez les êtres humains.
Deux grandes catégories encadrent le débat sur le clonage humain :
a) le clonage à des fins de recherche, où on finit par détruire l’embryon;
b) le clonage à des fins de reproduction, jusqu’ici illégal dans la plupart des
pays.
La présente leçon se centrera sur l’utilisation des embryons à des fins de recherche.
Devrions-nous permettre aux scientifiques de cloner des embryons humains, si cette
recherche pouvait aboutir à des percées dans le traitement de maladie humaines (du
motoneurone, par exemple)?
Il existe une autre importante distinction : celle entre le clonage par séparation de
blastomères et le clonage par transfert de noyau. La séparation de blastomères se fait
dans la nature et produit des jumeaux identiques, voir des quadruplés. En 1993, on a
cloné des embryons humains en utilisant une technologie fondée sur la séparation de
blastomères. Le transfert de noyau
consiste à transférer directement du
matériel génétique dans un ovule
énucléé, qui est ensuite transformé
en un état totipotent, c’est-à-dire
qu’il devient un embryon. Ce genre
de clonage sert à l’expérimentation
et soulève les mêmes questions
morales que le recours à des
embryons « surnuméraires ».
44
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
Récit : Clonage de l’embryon humain et maladie du neurone
moteur
Vous êtes membre d’un office fédéral établi pour réglementer l’usage de technologies
génétiques. Deux chercheurs sont venus demander à l’office la permission de cloner des
embryons humains pour la recherche sur la maladie du neurone moteur.
Ils veulent cloner des embryons à l’aide de tissu provenant de personnes souffrant de
maladie du neurone moteur, afin d’apprendre quelque chose sur les mécanismes de
développement de cette terrible maladie. Ils ont trouvé des femmes locales consentant
à donner des ovules pour ce projet et sont prêts à procéder si le bureau d’octroi de
permis y consent. Le bureau a déjà accordé à un laboratoire la permission de cloner des
embryons humains, mais vous doutez de la moralité de ce genre de recherche. Vous
terminez à peine la lecture de documentation sur la reproduction humaine et avez
beaucoup de peine de vous mettre à vous faire une idée sur les embryons humains. La
meilleure façon d’en savoir davantage sur cette maladie, soutient un chercheur, c’est de
cloner des embryons humains. Si nous pouvons comprendre la maladie, nous la
guérirons. Des milliers de gens et leurs familles en profiteront.
Vous savez que la récente recherche sur les cellules souches va rendre redondant le
besoin de cloner. Par ailleurs, l’utilisation de ces cellules souches ne soulève pas le
même problème moral que celle des embryons.
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
45
Questions pour discussion
1) La bioéthicienne Andrea Bonnicksen écrit, à propos des embryons humains, que
« l’on ne peut pas parler de thérapie de lignée germinale sans prendre en compte
les politiques régissant la recherche sur l’embryon. Une bonne part des
inquiétudes concerne le caractère sacré ou non de l’embryon. Ce qu’est l’embryon
va déterminer ce que les gens pensent qu’on devrait en faire. » Discutez-en.
2) Mary Mahowald se dit d’avis, dans l’American Journal of Bioethics, qu’il y aurait
peut-être une différence morale si les chercheurs permettaient aux embryons de
mourir avant l’extraction de cellules souches, puisque cela préserverait la
distinction entre laisser mourir et tuer. Elle affirme aussi qu’une une forme de
rituel exercée lors de l’élimination des embryons pourrait apaiser les inquiétudes
d’ordre moral de certains groupes. Citons-la : « En permettant aux embryons de
mourir avant de récupérer leurs cellules souches, on peut permettre à certains
individus de préserver leur intégrité. On peut disposer ainsi des embryons avec
respect ou avec irrespect. La notion de « respect » ou d’« irrespect » à l’endroit
des embryons au stade précoce a du sens aux yeux de ceux qui les estiment sans
valeur ni statut moraux. Pour ceux qui sont d’avis contraire, en revanche, il est
sûrement possible d’en disposer respectueusement. » Discutez-en.
3) Voici deux façons dont on peut transférer des cellules souches d’embryons sans
les détruire. Une de ces suggestions pourrait-elle résoudre le problème de la
recherche sur les cellules souches embryonnaires?
a. Enlever une cellule de l’embryon et transférez-en les cellules souches au
lieu de détruire totalement l’embryon.
b. Créer des embryons humains qu’on ne peut pas mener à terme, même si
on le voulait.
4) Le débat sur les embryons ressemble sous certains aspects au débat, plus ancien,
sur l’avortement. Voyez-vous des manières dont la discussion sur les embryons
humains peut progresser d’une façon dont celle portant sur l’avortement ne le
peut pas?
5) Le débat sur les cellules souches provenant d’embryons fait partie d’une
conversation plus large sur les embryons en général. Quand on fait de la
recherche sur des embryons, ils meurent. Quand on se sert d’embryons obtenus
par FIV, beaucoup sont détruits ou mis de côté, pour être détruits plus tard.
Quand on obtient de cellules souches à partir d’un embryon, il meurt. Comment
pourrions-nous formuler des politiques touchant aux embryons humains?
6) Que diriez-vous aux chercheurs?
46
Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains
Quatrième leçon:
Technologies génétiques
et ingénierie des
futures générations
Introduction
Le célèbre roman de Mary Shelley, Frankenstein, représente l’une des premières
réponses à l’ingénierie génétique : l’homme qui joue avec les mécanismes de la création
humaine. Le thème nous reporte directement au film de science-fiction « Blade
Runner », de Ridley Scott. Dans les deux histoires, l’arrogance et l’orgueil démesuré de
l’hubris humain créent de puissantes et dangereuses créatures qui deviennent le pire
cauchemar de leur auteur. Le film « Gattaca » donne une indication de ce à quoi
pourrait ressembler une société de citoyens produits par l’ingénierie génétique. Des
films et des histoires de ce genre peuvent nous donner à penser que la génétique nous
entraîne dans des domaines de l’expérimentation scientifique que nous ne sommes pas
destinés à explorer et qu’il est impossible de maîtriser.
Nous allons voir, dans cette leçon, à quel point, étant donné nos connaissances en
génétique et le pouvoir qui en découle, nous devrions réglementer des décisions qui
pourraient influer sur les générations futures, voire la nature humaine elle-même. James
Watson, à qui, avec Francis Crick, on attribue la découverte de la structure générale de
l’ADN, croit que l’ingénierie génétique est une chose inévitable et bonne, puisque la
nature, laissée à elle-même, peut faire de temps à autre d’horribles fautes. Il appelle
notre méthode actuelle de reproduction « la « roulette », ce qui laisse entendre qu’il est
simplement fou de ne pas profiter des nouvelles technologies. Qu’en pensez-vous?
L’étude de cas ci-après nous amène vite au cœur de la controverse.
Illustration de la structure en double hélice de l’ADN. Elle fait penser à une échelle torse.
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
49
Premier scénario
Question méritant réflexion
Quelles sont les limites éthiques des essais génétiques?
L’eugénique est la science de l’amélioration de la qualité des humains grâce à
l’intervention dans le processus reproducteur. Il existe deux genres d’eugénique : le
positif et le négatif. L’eugénique négative implique la destruction des embryons des
fœtus non désirés fondée sur un ou plusieurs de leurs traits génétiques, tandis que
l’eugénique positive implique des modifications réelles de l’embryon, qui ont pour but
d’améliorer l’être humain qui en résulte, soit en éliminant un trouble non désiré, soit en
améliorant de la capacité chez la future personne, par exemple en augmentant la taille,
l’intelligence, les aptitudes athlétiques, etc. Le premier récit traite d’eugénique négative,
mais avec un une astuce inhabituelle.
Récit : Essais génétiques et incapacité
Vous avez été pendant trois ans le pasteur de
Roger et Sally, un couple de sourds. Vous avez la
Relisez Inherited Disease and
chance de compter parmi votre personnel une
Genetic Testing pour rafraîchir
personne qui connaît le langage des signes. Sally
votre mémoire au sujet des tests
sur les prédispositions de
vient de se découvrir enceinte. Ils sont heureux,
différentes maladies et des
mais s’inquiètent de la possibilité que leur enfant
conséquences de savoir si un
soit sourd, lui aussi. Vous venez tout juste
embryon, un fœtus, un bébé, un
d’assister à une conférence sur les essais
enfant ou un adulte pourrait
génétiques et vous savez qu’ils permettent de
avoir hérité d’un gène
dépister beaucoup de troubles génétiques causes
susceptible d’aggraver le risque
de surdité. Vous parlez de cette option à Roger et
de la maladie associée.
Sally et leur tendez la carte d’affaires d’une
clinique capable de procéder au dépistage. En
écoutant leur histoire, vous vous rendez soudain compte que leur inquiétude n’était pas
d’avoir un enfant sourd, mais d’avoir un enfant entendant. Ils veulent faire dépister et
avorter tout fœtus capable d’entendre.
50
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
Questions pour discussion
1) Votre réponse aurait-elle été autre si Roger et Sally avaient été aveugles?
Pourquoi ou pourquoi pas?
2) Quel message envoie-t-on implicitement en permettant des avortements sélectifs
de personnes handicapées? Une bioéthicienne, Adrienne Asch, soutient qu’on
devrait interdire tous les dépistages prénataux en se basant surtout sur ce
message implicite. (Comparez cette question avec la deuxième leçon, deuxième
scénario, qui soulève des questions d’éthique similaires.)
3) Nous entendons souvent des mots tels que maladie, trouble, état, invalidité et
caractère pour parler de divers genres de caractères corporels. La surdité est-elle
une maladie? Un trouble? Une invalidité? Un caractère? À quels messages
différents font penser ces termes?
4) Si l’on permet aux gens de faire avorter sélectivement des embryons ou des
fœtus pour s’assurer d’avoir un enfant « en santé », cela veut-il dire qu’on
pourrait aussi leur permettre d’avorter sélectivement pour s’assurer d’avoir un
enfant « handicapé »? Le principe est-il le même? Quel est le principe invoqué à
la défense d’avortements sélectifs, quel qu’en soit le genre?
5) Plus les gens sont maîtres des résultats de la reproduction, plus les questions
concernant les droits de la personne la plus touchée par ces décisions gagneront
en importance. Devrait-on fixer des règles réglementant des avortements
sélectifs fondés sur un seul caractère ou un seul ensemble de caractères?
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
51
Deuxième scénario
Question méritant réflexion
Que pense votre religion de la procédure que
Bob et Carol songent à utiliser?
Ce scénario procède en se fondant sur plusieurs hypothèses :
la FIV est moralement acceptable
le choix entre des embryons apparemment sains à partir d’un grand nombre
d’embryons est moralement acceptable
le choix du sexe revient aux parents.
Carol s’inquiète de l’amélioration génétique, qui soulève d’autres questions d’ordre
génétique. Comment répondriez-vous à ces différents niveaux de moralité?
Récit : Tests génétiques et infirmités
Conseiller en génétique, vous travaillez avec des membres de groupes confessionnels.
Bob et Carol sont des athlètes mariés qui ont décidé d’avoir un enfant et se servent de
la FIV pour choisir diverses infirmités génétiques. Après avoir sélectionné quelques
embryons qui semblent relativement exempts d’allèles potentiellement nocifs, ils optent
finalement pour une fille, qu’ils nomment Sara.
Le représentant donne alors à Bob et Carol une brochure sur le programme « Médaille
d’or », méthode de modification génétique des embryons choisis permettant de
procurer l’avantage de la « Médaille d’or ». La génétique, par exemple, peut maintenant
explique pourquoi des gens tels que le
champion cycliste Ryder Hesjedal sont
« bâtis » pour l’endurance et le
maximum de rendement énergétique.
La capacité pulmonaire moyenne d’un
athlète mâle en santé est d’environ 6
litres, alors que celle de Ryder
Hesjedal’s est de 8,3 litres. Ce volume
d’air supplémentaire se traduit par
plus d’oxygène dans le sang, ce qui
améliore la performance.
52
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
Bob et Carol se regardent et confèrent. Bob veut le faire; Carole ne veut pas. Ils décident
de retarder de 24 heures la décision et vous ont lancé un appel urgent. L’argument de
Bob est simple. Les genres de caractères qu’il veut modifier sont déjà dans la nature.
Certaines personnes ont quelques-uns de ceux-ci, d’autres en ont d’autres. Certaines
personnes semblent avoir davantage de bons allèles pour les athlètes que d’autres. Bob
est d’avis que puisqu’ils ont le choix, ils
devraient donner à Sara tous les avantages
qu’ils ont les moyens d’obtenir.
Les athlètes médaillés devraient-ils remettre les
médailles d’or parce que la nature les a doués
de certains caractères génétiques? Il leur faut
encore trimer dur. Sara aussi. Si Bob et Carol
ont les moyens de lui procurer l’avantage
« Médaille d’or », pourquoi pas? Carol se dit
mal à l’aise avec le « bricolage génétique »,
comme elle l’appelle. Elle était déjà mal à l’aise
avec les dépistages et avec les choix qu’il leur
fallait faire ce jour-là quant à l’embryon qui
survivrait ou à celui qui ne le ferait pas. Tout en
espérant que sa fille s’intéressera aux sports et
y réussira, Carol ne croit tout simplement pas
qu’ils devraient essayer de tout concevoir cela.
Elle veut simplement avoir un enfant à aimer et à soigner, quels que soient ses
problèmes et ses aptitudes athlétiques. Ça lui donne la chair de poule d’accabler leur
enfant de tous leurs désirs, avant même qu’il soit implanté dans son sein. « Être un
parent, », lui répond Bob, « c’est donner à chaque enfant chacun des avantages et des
occasions qu’il est en mesure de lui donner. Ils s’arrêtent de parler et attendent que
vous parliez à votre tour.
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
53
Questions pour discussion
1) Bob et Carol sont des personnes convenables qui s’efforcent de bien faire. Il y a,
pour chacun d’eux, un principe qui sous-tend son point de vue, au moment où ils
tâchent de se mettre d’accord sur la décision à prendre. Sur quel principe, selon
vous, reposent leurs positions? Que pensez-vous de leurs arguments?
2) Bob soutient que les changements génétiques qu’ils vont faire se font déjà par
les méthodes naturelles de reproduction. Que pensez-vous de cet argument? Si
une chose se retrouve dans la nature, sommes-nous moralement justifiés de la
reproduire scientifiquement? Sur quel principe Bob s’appuie-t-il? Êtes-vous
d’accord là-dessus? Serait-il important pour vous que l’une ou plusieurs des
améliorations proposées fassent appel à une innovation génétique comme, par
exemple, un procédé d’extraction de déchets sanguins qui ne se trouvent pas
dans la nature?
3) La collection de caractères génétiques offerte par le programme « Gold Medal »
n’a rien à voir avec des maladies ou des troubles éventuels. Cela vous est-il égal?
Si la « santé » s’entend de la santé psychologique et sociale comme physique,
pensez-vous que l’ingénierie génétique devrait tenir compte de ces facteurs, au
lieu de s’en tenir aux maladies physiques?
4) Certains scientifiques sont d’avis qu’on peut insérer des gènes incapables d’agir à
moins d’être en présence d’une certaine hormone. Si on recourait à cette
technologie pour retarder le développement chez Sara des caractères désirés,
reportant la décision ou même portant atteinte aux désirs de Sara elle-même,
cela vous serait-il égal? Pourquoi ou pourquoi pas?
5) Lorsque le représentant de la clinique a remis la brochure à Bob et Carol, il y avait
certainement là-dessous des motivations commerciales. Devrait-on toujours offrir
tous les choix possibles, en cas de modifications génétiques? Devrait-il y avoir
des règles précisant ce que peuvent ou ne peuvent pas offrir les cliniques de FIV
au consommateur?
6) Quelles sont les implications plus profondes de ce genre d’ingénierie génétique
pour la société? Quelles en sont les implications sur ce que signifie être un bon
parent?
7) Enfin, qu’implique ce cas pour la nature humaine, pour ce que signifie être un
être humain? Qu’avons-nous à dire, en tant que gens de foi, à Bob et Carol;
qu’avons-nous à dire du but et de l’objectif de la vie?
54
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
Troisième scénario
Question méritant réflexion
Si le clonage était à la fois possible et légal, verriez-vous quelque objection
d’ordre éthique à utiliser l’ADN d’un enfant mort pour cloner un autre
enfant, qui serait ainsi le « jumeau » génétique de l’enfant mort?
Le clonage s’avère plus difficile qu’initialement prévu, mais en supposant que la
technique puisse être perfectionnée, il faudrait alors tenir compte de ce qui résulte de
l’utilisation de l’ADN d’autres personnes pour le clonage. Les embryons et les enfants
qui en sont issus seraient des répliques génétiques. Dans des cas comme ceux du
présent scénario, des couples pourraient être redevables à l’enfant mort de s’être servis
en quelque sorte de son ADN pour reproduire l’enfant original. Qu’en serait-il de notre
expérience d’être uniques ou d’être aimés pour nous-mêmes, au lieu d’être le produit
de l’ADN de quelques-uns d’autre?
Récit : Clonage reproductif
Vous êtes, dans un proche avenir, le pasteur d’une importante Église urbaine. Alice, une
de vos paroissiennes, est venue vous consulter à votre bureau sur un problème
particulier de son entreprise. Embryologiste, elle est propriétaire d’un laboratoire de
recherche en pleine croissance. On y a réussi le clonage de primates non humains. Le
laboratoire a un partenaire en Asie, où les lois régissant la recherche ne sont pas aussi
strictes. L’entreprise est dans une situation financière délicate, mais Alice est confiante
qu’on y travaille sur quelque d’importantes recherches qui soulageront la souffrance
humaine. Son travail sur le clonage d’embryons humains à des fins thérapeutiques a
produit de très bons résultats. Alice croit qu’elle dispose maintenant de techniques
fiables pour le clonage par transfert de noyau. Elle vous raconte l’histoire qui suit.
Larry et Linda sont venus au laboratoire il y a quelques semaines. L’an dernier, leur fils
de onze mois, Ted, est mort à l’hôpital. Par suite de l’accident, Larry n’est plus capable de
produire de sperme, de sorte qu’ils n’ont pas de chance d’avoir un rejeton biologique. Il
a été déterminé que l’hôpital était nettement en faute. Larry et Linda étaient déjà aisés
et la poursuite leur a valu un dédommagement d’au-delà de 30 millions de dollars. Ils
ont conservé du tissu de l’organisme de Ted, qu’ils ont présenté à Alice lors de
l’interview. Ils veulent qu’Alice essaie de se servir de ce tissu pour produire un clone
génétique de Ted. Ils sont prêts à payer jusqu’à 50 millions de dollars pour faire cette
expérience génétique. La société d’Alice ne peut pas faire ce travail, mais son partenaire
asiatique peut procéder au clonage à des fins reproductrices. Larry et Linda semblent
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
55
comprendre que ce clone ne serait pas « Ted », mais son jumeau génétiquement
identique.
Alice a dit à Larry et Linda qu’elle réfléchirait et les rappellerait. Alice était portée à ne
pas accepter, mais après avoir commencé à examiner la proposition, elle y a senti de
moins en moins de résistance. On insérerait simplement l’ADN de Ted dans un ovule de
donneuse, qu’on implanterait ensuite dans l’utérus de Linda. A toutes fins pratiques,
l’enfant serait leur propre fils, élevé avec tout l’amour et tous les soins que mériterait
leur enfant.
Ils ont certainement les moyens d’élever un enfant et de bénéficier des technologies du
clonage. Quant à la sécurité, Alice a confiance que les risques ne sont pas plus grands
que ceux des autres technologies reproductrices. Si elle est venue vous consulter, c’est
qu’elle n’est pas encore sûre de l’éthique du clonage reproductif. Devant l’importance de
cette décision à prendre, elle sollicite vos conseils.
56
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
Questions pour discussion
1) Cette question n’est pas aussi saugrenue qu’il paraît de prime abord. Le désir de
se reproduire peut être un puissant désir humain. Pour qui a de l’argent, pour qui
les autres techniques n’ont pas réussi ou n’ont pas assuré suffisamment de
continuité génétique, le transfert de cellules somatiques peut représenter un
choix à envisager. Quelle est votre première réaction à ce sujet? Quelles sont les
raisons de votre réaction?
2) Larry et Linda sont des gens fortunés. Est-ce important?
3) Supposez que le transfert de cellules somatiques puisse s’avérer plus risqué que
d’autres techniques de FIV. Cela est-t-il moralement pertinent?
4) Y a-t-il des préoccupations d’ordre moral qui influent sur ce cas? Qu’est-ce que
votre tradition religieuse peut offrir sur la question du clonage reproductif? Le
problème proviendrait-il de la méthode elle-même? De préoccupations relatives
à la sécurité? De ce que tout cela implique pour notre autocompréhension en
tant qu’êtres humains?
5) Ce scénario donne à entendre que notre recherche sur le clonage reproducteur
subventionnée par le secteur privé n’est pas réglementée. Vos préoccupations au
sujet du clonage dans le cadre du traitement de la FIV vous portent-elles à croire
qu’elle devrait être réglementée? Prohibée?
6) Changez le scénario. Imaginez que Larry veuille se cloner lui-même, au lieu de
cloner son fils. Le bébé serait à la fois le frère jumeau et le fils de Larry. En quoi
cela changerait-il votre façon de penser? Pourquoi « frère » et « fils » en
embarrassent-ils plusieurs d’entre nous? Cet embarras serait-il relié à une
préoccupation morale, ou s’agirait-il d’une réaction du genre « mon vieux, ça
donne la chair de poule »?
Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures
57
Cinquième leçon:
Technologies génétiques
et justice sociale
Introduction
On nous demande, dans cette leçon, de réfléchir sur la génétique et la foi du point de
vue de la justice sociale. Nous nous sommes déjà penchés sur certaines questions
éthiques du point de vue d'individus, tout comme de celui de couples songeant au
mariage. Les parents sont également confrontés à des situations difficiles où le
diagnostic génétique préalable à l'implantation indique l'enfant, au stade prénatal ou
fœtal, souffre d'une maladie ou d'une invalidité graves.
Quelles sont cependant les implications pour des politiques mettant en cause
l'ensemble de la société Les soins de santé en sont un bon exemple.
Étant donné le montant dépensé au Canada pour les soins de santé et la pression pour
dépenser encore davantage, il se peut que les technologies génétiques naissantes ne
soient pas couvertes par notre régime de soins de santé. En ce moment même, on
examine méticuleusement de nouvelles et coûteuses technologiques, dans le but d'en
évaluer les risques d'efficacité et de toxicité en regard
des thérapies qu'elles sont destinées à remplacer ou à
complémenter. Les décisions sur l'approbation de leur
subventionnement devraient se fonder sur des résultats
importants, comme la survie ou la possibilité de
guérison. Il va se prendre des décisions difficiles
susceptibles d'exclure le subventionnement en certains
cas.
Quel genre de tests génétiques devrait être admissible et
qui devrait y être jugé admissible? Cela devrait-il
dépendre si un test est estimé susceptible de sauver la
vie (nécessaire pour décider de l'urgence du traitement,
par exemple)? Et s'il était requis pour des raisons non
thérapeutiques (l'exigence, de la part de sociétés
d'assurance, de procéder à une batterie de tests, par
exemple)? Ces genres de tests devraient-ils être financés par l'État?
Si l'État subventionnait des technologies génétiques coûteuses, les rendant ainsi plus
accessibles, quels services de santé supplanteraient-ils? Si des technologies sont
financées par le secteur privé, comment règlementer les pires effets de la disparité
d'accès? L'aptitude à dépister de plus en plus de maladies et d'invalidités, toujours à
meilleur compte, et à changer nos attitudes à l'égard de la maladie et de l'invalidité?
Verra-t-on augmenter la pression pour ne jamais produire un enfant affligé d'une
invalidité? L'assurance-santé, plus particulièrement celle reposant sur l'employeur, va-tCinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
61
elle presser les employés à passer des tests génétiques pour déceler des maladies
préexistantes? Les connaissances en génétique vont-elles changer notre idéal d'égalité,
au fur et à mesure que nous découvrirons de grandes différences dans nos « attributs
naturels »?
L'histoire nous apprend ce qui peut survenir lorsque l'eugénique devient une politique
acceptable. Au milieu du vingtième siècle, l'Allemagne nazie visait les gens qu'ils
estimaient ne pas mériter de vivre et éliminait par stérilisation et euthanasie les
personnes atteintes d'invalidité physique ou mentale.
D'aucuns croient encore qu'il éliminer de la société ses membres mentalement et
physiquement « improductifs ». Cela peut se présenter sous la forme de pression pour
avorter des fœtus atteints d'invalidité physique ou génétique évidente, ou de menace
de ne pas financer leur soin avec des fonds de l'État si on leur permet de vivre. Et
pourtant, la plupart d'entre nous devenons invalides d'une façon ou d'une autre si nous
atteignons un âge avancé, si forts et vigoureux que nous ayons été dans notre jeunesse.
Nous considérera-t-on à notre tour comme des « fardeaux » qui profitent de ressources
insuffisantes? Voilà une question importante pour une société où la proportion des
citoyens âgés va sans cesse s'accroissant.
La question de l'insuffisance de ressources nous concerne tous. Avec le rétrécissement
des budgets et l'expansion des possibilités médicales et chirurgicales, comment décider
de ce qui mérite du financement? La plupart d'entre nous croyons que notre régime de
soins de santé fonctionne sur une base passablement honnête, mais il est des situations
qui posent des problèmes. Comment décider, par exemple, qui devrait recevoir des
dons d'organes, lorsqu'il n'y en a jamais assez? Les plus jeunes devraient-ils avoir la
priorité? Cette discrimination à l'endroit des personnes âgées se justifie-t-elle et si tel
est le cas, devrait-on ajouter d'autres critères d'admissibilité?
On a soulevé une autre question de justice sociale en faisant pression pour introduire au
Canada un régime de rémunération à l'acte, ou de soins de santé privatisés, où on peut
prioriser un traitement en fonction de la capacité de payer plutôt que du besoin. La
capacité de payer des moins nantis qui n'ont pas d'assurances supplémentaires pour
acquitter le prix de médicaments ou de soins dentaires pose également un problème de
justice sociale. Aucun régime de soins de santé n'est parfait et ces problèmes sont réels
et posent des défis de taille.
62
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
Premier scénario
Question méritant réflexion
Les technologies génétiques vont-elles influer sur les questions sociales
liées à l'éthique? Dans l'affirmative, comment?
Une croyance fort répandue veut que l'ethnicité soit un caractère génétique plutôt que
social et s'il est vrai que certains groupes techniques sont porteurs de certaines
maladies particulières, il n'est pas vrai, en revanche que ces maladies soient exclusives à
ces seules ethnicités. On risque que certains groupes soient stéréotypés ou que, par
exemple, on évite les mariages mixtes par crainte de transmettre des problèmes
génétiques. « La race », écrit Francis Collins, « est un substitut imparfait de l'origine
géographique ancestrale, laquelle, à son tour, est un substitut de la variation génétique
présente dans le génome d'un individu ».
Il observe que plusieurs croient que la race et l'ethnicité sont des concepts trop
inadéquats pour permettre de répondre aux préoccupations race-santé. Bien que
certaines maladies semblent être particulières à certaines races ou ethnicités, il faut faire
attention de ne pas trop présumer ni à perpétuer des stéréotypes ou des préjugés liés à
certaines maladies.
Récit : L'utilisation de la BiDil
Vous êtes, depuis deux ans, membre d'un comité de Santé Canada qui approuve les
nouveaux médicaments. Vous êtes actuellement chargé de faire des recommandations
au sujet du médicament nommé BiDil (dinitrate d'isosorbide et hydrochlorure
d'hydralazine). Vous êtes convaincu que le médicament est suffisamment sûr et efficace.
Ce qui vous inquiète toutefois, c'est la façon dont il sera mis en marché. Son fabricant,
NitroMed, se propose de réserver ce médicament à une population ethnique
particulière, en se fondant sur des études le montrant particulièrement efficace chez ce
groupe. On a fait peu d'efforts pour isoler le profil génétique particulier susceptible de
rendre ce médicament plus ou moins efficace. Vous avez lu suffisamment pour
comprendre la débat qu'il va susciter, puisqu'il est destiné à être utilisé chez un groupe
particulier, comme s'il était établi que l'ethnicité est une catégorie ethnique, plutôt que
sociale. Par ailleurs, des études subséquentes montrent qu'il y a plus de variation
génétique au sein de ce groupe que chez d'autres communautés ethniques. Dans
l'ensemble, des études subséquentes montrent que la BiDil a été efficace dans le
traitement d'Afro-Américains, mais on craint que, comme seuls des Afro-Américains ont
participé aux essais cliniques, d'aucuns pensent qu'elle ne soit efficace que chez ce
groupe, alors qu'elle pourrait être universellement bénéfique.
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
63
Questions pour discussion
1) Même si vous comprenez qu'il y a prépondérance de preuve en faveur de la
sûreté et de l'efficacité de BiDil, vous comprenez également que la science qui
sous-tend la décision de mise en marché est plutôt précaire. Vous savez que la
mise en marché va inévitablement ajouter créance à la douteuse idée selon
laquelle l'ethnicité est une catégorie génétique. Vous comprenez aussi qu'il
surviendra sans doute une controverse publique sur la décision si le médicament
est approuvé pour usage dans cette communauté particulière. Comment allezvous peser la situation?
2) Pensez-vous que votre rôle dans le comité devrait être axé uniquement sur la
sûreté et l'efficacité d'un médicament, ou devriez=vous tenir aussi compte des
implications sociales?
64
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
Deuxième scénario
Question méritant réflexion
Quel effet les technologies génétiques auront-ils
sur les sphères sociale et économique?
Selon Neil Postman, toute technologie a ses gagnants et ses perdants. Ceux qui en
bénéficient et ceux qui en souffrent. Le film « Gattaca » dépeint une société futuriste
divisée en deux groupes: celui des personnes génétiquement modifiées, promis aux
emplois les plus qualifiés, et celui des « invalides », à qui on confie les plus humbles
tâches, comme soutiens au travail de la classe modifiée. Le monde de Gattaca est-il un
prolongement logique du système social et économique que nous avons aujourd'hui?
Qui bénéficiera de la révolution génétique? Qui en souffrira? Quels facteurs modèleront
nos façons d'utiliser la technologie génétique?
Récit : Tests génétiques et avantages en matière d’emploi
Janet pose sa candidature à un emploi chez Maplekey, un
important manufacturier d'ordinateurs. Elle est tout
heureuse de cette occasion et revoit minutieusement sa
demande d'emploi. La société offre des avantages
extraordinaires, particulièrement dans le domaine de la
santé. Elle paie 100 % de tous les coûts relatifs à la santé,
tant pour l'employés que pour tous les membres de sa
famille immédiate. Il y a un seul hic: la partie « antécédents
médicaux » de la demande d'emploi inclut les tests
génétiques. Il faut que tous les membres de la famille
immédiate aient leur séquence et leur profil génétiques. Le
poste ne dépend pas du résultat de ce test, à moins qu'il ne
révèle une maladie létale ou débilitante susceptible
d'affecter le rendement de Janet dans un avenir rapproché
et de coûter une forte somme à l'entreprise. Si les tests décèlent la présence d'un
marqueur génétique lié à une forte probabilité de maladies ou d'incapacité moins
graves, on offrira quand même le poste à Janet, mais sa contribution-santé et celle des
membres de sa famille seront basées sur les calculs actuariels relatifs à l'ensemble des
probabilités - le « pool de risques » révélé par les profils génétiques. Janet paraît en
bonne santé et n'est au courant d'aucun sérieux problème de santé des deux côtés de
sa famille ni de celle de son mari. Elle décide d'en discuter avec son mari, avec les
enfants et avec vous, sa grande amie.
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
65
Questions méritant réflexion
1) Cette histoire ressemble à celle de la GenLife de la deuxième leçon. On demande
ici à Janet et à sa famille de divulguer de l'information génétique en échange
d'une situation probablement favorable : un bon poste doté d'une bonne
couverture en soins de santé. À titre d'amie intime, quels conseils lui donneriezvous?
2) La divulgation, de données préalables par des requérants est courante, voire
raisonnable, jugeraient certains. Les examens physiques et la révélation des
antécédents médicaux familiaux font parfois partie de l'évaluation et de la
détermination d'un risque de groupe. En quoi le dépistage génétique diffère-t-il,
s'il en diffère, de ce genre de processus d'évaluation de risque?
3) Quels risques Janet et sa famille courent-elles en se soumettant à ce dépistage? À
part la possibilité que Janet voie rejeter sa demande, quels autres problèmes
pourrait-il survenir?
4) D'aucuns soutiennent que les technologies génétiques vont accélérer le déclin de
l'assurance privée comme moyen d'offrir des soins de santé ou vont isoler
davantage ceux qui ont un héritage génétique moins qu'idéal. Qu'en pensezvous?
5) Le dépistage génétique a-t-il sa place dans l'évaluation d'un candidat à un poste?
Existe-t-il des moyens de protection à mettre en place?
66
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
Troisième scénario
Question méritant réflexion
En quoi les technologies génétiques vont-elles
influer sur l'allocation des soins de santé?
Les demandes d'information génétique pourraient influer sur les budgets de soins de
santé. On peut soumettre au dépistage, par exemple, les filles de femmes atteinte d'un
cancer attribuable aux gènes BRCA1 et BRCA2. Ce genre de dépistage a incité bien des
femmes à demander une mastectomie préventive fondée sur l'éventualité d'un cancer
du sein. Même si toutes les femmes ne développaient pas des tumeurs cancéreuses, on
peut facilement comprendre que des pressions internes incitent à de pareilles
demandes. À mesure que la recherche découvrira les sources génétiques de la maladie,
plus nombreux seront ceux d'entre nous se verront anticiper de recevoir les traitements
préventifs disponibles. Vu la base statistique sous-tendant cette démarche, nos
ressources de soins de santé seront sollicitées davantage, parfois inutilement.
Récit : Évaluation statistique du succès d’un traitement
Un cinquantenaire avait récemment une
intervention chirurgicale pour l'ablation d'une
tumeur maligne du côlon. Certains caractères de
cette dernière donnent à croire qu'il y a un risque
élevé de récidive dans les 5 années à venir. Il
existe un traitement avec de possibles effets
secondaires ennuyeux capable de diminuer le
risque de 20 %. Des patients dont le tumeur
réséquée possède une certaine mutation sont
beaucoup plus susceptibles de profiter du
traitement, c'est-à dire que le taux de récidive tumorale est réduit de 60 % chez les
patients dont la tumeur montre une mutation, tandis que ce taux est inférieur à 5 %
chez ceux dont la tumeur ne la possèdent pas. Il existe un test fiable pour cette
mutation, mais il est très coûteux, vu la protection du brevet. Le cancer du côlon est
relativement courant, de sorte qu'on peut sauver plusieurs vies en prévenant la récidive
chez les patients qui ont la mutation. On peut en outre économiser ou reporter
d'importantes dépenses en soins de santé pour les patients traités dont les tumeurs ont
la mutation. Le ministère de la Santé a donc décidé de financer le test génétique qui
peut déterminer quels patients sont davantage susceptibles de profiter du traitement.
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
67
Questions pour discussion
1) Quel est le pour et le contre du financement, pour tous les patients atteints d’un
cancer particulier, de tests indiquant qu’un certain traitement peut réduire le taux
de récidive chez certains patients?
2) Que feriez-vous si un membre de votre famille apprenait qu’il ou elle n’était pas
admissible à un traitement?
3) La protection d’un brevet peut rendre certains brevets très coûteux. Selon notre
régime de soins de santé, le non-financement de tels traitements fondé sur le
coût plutôt que sur l’efficacité est-il moralement justifiable?
68
Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale
Génétique 101
Historique
Pourquoi certains caractères sont-ils courants dans certaines familles?
L’hérédité a toujours excité la curiosité des
humains. Jusqu’aux années 1800, philosophes et
théologiens ont débattu du mécanisme en vertu
duquel des caractères étaient transmis des
parents aux enfants, mais on n’a presque jamais
recouru à une analyse scientifique.
Veuillez noter : On trouvera dans
le Glossaire les définitions des
termes en caractères gras du
texte, de même que d’autres
termes.
Au milieu des années 1800, on ne savait encore presque rien des gènes ni de leur base
moléculaire. Or, un moine d’Europe centrale du nom de Gregor Mendel devint
intensément curieux du mécanisme de l’hérédité génétique. Né dans ce qui est
maintenant la République tchèque et éduqué dans un monastère local, Gregor y
demeura jusqu’à l’âge adulte. Il y eut, parmi les objets particuliers de ses intérêts, la
compréhension du mécanisme permettant aux parents de transmettre à leurs enfants
certains caractères génétiques. Il entreprit, à cet effet, des expériences sur des petits
pois, dans le but de déterminer comment certains caractères tels que la couleur de la
plante, sa hauteur et la forme de ses pois étaient transmises de la plante-mère à la
plante-rejeton.
Sans notions des gènes ni de l’ADN dont ils se composent surtout, Mendel a pu
élaborer certains principes de l’hérédité dont on sait maintenant qu’ils s’appliquent
aussi à d’autres créatures vivantes, dont les humains. Ses découvertes, s’ajoutant à
d’autres, lui ont valu le titre de « Père de la génétique moderne ».
Plus d’un siècle après les expériences de Mendel, Francis Crick et James Watson
découvraient la structure de l’ADN (acide désoxyribonucléique). La compréhension de la
composition moléculaire et du fonctionnement des gènes a mené à une bien meilleure
compréhension de l’interaction entre les gènes, l’environnement et la santé humaine.
Composition d’une cellule humaine
Pour comprendre l’importance de la génétique, il faut comprendre un peu d’anatomie
aux niveaux organique et cellulaire.
Chaque organe du corps humain (poumon, rein, cerveau, cœur, etc.) est composé de
tissus. Ce sont des types de cellules qui, tout en fonctionnant différemment, travaillent
ensemble à permettre à chaque organe de fonctionner normalement.
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
71
Bien que les cellules composant différentes parties du corps - peau, os, cerveau,
poumons… etc. soient de structure et de composition différentes, toutes les cellules du
corps humain partagent certains attributs physiques et biologiques fondamentaux.
Toutes les cellules se composent d’un liquide, appelé cytoplasme, dans lequel sont
situés le noyau et d’autres structures plus petites. Le cytoplasme est entouré d’une
membrane qui garde la cellule intacte. Le noyau joue le rôle de centre de contrôle de la
cellule. Chaque noyau contient un ensemble de chromosomes, connus collectivement
sous le nom de génome. Le noyau de toutes les cellules corporelles contient 23 paires
de chromosomes (d’où un total de 46), dont une paire qui détermine le sexe de la
personne. (Font exception les cellules germinales (sperme et ovules), qui n’ont chacune
que 23 chromosomes.)
23 paires de chromosomes
Chacune des paires de chromosomes contient des gènes, dont les structures
fondamentales sont l’ADN. Cet ADN guide la formation de protéines, qui sont les
éléments constitutifs de la structure et du fonctionnement de chaque cellule. Chaque
gène a deux copies ou allèles, soit un sur chacun des chromosomes jumelés. Ces allèles
peuvent peuvent être, quant à leur structure, identiques ou variés à divers degrés.
Chaque allèle de chacun des gènes a donc a un « jumeau » identique ou différent,
quant à la structure, sur l’autre chromosome de cette paire. Les variations des allèles
normaux d’un gène donné sont appelées des « mutations ». Les mutations qui font en
sorte qu’un allèle diffère, ne fût-ce que légèrement, de l’allèle normal peuvent produire
un impact important sur l’expression de ce gène.
72
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
Bien que chaque gène n’ait que deux allèles dans sa cellule (sauf les cellules germinales,
qui n’ont qu’un seul allèle par gène), on peut trouver un grand nombre de variétés
d’allèles dans une population humaine. Tel est le cas des caractères tels que la taille, la
couleur des cheveux et des yeux; cela explique également la grande variété de ces
caractères chez certaines populations.
Le génome de chaque personne est identique dans le noyau de chacune des cellules de
l’organisme. Les cellules de votre cerveau ont donc exactement les mêmes gènes que
cellules de vos poumons, de votre oreille interne et des tendons de votre gros orteil.
Votre cerveau paraît cependant différer de votre gros orteil et fonctionner autrement
que lui, car ce ne sont pas tous des gènes identiques qui sont à l’œuvre dans vos
cellules cérébrales que dans celles de votre orteil, c’est-à-dire que pendant votre
évolution en tant qu’embryon et que fœtus, certaines instructions héréditaires de
certains gènes ont désactivé le fonctionnement de certains autres gènes (appelés gènes
silencieux). Différents gènes de divers types de cellules ont été désactivés, permettant le
fonctionnement des différents gènes de chaque type de cellule. C’est cette variation de
l’activation et de la désactivation dans chaque type de cellules qui est cause de la
diversité d’apparence et de fonctionnement nécessaire à votre développement en tant
que nouveau-né humain unique.
Un à-côté : l’ADN hors du noyau
Outre le noyau, les cellules ont dans leur cytoplasme de petites structures distinctes
appelées organelles, dont chacune a sa propre fonction. Un genre, appelé la
mitochondrie, transporte d’importantes composantes productrices d’énergie de la
cellule. Chaque mitochondrie contient une quantité infime de matériel génétique
additionnel contenant de l’ADN. Ce matériel génétique est transmis par la mère par
l’intermédiaire de la lignée génétique, car l’ovule de la mère est porteur de presque tout
le cytoplasme contenu dans le zygote, c’est-à dire la cellule produite par l’union d’un
spermatozoïde et d’un ovule lors de la conception.
On a relié des mutations de ce matériel génétique mithocondrial à un nombre croissant
de problèmes de santé, quoiqu’il existe des problèmes mitochondriaux attribuables à
l’ADN du noyau. Un ou plusieurs organes peuvent être affectés et des symptômes
peuvent varier, selon la maladie. On relève, au nombre des symptômes éventuels, la
faiblesse musculaire et le manque de coordination, les problèmes de la vue et de l’ouïe,
les problèmes nerveux, les trouble mentaux et le diabète. Nous ne discuterons pas
davantage de ce type d’ADN, mais à ceux qui sont intéressés à obtenir plus
d’information sur cet intéressant nouveau domaine des maladies liées au gène
mitochondrial, on conseille le site Web www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK1224/.
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
73
Composition, caractères et effets
des chromosomes et de leurs gènes
Les chromosomes sont composés de chromatine un complexe moléculaire fait d’ADN
qui enveloppe des protéines spéciales appelées histones. L’ADN est la base de ce
complexe qui contient l’information sur l’hérédité génétique. Lorsqu’une cellule se
sépare entre deux cellules, chaque paire de chromosomes peut se doubler et se séparer,
de sorte que chaque nouvelle cellule (aussi appelée fille) a un nombre normal des
même chromosomes jumelés que dans la cellule originale (aussi appelée mère). Alors
que plusieurs différentes sortes de cellules peuvent se diviser et se doubler ainsi durant
la vie, les cellules du sperme et de l’ovule sont uniques, en ce sens que chacune n’a
qu’un type de chromosome, plutôt qu’une paire. Lorsqu’un sperme féconde un ovule,
un jeu de chromosomes du sperme (provenant du père biologique) est apparié à un jeu
de chromosomes de l’ovule (provenant de la mère biologique). Cette combinaison du
sperme et de l’ovule résulte en la présence, dans l’ovule fertilisé, d’un jeu unique de
chromosomes jumelés maintenant connu sous le nom de zygote.
Comment la structure de l'ADN est se traduit par des protéines, qui deviennent la base
moléculaire de fonctions telles que le mouvement, la parole, la vue et autres fonctions
de notre corps.
l’ADN est un polymère, un type de molécule fait de successions de sous-unités, telle
une enfilade de perles. L’ADN possède cinq sous-unités : adénine, guanine, cytosine et
thymine (ou A, G, C et T). Ces sous-unités sont des espèces de codes qui déterminent la
production de certaines molécules appelées aminoacides. Ces aminoacides sont comme
des blocs servant à construire des protéines. Des combinaisons différentes de sousunités produisent des amino-acides différents et des combinaisons différentes
déterminent la formation de protéines différentes.
Les sous-unités d’ADN sont disposées sur l’ADN comme les barreaux d’une échelle. Les
sous-unités A et T sont toujours jumelées pour former un barreau de l’échelle, tout
comme les sous-unités G et C. L’ADN est donc comparable à une échelle composée de
paires de sous-unités formant les barreaux d’une échelle particulière. Il faut trois de ces
paires pour faire un aminoacide, tandis que des séquences de paires différentes
produisent des amino-acides différents, lesquels, à leur tour, produisent des protéines
différentes. Des couches multiples de combinaisons peuvent produire un nombre
énorme de protéines différentes qui, combinées à d’autres molécules comme les
glucides et les gras, constituent la base de nombreuses fonctions de l’organisme.
74
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
Dans la cellule, l’ADN de chaque gène
est traduit en protéines spécifiques
par l’intermédiaire du mécanisme
décrit ci-dessus. Ces protéines
construisent alors des structures
vitales qui desservent un bon nombre
des fonctions de notre corps. Chaque
gène produit une protéine, ou un jeu
de protéines, distincts de celles
d’autres gènes. Comme mentionné cidessus, chaque gène possède deux
allèles. Si des allèles sont identiques,
ils
produisent
des
protéines
identiques.
Si,
toutefois
(habituellement à cause de la
mutation) un allèle est différent, les
protéines produites par chaque allèle
peuvent différer. Les différences de
caractéristiques telles que la couleur
des yeux, par exemple, dont
déterminées, pour une bonne part,
par les différences ou les similitudes
structurales ou fonctionnelles entre
les protéines produites par la paire d’allèles d’un gène particulier. Nous examinerons
plus en détail, dans la prochaine partie, le concept des mutations et de leur importante
diversité génétique et fonctionnelle.
Mutations : Changements dans l’ordre des
sous-unités et leurs conséquences
On appelle mutation un changement dans l’ordre des sous-unités d’un gène dans
l’ADN. Une pareille mutation peut produire une sous-unité modifiée de la protéine
normalement produite par ce gène, laquelle peut, à son tour, affecter la structure et le
fonctionnement. Dans une cellule, ce changement, ou mutation, peut être hérité par
toue nouvelle cellule créée lors de la division de la cellule modifiée. Cette mutation
résulte, ou non, en un changement dans la structure ou le fonctionnement ce ces
nouvelles cellules : tout dépend d’un certain nombre de facteurs : type de gène modifié,
gène actif ou silencieux, fonction avant sa mutation, etc. Il se produit toujours des
mutations. En ce moment même, vous accumulez des mutations dans votre ADN.
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
75
Heureusement, toutefois, la plupart des mutations sont réparées avant d’être traduites
en protéines anormales. Si elles sont réparées, les mutations n’ont pas d’effets nocifs sur
la cellule ou sur sa descendance résultant de la division cellulaire, ni sur la personne à
qui appartient la cellule. C’est le cas lorsqu’il se produit une mutation dans des parties
de l’ADN qui ne contiennent pas de gènes ou lorsqu’une protéine modifiée quant à la
structure fonctionne encore normalement.
Il arrive cependant qu’une mutation produise une protéine qui fonctionne
normalement. Dans le cas de certaines mutations, ces protéines peuvent ne pas avoir
d’effet visible sur la personne chez qui se produit la mutation. D’autres mutations
peuvent causer la mort de la cellule elle-même. Cette mort d’une cellule peut avoir peu
ou pas de conséquences chez les personnes pleinement développées, mais pourrait
causer la mort d’un embryon ou d’un fœtus en développement. D’autres mutations,
enfin, peuvent amener un changement dans un caractère désirable ou indésirable tel
que la couleur des cheveux ou la taille. Il arrive que des mutations résultent en des
qualités ou fonctions inhabituelles chez ce type de personne ou d’espèce.
Mutations spontanées, par opposition à acquises
Une mutation peut se produire dans toute cellule et en tout temps. S’il s’en produit une
dans une cellule autre qu’un sperme ou un ovule, on parle de mutation somatique, qui
ne peut pas être transmise aux enfants de la personne. Il se peut que la mutation n’ait
aucun effet perceptible, qu’elle n’affecte qu’un type particulier de tissu ou d’organe ou
qu’elle affecte perceptiblement la personne entière. Toutefois, si la mutation se produit
dans un sperme ou une cellule ovarienne, on parle de mutation germinale. Comme on
l’a déjà dit sujet des chromosomes, chaque ovule ou sperme n’a qu’un seul allèle de
chaque gène, plutôt que les deux allèles qu’on trouve dans les cellules somatiques.
Donc, si un spermatozoïde avec mutation d’un allèle fusionne avec un ovule sans
mutation de son allèle, le gène de l’embryon résultant va se développer jusqu’à maturité
avec un allèle mutant et un allèle normal dans chacune des cellules de son corps pour le
reste de ses jours.
Chez une personne affectée d’une maladie génétiquement liée, la maladie peut être
causée par la mutation spontanée d’un seul allèle d’un gène particulier au cours du
développement embryonnaire. Dans d’autres cas, la maladie peut être due à l’héritage
d’un allèle qui aurait muté chez un ancêtre. Dans d’autres cas encore, la maladie peut
survenir lorsqu’une personne qui hérite d’une mutation dans un allèle d’un gène
particulier subit une mutation spontanée dans les autres allèles de ce gène. Comme
nous le verrons plus tard (dans la partie Maladie héréditaire et détection génétique,
Prévision du cancer du sein par dépistage génétique) c’est la force d’expression de la
76
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
mutation menant à la maladie qui détermine si un des allèles, ou les deux, doivent être
porteurs de la mutation pour que la maladie se développe.)
Des différences dans des gènes peuvent devenir
des différences dans nos caractères
L’information génétique est principalement transmise du parent à l’enfant par l’ADN.
Dans les cellules, cette information se traduit par des protéines qui construisent des
structures et remplissent des fonctions importantes pour la cellule, l’organe ou les tissus
où réside la cellule, ainsi que pour l’ensemble de l’organisme. Ces structures et ces
fonctions sont évidentes dans des caractères tels que la couleur des yeux, la figure, la
taille et autres. Comme nous recevons notre ADN de nos deux parents biologiques lors
de la conception, nos caractères sont souvent semblables à ceux d’un de ces parents, ou
des deux à la fois. Une différence (ou modification mutationnelle) de la structure
moléculaire d’un gène est une différence génotypique entre le gène original et celui qui
a été modifié. Si cette différence génotypique résulte en une différence dans le
caractère ou la fonction associés à ce gène, comme la couleur des yeux, il s’agit d’une
différence phénotypique. En pareil cas, la couleur ne serait pas la même entre le gène
original et le gène muté.
Changements épigénétiques
Jusqu’à tout récemment, les généticiens ont cru que seuls, des changements dans l’ADN
des gènes (c’est-à-dire des mutations) pouvaient amener à des changements dans
l’expression phénotypique de ces changements. Ils ont découvert récemment que des
changements dans le non-ADN ou des portions d’histones pouvaient modifier
l’expression du gène. On appelle
épigénétiques de tels changements,
parce qu’ils causent des changements
dans
l’expression
du
gène
(ou
phénotypiques)
sans
modifier
la
séquence d’ADN des gènes.
Les changements épigénétiques peuvent
être
causés
par
des
facteurs
environnementaux.
On a relié des
changements
épigénétiques,
par
exemple, à la modification de la réaction
de stress dans le cerveau de personnes victimes de mauvais traitements dans leur
enfance. Ces changements, à leur tour, peuvent être hérités par la progéniture
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
77
subséquente. Comme les changements épigénétiques peuvent être des changements
acquis transmis ensuite à la descendance, cette dimension récemment comprise de la
génétique a fondamentalement modifié notre concept du changement et du patrimoine
génétiques.
Tout comme pour certaines parties de l’ADN, les changements épigénétiques semblent
jouer un rôle dans les mécanismes grâce auxquels différents types de cellules savent
quels gènes activer et désactiver à mesure que ces cellules se multiplient et se
différencient en différentes fonctions durant le développement embryonnaire et fœtal.
Ce genre de régulation épigénétique peut intervenir dans le contrôle de la division
cellulaire et de la croissance tissulaire. Ils peuvent cependant jouer un rôle dans des
perturbations de la croissance de tissu où des changements épigénétiques peuvent
mener à la croissance incontrôlée de la cellule sous la forme d’un cancer.
On sait maintenant que bon nombre des changements du le génome susceptibles
d’entraîner la croissance incontrôlée d’une cellule et de sa progéniture comportent de
subtils changements dans les protéines d’histone associées à l’ADN. On exploite
maintenant ces connaissances pour créer de nouveaux médicaments contre le cancer
capables de modifier ou de refuser de tels changements épigénétiques dans des
cellules de cancer et supprimer ou stopper la croissance du cancer. On dispose déjà de
thérapies qui ciblent de tels changements dans le génome de cellules du cancer, tandis
qu’il s’en crée et s’en approuve d’autres chaque année.
Des protéines différentes pour des fonctions différentes
L’information génétique de l’ADN se traduit par des protéines différentes. Les
différences structurales de ces protéines sont associées à différentes fonctions
physiologiques. Les protéines fabriquées dans vos cellules musculaires interagissent
pour permettre à vos muscles de se contracter. Les protéines des neurones, ces
principales cellules composant le système nerveux, produisent les neurotransmetteurs
qui vous permettent de savoir ce que vous direz ensuite. Les protéines de la rétine de
votre œil produisent des molécules qui changent de forme lorsque frappées par la
lumière, ce qui vous permet de voir. Les ongles et les cheveux sont composés d’une
protéine appelée kératine. L’hémoglobine est une protéine qui transporte l’oxygène de
vos poumons au reste de votre organisme. L’amylase est une protéine fabriquée par les
cellules salivaires de votre bouche qui permettent de digérer l’amidon de divers
aliments tels que les pommes de terre et les craquelins.
78
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
Implications pratiques de la variation génétique : l’histoire des types
sanguins
Le sang peut se classer sous certains types, selon les différentes molécules associées à
des globules rouges. Un système particulier de typage du sang humain peut être
instructif pour quiconque veut comprendre le concept de l’héritage génétique. Il y a un
de nos chromosomes un gène de type sanguin contenant des instructions pour la
production d’une protéine qui a pour fonction d’ajouter des glucides à la surface de
globules rouges. Tout comme d’autres gènes, celui-ci a deux allèles, l’un hérité de la
mère biologique et l’autre du père biologique. Chaque allèle peut être une de trois
variantes structurales mineures. La variante A possède la recette d’un enzyme qui ajoute
des glucides de type A aux globules rouges. C’est une mutation faite dans un lointain
passé peut être la raison de l’existence d’une seconde variante, appelée variation B, qui
ajoute à la surface des globules rouges des glucides de type B, plutôt que de type A.
Une troisième variante (ou variante O), résultat possible d’une mutation passée, produit
un enzyme non fonctionnel incapable d’ajouter du glucide à la surface du globule
rouge.
Si chacun des allèles de votre gène de type sanguin n’a que la variante A (le gène est
alors nommé AA), vous et votre gène êtes homozygotes pour le sang de type A. Si un
des allèles a la variante A et l’autre de variante O (le gène est nommé AO), vous et votre
gène êtes hétérozygotes pour le sang de type A. Dans les deux cas, seuls les glucides
de type A sont présents dans vos cellules sanguines rouges, car la variante B en est
absente, tandis que la variante O est incapable d’ajouter des glucides. Il en va de même
pour la variante B : seuls les glucides de type B sont présents sur les globules rouges,
tandis que dans le cas des homozygotes (BB) ou hétérozygotes (BO), la personne a du
sang de type B. Si vous n’avez pas de glucides de type A ni de type B, vous avez du sang
de type O. Enfin, si un allèle a la variante A et l’autre la variante B, les deux glucides
seront présents et le type sanguin sera AB.
Ces variantes génétiques sont analogues à différentes recettes de biscuits à la farine
d’avoine. L’allèle du groupe sanguin A ressemble à une recette de biscuits au raisin
(cellules sanguines rouges avec glucide de type A), tandis que le groupe sanguin B est
analogue à un léger changement dans la recette du biscuit, d’où des biscuits avec
brisures de chocolat au lieu des raisins. C’est la variante O qui est la recette la plus
simple, ne contenant pas de raisins ni de brisures de chocolat. En l’absence de raisins
(un allèle A) ou de brisures de chocolat (un allèle B), les biscuits à la farine d’avoine sont
tout simplement nature (et moins goûteux!)
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
79
Les variantes A et B sont moins dominantes et la variante O récessive
Certains allèles de gènes particuliers sont exprimés (c’est-à-dire qu’ils résultent en un
caractère tel que la couleur des yeux ou le groupe sanguin) de façon plus dominante
que d’autres allèles du même gène. Lorsqu’un gène est hétérozygote et qu’un allèle est
plus dominant que l’autre, l’allèle dominant peut être exprimé, tandis que l’autre, le
récessif, ne l’est pas. Un allèle récessif ne peut être exprimé que si le gène est
homozygote à l’égard de cet allèle (les allèles ont tous deux la même mutation
récessive), dans lequel cas il n’y a pas d’allèle dominant. Dans le typage sanguin, les
allèles A et B sont tous deux dominants, tandis que le O est récessif.
Sommaire de la génétique du système de typage sanguin ABO
1. Dans le typage sanguin ABO, si vous êtes homozygote ou hétérozygote à l’égard
de la seule variante A (c’est-à-dire AA ou AO), vous n’exprimerez que le glucide A
dans vos globules rouges et serez censé avoir du sang de groupe A.
2. Si vous êtes homozygote ou homozygote à l’égard de la variante B seulement
(c’est-à-dire BB ou BO), vous n’exprimerez que ce glucide dans vos globules
rouges et serez censé avoir du sang du groupe B.
3. En l’absence des deux allèles A et B (c’est-â-dire OO), vous avez du sang de type
O. Si vous avez un allèle A et un allèle B, vous avez les deux glucides, donc du
sang du groupe AB (ou des biscuits à la farine d’avoine avec à la fois du raisin et
des brisures de chocolat)
80
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
Prédiction de la progéniture avec
les caractères d’un gène particulier
Le Carré de Punnett est une façon utile d’expliquer la relation entre des gènes
dominants et des récessifs (voir l’illustration). Appelé du nom du professeur de biologie
Reginald Punnett, il sert à prédire la
contribution génétique de parents à
leurs enfants et les génotypes
résultants de ces enfants. Si deux
personnes
avec
les
groupes
sanguins A et B ont un enfant, on
peut prédire les résultats à l’aide du
Carré Punnett (voir la figure). Les
allèles connus de la mère (A et O,
dans le présent cas) sont placés en
tête du carré et les allèles connus
du père (B et O) sur le côté du carré.
Les quatre carrés représentent les
génotypes possibles de leurs
enfants. On voit ici que ce couple
pourrait avoir des enfants avec
n’importe lequel quatre groupe
sanguins possibles et que chaque
fois qu’ils ont un enfant, il y a une chance sur quatre, soit 25 %, que l’enfant soit du
groupe sanguin AB, O (représenté par OO), B (BO) ou A (AO).
De même, si les parents ont chacun les allèles A et O et qu’ils sont chacun du groupe
sanguin A (c’est-â-dire que chacun a AO), les lettres peuvent être insérées dans le Carré
Punnett. On voit qu’il y a :
75 % de chance que leur enfant soit du groupe sanguin A (un allèle sur quatre,
ou 25 %, ait deux allèles A, tandis que deux sur quatre, soit 50 %, aient à la fois
les allèles A et O), et
25 % de chances (un carré sur quatre) d’avoir les deux allèles du groupe sanguin
de type O.
Ce type d’héritage, où un gène contrôle un caractère mesurable, est appelé simple
hérédité mendélienne, d’après le moine Gregor Mendel, premier à avoir déduit le
mécanisme de l’hérédité monogénique.
Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique
81
Génétique
comportementale
Le gène et son environnement
« La génétique comportementale a pour principal d’établir des relations
corrélationnelles entre les gènes et le comportement »1
Existe-t-il un gène pour le saut à l’élastique? L’alcoolisme est-il un caractère génétique,
tout comme le groupe sanguin? Y a-t-il des gènes de la schizophrénie? La personnalité
de quelqu’un consiste-t-elle en une série de réactions chimiques dans le cerveau qui
soient déterminées par leurs gènes?
Les scientifiques qui étudient ce genre de questions sont appelés des généticiens
comportementaux. La plupart d’entre eux diraient que les données laissent à entendre
que les traits de personnalité sont influencés, mais non déterminés, par les gènes.
La plupart des caractères humains ne sont pas
Veuillez noter : On trouvera dans
déterminés par un seul gène. Beaucoup d’entre
le Glossaire les définitions des
eux sont influencés par plusieurs gènes
termes en caractères gras du
travaillant de concert. En pareils cas, le simple
texte, de même que d’autres
Carré de Punnett qui peut servir à déterminer le
termes.
groupe sanguin ne sera pas facile à utiliser pour
déterminer la fréquence de l’hérédité pour de tels caractères. Enfin, pour compliquer un
peu les choses, un caractère humain résulte souvent de l’interaction entre ou plusieurs
gènes et de l’environnement. Quand on ne parle ici d’environnement, il ne s’agit pas
seulement du monde extérieur – où vous alliez à l’école, ce que vous preniez comme
goûter, si vous faisiez ou non de l’exercice. L’environnement d’un gène humain
comprend 1) les autres gènes dans cette cellule, 2) les hormones et autres produits
chimiques auxquels est exposée la cellule, 3) l’interaction avec les autres cellules et
tissus et 4) l’environnement extérieur au corps. Les études portant sur des jumeaux
identiques peuvent aider à étudier l’influence de l’environnement. Comme des jumeaux
identiques ont des gènes et un ADN identiques, les scientifiques peuvent en apprendre
beaucoup en étudiant l’influence, sur des jumeaux séparés après leur naissance, d’une
éducation reçue de deux communautés/environnements différents.
Bazzett, Terence J. An Introduction to Behavior Genetics. Sunderland, MA: Sinauer
Associates, 2008.
1
Génétique comportementale
85
Hérédité polygénique : Hérédité mettant en cause plus d’un gène
Exemple hypothétique de gènes multiples influençant la taille
Voyons d’abord des caractères spécifiques déterminés par plusieurs gènes, un
phénomène appelé hérédité polygénique. La taille en est un bon exemple. C’est un
caractère qui varie continuellement, c’est-à-dire que tous les humains ne font pas 5 ou 6
pieds. Les tailles humaines sont plutôt distribuées sur une échelle de grandeur. De
multiples gènes contribuent à la taille. En fait, les généticiens savent que de nombreux
gènes, largement distribués sur de multiples chromosomes, paraissent contribuer, de
façon cumulative, à la détermination génétique de la taille.2
Pour comprendre le rôle de gènes multiples dans l’héritage de caractères polygéniques,
voyons un cas simplifié et hypothétique. Supposons que seulement trois gènes
interagissent pour contrôler la taille et que chacun des gènes ait deux allèles différents.
Pour chaque gène, un allèle ajoute à la taille (cumulatif) et l’autre n’en ajoute pas (non
cumulatif). De plus, l’allèle qui ajoute à la taille est dominant par rapport à celui qui n’y
ajoute pas. Comme chaque enfant a hérité de chacun de ses parents d’un allèle de
chaque gène, vous pouvez jeter un coup d’œil sur les trois gènes et même préparer un
Carré de Punnett pour chaque gène. Comme on peut le voir à la figure XX, un couple
dont chacun a trois allèles dominants (indiqués par A, B, C dans l’illustration) et trois
allèles récessifs (comme l’indiquent a, b, c) parmi les trois gènes pourrait se retrouver
avec des enfants de la même taille, mais également susceptibles d’être sensiblement
plus petits ou plus grands. Bien qu’il y ait normalement plus que trois gènes en jeu
dans la détermination de la taille, cet exemple hypothétique donne l’idée générale. En
fait, quand il y a plus de gènes en cause, on peut voir de plus grands extrêmes de taille
chez les descendants que si l’on a affaire à moins de gènes, même lorsque les parents
sont de taille plutôt moyenne.
L’environnement n’affecte-t-il pas la taille, pourriez-vous vous demander? Oui, mais
dans une mesure négligeable. La grande majorité des caractères de la grandeur sont
déterminés génétiquement. Si vos parents vous avaient nourri de boisson frappée à la
protéine dans votre enfance et vous avaient envoyé à une école Montessori, vous ne
mesureriez pas 7 pieds pour autant. L’environnement n’apportera que des ajustements
relativement mineurs aux fondements génétiques qui déterminent la taille d’une
personne.
2
Visscher, PM, et al. Am J Hum Genet. 2007 nov; 81(5) :1104-10.
86
Génétique comportementale
Autres caractères polygéniques et risques de maladies sous l’influence des interactions
environnementales
De nombreux caractères sont déterminés par polygénie, dont la couleur de la peau, le
poids, la tension artérielle et le taux de cholestérol sanguin. Bien entendu, ces
caractères ont aussi une composante environnementale. Conclure si un caractère est
déterminé par des gènes ou par une interaction entre les gènes et l’environnement peut
se révéler difficile, mais pas impossible. La chose est parfois très simple, en certains cas,
comme lorsque seulement un ou deux gènes interagissent avec leur environnement.
On peut, par exemple, relier le risque d’un AVC dû à un caillot à certains allèles pour
deux gènes qui contrôlent la production des protéines participant au processus de la
coagulation (l’un s’appelle la prothrombine, l’autre le facteur V). Chaque gène a des
allèles associés aux changements dans la nature ou la production de ces protéines.
Certains de ces changements de protéines sanguines peuvent faire augmenter
considérablement le risque de caillots sanguins, surtout si la personne qui a ces
protéines est exposée à certains facteurs environnementaux. Certains genres de
contraceptifs oraux en sont un bon exemple. Ils peuvent constituer des facteurs
environnementaux en interagissant avec ce genre de protéines après avoir été avalés et
absorbés par l’organisme.
La prise de pilules contraceptives peut avoir un effet beaucoup plus prononcé sur la
coagulation chez les femmes porteuses de gènes producteurs des protéines plus à
risque. Il y a par exemple, parmi les femmes qui n’ont pas hérité des protéines à risque,
trois fois plus de risque d’AVC dû à un caillot sanguin si elles prennent des contraceptifs
oraux que si elles n’en prennent pas. Toutefois, chez les femmes qui héritent des
protéines à risque, la prise de contraceptifs oraux augmente de 150 fois le risque d’un
AVC que chez des femmes possédant la protéine à risque qui ne prennent pas de
contraceptifs oraux. Il est clair que les contraceptifs oraux produisent un substantiel
effet environnemental lorsqu’ils interagissent avec certaines protéines génétiquement
héritées.
Interaction entre la variation génétique et l’environnement:
le cas de la génétique comportementale
La plupart du temps, cependant, l’interaction entre les gènes et l’environnement est plus
compliquée, souvent à cause de facteurs inconnus. On trouve, parmi ceux-ci, le nombre
de gènes en cause, le pourcentage de variation dans un caractère génétique et le
pourcentage de variation dans un caractère dû à l’influence de l’environnement. Cela
n’est nulle part aussi vrai qu’en génétique comportementale.
Génétique comportementale
87
Les caractères comportementaux comprennent les aptitudes, les sentiments, l’humeur,
la personnalité, l’intelligence et la façon dont une personne communique, composent
avec la colère et gèrent le stress. Les affections à symptômes comportementaux sont
très diverses et incluent les phobies, l’anxiété, la démence, la psychose, la toxicomanie
et l’altération de l’humeur. Alors que la plupart des maladies associées à des caractères
comportementaux anormaux mettent en cause des gènes multiples, quelques-unes
d’entre elles peuvent être retracées à un gène unique. La maladie de Huntington est un
rare exemple de cet état.
Maladie de Huntington : un trouble comportemental dû à une seule mutation génétique
La maladie de Huntington (MH) est une maladie fatale, progressive et
neurodégénérative causée par un allèle dominant modifié. Les personnes hétérozygotes
pour la MH affichent des symptômes tard dans la trentaine ou la quarantaine. On relève,
parmi les symptômes hâtifs, les changements d’humeur, la dépression, l’irritabilité et la
difficulté à conduire, à se rappeler u fait ou à prendre une décision. Au fur et à mesure
des progrès de la maladie, il devient plus difficile de se nourrir et d’avaler. Les
explosions de colère sont la caractéristique classique de cette maladie.
Comme la mutation d’un gène peut résulter en des caractères comportementaux, il est
évident qu’on peut lier les gènes aux troubles comportementaux. Contrairement à la
MH, toutefois, la plupart des troubles comportementaux ne résultent pas de la mutation
d’un seul gène.
Défis que comporte l’identification des associations génétiques
aux variations de comportement
Il est plus difficile d’étudier la génétique comportementale que de comprendre un
trouble tel que l’anémie falciforme ou la MH, où une protéine anormale dérange
clairement la physiologie d’une façon particulière. Une des raisons de la difficulté de
telles études est que beaucoup de troubles comportementaux partagent des
symptômes, ce qui peut compliquer le diagnostic. Un manque de concentration, par
exemple, peut être symptomatique de la déficience de l’attention, de sérieux troubles
dépressifs ou de stress post-traumatique, entre autres. Ajoutons que de nombreux
symptômes, dont le manque de concentration, peuvent être considérés comme des
variations de comportement normal; il ne fait pas de doute, en effet, que de temps à
autre, nous éprouvons de la difficulté à nous concentrer ou que nous ressentons des
changements d’humeur lorsque affectés d’un certain degré de stress pendant quelque
temps.
88
Génétique comportementale
Ce qui empêche aussi de comprendre la relation entre les gènes et le comportement,
c’est la nature hautement subjective d’études qui comptent sur l’information obtenue
par le sujet d’étude lui-même. Une personne peut aussi copier inconsciemment le
comportement inhabituel, parce qu’elle ne se rend pas compte qu’il l’est. De telles
sources de confusion ne se manifestent pas avec des maladies telles que la fibrose
kystique, où des symptômes strictement physiques tels que l’essoufflement et la toux.
sont des manifestations caractéristiques du trouble.
Même s’il faut faire montre de prudence dans l’attribution d’une cause génétique à un
comportement, il reste quand même possible d’examiner les gènes qui contribuent à un
comportement particulier. Les scientifiques s’efforcent généralement d’identifier des
comportements qui semblent héréditaires, pour se concentrer ensuite sur l’identification
et la description es gènes du candidat. (On trouvera de plus amples renseignements sur
ces troubles du comportement dans la partie « Maladie héréditaire et dépistage
génétique.)
Exemple de recherche sur l’examen de l’association entre la régulation génétique de la
transmission nerveuse et le comportement
Comment se font les expériences visant à déterminer si un gène candidat joue un rôle
dans un caractère comportemental? Voyons le gène le transporteur de sérotonine.
La sérotonine est une molécule qui transporte les signaux d’une cellule nerveuse à
l’autre. Une cellule (la cellule d’envoi) produit et libère la sérotonine. Une cellule
nerveuse voisine (la cellule réceptrice) lie ensuite la sérotonine et cette cellule réagit
d’une certaine façon au signal de la sérotonine. Plus la sérotonine met de temps pour se
déplacer de la cellule d’envoi à la cellule réceptrice, plus la cellule réceptrice reçoit de
signaux.
Un gène particulier règle la production d’une certaine protéine (appelée transporteuse
de sérotonine) qui peut se fixer sur la sérotonine lorsqu’elle est entre les deux cellules,
agissant comme un traversier qui peut la retourner à la cellule d’envoi. Ce processus de
retour de la sérotonine â la cellule d’envoi coupe le signal initial, l’empêchant ainsi de
s’émettre de façon continue. Normalement, il y a juste suffisamment de sérotonine qui
parvient à la cellule réceptrice pour amener la quantité appropriée de signalement
nécessaire au fonctionnement normal du nerf. S’il y a toutefois trop de signalement, il
peut survenir des problèmes de conduction nerveuse, provoquant des troubles
comportementaux tels que la dépression, l’anxiété et autres troubles de l’humeur.
Il existe certains médicaments capables de ralentir le rythme auquel la sérotonine est
retournée à la cellule d’envoi. On appelle ces cellules des inhibiteurs sélectifs du
Génétique comportementale
89
recaptage de la sérotonine (ISRS), dont les médicaments antidépressifs Prozac et Paxil
sont des exemples. Ils peuvent soulager le patient souffrant de dépression en
ralentissant le retour de la sérotonine à la cellule d’envoi dans certaines parties du
cerveau. Cette action ralentit la fréquence de signalisation en accordant plus de temps
pour la signalisation entre cellules nerveuses. L’étude du gène transporteur de
sérotonine peut permettre de mieux comprendre le mécanisme qui sous-tend ces
troubles comportementaux et conduire à d’autres thérapies pour ce genre de troubles.
Des études cliniques peuvent permettre de trouver des associations entre différents
allèles et genres de comportement
Il se trouve qu’il y existe deux allèles pour le gène associé au transporteur de
sérotonine : les longs et les courts. La forme longue est plus active et nettoie plus
rapidement la sérotonine de l’espace entre les neurones, c’est-à-dire que les personnes
qui ont la forme longue ont un temps de signalisation plus bref que ceux qui ont la
forme courte. On se demande donc si les scientifiques peuvent déceler une différence
comportementale entre les personnes qui ont ces deux formes de gène
Des chercheurs des National Institutes of Health ont fait une étude dans laquelle on a
examiné les gènes transporteurs des sujets. Les participants ont aussi subi un texte
normalisé mesurant le névrosisme, terme désignant l’instabilité émotive, qui inclut le
trouble obsessionnel-compulsif, l’anxiété névrotique et diverses phobies. On a ensuite
attribué à chaque individu un score de névrosisme. Comme on pouvait s’y attendre, une
fois calculés les scores de tous, ils formaient une courbe généralement en cloche.
Certaines personnes étaient extrêmement névrotiques, d’autres extrêmement
tranquilles, mais la majorité des gens se situaient quelque part entre les deux pôles. On
voit que lorsque les scores de névrosisme des gens avec la forme d’allèle courte du
transporteur de sérotonine ont été calculés séparément de ceux qui avaient la forme
longue, les deux groupements de personnes formaient une distribution à peu près
normale. Un examen poussé du graphique a cependant montré que le score moyen des
personnes avec la forme longue de l’allèle était légèrement plus élevé que chez ceux qui
avaient la forme courte.
L’analyse statistique des résultats donne à penser qu’environ 1% de la de la variation
dans le score de névrosisme chez les humains était attribuable à une variation dans le
gène du transporteur de sérotonine. La différence n’est pas grande, mail elle paraît
réelle. Ce résultat donne à croire que les autres gènes entrent en jeu, tout comme
l’environnement. Il faudra procéder à des études méthodiques minutieuses et
méthodiques comme celle-ci pour apprendre combien de gènes peuvent entrer en jeu
et comment ils interagissent dans les variations du comportement humain.
90
Génétique comportementale
Maladie héréditaire
et test génétique
Nous verrons dans cette partie différents genres d’anomalies génétiques, nous servant,
pour chaque genre, d’un exemple particulier. Quelques genres comportent un gène et
un allèle mutant récessif (anémie falciforme) ou dominant (maladie de Huntington),
tandis que d’autres comportent un gène, mais beaucoup d’allèles mutants différents
(fibrose kystique); d’autres, enfin, comportent beaucoup de gènes multiples et de
mutations multiples (cancer).
Maladies dues à des mutations uniques à expression récessive
Anémie falciforme
Les globules rouges sont porteurs d’oxygène
Comme nous le disions plus haut, les mutations d’ADN peuvent mener à des protéines
modifiées qui fonctionnent ou ne fonctionnent pas à l’avantage de la cellule et de
l’organisme. Comme les techniques moléculaires modernes rendent maintenant la
détection de ces mutations relativement facile, il se détecte plus de gènes associés à des
maladies particulières. Vous vous rappelez peutVeuillez noter : On trouvera dans
être, par exemple, que l’hémoglobine est une
le Glossaire les définitions des
protéine présente dans les globules rouges qui
termes en caractères gras du
transportent de l’oxygène de vos poumons au
texte, de même que d’autres
reste de votre corps. Lorsque les globules rouges
termes.
passent par les capillaires dans les poumons,
l’oxygène passe des voies respiratoires dans les capillaires, puis dans les globules
rouges. Fixé à l’hémoglobine, cet oxygène est transporté par le sang dans divers tissus.
Les allèles du gène normal de l’hémoglobine sont appelés HbA, de sorte qu’un gène
normal est appelé Hb AA (ou HbA/HbA).
La mutation des cellules falciformes peut altérer l’aptitude à transporter l’oxygène
Un certain changement ou mutation unique fait changer l’allèle normal, en un allèle
différent, appelé HbS. Cet allèle est récessif. Donc, pour les porteurs d’allèle unique, le
gène est appelé HbAS. Comme on l’a vu à la première leçon (voir Génétique 101),
« Implications pratiques de la variation génétique : l’histoire des groupes sanguins »),
cela signifie que le caractère entier de la maladie associée à la mutation n’est présent
que si les allèles sont tous deux affectés, c’est-à-dire que le gène est dit homozygote à
l’égard de la mutation (appelée HbSS). (Pour ceux qui ont le gène HbAS, l’espérance de
vie est normale et ils ne sont pas anémiques, mais on peut occasionnellement constater
quelques symptômes de la maladie si la personne est incapable d’aspirer suffisamment
d’oxygène, comme c’est le cas pour certaines maladies pulmonaires.)
Maladie héréditaire et dépistage génétique
93
Les molécules d’hémoglobine produites par l’allèle HbS ont tendance à coller ensemble,
produisant des structures en forme de bâtonnet qui donnent aux globules rouges une
forme rigide et allongée semblable à une faucille. Ces cellules falciformes ont tendance
à être emprisonnées dans les minuscules vaisseaux appelés capillaires. Il en résulte que
les tissus alimentés par ces capillaires meurent de privation d’oxygène. Dans les
porteurs, la présence d’un unique allèle HbA et de ses molécules d’hémoglobine
normales compense l’effet de l’allèle HbS plus récessif, de sorte qu’il ne survient pas
d’anémie. Les manifestations cliniques dans ceux qui sont atteints d’anémie falciforme
(c’est-à-dire ceux qui ont le HbSS incluent l’abrégement de l’espérance de vie, une
anémie grave, l’inhibition de la croissance et du développement et des épisodes
imprévisibles de fortes douleurs aux jointures, à l’abdomen ou à la poitrine lors d’une
occlusion soudaine des capillaires de ces zones.
Porteur de cellule falciforme par opposition à anémie falciforme
Les personnes homozygotes à l’égard de l’allèle HbS ont les symptômes de l’anémie
falciforme tôt dans la vie, de sorte que la détection de la mutation ne sera pas
nécessaire. Alors que ces homozygotes à l’égard de l’allèle HbA (HbAA) n’auront pas la
maladie, des personnes hétérozygotes présenteront aussi les symptômes de la maladie,
mais sont porteurs de l’allèle HbS, qu’ils pourraient
transmettre à un ou plusieurs rejetons. Comme on a
pu le voir dans le Carré Punnett construit de la figure
X, si deux individus hétérozygotes ont un enfant, il y a
un risque de 1 sur 4 (25 %) qu’il reçoive des allèles
HbS des deux parents, ce qui le mènera à développer
l’anémie falciforme. Si un parent est homozygote à
l’égard de l’allèle normal, tandis que l’autre est
hétérozygote, il y a 25 % de risque que leur enfant
soit porteur de l’anémie falciforme. Comme on l’a
toutefois mentionné plus haut, l’enfant n’aurait pas
d’anémie falciforme.
Autre conséquence de la mutation de l’anémie
falciforme
Alors que le dépistage génétique peut se révéler particulièrement utile à la
détermination de la probabilité que des parents transmettent le caractère de l’anémie
falciforme à leurs enfants, le dépistage génétique peut aussi aider à déterminer le
moment où il faudrait faire un dépistage génétique chez une population donnée.
Certaines populations ethniques et géographiques ont une très faible prévalence de la
94
Maladie héréditaire et dépistage génétique
maladie, tandis que d’autres, plus particulièrement celles de l’Afrique et des régions
limitrophes de la Méditerranée, ont une prévalence beaucoup plus élevée. Chose
intéressante, la malaria est également prédominante chez ces dernières populations et
selon certaines observations, les porteurs hétérozygotes de l’allèle de l’anémie
falciforme (HbAS) sont partiellement protégés contre la malaria. Comme l’hémoglobine
anormale des cellules atteintes porteuses de l’anémie falciforme transporte moins
efficacement l’oxygène, les parasites infectant les globules rouges porteurs du caractère
de l’anémie falciforme semblent survivre et se reproduire moins bien dans ces états
d’appauvrissement d’oxygène. Les homozygotes avec l’anémie falciforme, toutefois, ne
sont pas avantagés, car la sévérité de l’anémie falciforme elle-même contrebalance
toute protection contre la malaria. Il en découle que le dépistage des personne dans
cette situation peut aider à réduire la prédominance des personnes atteintes de la
maladie. Dans certains pays, comme Chypre, la prédominance de cette maladie est
devenue un tel fardeau pour les coûts des soins de santé, qu’on déconseille aux jeunes
personnes portant ce caractère d’épouser une personne le possédant également, afin de
réduire la prédominance de cette maladie.
Fibrose kystiques
Fonction normale du gène de la fibrose kystique
La fibrose kystique (FK) est aussi une maladie génétique résultant de la mutation d’un
seul gène. Dans ce cas, la protéine produite par le gène transporte du sel vers les
cellules et hors d’elles. Si une mutation du gène se traduit par une protéine
fonctionnant anormalement mal, le transport peut être interrompu, dans lequel cas il
peut s’accumuler une épaisse muqueuse à l’extérieur des cellules. Dans certains
organes, cette anomalie ne produit aucun effet sur la fonction. Dans les poumons,
cependant, l’épaisse muqueuse gène la respiration et crée un environnement propice
aux bactéries, entraînant la pneumonie. Dans l’appareil digestif, la muqueuse empêche
la sécrétion des enzymes digestives, entraînant des problèmes digestifs.
Maladie héréditaire et dépistage génétique
95
Comparaison avec la mutation de l’anémie falciforme
Contrairement au cas de l’anémie falciforme, où la même mutation est présente chez
presque toutes les personnes atteintes de la maladie, des mutations différentes du gène
transporteur du sel peuvent entraîner la fibrose kystique. On n’a identifié jusqu’ici qu’un
peu plus de 1 400 mutations du gène
transporteur du sel, la gravité de la maladie
dépendant de la mutation en cause. Plus de
70 % des personnes chez qui on a
diagnostiqué la fibrose kystique ont une
mutation particulière. Vu la faible fréquence
des autres mutations, on ne les dépiste pas
systématiquement. Tout comme la mutation
de l’anémie falciforme, toutes ces mutations
du gène transporteur du sel résultent en des
allèles récessifs. Pour qu’une personne
développe la FK, il faut donc que les allèles du
transporteur du sel soient tous deux mutés. De même, également, que dans le cas de la
mutation de l’anémie falciforme, la prédominance de la mutation varie selon les
groupes et les nationalités. Aux États-Unis, par exemple, un sur 25 (4 %) des Caucasiens
de descendance nord-européenne (Euro-Américains) est porteur de la mutation. En
revanche, la prédominance chez les Afro-Américains n’est que de la moitié de ce
nombre (1,5 %).
Incertitudes liées au dépistage de la FK
Contrairement au test de dépistage de la mutation de l’anémie falciforme, un test
négatif ne signifie pas qu’un individu n’est absolument pas porteur, car c’est seulement
de la mutation prédominante de la FK qu’on s’occupe automatiquement. Ceux qui ont
réagi négativement au test peuvent, en fait, être hétérozygotes pour un autre allèle
muté qui n’a pas fait l’objet d’un test. À la suite du test, par exemple, les taux de
transport de la fibrose kystique chez les Afro-Américains tombent d’un tiers, soit de 1,5
% à 0,5 %, sans pourtant atteindre zéro. Comme dans le cas de l’anémie falciforme, ce
genre de dépistage peut aider à identifier des groupes à risque plus élevé. On pourrait
cependant manquer des porteurs de mutations plus rares de la FK, ce qui empêcherait
de tracer un tableau entier des taux de porteurs chez des groupes ethniques différents.
96
Maladie héréditaire et dépistage génétique
Maladie causée par un gène dominant autosomique unique:
la maladie de Huntington
Maladie de Huntington
L’allèle muté qui a pour résultat la maladie de Huntington (MH) est dominant par
rapport à l’allèle normal. Cela signifie qu’un personne qui n’a qu’un seul allèle muté
n’est pas seulement porteuse, mais développera la maladie associée à la mutation.
Contrairement aux personnes qui ont l’anémie falciforme ou la FK, cependant, celles qui
ont la maladie de Huntington développent habituellement les signes et les symptômes
vers l’âge de 40 ans, voire plus tard, plutôt que dans ses toutes premières années ou au
début de leur enfance. Le dépistage génétique revêt donc une tout autre signification
pour ceux qui ont la mutation de la MH.
Comme pour l’anémie falciforme et la FK, les individus qui paraissent en bonne santé
mais qui ont réagi positivement au test pour l’allèle de la MH savent qu’ils peuvent
transmettre la mutation à leurs descendants. Ils savent toutefois qu’en tant que porteurs
d’un allèle dominant tel que la MH, ils finiront par développer plus tard une maladie
progressive et mortelle, et que des descendants vont recevoir l’allèle et développer la
maladie : une nouvelle doublement dévastatrice. Cela signifie qu’une personne porteuse
d’un seul allèle (donc, de la maladie) a un risque de 50 % de transmettre cet allèle (et
donc la maladie) à n’importe lequel de ses enfants, quel que soit le génotype de l’autre
parent.
Pour les enfants dont un parent a la MH, la mutation de la MH, il se posera donc un
dilemme difficile. Des enfants choisiront de ne pas se soumettre au dépistage et ne
risqueront donc pas de vivre en sachant qu’un beau jour, la MH se développera. Un tel
dépistage a des implications pour le mariage, puisque la possession de la mutation de
la MH implique, pour les enfants, des risques distincts de développer la MH, tandis que
ne pas avoir la mutation ne comporte aucun risque pour la descendance.
Augmentation du risque de cancer génétiquement hérité
Dépistage génétique de maladies mettant en cause des gènes uniques, par opposition
aux gènes multiples
Bien que la majorité des tests de dépistage actuellement disponibles s’adressent à des
maladies a gène unique telles que l’anémie falciforme, la fibrose kystique et la maladie
de Huntington, la moitié des maladies associées aux changements génétiques ne
résultent pas d’une mutation d’un gène unique. Des gènes multiples peuvent être en
cause et/ou interagir avec l’environnement pour produire un type de maladie
Maladie héréditaire et dépistage génétique
97
particulier, tels le cancer, le diabète, la maladie du cœur, la maladie d’Alzheimer et
autres. Même si les tests génétiques pour ces maladies sont beaucoup plus complexes
et qu’il est possible qu’ils n’apportent pas les réponses précises obtenues des tests de
dépistage pour un seul gène, ce genre de test peut s’avérer plus utile à l’avenir, à
mesure qu’augmentera notre compréhension de telles interactions complexes entre
gènes et environnement.
Gène BRCA1 et cancer du sein
Prenons pour exemple le cancer. Le développement du cancer est un processus
complexe, mais la première étape consiste habituellement en la mutation d’un des
quelques gènes importants qui contrôlent la réplication cellulaire normale. Un exemple
d’un tel gène est le BRCA1. Celui-ci produit une protéine qui participe au réglage de la
division des cellules, particulièrement de celles du sein, en réparant l’ADN endommagé
et en aidant la division de la cellule à se produire de manière ordonnée. Le cancer se
développe lorsque les cellules commencent à se diviser de façon désordonnée.
Certaines mutations du gène BRCA1 résultent en une protéine non fonctionnelle qui
échoue à réparer l’ADN endommagé, d’où une plus grande tendance des cellules à se
reproduire ainsi qu’un risque beaucoup plus élevé de cancer du sein. En d’autres mots,
si une mutation du gène résulte en la perte de l’aptitude à faire cesser la réplication
cellulaire, une croissance désordonnée peut entraîner le développement du cancer
Prédiction du cancer du sein par le dépistage génétique
Ces gènes peuvent créer des mutations qui augmentent sensiblement le risque de
cancer du sein et de cancer des ovaires, même si un seul allèle est affecté.
L’augmentation du risque associé au gène muté héréditaire peut découler de la
mutation de l’autre gène BRCA1, mais il peut aussi être attribuable à l’interaction de la
protéine mutée héréditaire avec d’autres protéines participant à la réplication cellulaire.
Dans les deux cas, la femme qui hérite d’une mutation d’un des allèles de son gène
BRCA1 genre présente fait face, sa vie durant, à un risque très élevé de développer un
cancer du sein ou des ovaires. Les évaluations du risque de développer un cancer du
sein avant l’âge de 70 ans vont d’environ 40 % à 70 %, ou même plus (le risque de
cancer des ovaires peut monter jusqu’à 40 %). Ajoutons que ces types de cancer sont
plus susceptibles de survenir plus tôt que lors qu’ils ne sont pas reliés à une mutation
du gène BRCA1.
Les femmes atteintes très tôt d’un cancer du sein, ou encore celles qui ont un parent au
premier degré qui développe très tôt un cancer du sein, sont donc admissibles au test
de dépistage génétique. Si elles réagissent positivement au test pour une mutation
BRCA1, elles pourraient songer à la thérapie préventive, afin de prévenir la récidive du
98
Maladie héréditaire et dépistage génétique
cancer. Les filles de telles patientes aimeraient peut-être se soumettre au dépistage,
afin de savoir si elles ont hérité d’une plus grande propension à développer un cancer
du sein ou des ovaires.
Maladies mettant en cause des mutations de l’ADN
situées hors du noyau
Comme on l’a mentionné plus tôt (dans Génétique 101, Un à-côté…), on trouve une
petite quantité de matériel génétique additionnel contenant de l’ADN hors du noyau
des cellules, mais dans l’organelle productrice d’énergie appelée mitochondrie. Ce
matériel génétique n’est transmis que par la lignée génétique maternelle, car l’ovule
porte dans son cytoplasme la presque totalité de l’ADN mitochondrial. On a eu recours
au dépistage de ce type d’ADN pour confirmer l’identité de personnes décédées, en
comparant leur ADN avec celui d’une présumée descendante. On a associé un nombre
croissant de troubles de santé particuliers à des mutations de ce matériel génétique, et
on pourrait procéder à un dépistage génétique pour déterminer la sensibilité des
descendants des personnes affectées. Un nombre grandissant de maladies distinctes
ont été associées à des mutations de ce matériel génétique; par ailleurs, la détection
génétique visant à déterminer la sensibilité des descendants des individus affectés reste
dans le domaine du possible. (Voir http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK1224/)
Tester des embryons humains pour
dépister des mutations génétiques
Il arrive qu’un couple demande de faire des tests génétiques d’embryons produits à leur
intention par fécondation in vitro. On appelle diagnostic génétique préimplantatoire ce
procédé consistant à retirer l’une des cellules du zygote au stade des huit cellules. On
examine ensuite la cellule pour y dépister des anomalies génétiques. On permet au
zygote avec sept cellules restant de continuer de se séparer et de devenir à maturité ce
qui semble un bébé normal à sa naissance. Bien que de tels zygotes semblent se
développer désormais normalement, ce domaine n’a pas été bien étudié. Cette
procédure a également soulevé des questions éthiques, la cellule prélevée pour testage
étant peut-être encore totipitente, donc capable de former un bébé identique à celui
produit par le zygote à sept cellules restant (voir également la partie Développement
embryonnaire et ingénierie génétique, conception et développement de l’embryon).
Maladie héréditaire et dépistage génétique
99
Transgénique
Organismes génétiquement modifiés (OGM):
Modification dans une espèce
Avant la disponibilité des technologies génétiques modernes, la modification
d’organismes a pu être accomplie grâce au croisement d’une espèce pendant de
nombreuses générations. C’est ainsi, par exemple, qu’on a pu concevoir des
améliorations à la résistance de cultures aux dommages causés par les insectes. On peut
aussi échanger naturellement du matériel génétique tel que l’ADN entre des
organismes d’une espèce identique ou semblable,
Veuillez noter : On trouvera dans
comme les bactéries, résultant en des
le Glossaire les définitions des
modifications génétiques. Les virus, par exemple,
termes en caractères gras du
qui sont plus petits que les bactéries et doivent
texte, de même que d’autres
loger dans une cellule pour survivre, peuvent
termes.
infecter les bactéries et incorporer une partie de
leur ADN dans leur hôte bactérien (certaines bactéries ont une molécule semblable à
l’ADN, connue sous le nom d’ARN, qui peut fonctionner d’une façon semblable à celle
de l’ADN. Il peut en résulter des changements dans la résistance de la bactérie aux
antibiotiques. Dans les organismes complexes, ces cellules infectées meurent
habituellement de l’infection sans transmettre l’ADN viral à la génération suivante. Les
organismes génétiquement modifiés, ou OGM, peuvent avoir été modifiés en
laboratoire par l’insertion de la mutation d’un gène de la même espèce, associée à un
caractère désiré qu’il faudrait mettre des générations à reproduire dans l’espèce par des
méthodes conventionnelles.
Ce procédé est devenu une technologie courante et controversée en agriculture et dans
l’élevage d’animaux, où les résultats de l’appel à de tels OGM peuvent entraîner le
déséquilibre, l’instabilité et la perturbation économique. Le recours aux OGM en
agriculture peut mener au remplacement de souches naturelles de plantes par des
souches génétiquement modifiées. Quoique les souches puissent être porteuses des
caractères désirés, tels que la résistance à certains champignons ou bactéries, la souche
GM peut aussi être moins vigoureuse sous d’autres rapports, avec le temps. On a vu, en
outre, des sociétés productrices de souche acquérir un monopole sur la production de
telles plantes dans des localités précises, entraînant des dommages économiques et
culturels, de même que la perte de moyens de subsistance, particulièrement chez
certains peuples autochtones.
La transgénique
103
Organismes transgéniques
La technologie génétique permet aujourd’hui de transférer de l’ADN d’une espèce dans
le génome d’une autre, créant ainsi un organisme transgénique. Le processus consistant
à attacher de l’ADN d’une personne ou d’une espèce à un virus et à injecter le virus dans
la cellule réceptrice d’un autre individu ou espèce est l’un des moyens les plus efficaces
d’insérer un nouveau gène étranger dans une cellule. Préalablement à l’injection, on
enlève la plus grande partie du génome du virus, pour la remplacer par le gène désiré.
On injecte ensuite le virus dans la cellule d’un nouvel individu. Comme le type de virus
utilisé insère normalement son matériel génétique dans le génome de cellules qu’il
infecte, le nouveau gène se trouve à être inséré dans le génome, en même temps que le
matériel génétique viral restant. Si l’on effectue ce procédé sur des cellules germinales
telles que les spermatozoïdes ou l’ovule, cet ADN provenant d’une autre espèce sera,
vraisemblablement transférée dans toutes les cellules de ce dernier. Bien que,
aujourd’hui, des virus insèrent plus efficacement l’ADN dans les cellules, ils ne peuvent
pas encore insérer avec une grande exactitude l’ADN étranger dans le génome
récepteur. En fait, l’ADN étranger peut aboutir n’importe où dans le génome de
n’importe lequel des chromosomes. En conséquence, il se peut qu’il ne fonctionne pas
correctement dans sa position ou qu’il fonctionne anormalement à cause de la
proximité d’autres gènes. On a attribué certains des cancers, dont la leucémie, au
positionnement anormal de gènes sur des chromosomes.
Différence entre hybrides et chimères
La combinaison, entre espèces, de grandes quantités d’ADN suscite d’autres
préoccupations éthiques. Il est survenu récemment, au Royaume-Uni, une controverse
sur l’acceptabilité morale d’une combinaison de cellules humaines et non humaines
destinée à produire un organisme unique. Dans celui-ci, qu’on appelle chimère, les
cellules de chaque espèce existeraient côte à côte, mais fonctionneraient ensemble pour
la santé de l’organisme hybride entier.
Par contre, lorsqu’on injecte de fortes quantités d’ADN d’une espèce telle que l’ADN
humain dans le noyau d’un embryon à un jeune embryon d’une espèce non humaine,
toutes les cellules subséquentes de cet organisme en voie de développement auront de
l’ADN provenant des deux espèces; l’organisme est alors considéré comme un hybride
des deux espèces.
Cette combinaison d’ADN non humain et humain en un seul organisme soulève des
questions fondamentales concernant ce que signifie être un être humain.
104
La transgénique
Exemple d’organisme transgénique
EN 2001, des scientifiques de l’Oregon Regional Primate Center produisaient le premier
primate transgénique, nommé ANDi, un singe rhésus qui avait un gène de méduse dans
chacune des cellules de son corps. On a ensuite fécondé les ovules avec du sperme du
singe rhésus par fécondation in vitro. Quarante ovules fertilisés ont atteint le stade
auquel ils pourraient être implantés. On a transplanté ces quarante embryons dans
l’utérus de 20 singes rhésus femelles. Cinq des singes sont devenus gravides. Des 5
gestations, il est né cinq singes vivants. On a constaté qu’un de ces derniers, ANDi, avait
le gène de la méduse dans chacune de ces cellules, mais que le gène ne fonctionnait
pas. Chez la méduse, le gène contient l’information permettant à la protéine
fluorescente verte de luire.
Peut-on produire des humains transgéniques? Le fera-t-on?
Si ce processus finit par réussir et qu’on produit des primates non humains
transgéniques, il n’existe pas, en théorie, d’obstacle à la production d’humains
transgéniques. Non seulement une personne humaine transgénique contiendrait dans
chacune des cellules de son corps un nouveau gène provenant d’une autre espèce, mais
elle transmettrait ce gène à tout rejeton. On appelle cette modification germinale parce
qu’elle ne touche pas seulement l’individu modifié, mais aussi sa descendance.
Pourquoi un ADN presque identique chez les primates et les humains
produit-il des créatures très différentes?
L’ADN du génome humain se révèle parfaitement identique à 99 % du génome du
chimpanzé. Si, pourtant, nos gènes sont chimiquement si semblables, pourquoi
semblons-nous si remarquablement différents? Nous, humains, pouvons bâtir des villes
et créer des systèmes politiques, écrire de la grande littérature, composer de la grande
musique. Chose peut-être plus importante, nous avons une conscience réfléchissante.
Pourquoi, alors, cette infime différence génétique de 1 % peut-elle nous en apprendre
tant sur la différence entre nous et les chimpanzés? Peut-être d’autres interviennent-ils
dans le fonctionnement de ces gènes chez les deux espèces. Des scientifiques ont
cependant découvert récemment que 49 régions de l’ADN humain (appelées régions
accélérées humaines (HARs) révèlent une substitution plus rapide de nucléotide que
celle que pourrait prédire une évolution génétique normale. Ces scientifiques ont trouvé
dans ces régions des gènes contribuant à un fonctionnement plus raffiné tel que le
développement de la parole, le volume total du cerveau, la dextérité manuelle requise
pour la fabrication et l’utilisation des outils, la digestion des amidons et du lactose
requis par les sociétés agricoles, etc. Au fur et à mesure que ce stimulant nouveau
La transgénique
105
domaine scrute plus profondément notre génome, on voit que les différences entre les
chimpanzés et les humains sont significatives, même si elles ne se fondent uniquement
que sur une petite partie de l’ensemble de notre matériel génétique. Ce 1 % n’est peutêtre pas si négligeable, après tout.
Clonage animal
Terminons en parlant de clonage animal. On a déjà cloné un bon nombre d’animaux,
dont la souris, la brebis, le chat et la mule. Le processus utilisé s’appelle transfert de
noyau d'une cellule somatique (TNCS). Tout, sauf les ovules et le sperme, est considéré
comme cellules somatiques. Décrire la technique est assez facile, mais la faire
fonctionner est plus complexe. Dans le transfert de noyau d’une cellule somatique, le
noyau contenant son génome est retiré d’un ovule. On prélève ensuite d’un donateur
une cellule somatique (c’est-à-dire pas un spermatozoïde ni un ovule). On retire le
noyau contenant son génome de la cellule somatique du donateur et on l’insère dans
l’ovule dont on a retiré le noyau. On applique un courant électrique pour activer l’ovule
fraîchement nucléé, qui peut alors commencer à se diviser et à produire un embryon.
L’embryon est implanté dans l’utérus d’une mère porteuse (c’est-à-dire d’une femelle de
la même espèce, mais pas la donatrice biologique de l’ovule); s’il se développe
totalement, il devient un individu génétiquement identique à celui qui a donné le noyau
somatique. Par suite de difficultés techniques, aucun primat n’a été cloné jusqu’ici à
l’aide de cette méthode. Théoriquement, toutefois, on pourrait l’utiliser pour cloner des
primates, dont les humains.
Nécessité de réfléchir plus profondément sur les implications de la
recherche transgénique
Pour bien des gens, y compris les chrétiens, la transgénique est un domaine
particulièrement difficile de la science et de la recherche. On fait surtout de la recherche
pour développer de meilleurs animaux, plantes ou thérapies médicales. La recherche
progresse cependant sans une réflexion suffisante sur les effets à court et à long terme
des organismes transgéniques et de leurs produits sur nous-mêmes et sur
l’environnement où nous vivons et dont nous sommes responsables. Comme nous
croyons que le soin de la création a été confié par Dieu aux êtres humains que nous
sommes, il est de notre responsabilité d’inciter à une profonde réflexion sur l’objectif de
toute recherche transgénique, tout comme sur les avantages et les risques des
organismes transgéniques et leurs produits et cela, sous tous les aspects de l’ordre créé.
106
La transgénique
Développement
embryonnaire et
ingénierie génétique
Conception et développement de l’embryon
Totipotence
Un ovule peut être fécondé par un sperme humain naturellement ou par relation
sexuelle, ou encore artificiellement en laboratoire (on parle alors de fertilisation in vitro
ou FIV). On appelle alors zygote l’ovule fertilisé. Cette cellule est totipotente, c’est-àdire qu’elle a la faculté de se diviser et de spécialiser dans tous les types de cellules
qu’on trouve dans le corps humain et tous les types de cellules formant les tissus extraembryonnaires tels que les tissus, le placenta, le
cordon ombilical et le sac amniotique. En d’autres
Veuillez noter : On trouvera dans
mots, un zygote possède la capacité de se
le Glossaire les définitions des
transformer en un nouveau-né et d’aider à son
termes en caractères gras du
développement si on permet à ce zygote de
texte, de même que d’autres
termes.
s’implanter dans un utérus fonctionnel. Le
processus en vertu duquel un zygote devient un
embryon, puis un bébé, est essentiellement un processus de division cellulaire et de
spécialisation progressive de différents groupes de cellules qui se divisent. Un bébé se
compose de billions de cellules, dont la plupart sont des cellules hautement spécialisées
dans les muscles, les nerfs, le foie, le cerveau, etc. La cellule unique qui constitue le
zygote initial n’est pas spécialisée du tout, mais elle en a le potentiel.
L’ovule fécondé se divise en deux cellules. Ces dernières sont encore non fécondées,
donc encore totipotentes. Nous le savons parce qu’il se développe occasionnellement
des jumeaux identiques dans l’utérus lorsque ces deux cellules se séparent totalement
et se divisent pour produire leurs propres tissus adjuvants (placenta, cordon ombilical,
etc.) et qu’ils finissent par se transformer en deux bébés. Habituellement, cependant, le
zygote bicellulaire demeure intact et se divise en 4 cellules. Nous savons que ces
dernières sont encore totipotentes, parce que, en vertu du même mécanisme, déjà
décrit quand a été invoqué le cas des jumeaux, les 4 cellules ne peuvent que très
rarement se séparer pour devenir quatre bébés individuels.
Diagnostic génétique préimplantatoire (DGP)
Si le zygote à 4 cellules se divise encore en 8 cellules, celles-ci sont habituellement,
sinon toujours, encore totipotentes, car il s’est très rarement produit des octuplés
identiques. On a également eu recours à ces zygotes à 8 cellules pour un processus
appelé diagnostic génétique préimplantatoire (DGP). Dans les cliniques de fertilité, les
couples infertiles peuvent recourir à la FIV pour créer un zygote. On combine des ovules
d’une femme avec le sperme d’un homme pour créer des zygotes. Ceux-ci commencent
alors à se diviser pour devenir des embryons dans une boîte de Petri en laboratoire. Le
Développement embryonnaire et ingénierie génétique
109
couple demande parfois de soumettre les embryons à un test de détection génétique.
On peut effectuer le DGP en retirant soigneusement une des cellules au stade des huit
cellules. On examine ensuite la cellule pour y détecter toute anomalie génétique. On
laisse le zygote à 7 cellules restant continuer à se diviser, ce qui donne habituellement
ce qui semble un bébé tout à fait normal. Il arrive cependant que cela signifie que
l’unique cellule retirée peut former un jumeau identique du zygote à 7 cellules restant,
ce qui constitue un problème pour ceux qui considèrent cette cellule comme un être
humain en puissance.
Cueillette de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche
Lorsque l’embryon se compose d’environ 150 cellules, connues à ce stade sous le nom
de blastocyste, les cellules externes se sont différenciées (spécialisées) en cellules qui
deviendront des cellules auxiliaires telles que le cordon ombilical ou le placenta. Les
cellules internes restantes sont maintenant estimées pluripotentes, plutôt que
totipotentes. Elles sont encore capables de se différencier pour devenir une grande
variété de cellules, sous un environnement et des influences génétiques appropriés. Si,
toutefois, elles sont séparées des cellules externes, elles ne peuvent pas former su bébé
lorsqu’on les insère dans l’utérus et elles ne peuvent plus se différencier pour devenir le
cordon ombilical ou le placenta.
Ce sont là des cellules internes si convoitées par les scientifiques qui font des
recherches sur les cellules embryonnaires humaines. La principale source de ces
dernières est l’embryon excédentaire produit durant la FIV, dont on ne veut plus pour
produire des bébés humains. Les scientifiques séparent cette masse cellulaire interne de
la couche externe de la cellule, détruisant par le fait même l’embryon. On cultive alors
ces cellules dans des boîtes de laboratoire comme cellules souches embryonnaires, qui
servent aux expériences. Cette destruction d’embryons humains soulève d’importants
problèmes éthiques pour beaucoup. D’aucuns estiment que l’embryon n’est pas un être
entièrement humain, argument dont ils se servent pour justifier qu’on le tue au profit de
recherches visant à mettre au point des thérapies qui permettront d’aider à d’autres
plus tard. D’autres, en revanche, estiment que l’embryon possède le statut d’être
humain et qu’il est donc immoral de le tuer.
Autres sources de cellules souches embryonnaires humaines
Transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS)
Des scientifiques ont tenté, ces dernières années, de mettre au point d’autres sources de
cellules dotées de caractères physiques, physiologiques et génétiques semblables à
ceux de cellules souches embryonnaires. On relève, au nombre des premières sources
110
Développement embryonnaire et ingénierie génétique
de ce genre, la fabrication d’un embryon par l’entremise d’une méthode appelée
transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS), la même méthode qui a permis de
cloner des animaux tels que la brebis Dolly (d’aucuns appellent embryoïde plutôt
qu’embryon la grappe de cellules produite par cette méthode, pour la distinguer d’un
embryon produit par la fusion d’un spermatozoïde avec un ovule. Certains considèrent
qu’il est moins répréhensible d’utiliser des embryoïdes que de détruire des embryons
en tant que source de cellules souches pour la recherche). Pour cette technique, on joint
un noyau d’une cellule ordinaire, telle qu’une cellule dermique, d’un animal particulier à
un ovule de cette même espèce dont on a préalablement retiré le noyau. On stimule
habituellement la nouvelle cellule par un courant électrique, l’amenant à se diviser et à
se transformer en cellules qui ressemblent, de par leur apparence et leur fonction, à des
cellules souches embryonnaires produites en joignant un spermatozoïde et un ovule.
Bien que ce processus ait réussi chez des mammifères tels que la brebis Dolly, elle n’a
pas encore réussi chez les humains. Si elle réussissait, il en résulterait un embryon dont
on pourrait obtenir des cellules souches. Dans ce cas-ci, les cellules souches seraient
génétiquement identiques à celles de la personne qui aurait été donatrice en vue du
transfert nucléaire de la cellule somatique (à se rappeler, à la lumière de la discussion
dans le cadre de Génétique 101, un à-côté : l’ADN hors du noyau, qu’une très petite
quantité d’ADN est logée, non pas dans le noyau, mais dans la mitochondrie. Cet ADN
proviendrait de l’ovule donné).
Cellules souches pluripotentes induites
Des scientifiques ont découvert récemment de nouvelles façons de construire en
laboratoire des celles possédant aussi plusieurs caractères semblables à ceux des
embryons. Au lieu d’être créées par l’union d’un spermatozoïde et d’un ovule ou par
transfert de noyau d’une cellule somatique, comme décrit plus haut, celles-ci sont
produites à partir d’une cellule corporelle ordinaire entière telle qu’une cellule
dermique, et non pas à partir de son noyau seulement. On manipule en laboratoire ces
cellules somatiques pour qu’elles perdent leurs fonctions normales, tout en acquérant
des caractères semblables à ceux qu’on trouve dans des cellules souches pluripotentes.
Ces cellules non différenciées (non spécialisées) peuvent être « induites » (c’est-à-dire,
dirigées dans des conditions de laboratoire particulières), pour se différencier (se
spécialiser) à nouveau en une cellule dotée d’une nouvelle fonction désirée, qui puisse
être totalement différente de l’originale. Une cellule dermique, par exemple, pourrait
être déspécialisée, pour être spécialisée à nouveau afin de fonctionner comme une
cellule qui produit maintenant de l’insuline, comme certaines cellules qu’on trouve
normalement dans le pancréas. On pourrait ensuite reproduire (multiplier) en
laboratoire et la transplanter chez un diabétique dont les propres cellules productrices
d’insuline ne fonctionnent plus.
Développement embryonnaire et ingénierie génétique
111
Ces cellules souches pluripotentes humaines (IPS) sont jugées plus éthiquement
acceptables pour la conception de nouvelles thérapies. Pour deux importantes raisons
au moins, d’aucuns considèrent cette méthode comme plus éthiquement acceptable
que l’utilisation d’embryons qui restent après la FIV ou que celle du transfert de noyau
d'une cellule somatique (TNCS) : 1) ces cellules ne sont pas produites à l’aide
d’embryons naturels, produits à partir de sperme ou d’ovules qu’il faut détruire pour
recueillir les cellules souches; 2) cette méthode ne requiert pas l’apport d’ovules qui
susciteraient des problèmes d’éthique tels que celui d’utiliser des médicaments pour
produire des ovules provenant de donatrices ou celui de tenter les femmes à court
d’argent qui accepteraient d’être rémunérées pour donner leurs ovules.
Ingénierie et clonage humains
On a avancé que la combinaison de cellules souches et d’embryons pourrait permettre
l’ingénierie génétique de ligne germinale. Dans ce processus, on retirerait des cellules
souches pluripotentes d’un embryon ou embryoïde (c’est-à-dire de cellules produites
par TNCS provenant des cellules iPS décrites ci-dessus). Ces cellules seraient ensuite
infectées d’un virus contenant les gènes qu’on voudrait transférer dans les cellules. Les
cellules pourraient être testées pour l’incorporation du ou des gènes désirés dans le
noyau de ces cellules. On pourrait retirer le noyau des cellules traitées avec succès et le
transférer dans des ovules énucléés (se rappeler qu’il s’agit ici de la technique du
transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS) décrite sous Transgénique, Clonage
animal). On pourrait permettre à la cellule qui en résulterait de se développer en
embryon, pour être implantée dans l’utérus d’une mère porteuse. Si un fœtus parvenait
à son stade définitif et naissait, le nouveau-né porterait les gènes traités dans chacune
de ses cellules. S’il parvenait à l’âge adulte et se reproduisait, sa descendance
posséderait également ces gènes induits. On notera que ce processus n’a pas été
complété jusqu’ici chez les primates, dont les humains, mais que des scientifiques
travaillent actuellement à son élaboration.
112
Développement embryonnaire et ingénierie génétique
Génétique
des populations
En quoi la compréhension des distinctions raciales génétiques
peut-elle être utile?
Quelle est la base génétique de la race? Les Africains sont-ils génétiquement différents
des Asiatiques? Existe-t-il des gènes particuliers à la race?
Plus les chercheurs examinent profondément le
génome humain, plus la plupart d’entre eux sont
Veuillez noter : On trouvera dans
persuadés que les étiquettes standard servant à
le Glossaire les définitions des
distinguer les personnes per leur race semblent
termes en caractères gras du
dénuées de signification biologique. Bien qu’il
texte, de même que d’autres
paraisse facile de dire spontanément si une
termes.
personne est caucasienne, africaine ou asiatique,
cette conclusion apparemment évidente disparaît dès que les généticiens creusent sous
la surface et scrutent le génome pour y déceler des indicateurs d’ADN de la race. Les
ont mis un temps relativement court à sa répandre dans l’univers entier. L’espèce
humaine n’a donc pas eu suffisamment de temps pour se diviser d’une façon
significative en groupes biologiques séparés.
Quatre-vingt-dix-neuf du génome sont semblables. De cette partie semblable, 75 % de
tous les gènes viennent sous une seule forme allélique (monoallélique) et sont
identiques chez tous. Si on se servait de l’exemple de détermination des groupes
sanguins expliqué plus haut (Génétique 101, Implications pratiques de la variation
génétique : l’histoire des groupes sanguins), de tels gènes alléliques reviendraient à
faire partie d’un groupe sanguin composé du seul allèle A, ce qui voudrait dire que tout
le monde aurait du sang de type AA. Vu cette ressemblance génétique à 99 %, c’est le 1
% restant qui sert à tenir compte des variations individuelles chez les humains. De ce 1
% de variabilité génomique, 85 % existent dans n’importe quelle population locale, qu’il
s’agisse d’Italiens, de Kurdes, de Coréens ou d’Inuits. Dans les 15 % restants, on peut
déceler environ 7 % de variabilité, tandis que les derniers 8 % de variabilité se
produisent entre des groupes habitant des continents différents. Cela signifie que deux
Coréens pris au hasard peuvent être aussi génétiquement différents qu’un Coréen et un
Italien et qu’il n’y a guère de différence dans un continent, en comparaison de la
variation entre continents.
Notre façon de mesurer génétiquement la variation humaine consiste à chercher et à
trouver toutes les variations alléliques d’un gène, puis de voir quel pourcentage de
chaque variante de ce gène se trouve au sein de populations et entre populations. Pour
illustrer ceci, revoyons les groupes sanguins. Pour examiner les différences génétiques
des groupes sanguins entre deux populations, commencez par examiner les
Génétique des populations
115
pourcentages de variations alléliques dans ces deux populations. La distribution des
groupes sanguins la population des Philippines, par exemple, est presque identique à
celle qu’on retrouve chez celle de la Chine. Il existe une variation au sein de chacune des
populations, mais il en existe peu entre les deux populations. Par ailleurs, 100 % des
Indiens péruviens ont du sang du groupe O, tandis que chez les Indiens Blackfoot, 82 %
ont du sang du groupe A et 18 % du groupe O. Au sein de ces deux populations, il y a
peu ou pas de variation génétique, mais il y en a beaucoup entre les deux populations.
Généralement, la plus grande partie de la variabilité génétique se retrouve au sein des
populations, tandis que des populations différentes peuvent avoir des degrés de
variabilité très différents. En fait, environ 93 % de toute la variabilité génétique existant
sur cette planète se retrouvent chez les Africains sub-sahariens. Alors, advenant une
catastrophe qui détruirait le reste de la population mondiale, 93 % de la variabilité
génétique du monde subsisteraient encore chez les Africains subsahariens.
Implications médicales des groupes humains racialement et
géographiquement distincts
De retour à l’anémie falciforme
Y a-t-il des différences entre des groupes humains importants sur le plan médical? Si la
race a quelque influence sur la santé, elle est peut être un simple marqueur d’origines
géographiques de certaines populations. Dans l’hémisphère oriental, où l’on croit qu’il
vit des humains depuis au moins 2 millions d’années, les différences dans la couleur de
la peau qui sont apparues étaient étroitement liées à la latitude et à l’exposition au
soleil. Le même phénomène n’est pas apparent dans l’hémisphère occidental, vers
lequel les anthropologues estiment que des humains n’ont migré qu’il y a environ
35 000 ans.
Ce genre de connaissances peut aider à comprendre des maladies telles que l’anémie
falciforme. On retrouve souvent cette maladie chez les populations africaines et
méditerranéennes, mais aussi chez les immigrants ou les ancêtres d’immigrants passés
de ces régions à l’Amérique du Nord. On croit que la prédominance plus forte chez ces
peuples est attribuable, du moins partiellement, l’avantage dont bénéficient, au plan de
la santé, les personnes atteintes d’anémie falciforme, dans leur combat contre la
malaria, endémique dans ces régions. Comme les parasites de la malaria ne survivent
pas aussi bien dans les cellules falciformes, il se peut que ceux qui sont infectés par les
moustiques causes de la malaria ne développement pas la malaria ou qu’ils soient
atteints d’une de ses formes plus bénignes. On retrouve rarement l’anémie falciforme
chez les descendants d’Européens du Nord, où la malaria est rare ou absente.
116
Génétique des populations
Distinctions ethniques génétiques et Autres maladies courantes Genetic Ethnic
Le lien génétique entre l’anémie falciforme et la protection contre les maladies dues aux
parasites antipaludiques est très net. Pour que les grandes maladies qui causent la
plupart des morts et des déficiences ou qui y contribuent, l’apport génétique est plus
difficile à repérer. On croit que ces maladies, telle la maladie du cœur, l’hypertension et
le cancer, augmentent la sensibilité de certains individus, mais que des facteurs
environnementaux tels que le régime alimentaire et le mode de vie, jouent également
un rôle essentiel dans le développement de ces maladies.
Il est beaucoup plus difficile de démontrer que l’hypertension constitue un plus lourd
fardeau chez certains groupes ethniques à cause de leur constitution génétique.
L’hypertension, par exemple, peut affecter plus sérieusement les personnes de
descendance africaine du Canada que celles de descendance européenne3. Les AfroCanadiens sont également beaucoup plus susceptibles de succomber à un accident
vasculaire cérébral (AVC) que les Canadiens de descendance européenne. D’aucuns ont
avancé que les esclaves africains qui étaient plus capables de retenir le sel étaient plus
susceptibles d’avoir survécu aux privations alimentaires et sanitaires à bord des négriers
qui les amenaient en Amérique du Nord. Donc, si c’était vrai, la même constitution
génétique qui les a aidés à survivre lorsque transmise à leurs descendants pourrait avoir
exposé la génération suivante de Canadiens noirs au risque de développer de
l’hypertension. Il existe cependant un bon nombre de facteurs sociaux et culturels
capables de prédisposer les Afro-Canadiens à l’hypertension, dont le stress causé par un
entourage plein de préjugés, le manque d’accès aux soins de santé, un régime
alimentaire déficient, etc. Pour compliquer les choses, personne ne sait quelle
combinaison de gènes est responsable de la sensibilité à l’hypertension. Il est probable
qu’un grand nombre de gènes mutés contribuent à l’hypertension, mais que les patients
n’aient pas toutes ces mutations.
Brophy, Kathleen Marion, Scarlett-Ferguson, Heather et Webber, Karen S. Clinical Drug Therapy for
Canadian Practice, Lippincott Willimas & Wilkins, 2010, p. 779.
3
Génétique des populations
117
Génétique et
thérapie d’orientation
Dépistage génétique du cancer en vue d’améliorer la thérapie
Meilleure compréhension du lien entre les mutations génétiques et la formation du
cancer
Le dépistage génétique peut grandement aider au
diagnostic et au traitement du cancer. La
détection de la composition génétique des
tumeurs peut aider à déterminer lesquelles sont
détruites plus efficacement par l’entremise de
certaines thérapies que d’autres et, par
conséquent, quels patients sont le plus susceptibles d’en bénéficier. On sait maintenant
que des cancers peuvent se développer à cause de changements génétiques et
épigénétiques dans des cellules normales. Il peut se développer des mutations dans
presque tout organe du corps, soit spontanément, soit sous des influences
environnementales telles que celle la cigarette. Certaines de ces mutations s’appliquent
à des gènes qui règlent la division cellulaire; d’autres stimulent la division cellulaire et
par conséquent la croissance tissulaire; d’autres, enfin, suppriment ou désactivent le
mécanisme responsable de la division cellulaire.
Veuillez noter : On trouvera dans
le Glossaire les définitions des
termes en caractères gras du
texte, de même que d’autres
termes.
Savoir quelles mutations affectent une croissance tissulaire normale peut mener à des
thérapies axées sur le cancer
On apprend à connaître les gènes qui mutent habituellement le plus durant l’évolution
d’un cancer en détectant la constitution génétique de différentes variétés de cancer et
en étudiant quelles voies de communication normales mènent au contrôle de la division
cellulaire et de la croissance tissulaire sont affectées. Une fois que ces mutations
génétiques sont identifiées et qu’on a compris leur effet sur la division cellulaire, on
peut élaborer des thérapies axées sur ces mutations et en développer les effets pour
tâcher de ralentir ou d’arrêter la croissance de la tumeur.
Ce genre de thérapie ciblée peut être particulièrement utile de deux façons.
1) La thérapie conventionnelle traite les cellules cancéreuses qui sont à se diviser,
mais beaucoup de cellules normales se divisent aussi chaque jour pour remplacer
des cellules vieilles et usées. Cette thérapie conventionnelle ne peut pas
distinguer entre les « mauvaises » cellules en mitose (cellules cancéreuses) et les
« bonnes » cellules en mitose (cellules normales). Si une tumeur particulière a
une mutation contre laquelle on a institué un traitement, la personne présentant
cette tumeur est beaucoup plus susceptible de bénéficier de ce traitement ciblé
que quelqu’un dont la tumeur n’a pas la mutation.
Génétique et thérapie d’orientation
121
2) De même, la chimiothérapie conventionnelle peut se révéler très toxique, tuant
des cellules responsables de la poussée des cheveux et de la paroi du tube
digestif en même temps que les cellules cancéreuses. En revanche, la toxicité
associée à de telles thérapies ciblées tend à être de beaucoup moindre, car ces
thérapies tuent, non pas les cellules normales, mais seulement les cellules
tumorales qui ont la mutation contre laquelle on a institué la thérapie.
En recherchant des tumeurs pour déceler des mutations particulières à la suite de leur
ablation chirurgicale, on peut maintenant choisir les patients les plus susceptibles de
bénéficier du traitement, tout en épargnant ceux qui n’en profiteraient
vraisemblablement pas. Des guides de pratique internationalement reconnus
commencent à recommander le dépistage génétique préalablement au traitement
d’échantillon de tumeurs, dans le but de discerner quels patients seraient le plus
susceptibles d’en bénéficier.
Détection d’une importante mutation dans le cancer du sein : HER2/neu et Herceptin
On retrouve, parmi les exemples de la détection génétique à des fins d’orientation
thérapeutique, celui d’une mutation connue sous le nom de mutation HER2/neu, qu’on
retrouve dans 20 % à 25 % des cas de cancer du sein. Cette mutation s’accompagne
d’une croissance plus agressive et de l’augmentation de tumeurs résistantes à la
chimiothérapie. Les patientes dont les tumeurs ont cette mutation bénéficieront très
probablement d’un traitement ciblé connu sous le nom de trastuzumab (la marque
déposée s’appelle du nom, plus prononçable, d’Herceptin), tandis que celles qui n’ont
pas la mutation n’en bénéficieront pas. L’Herceptin est un anticorps fabriqué qui bloque
la protéine du gène muté contribuant à la croissance incontrôlée de la tumeur.
L’Herceptin est en outre généralement bien toléré, surtout parce qu’il ne touche que les
cellules cancéreuses, et non les cellules normales de l’organisme. Cette coûteuse
thérapie est donc très efficiente; on peut l’appliquer exclusivement aux patients les plus
susceptibles d’en bénéficier, tandis que son administration comporte très peu de
risques.
122
Génétique et thérapie d’orientation
Dépistage génétique des personnes atteintes de cancer (plutôt que
de leurs tumeurs) pour réduire la toxicité liée au traitement
Sélection des patients présentant un plus grand risque de toxicité liée à la thérapie
Le dépistage des cellules normales
des cancéreux (plutôt que de leurs
cellules tumorales) peut aussi aider à
déterminer quels patients s’exposent
à subir la toxicité reliée à la thérapie,
en se fondant sur la présence de
différents allèles fixés sur les
chromosomes du patient.
Les
patients atteints de cancer côlorectal,
par exemple, sont souvent traités par
une
combinaison
d’agents
chimiothérapeutiques qui inclut un
médicament nommé irinotecan. On
a d’abord établi des doses sécuritaires du médicament, se basant sur un niveau
acceptable d’effets toxiques, sans égard à la connaissance de la constitution génétique
des patients. On sait maintenant, cependant, que les patients homozygotes pour un
certain allèle génétique (connu sous le nom d’UGT IAI *28) sont prédisposés à un risque
plus élevé d’infection dû au nombre extrêmement faible de globules blancs constaté
d’une à deux semaines après l’administration du médicament. Cela paraît une
conséquence de la réduction de la transformation métabolique et de la réduction de la
disposition d’irinotecan dans l’organisme, associées à la présence de l’allèle sur les deux
chromosomes.
Cette information génétique permet maintenant d’identifier les patients qui risquent
moins une infection due à l’usage de doses conventionnelles d’irinotecan (c’est-à-dire
ceux qui ne sont hétérozygotes que pour l’allèle ou qui n’en sont aucunement porteurs).
Il se poursuit actuellement des études visant à évaluer l’efficacité de traitements du
cancer chez des patients génétiquement choisis de façon à ce que la dose et la
fréquence du traitement soit fonction de la présence ou de l’absence de l’allèle prédictif
de la toxicité.
Génétique et thérapie d’orientation
123
Glossaire
Glossaire de la génétique
Acide
ribonucléique
Il existe plusieurs types d'acide ribonucléique (ARN).
L'ARN est le schéma prélevé de la matrice de l'ADN, qui sert à la
construction d'amino-acides qui, à leur tour, déterminent la forme
et la fonction des protéines.
Adénine (A)
Une des quatre bases, ou composantes de base, de l'ADN. Analogie
d'adénine : L'adénine est l'une des quatre lettres du mot ADN.
L'adénine (A), la guanine (G), la thymidine (T) et la cytidine (C) sont
les quatre molécules de base formant l'ADN. La plus petite unité
d'ADN consiste en une molécule de base, une de sucre et une de
phosphate. Comme la molécule de l’ADN est à double hélice,
chaque base doit être appariée à une autre base pour former les
« barreaux de l’échelle » formant l’hélice. L’adénine est toujours
appariée à la thymidine, et la guanine à la cytidine. Quand une
cellule se prépare à se diviser, l’ADN déroule son hélice et chaque
brin d’ADN paraît comme une série linéaire de codons (ACC, GTC,
AAT, etc.) Chaque codon consiste en trois molécules de base qui
forment le code relié à un aminoacide particulier (voir plus bas la
définition de codon). La séquence de différentes combinaisons de
codons sur les chromosomes détermine quels amino-acides seront
incorporés dans des protéines particulières, dans un ordre précis.
L’ADN détermine donc comment les protéines sont agencées pour
les cellules de cette personne.
ADN
Acide désoxyribonucléique. Molécule qui encode l'information
génétique. L'ADN est une molécule à double brin retenus ensemble
par des liens situés entre les paires de bases des nucléotides. Il y a
quatre bases dans l'ADN : l'adénine (A), la guanine (G), la cytosine
(C) et la thymine (T). Généralement, A ne se lie qu'à T et C à G.
Analogie de l'ADN : L'ADN est le matériel génétique. Il contient une
recette des caractères d'un être humain. Si on peut considérer tout
le matériel génétique comme l'ensemble des tomes d'une
encyclopédie, l'ADN représente les mots de chaque page. Il n'y a
que quatre « lettres » dans l'alphabet de l'ADN, mais à l'instar des
26 lettres de l'alphabet français, les lettres peuvent être rassemblées
pour former des mots. Chacun des tomes de l'encyclopédie pourrait
être considéré comme un chromosome.
Glossaire
127
ADN
mitochondrial
Matériel génétique qu'on trouve dans les mitochondries. Celles-ci
participent à la production d'énergie dans une cellule. Les
mitochondries, et par conséquent l'ADN mitochondrial, ne sont
héritées que de la mère.
ADN poubelle
Un meilleur terme que celui d'« ADN sans code ». Il s'agit de
grandes étendues d'ADN qui ne s'encodent pas pour exprimer des
amino-acides. Ils peuvent avoir des fonctions régulatrices, des
fonctions structurales ou des fonctions qu'il reste peut-être encore à
découvrir.
Allèle
Formes diverses d'un gène. Nous recevons deux copies de chaque
gène: une de chaque parent. Certains gènes ont plus qu'une forme
de caractère (les yeux bruns ou bleus, par exemple). On appelle
allèles ces formes diverses de gènes. Analogie de l'allèle : les gènes
sont comme des recettes de protéine. L'allèle serait une variation de
cette recette. On pourrait avoir une recette de galettes d'avoine
contenant deux variations : une avec raisin et l'autre sans raisin. Un
gène de la couleur de la peau pourrait avoir deux variations: une
avec taches de rousseur et l'autre sans taches de rousseur.
Allèle dominant
Allèle toujours exprimé, même en présence d'une seule copie.
L'allèle de la maladie de Huntington, par exemple, est dominant,
c'est-à-dire que vous aurez la maladie même si un seul des deux
allèles a le gène défectueux.
Aminoacide
Il existe 20 amino-acides. Chacun d'eux est l'une des 20 sortes de
blocs de construction formant les protéines. La forme et la fonction
des protéines sont déterminées par la combinaison des aminoacides. C'est l'ordre des bases dans l'ADN, le code génétique, qui
détermine quels amino-acides composent les protéines et dans
quel ordre. Si les bases du nucléotide sont lettres de l'alphabet de
l'ADN, chacun des codons (combinaison de trois nucléotides) est un
mot. L'aminoacide est la signification du mot. L'ensemble des mots
constitue une phrase, tout comme l'ensemble des amino-acides
constitue une protéine.
Anticipation
Maladie génétique qui a tendance à s'aggraver et à se manifester
plus tôt lorsque transmise de génération en génération.
128
Glossaire
Apoptose
Mort cellulaire programmée
ARN de transfert
(ARNt)
ARN qui se sert de l'information de l'ARNm (ARN messager) pour
disposer les amino-acides dans un ordre particulier, leur permettant
d'être liés ensemble pour créer des protéines.
ARN messager
(ARNm)
ARN fonctionnant comme plan de fabrication de séquences
spécifiques d'amino-acides pour produire des protéines.
Autosome
Les humains ont 23 paires de chromosomes, soit un total de 46
chromosomes. Un autosome est l'un des 44 contenant de
l'information génétique qui ne détermine pas le sexe. Il y a un total
de 46 chromosomes : 44 autosomiques plus les deux chromosomes
(X et Y).
Base
Une des molécules, ou blocs de construction, qui forment l'ADN et
l'ARN. Les bases sont constituées d'adénine, de guanine, de
cytosine et de thymine. Analogie de base : si le génome est
l'encyclopédie contenant toute l'information nécessaire à la
production d'un organisme, l'ADN est l'alphabet dans lequel
l'encyclopédie est écrite. L'ADN est un alphabet de quatre lettres et
chaque base est une de ces lettres.
Bioinformatique
Utilisation de techniques informatiques avancées permettant
l'analyse de données génomiques.
Blastocyste
Le blastocyste est un embryon non encore implanté qui contient
environ 150 cellules. Il s'agit d'une sphère creuse consistant en une
couche de cellules externe qui se spécialisera pour devenir des tissus
extra-embryonnaires, tels le placenta, le cordon ombilical et le sac
amniotique, et en une masse de cellules interne qui se spécialiseront
pour devenir l'embryon, puis le fœtus. C'est de la masse cellulaire
interne d'un blastocyste que proviennent les cellules souches
embryonnaires.
Blastomère
Le blastomère est toute cellule formant un jeune embryon, après la
première division d'un ovule fécondé. Au stade de 8 cellules, par
exemple, on peut prélever une seule cellule, un blastomère, pour un
diagnostic préimplantatoire. On peut en outre séparer un
blastomère à un stade précoce et chaque blastomère peut devenir
un embryon distinct.
Glossaire
129
Cancer
Maladies comportant la division non réglée de cellules anormales
du corps. Tout cancer est génétique, en ce sens que ce sont les
mutations du gène qui règlent la division cellulaire sont la cause
du cancer.
Caractère
complexe
Plusieurs caractères et leur développement comportent
l'expression de plus d'un gène. Beaucoup de gènes, en outre,
interagissent avec l'environnement pour créer un caractère,
considéré comme « complexe ».
Catalyseur
Un catalyseur est quelque chose qui accélère une réaction
chimique. Les enzymes catalysent souvent des réactions chimiques.
Cellule germinale
Spermatozoïdes et ovules et leurs précurseurs. Ce sont les seules
cellules qui contiennent 23 chromosomes au lieu de 46.
Cellule somatique Toute cellule du corps, à l'exception des gamètes et de leur
précurseurs.
Cellule souche
Cellule indifférenciée. On la trouve dans l'embryon, le tissu
placentaire et la moelle osseuse. Comme les lignées de cellules
souches les plus utiles proviennent d'embryons, la recherche à leur
sujet est sujette à controverse.
Cellule souche
embryonnaire
Cellule trouvée dans l'embryon qui peut se reproduire indéfiniment
et se transformer en d'autres types de cellules.
Chimère
Organisme possédant des cellules de constitutions génétiques
différentes. Ces organismes peuvent être transgéniques, c'est-à-dire
porter des séquences de gènes de plus d'une espèce.
Chromosome
Structure cellulaire contenant la molécule d'ADN porteuse de
gènes. Il y a 46 chromosomes dans le corps humain. Chaque
personne reçoit 23 chromosomes de chaque parent : 22
chromosomes autosomes plus un chromosome X de la mère et un
chromosome X ou X, déterminant du sexe du père. Chaque
chromosome a deux bras. Le plus court est appelé « p », le plus
long « q ». Analogie du chromosome: Le matériel génétique est
organisé en structures appelées chromosomes. Si le matériel d'un
individu est l'ensemble des tomes d'une encyclopédie, chaque
chromosome est un tome de cet ensemble. Chaque chromosome
contient de l'information différente de celle des autres
chromosomes.
130
Glossaire
Chromosome
sexuel
Chromosome X ou Y qui détermine, chez les êtres humains, le sexe
d'un individu. Les femelles ont deux chromosomes X, tandis que
les mâles ont un chromosome X et un Y. Ces chromosomes sexuels
constituent la 23e paire chromosomique.
Clone
Copie exacte, ou presque, d'un segment d'ADN, d'une cellule
complète ou d'un organisme entier. On a cloné des mammifères
grâce au processus de transfert nucléaire. Dans la nature, le clonage
se fait par segmentation du blastomère, lorsque, à un stade très
précoce de développement, le blastomère se segmente pour former
deux pré-embryons distincts et en voie de développement. On
appelle ces clones jumeaux identiques.
Codominance
Il y a codominance lorsque deux allèles différents d'un caractère
génétique sont exprimés tous les deux. Tel est le cas des allèles du
groupe sanguin A et du groupe sanguin B. On dit alors que la
personne est AB, vu l'expression du A et du B à la fois.
Codon
Séquences de trois codes de nucléotides (bases) des amino-acides.
On appelle ces triplés des codons. Exemple : les codes ACC de
triplés de l'aminoacide sérine. Les amino-acides forment à leur tour
les protéines qui, à leur tour, développent et maintiennent un
organisme particulier selon son code génétique. Analogie du
codon : Si les nucléotides sont les lettres de l'alphabet de l'ADN,
les codons en sont les mots. Chaque mot a une signification
particulière, étant un aminoacide. Certains mots sont synonymes,
étant codes du même aminoacide.
Cytosine (C)
Une des quatre bases, ou blocs de construction, de l'ADN.
Délétion
Perte d'une partie de l'ADN d'un chromosome. La perte peut être
cause d'une maladie ou d'une anomalie menant à l'invalidité.
Discrimination
génétique
Préjugé défavorable à l'égard des personnes qui sont atteintes
d'une maladie génétique ou qui risquent de l'être.
Dominant
autosomique
Gène sur des autosomes (chromosomes non sexuels) qui est
toujours exprimé, même en la présence d'une seule copie. Exemple:
l'allèle des yeux bruns est autosomal dominant. Si vous avez un gène
d'yeux bruns et un de bleus, il en résultera des yeux bruns.
Glossaire
131
Empreinte
Changement non permanent dans un gène qui varie selon qu'il
survient chez un mâle ou une femelle. En certains cas, la maladie
particulière dont on hérite dépend si l'allèle est hérité de la mère ou
du père. Un rejeton, par exemple, aura le syndrome de Prader-Willi
ou celui d'Angleman selon que la partie manquante du
chromosome 15 est héritée de la mère ou du père.
Enzyme
Protéine qui catalyse les réactions. Plusieurs des fonctions du corps
humain sont des réactions chimiques (digestion, transmission de
signaux le long des nerfs. Ces réactions chimiques se font très
lentement (certaines d'entre elles pourraient prendre des années), à
moins que soit présente une enzyme permettant d'accélérer, ou de
catalyser, la réaction. L'enzyme appelée acétylcholinestérase, par
exemple,
catalyse
(accélère)
la
décomposition
du
neurotransmetteur qu'est l'acétylcholine. L'acétylcholine est
dégagée par les cellules nerveuses et reçue par les cellules
musculaires, amenant celles-ci à se contracter. Si l'acétylcholine
n'accélérait pas la décomposition de l'acétylcholine, tous vos
muscles se contracteraient continuellement.
Epigénétique
Étude de la façon dont les facteurs environnementaux peuvent
changer une fonction d'un gène sans changer la séquence du gène.
Épistasie
Interaction de gènes d'un endroit avec des gènes d'un autre
endroit, affectant ainsi leur expression. Si un chien, par exemple, a
le gène du poil brun, mais n'a pas le gène de l'expression de la
couleur du poil, le poil brun ne sera pas exprimé.
Eugénique
Manipulation du patrimoine génétique par sélection artificielle ou
ingénierie génétique, dans le but d'améliorer une espèce.
Expression génique Processus grâce auquel la machinerie cellulaire convertit les
instructions codées d'un gène en structures et opérations d'une
cellule.
Fingerprinting
132
Chaque génome est unique en son genre, par suite de
l'accumulation, avec le temps, des mutations. La technique du
fingerprinting (cartographie) consiste à fragmenter un ensemble de
variations dues à la mutation chez quelqu'un afin de déterminer
leur identification unique. Ce processus aide à déceler la présence
d'un suspect sur le lieu d'un crime, à établir la paternité et à
identifier les victimes d'accidents.
Glossaire
Gamète
Cellule reproductrice mâle ou femelle dotée d'un complément
entier de chromosomes (23).
Gène
Unité fondamentale de l'hérédité. Séquence ordonnées de bases
(nucléotides) qui encodent des protéines spécifiques et les fonctions
que rempliront celles-ci.
Gène polygénique Caractère phénotypique créé par l'interaction de deux ou plusieurs
gènes.
Gènes réparateurs Gènes qui encodent les protéines qui ont pour fonction de corriger
d'ADN
les erreurs dans les séquences de bases de l'ADN.
Gène suppresseur Gène qui supprime l'action d'un autre gène.
Génétique
Étude de la façon dont les gènes peuvent influencer le
comportementale comportement.
Génome
Tout le matériel génétique d'une cellule individuelle d'un
organisme.
Génomique
Étude des gènes, de leur origine et de leurs fonctions.
Génotype
Constitution génétique d'un organisme. Cela inclut les caractères
que porte un organisme et ceux qu'il exprime. Ce terme s'oppose à
celui de phénotype, qui se compose des caractères mesurables d'un
organisme ou seulement des caractères qu'il exprime.
Ligne germinale
Maintien d'information génétique d'une génération à l'autre.
Locus
Position d'un gène particulier sur un chromosome.
Maladie de
Huntington
La maladie de Huntington (MH) est une maladie neurodégénérative
progressive et fatale qui se manifeste chez l'adulte âgé de 35 à 50
ans. Elle est héritée sous la forme d'un caractère dominant
autosomique. L'individu qui possède l'allèle MH a 50 % de risque de
le transmettre à un enfant. L'allèle MH provient de l'expansion d'une
répétition multiple de trois bases (CAC) dans le gène. Les individus
normaux ont jusqu'à 26 répétitions. tandis que ceux qui en ont 4
développeront probablement la MH. Il y a corrélation entre un
nombre plus élevé de répétitions et une apparition plus précoce des
symptômes.
Glossaire
133
Maladie
monogénique
Dysfonctionnement causé par la mutation d'un seul gène.
Maladie
polygénique
Maladie génétique qui repose sur l'action combinée d'allèles de
plus d'un gène. Bien que ces maladies soient héréditaires, leur
expression est plus complexe que celle des maladies
monogéniques.
Mutation
Tout changement héréditaire d'une séquence de l'ADN.
Nématode
Ver microscopique qu'on trouve généralement dans le sol. Cet
organisme à la structure simple (les nématodes se composent de
moins de 1 000 cellules) est un modèle d'organisme utile à l'étude,
par les scientifiques, de la génétique du développement.
Nucléotide
Sous-unité d'ADN ou d'ARN consistant en une base (A, C, T ou C),
une molécule de phosphate et une molécule de sucre. Ces unités se
joignent pour former la molécule d'ADN ou d'ARN.
Oncogène
Gène qui, lorsque muté, est associé à la manifestation du cancer.
Beaucoup d'oncogènes jouent un rôle dans le contrôle du taux de
la croissance cellulaire.
Ovocyte
Gamète femelle avant maturité.
Paire de bases
Deux des quatre bases tenues ensemble le long de la molécule
d'ADN à double hélice. Les quatre bases sont l'adénine (A), la
thymine (T), la cytosine (C) et la guanine (G). A se lie, ou s’apparie,
toujours avec T et C se lie toujours C.
Pedigree
Arbre généalogique génétique montrant qu'un caractère ou une
maladie génétique ont été transmis.
Pénétrance
Probabilité d'expression en cours d'un caractère génique ou
génétique. La pénétrance complète signifie qu'un génotype
particulier résulte en un phénotype particulier. La pénétrance
incomplète signifie qu'un génotype particulier (tel celui de la
polydactylie) n'est exprimé que dans une partie des individus
possesseurs de ce génotype.
Peptide
Deux amino-acides ou plus joints ensemble.
134
Glossaire
Pharmacogénomique
Étude de l'interaction entre le profil génétique d'une
personne et son interaction avec des médicaments particuliers.
Phénotype
Caractère mesurable (groupe sanguin, taille) déterminé ou influencé
par l'expression d'un ou plusieurs gènes particuliers. Un organisme
peut avoir le génotype des yeux bleus et bruns, tandis que seuls les
bruns sont exprimés (les yeux bruns sont dominants
autosomiques). Dans ce cas, le phénotype est celui des yeux bruns.
Pluripotent
Pouvoir d'une cellule souche de se développer,
l'environnement, en plus d'un type de cellule mature,
Porteur
Personne qui a un caractère génétique récessif non exprimé.
Exemple : une personne aux yeux bruns peut être porteuse du
caractère des yeux bleus. Deux parents aux yeux bruns porteurs
d'yeux bleus peuvent avoir un enfant aux yeux bleus.
Promoteur
Endroit d'un endroit du fragment d'ADN auquel la polymérase
d'ARN se fixera et amorcera le processus de transcription, première
étape de l'expression génique.
Protéine
Grande molécule faite d'amino-acides dans des séquences
spécifiques déterminées par le gène correspondant. La protéine
fournit la structure, la fonction et la régulation des cellules, des
tissus et des organes.
Prédisposition
génétique
Caractère génétique entraînant la sensibilité à certaines maladies.
Ces maladies peuvent survenir ou non.
selon
Protéine
La protéine fluorescente verte (GFP) est une protéine produite par
fluorescente verte la méduse. La protéine CFI émet une fluorescence bleu-vert. Le
gène de la GFP a été isolé et inséré dans les cellules d'autres
organismes, dont la souris, le porc et le singe. On peut contrôler
l'expression de certains des gènes de ces animaux transgéniques en
examinant le motif de fluorescence de la GFP.
Récessif
Glossaire
Gène qui ne sera exprimé que s'il y a deux copies du même allèle.
(A noter : il ne faut qu'une copie pour les mâles sur les
chromosomes sexuels.) Un allèle récessif ne sera exprimé que si
l'organisme n'a pas, lui aussi, un allèle dominant.
135
Sélection
artificielle
Évolution causée par l'humain par l'entremise du choix et de la
culture d'organismes spécifiques basés sur l'expression d'un
caractère désiré.
Exemple : Si un fermier veut cultiver des plus grosses tomates, il lui
suffit de ne choisir et de ne planter que les graines de ses plus
grosses tomates pour récolter des plus grosses tomates.
Séquence
conservée
Une séquence des bases d'une molécule d'ADN demeurée
essentiellement inchangée tout au long de l'évolution. On peut
trouver une séquence conservée dans un organisme tel qu'un
escargot et dans un autre, tel qu’un être humain, toutes étant
identiques ou très similaires.
Séquence
régulatrice
Séquence d'ADN qui règle l'expression génique.
Technologie
d'ADN
recombinante
Procédé consistant à couper les gènes de différents organismes à
l'extérieur de la structure, puis à insérer la séquence modifiée dans
une cellule où elle pourra se reproduire.
Télomère
Extrémité d'un chromosome. Les télomères servent à la
reproduction et à la stabilité des molécules d'ADN. On croit, par
conséquent, qu'ils participent au processus du vieillissement.
Thymine (T)
L'une des quatre bases, ou blocs de construction, de la séquence
d'ADN.
Totipotent
Chez le mammifère, les cellules totipotentes ont le pouvoir de se
différencier dans toutes les cellules de l'organisme adulte, tout
comme toutes les cellules extra-embryonnaires.
Transcription
Création d'une copie ARN d'ADN qui peut servir à diriger la liaison
mutuelle des amino-acides, créant ainsi une protéine.
Transfert nucléaire Procédé consistant à retirer le noyau d'une cellule, pour le placer
dans un ovocyte, qui utilise alors la nouvelle information génétique
pour développer un nouvel organisme. C'est ainsi qu'on a réalisé le
clonage chez les mammifères.
Transgénique
Organisme produit par expérimentation où l'on a ajouté des
séquences génétiques à la ligne germinale. L'ANDi est un bon
exemple d'organisme transgénique.
Zygote
Résultat de la fécondation d'un ovule avec un spermatozoïde.
136
Glossaire
Annexes
Annexe A
L’Église anglicane et les questions de bioéthique
La Communion anglicane et l’Église anglicane du Canada font rarement une déclaration
officielle qu’on puisse appeler « la position officielle de l’Église anglicane » au sujet de
questions d’éthique. Diverses conversations, déclarations et ressources peuvent
néanmoins aider à comprendre ce que pensent les Anglicans, à l’échelle locale comme
mondiale, d’un large éventail de questions sur lesquelles ils se sont penchés pour y
réfléchir avec clarté et intégrité. Les déclarations ci-dessous représentent un échantillon
de ce qu’ont dit des Anglicans sur la bioéthique, la technologie génétique et la foi.
I. Ce que nous avons déjà dit
La Communion anglicane s’intéresse aux questions entourant la vie humaine et à la
bioéthique depuis au moins les années 1930. La Conférence de Lambeth de 1938, par
exemple, déclarait « son horreur de la pratique immorale de l’avortement ». Cette
déclaration montre où en était l’état d’esprit de l’Église à l’époque. Elle n’a pas empêché
de poursuivre la réflexion et les débats sur le sujet. Les progrès technologies accomplis
depuis ont rendu plus complexes les problèmes posés par le début et la fin de la vie
humaine.
La Conférence Lambeth de 1978 a reconnu sa conscience de ces changements et
réclamé des études permettant de « souligner le caractère sacré de toute vie humaine,
les questions d’ordre moral rattachées à l’avortement clinique et les implications
éventuelles de l’ingénierie génétique. »
L’archevêque de Canterbury Rowan Williams a fait plus récemment des commentaires
sur la question du traitement de l’embryon dans la recherche scientifique. « [Des
chrétiens] », affirmait l’archevêque, « s’interrogent sérieusement sur le statut de
l’embryon humain et sur le cadre éthique dans lequel se situe la recherche scientifique…
la science ne pourra jamais, nous dire d’elle-même ce qui est bien : elle ne peut nous
dire que ce qui est possible.
Et malgré ce que des gens disent dans ce débat, il y a vraiment une différence entre ce
qui est possible et ce qui est bien ».
L’Église anglicane du Canada a également fait des déclarations à l’encontre du mauvais
usage d’embryons excédentaires » créés par des procédés de FIV. La création
d’embryons à des seules fins d’expérimentation, a observé l’Église, est « moralement
répugnante », car on y traite l’enfant à naître comme un « objet pour consommation
adulte »
Annexes
139
Les organismes et les aliments génétiquement modifiés font aussi l’objet de discussions
au sein de l’Église anglicane du Canada depuis les dernières années 1980; on s’inquiétait
de l’insuffisance des tests et de l’injustice économique à l’égard des fermiers, tant locaux
qu’internationaux.
II. Quelles sont nos ressources théologiques?
La discussion des questions de foi et de génétique aboutit à une grande question :
« Que signifie être créé à l’image de Dieu? » Il y a des décisions à prendre, non
seulement sur la nature et le contenu de la vie humaine, mais aussi sur le rôle
qu’assument les créatures porteuses de l’image dans le reste de la création et à son
égard. Sommes-nous en train de « chambarder l’ordre de la création » en manipulant
des processus génétiques et de croissance? Nous préoccupons-nous d’amener « l’année
du jubilé » au reste de l’ordre créé?
Beaucoup d’anglicans sont persuadés que « l’image » que nous portons trouve sa
source dans le Dieu trinitaire et qu’à ses racines, la vocation humaine consiste à rappeler
à l’ordre créé sa plus grande joie, qui est d’adorer Dieu en esprit et en vérité. Ce Dieu
fidèle s’est incarné en Jésus Christ pour délivrer la Création du péché. L’incarnation du
Verbe nous encourage à faire un usage approprié des techniques génétiques et des
autres avancées scientifiques.
(Merci à Rob Walker pour ses recherches et sa rédaction de l’annexe)
140
Annexes
Annexe B
Positions de l’Église réformée chrétienne (CRC) sur les techniques
génétiques et sur d’autres aspects pertinents de la biotechnologie et
de la bioéthique
Compilation de James J. Rusthoven, représentant de la CRC, Groupe consultatif sur la
biotechnologie, Conseil canadien des Églises
Tirée du site Web de la CRC, au chapitre de ses croyances et de ses positions au sujet
des questions de la vie.
Positions affirmées par l’Église réformée chrétienne au sujet des questions éthiques et
théologiques suscitées par la bioscience et l’ingénierie génétique
Introduction
Au fil du temps, l’Église réformée chrétienne a fait part de ses positions sur divers sujets
d’actualité. On trouvera ici un résumé des positions doctrinales et éthiques de la
confession déclarées par les synodes, avec les années, au sujet de la bioscience et de
l’ingénierie génétique.
Le présent résumé offre des descriptions précises et concises des positions de la CRC.
Pour consulter les rapports intégraux et les déclarations exactes de la position de la
confession sur une question particulière, le lecteur peut se reporter aux références
citées. Le matériel a été mis à jour en fonction des décisions du Synode 2011.
Déclaration générale sur le rapport entre les décisions synodales et les confessions
religieuses
C’est le Synode 1973 qui a institué un Comité sur les décisions synodales et les
confessions. Son mandat comportait deux tâches : (1) compiler de la documentation
pour une publication contenant les décisions synodales pertinentes sur des sujets
doctrinaux et éthiques et (2) présenter une déclaration claire sur le rapport entre les
décisions synodales et les confessions. Le Synode 1975 a approuvé par la suite la
version originale de la documentation sur le sujet qui nous occupe et adopté les
recommandations suivantes du comité d’étude sur le rapport entre les décisions
synodales les confessions :
1) Les Confessions réformées sont tributaires des Écritures, elles sont reconnues
comme l’interprétation de cette Parole et lient toutes les autorités et tous les
membres confesseurs de l’Église.
Annexes
141
2) Les déclarations
synodiques sur les sujets doctrinaux et éthiques sont
subordonnées aux confessions et sont considérées comme « examinées, réglées
et contraignantes », sauf s’il est prouvé qu’elles entrent en conflit avec le Verbe
de Dieu ou la constitution de l’Église » (Art. 29). Tous les officiers et les membres
sont censés se conformer à ces décisions.
3) Les confessions et les déclarations synodiques diffèrent quant à leur champ
d’autorité, à la nature de leur autorité, à la distinction de leurs objectifs, au degré
d’accord attendu et à leur mise en application et à leur fonction.
4) La mise en application et la fonction des décisions synodiques (interprétation des
confessions, déclarations extérieures aux confessions, arbitrage au sujet d’une
question particulière, témoignage, lignes directrices pour étude ou action futures
ou conseils pastoraux) sont explicitement ou implicitement indiquées par le
libellé même de la décision particulière.
Pour consulter le rapport intégral du Comité de 1975 et la réponse du synode, voir Acts
of Synod 1975, pages 44-45 et 595-604.
Étude des questions éthiques et théologiques sur la bioscience et l’ingénierie génétique
En réponse à des ouvertures sur des questions touchant à l’avortement et à la grossesse,
de même qu’à des questions éthiques et théologiques du domaine de la bioscience et
de l’ingénierie génétique, le Synode 1999 a confié pour mandat à un comité d’étude
« d’examiné les questions d’ordre biblique/théologique/éthique soulevées par les
récentes capacités et les récentes découvertes en bioscience et en ingénierie génétique
(Actes du Synode 1999, p. 578). Le comité a fait rapport au Synode 2003, proposant des
lignes directrices concernant les questions de vie soulevées par les nouvelles
biotechnologies, dont l’ingénierie génétique. Le Synode a recommandé le rapport du
comité aux Églises pour étude et réflexion, encourageant les membres « à inciter les
agences gouvernementales à mettre en œuvre des politiques conformes aux préceptes
directeurs adoptés par le synode et énoncés dans le rapport » (Actes du Synode 2003, p.
644).
142
Annexes
Le document A summary of the guidelines for pastoral advice concerning life issues a
été publié comme suit (Actes du Synode 2003, p. 632-35, 639, 643-44, à
www.crcna.org/pages/synodical.cfm):
Nous ne devons pas recommander des règlements qui lient la conscience en
matière de sujets contestables. Agir ainsi serait violer la liberté personnelle
chrétienne. Nous ne devrions plutôt prescrire que si la volonté de Dieu est claire.
Or, il est clair, selon les Écritures, que tout être humain est créé à l’image de Dieu
et précieux à Ses yeux.
Il faut garder la procréation dans le contexte de la relation conventionnelle mâlefemelle et biparentale du mariage.
Bien qu’il convienne que des couples mariés désirent avoir des enfants, et que ce
soir une bénédiction d’en avoir, il y a des limites à ce que peut faire un couple
pour en avoir. L’infertilité est une conséquence de la chute, situation que nous
pourrions essayer de renverser, mais seulement par des moyens moralement
acceptables.
Quoique les Écritures ne nous enseignent pas explicitement quelle protection
morale mérite l’embryon, il est explicitement clair qu’en tant que vie humaine
unique, il justifie une sérieuse protection humaine.
Étant donné l’abominable nature du viol et la situation complexe où se retrouve
sa victime, elle n’est pas nécessairement coupable si elle prend la pilule du
lendemain. Le ministère, en pareilles circonstances, devrait privilégier la
compassion à l’égard de la femme.
On trouvera dans l’Agenda du Synode 2003, p. 275-313 une discussion poussée de la
preuve et des positions concernant le contexte d’une gamme étendue de questions sur
la procréation et les questions de génétiques abordées par le comité d’étude. Comme il
y a eu un rapport majoritaire et un minoritaire, les principaux points de l’approbation et
du rejet finals de leurs points sont abordés dans les Actes du Synode 2003, p. 632-35,
639, 643-44. Les lignes directrices finales furent principalement dégagées d’un
ensemble de recommandations antérieures tirées du rapport majoritaire du comité
d’étude. Certaines recommandations ne furent toutefois pas approuvées, tels 1) une
déclaration plus explicite concernant la nécessité de ne créer des embryons humains in
vitro que lorsque chaque embryon ainsi créé à l’occasion d’être implanté et 2) une
déclaration condamnant comme moralement mauvaise la destruction intentionnelle
d’un embryon, sauf s’il s’agit de sauver la vie de la mère après l’implantation.
Annexes
143
Ces omissions dans les lignes directrices, de même que la nature plus générale des
lignes directrices finales, reflètent d’importantes divergences de points de vue chez les
membres du comité sur beaucoup de ces questions. Il s’ensuit qu’ils sont également
susceptibles de refléter l’hétérogénéité qui existe chez les membres des confessions
quant à bien des questions de vie. Notre confession continue de réfléchir sur ces
questions par divers moyens, dont les publications confessionnelles, sollicitées ou non,
à l’aide desquelles les membres des confessions peuvent réaliser leur engagement à se
tenir informés et à maintenir de telles discussions bien vivantes et opportunes.
144
Annexes
Annexe C
Annexe des Églises orthodoxes au programme éducatif Foi et
génétique
1. Toutes les discussions lourdes d’importance des Orthodoxes suscitées par le
présent programme éducatif doivent s’appuyer sur l’anthropologie
fondamentalement « théocentrique » de l’Orthodoxie.
2. Il faut commencer par poser les questions fondamentales sur ce que signifie être
une personne humaine. Selon l’interprétation de l’Église orthodoxe, ce qui
« définit » la personne humaine, c’est qu’elle a été créée par Dieu à son image,1
qui est indélébile. Malgré cette noble origine, l’être humain vit, en un sens bien
réel, la réalité d’une « déchéance », de par sa rencontre quotidienne avec péché,
la maladie, la souffrance et la mort.2
3. Dieu, en vertu de son amour infini de toute la race humaine,3 donne à l’être
humain un moyen de se tirer du dilemme de sa déchéance. Par la vie, la mort, la
passion, la résurrection et l’ascension de Jésus, son fils bien-aimé (« pareil à nous
en toutes choses, sauf le péché » 4), Dieu annonce l’imminence de son Royaume,5
nous parle avec les mots de la vie,6 nous visite et nous rachète7 dans les
moments sombres de notre vie présente8 et nous mande de commencer à vivre
une vie nouvelle et éternelle,9 en tant que ses fils et ses filles,10 au sein d’une
création vraiment nouvelle.11 Pour atteindre ce but, Dieu nous accorde le pouvoir
d’être façonnés à nouveau à l’image du Christ12 en répandant son Esprit Saint sur
1
Genèse 1.27. La création de l’humanité est perçue comme l’œuvre de Dieu la Trinité sainte. L’image
selon laquelle les humains ont été formés en création est celle du Logos-Fils de Dieu préincarné qui est la
parfaite image de son Père (Colossiens 1.15). L’ « agent » de Dieu dans l’accomplissement de la création
« à l’image » est l’Esprit ou « souffle » de Dieu que Dieu « souffla dans les narines (d’Adam)» de sorte qu’il
« devint un être vivant » (Genèse 2.7).
2
Voir Ésaïe 35.10b LXX cité dans la prière funèbre du rite byzantin « Ô Dieu des esprits et de toute
chair…»
3
Hébreux 4.15
4
Hébreux 4.15
5
Marc 1.15
6
1 Jean 1,1 et 1.4
7
Luc 1.68b
8
Luc 1.79a
9
Jean 17.3
10
Jean 1.12 et Galates 3.26
11
2 Corinthiens 5.17 et Apocalypse (Révélation) 21.5
12
1 Corinthiens 15.49
Annexes
145
nous et sur l’ensemble de la création.13
4.
Au long de notre pèlerinage vers notre transformation en « créatures nouvelles
dans le Christ,14 Dieu nous appelle
a)
À mener des vies de renonciation et de lutte ascétique, portant tous les jours
notre croix15
b)
À apprendre à aimer et à servir tous les membres de la famille humaine de Dieu 16
c)
À approfondir sans cesse notre amitié17 avec nos sœurs et frères dans le seul
Corps du Christ.18
5. Compte tenu des facteurs mentionnés ci-dessus (points 2 à 4), il faudra se
pencher plus spécifiquement, dans une perspective chrétienne orthodoxe, sur un
certain nombre de questions soulevées par le présent programme éducatif. Il
faut que les communautés orthodoxes qui utiliseront ce programme soient au
courant de ces questions et que leurs discussions à cet effet soient, dans la
mesure du possible, dans un phronema19 (état d’esprit) orthodoxe (voir points 6 à
10 ci-dessous).
6. Au sujet du renvoi au point 2 ci-dessus, la tradition patristique discerne une nette
corrélation entre la création de l’humanité « à l’image » et la capacité de la
personne humaine à user de sa liberté de choix (même dans ce visible état de
déchéance). « Étant à l’image et à la ressemblance… du Pouvoir qui régit toutes
choses », observe Grégoire de Nysse dans son traité De la virginité, [l’humanité] a
également conservé, de par son libre arbitre, cette ressemblance à Celui dont la
volonté est souveraine. »20 L’Enfant prodigue21 (objet bien-aimé de la réflexion
orthodoxe chaque année dans la période pré-carême), tout en vivant
littéralement dans une véritable porcherie de dégradation et de désespoir, a pu
« rentrer en lui- même » et décider librement de « se lever et d’aller vers [son]
père ».22
13
Joël 2.28-29, cité dans Actes 2.17
Galates 6.15
15
Mattheu 16.24
16
Matthieu 5.43-44 et 25.40
17
Koinônía (« communion »)
18
1 Corinthiens 10.16-17
19
« état d’esprit »
20
(Saint) Grégoire de Nyssa : De la virginité, chapitre 12;, en ligne :
www.newadvent.org/fathers/2907.htm .
21
Luc 15.11-32
22
Luc 15.17-18
14
146
Annexes
De ce point de vue, l’anthropologie orthodoxe demeure critique de tout déterminisme
absolu et réagit vigoureusement contre les opinions contemporaines telles celles que
rapporte le sociologue Alex Mauron, selon qui « le génome est construit sur le noyau
dur de notre être… l’équivalent séculier de l’âme. » 23
7. La création à l’image et à la ressemblance de Dieu (point 2) amène également la
théologie orthodoxe à voir dans la vie humaine un « don sacré »24 librement
accordé à chacun de nous, à nos familles et la grande communauté humaine par
un Dieu d’amour philánthropos25 (point 3 ci-dessus). C’est ce point de vue
théocentrique (et communautariste) qui conditionnera les attitudes orthodoxes à
l’égard d’une pléthore de questions morales que la société tend à voir plus ou
moins comme une chute dans le cadre du sujet humain autonome (diagnostic
prénatal, recours aux nouvelles technologies reproductrices, avortement, suicide
assisté, euthanasie, etc.).
Les attitudes à l’égard de la vie des actuels ou potentiels « enfants avec des besoins
particuliers » (que ce soit avant leur conception, durant leur gestation ou après leur
naissance) doivent être nourries dans une perspective selon laquelle chaque enfant, si
« imparfait » qu’il puisse paraître (génétiquement ou autrement), est un don Dieu et
possède, par conséquent, la capacité d’aimer et d’être aimé.
8. Le fait d’être affligé d’un handicap permanent (et limitatif de la vie) impose, sans
aucun doute. d’énormes fardeaux et bien des difficultés à la personne atteinte,
tout comme à ses parents, à sa famille et aux autres qui en prennent soin.
Chercher à éviter de tels fardeaux peut ne susciter, à première vue, rien d’autre
qu’une réaction humaine normale et tout à fait compréhensible.
Les chrétiens orthodoxes qui songent à recourir à l’une ou l’autre des « nouvelles
technologies » moralement contestables (diagnostic prénatal pour avortement
de fœtus atteints de troubles génétiques, par exemple) feraient bien de garder à
l’esprit l’entière dimension esthétique de la chrétienté orthodoxe traditionnelle et
d’y réfléchir. Comme nous y avons fait allusion au point 4 (a), nous croyons que
le Christ nous a enjoint de « nous renoncer » et de « porter notre croix »26 si nous
voulons le suivre et devenir ses vrais disciples. De ce point de vue, l’invalidité et
son corollaire qu’est la souffrance, embrassées pour l’amour de Dieu et en
23
Tel que cité, pour fins de discussion, dans l’introduction au chapitre théologique « Génétique, foi et
dignité » du programme éducatif.
24
Cf. R.P. John Breck: The Sacred Gift of Life: Orthodox Christianity and Bioethics (Crestwood, NY: SVS
Press, 1998)
25
Voir note 3 ci-dessus
26
Matthieu 16.24 et parallèles
Annexes
147
témoignage de l’évangile, peuvent devenir un chemin vers le Royaume pour les
invalides tout comme pour leur entourage.
9. L’appui communautaire (financier, matériel, instrumental et moral) aux personnes
et pour les familles vivant des maladies (génétiques ou acquises) peut
grandement faciliter l’allègement des fardeaux que portent ces personnes et
leurs aides.27 Il serait à espérer que les communautés chrétiennes,
particulièrement, se sentent un engagement à l’égard de ceux qui, dans leur
milieu, sont aux prises avec une maladie chronique affligeant eux ou des
membres de leurs familles. Bien que la plupart des cultures orthodoxes
traditionnelles aient souligné le bien-fondé de l’aide de la communauté à ceux
du cadre de la famille élargie ou du village, il arrive souvent que ces forces
n’arrivent pas à se transporter dans la vie communautaire de la paroisse
orthodoxe moyenne de l’Amérique du Nord.
10. Bien des chrétiens orthodoxes clameront que des scientifiques font certaines
avances « futuristes » en technologie génétique et reproductrice qui semblent
une « usurpation de la prérogative divine » Nous devrions réfléchir, à ce sujet (et
en conclusion de cette annexe Orthodoxe) à ces mots du chapitre du programme
intitulé « Génétique, foi et dignité humaine : « Cette expression [usurpation de la
prérogative divine] reflète peut-être l’opinion selon laquelle nous ne sommes pas
destinés à faire certaines choses, même si nous les faisons. . .
Nous sommes peut-être censés penser à la sorte de monde où nous voulons
vivre et nous servir de nos connaissances d’une façon modeste et intelligente à
cette fin [rendre service à l’humanité]. . . Tout enrichissement de nos
connaissances, combiné à l’amélioration de nos aptitudes à nous servir de ces
connaissances, entraîne l’augmentation de notre responsabilité morale.
L’Archiprêtre Cyprian (Robert) Hutcheon, MD, PhD (Théologie), FRCP(C)
Août 2012
Annexe D
L’Église presbytérienne du Canada
L’Église presbytérienne du Canada affirme que la règle de sa foi et de sa vie repose sur
les Écritures de l’Ancien et du Nouveau testaments, qui sont la norme en fonction de
laquelle est évalué et mis à l’épreuve l’ensemble des doctrines, politiques et
27
Voir points 4(b) et 4(c) ci-dessus
148
Annexes
déclarations de l’Église. Elle affirme également que se révèle, dans les pages du verbe
écrit, la nature du Dieu qui était dans le Christ. À la lumière de cette révélation, l’Église
formule sa doctrine, dont certaines parties répondent directement aux préoccupations
formulées dans le programme éducatif sur la génétique, En voici quelques-unes.
Souveraineté de Dieu
Les Écritures rendent témoignage à un Dieu souverain, créateur et le soutien de tout ce
qui existe. Créés pour vivre en conformité de la volonté souveraine de Dieu, nous
sommes appelés à refléter, dans toutes nos activités, l’activité créatrice, aimante et
secourable de Dieu.
Intendance
Nous avons reçu pour mandat de vivre devant notre Créateur en intendants de ce qui a
été confié à nos soins. Nous intervenons donc dans l’ordre naturel et y donnons forme,
afin de protéger, de soutenir et de promouvoir la vie. La vie est un don de Dieu, don
que nous sommes appelés à préserver. Il se révèle dans ce processus de la création,
l’activité secourable d’un Dieu aimant, un Dieu qui a pour volonté de surmonter tout ce
qui affecte ou détruit cette plénitude de la vie qu’il veut pour sa création. (1)
L’image de Dieu
Intendants de la création de Dieu et serviteurs de ses desseins, nous sommes créés à
son image et à sa ressemblance. (2) Cela signifie que nous avons été créés avec une
intelligence permettant de découvrir et de comprendre les mécanismes de l’ordre
naturel. Nous pouvons ainsi, grâce à une activité progressivement créatrice, assumer
une intendance responsable de l’ordre créé et assumer la responsabilité de la vie du
prochain, vie qui a été confiée à nos soins. Par notre intelligence, notre sens des
responsabilités, nous reflétons en nous l’image de Dieu.
Dignité humaine
L’image de Dieu à laquelle nous sommes créés reflète une relation inévitable avec notre
Créateur dont découle notre dignité. La dignité humaine est donc une dignité
étrangère. Elle reflète l’appréciation par Dieu de l’humanité de sa création et représente
donc une dignité à affirmer et à honorer. Le service à Dieu exige donc que le souci de
Dieu à l’égard du bien-être de tous se reflète dans nos relations avec notre prochain,
où qu’il soit. Déshonorer la dignité humaine, c’est déshonorer Dieu.
Dieu a en outre conféré à l’humanité la capacité de participer de la nature divine, en
vertu de l’aptitude à connaître le créateur et à communiquer avec Lui et de refléter dans
Annexes
149
le monde la nature même des qualités du Créateur. C’est également là l’affirmation de
l’humain par Dieu et c’est là la bénédiction dont consiste l’humanité. (3) C’est aussi en
cela qu’est conférée et affirmée la dignité humaine.
Être humain, c’est donc être investi de l’image de Dieu, c’est refléter cette image et vivre
en relation avec lui. C’est aussi vivre en communauté. Tout comme nous sommes pour
vivre en relation avec Dieu, nous sommes créés pour vivre en relation avec autrui. C’est
de la réalisation de notre rencontre avec autrui que découle notre réponse à la question
de savoir ce que signifie être humain. C’est par la relation que notre humanité est
affirmée et réalisée ou niée et pervertie.
Le péché
Les Écritures affirment que notre relation avec le Créateur et avec notre prochain est
entachée par le péché, lequel découle de notre éloignement de Dieu. (4) Cela signifie
que notre relation avec Dieu et avec notre prochain sera toujours inférieure à ce qu’elle
pourrait être, devrait être ou est destinée à être. Nous sommes individuellement et
collectivement confrontés au pouvoir du péché et à ses conséquences désastreuses,
tout en luttant pour vivre créative ment, pacifiquement et équitablement.
La grâce de Dieu
Les écritures affirment que le pouvoir destructeur du péché est contrecarré par la grâce
de Dieu, qui opère efficacement dans la vie de la foi par l’entremise du Saint Esprit. La
grâce représente la faveur de Dieu et la présence de la vie de Dieu dans notre vie qui
réalise cette réconciliation, cette guérison, cette plénitude et cette paix qui sont notre
humaine nécessité.
Jésus le Christ
La vie nouvelle est la promesse que Dieu a proclamée en la personne, la mort et la
résurrection de Jésus le Christ. Nous recevons par lui le pardon de nos péchés. La vie
nouvelle dans le Christ indique donc le renouvellement et la plénitude de la vie dans un
Royaume de Dieu pleinement réalisé. C’est sur cette « eschatologie réalisée » que
repose l’espérance chrétienne. (5)
Justice
Les Écritures témoignent d’un Dieu qui réclame la justice. (6) C’est-à-dire que Dieu
recherche pour son peuple un monde qui reflète partout les qualités constituant sa
nature : équité, souci, compassion et miséricorde. (7) La justice est dont la norme des
relations humaines de Dieu et établit, par conséquent, le cadre où évoluent ces
150
Annexes
relations. C’est dans l’exercice de la justice que se façonne et se réalise le
commandement d’aimer son prochain. (8)
La justice est liée à l’affirmation et à la protection de la dignité humaine (9). Cela veut
dire que la justice s’oppose à tout ce qui diminue ou attaque la valeur que Dieu a
conférée à sa création. La justice défend le droit du peuple de Dieu d’être humain et son
droit à la vie qui est le don du Créateur. Elle rend aussi témoignage à la revendication
d’un Créateur souverain à la vie de sa création (10). La justice de Dieu exige que la vie
qu’il désire pour sa création soit sauvegardée, afin que son peuple puisse vivre pour sa
gloire et sa louange (11).
La vérité
Les Écritures nous somment de rechercher la vérité et de vivre dans la vérité, Il faut donc
nous ouvrir aux vérités et aux intuitions de l’intelligence et de la science humaines. Nous
sommes appelés à mettre nos connaissances et nos talents au service du bien commun
et en tant qu’expression de nos préoccupations à l’égard de la vie confiée à nos soins.
(12) Nous sommes de même appelés à nous abstenir de nous servir de nos
connaissances et de nos aptitudes scientifiques et technologiques lorsqu’elles peuvent
être cause de grands maux ou qu’elles reflètent la recherche d’intérêts particuliers aux
dépens de ceux du grand nombre. (13) Ce genre d’activité détruit la communauté au
sein de laquelle nous sommes appelés à vivre pour l’amour de notre humanité et
constitue une attaque contre le droit à la vie qu’a voulu pour nous notre Créateur.
C’est à la lumière du témoignage des Écritures et de l’expression de sa foi reflétée cidessus que l’Église presbytérienne du Canada a déclaré sa position sur certains aspects
de la génétique et formulé une réponse, inspirée de sa foi, à l’évolution de la
biotechnologie.
En 1974, l’Église faisait part de ses préoccupations à l’égard des applications possibles
de l’ingénierie biologique, et demandait de formuler des politiques et principes en
fonction desquelles on puisse les évaluer. En 1979, elle adoptait une étude préliminaire
sur l’ingénierie génétique et le sens de la vie humaine. (14) L’étude était axée sur trois
domaines : les procédures et les objectifs de la science et de la technologie de la
génétique, les dangers inhérents au recours à la technologie rendue possible grâce aux
progrès de la génétique et la vision qui devrait guider la recherche génétique et ses
applications technologiques.
En ce qui concerne les objectifs de la science et de la technologie génétiques, l’étude
distingue ce qui, de l’avis des auteurs, constitue les hypothèses sur lesquelles se fonde
cette entreprise. L’une veut que l’application de la technologie génétique puisse
Annexes
151
améliorer la qualité de vie humaine. Une deuxième veut que la compréhension de sa
constitution biologique puisse permettre de vérifier la nature de l’humanité. Une
troisième, enfin veut qu’on puisse parvenir à la complétude de l’être humain par
l’entremise d’une intervention biomédicale « capable de stabiliser et de rendre
dominantes les tendances comportementales négatives et primitives. » (15) L’étude
conclut que la science et de la technologiques ont pour objectif fondamental
l’intervention, le changement et le contrôle de la reproduction, dans le but de créé une
humanité nouvelle.
L’étude maintient également que les avancées en science et en technologie génétiques
comportent certains dangers. On affirme que si l’entreprise de la génétique repose sur
une conception erronée de ce qui constitue l’humanité, elle risque de dépersonnaliser le
sujet humain. On ne peut déterminer la nature de l’humanité d’un seul point de vue
biologique. Une conception bien étayée de l’humain relève aussi de l’appréciation du
mystère de la dimension spirituelle de sa création et de sa difficile situation dans le
monde, deux éléments que la science ne peut résoudre à fond.
L’impossibilité de reconnaître des limites à leur compréhension et à leur aptitude à
recréer le nouvel humain et à perfectionner la vie humaine peut conduire le spécialiste
en génétique ou en ingénierie biologique à ressentir un orgueil qui l’amène à ne sentir
qu’à l’égard de son propre intérêt ou de ses seules volontés. Cet état de choses entraîne
la probabilité que la génétique devienne la servante des intérêts pragmatiques d’une
mentalité technologique « qui a tendance à jauger la valeur humaine en fonction de son
utilité et de ses aptitudes sociales. » (16)
La déclaration propose que l’Église adopte, comme attitude envers l’avancement actuel
de la révolution biologique actuelle en général et de l’ingénierie génétique en
particulier, celle d’un « réalisme chrétien » qui mette en garde contre la tentative de
rechercher une humanité transformée par l’entremise de la seule manipulation
d’attributs génétiques. La science et la technologie ne peuvent produire, à elles seules,
une condition humaine exempte du pouvoir destructeur d’un péché « qui empiète
même sur nos meilleurs efforts, », (17) un péché qui résulte de la séparation entre la
créature et son créateur et qui, en dernier ressort, est vaincu par l’intermédiaire de Jésus
le Christ. Pour reprendre les mots de l’étude : « Le dessein de Dieu en Jésus-Christ est
moral et spirituel. Il puise ses racines en nous par la création d’une « personne
nouvelle », et non par l’amélioration de nos attributs génétiques. » (18) Tout en mettant
en garde contre l’acceptation sans réserves de la recherche génétique, toutefois, la
déclaration en affirme la légitimité. Cette recherche, en effet, donne lieu à une aptitude
croissante à saisir la nature des gènes défectueux. Cette compréhension aide à son tour
le chercheur à apporter des réponses qui aident au soulagement de la souffrance
152
Annexes
humaine.
L’étude a également soulevé plusieurs questions sur lesquelles l’Église doit réfléchir, en
ce moment où elle s’efforce de formuler une réponse à l’évolution de la science et de la
technologie génétiques. Que signifie être humain? Quel modèle de l’humanité guiderait
l’entreprise de création de la nouvelle humanité? Quel serait le coût de la séparation
entre la sexualité humaine et l’amour procréatif que comporte le clonage? Quels sont
les coûts et les avantages de la poursuite de la recherche génétique, étant donné la
pression des besoins sociaux et la limitation des ressources?
On a élaboré davantage sur les perspectives, les préoccupations et les questions
soulevées par cette étude dans une déclaration sur l’ingénierie génétique acceptée en
1989. (19) La déclaration affirme le besoin de formuler des critères permettant à la fois
de bien évaluer les dilemmes éthiques posés par les avancées actuelles de l’ingénierie
génétique et de la technologie génétique et d’y répondre. La déclaration énonce ensuite
un certain nombre de principes qui devraient guider à la fois cette évaluation et cette
réponse.
Intendance
L’étude demande d’accepter les nouvelles connaissances et les intuitions et découvertes
scientifiques comme des outils permettant une meilleure compréhension du monde
naturel et « les particularités de nos temps ». Il faut se servir de ces connaissances et de
cette compréhension pour remplir le mandat biblique, confié à l’humanité, de se faire le
fidèle intendant de l’ordre créé.
Égalité
On affirme, dans la déclaration, qu’aucun sexe, race ou groupe n’a plus grande valeur
qu’un autre. Cela signifie que la sélection des gènes ne devrait pas servir à tâcher de
donner une plus grande valeur à une vie qu’à l’autre aux yeux de la société. Le procédé
ne devrait pas servir à choisir certains caractères génétiques qu’on juge désirable de
transmettre aux enfants. ni à éliminer d’autres jugés moins désirables. La thérapie
génique ne devrait pas servir à bénéficier à un segment de la société plutôt qu’à un
autre. De même, l’épissage génétique ne devrait pas servir à créer une forme de vie au
profit de quelques-uns.
Dignité
L’ingénierie et la technologie génétiques doivent servir à protéger et à célébrer la
dignité de la création de Dieu.
Technologie reproductrice
Annexes
153
La déclaration s’oppose au recours à la sélection du sexe comme moyen de régulation
de la reproduction.
Droits humains
On doit protéger les droits et les libertés de tous. Le dépistage génétique doit donc être
volontaire et le dépistage génétique systématique de tout groupe social ou racial est à
éviter.
Counselling pastoral
L’Église doit se tenir au courant des progrès de l’ingénierie génétique afin de pouvoir
offrir des services de counselling et d’orientation à ceux qui sont aux prises avec des
problèmes relatifs aux maladies génétiques touchant eux-mêmes ou leurs enfants.
Recherche sur l’embryon
Selon les recommandations de l’Église, « la recherche embryonnaire sur la correction
des maladies génétiques faisant usage de tissu cultivé par fécondation in vitro ne doit
se faire que conformément à des lignes directrices gouvernementales qui ne permettent
pas l’utilisation inconsidérée d’embryons fécondés, mais encouragent le développement
de lignées en culture cellulaire provenant de matériel fœtale qui accomplira la même
tâche. »” (20)
L’Église a adopté, en 2000, une étude sur le clonage humain visant un certain nombre
de questions soulevées par les progrès actuels de la science et de la technologie
génétiques, tels que la recherche sur les cellules souches, la thérapie par gène
somatique et la recherche sur le dépistage génétique. On s’est aussi demandé quelle
relation devrait exister entre les espèces humaines et non humaines et dans quelle
mesure nous sommes justifiés de soumettre des espèces humaines aux besoins
utilitaires de l’humanité. (21)
L’étude se demandait aussi s’il y avait une limite aux connaissances auxquels les
humains ont droit et propose des critères en fonction desquels on puisse déterminer
quelles connaissances acquérir ou non. (22)
Dans ces domaines, entre autres, de la recherche génétique et de ses applications
technologiques, l’Église continue de conseiller la prudence quant à ce que la génétique
cherche à accomplir et à ce qu’elle fait de ses découvertes. Elle s’est aussi engagée à
poursuivre sa réflexion et ses études sur les possibilités offertes par la révolution
biologique, en ces temps où elle s’efforce d’être fidèle à sa vocation de glorifier le
Créateur et de servir Sa création.
154
Annexes
RÉFÉRENCES
1. Living Faith: A Statement of Christian Belief. Église presbytérienne du Canada, 1984
(LF) 2.1.3
2. LF 2.2.1
3. Gen.1:28
4. Gen.3.8, Psaume 51.5, Rom. 3.23, LF 2.5.3
5. LF 10
6. Michée 6.8
7. Jér.9.24
8. Luc 10.26 sq.
9. LF 8.4.3
10. Psaume 24.1
11. LF 1.6
12. LF 2.4.1
13. LF2.4.2
14. Genetic Engineering and the Meaning of Human Life: An Introductory Study. Acts
and Proceedings of the One Hundred and Fifth General Assembly, (1979) Église
presbytérienne du Canada. p. 225-232
15. ibid. p. 225
16. ibid p. 228
17. ibid. p. 231
18. ibid.
19. A Statement on Genetic Engineering. Acts and Proceedings of the One Hundred and
Fifteenth General Assembly (1989), Église presbytérienne du Canada. p. 341-348
20. ibid. p. 68
21. Human Cloning and Biotechnology. Acts and Proceedings of the One Hundred and
Twenty Sixth General Assembly (2000), Église presbytérienne du Canada. p. 333-342.
22. ibid. p. 334-
Annexe E
Perspectives catholiques
Le programme éducatif Foi et génétique du Groupe consultatif sur la biotechnologie,
Annexes
155
un comité du Conseil des Églises, est un exercice intéressant en ce qu’il aborde les
questions suscitées par l’évolution de la recherche génétique. Généralement, l’Église
catholique accueille favorablement les progrès dans tout domaine de la recherche
scientifique et médicale ayant pour objet d’aider les gens à surmonter la maladie et les
déficiences graves. On a découvert bien des remèdes à ces problèmes et on considère le
séquençage du génome comme une contribution encourageante au soulagement de la
souffrance. En principe, il faut rechercher et encourager ces avancées de la recherche en
génétique, autant pour trouver les remèdes produits que les révélations qu’elles
apportent de la condition humaine, en montrant, par exemple, en quoi certains modes
de comportement sont d’origine génétique.
Le pape Benoît XVI en a traité expressément dans une allocution devant l’Académie
pontificale pour la vie, en février 2009 : « Ces connaissances, qui sont le fruit de
l'ingéniosité et des efforts d'innombrables chercheurs, permettent de parvenir plus
facilement non seulement à un diagnostic plus efficace et précoce des maladies
génétiques, mais également à produire des thérapies destinées à soulager les
souffrances des malades et, même dans certains cas, à leur rendre l'espoir de recouvrer
la santé. »
Comme dans tant de domaines, de nouvelles questions éthiques tendent à survenir, une
fois des pratiques particulières élaborées et une fois leurs implications clarifiées. Le
magistère catholique a fait des déclarations spécifiques sur les pratiques génétiques et il
approuve, dans les grandes lignes, les procédures vraiment thérapeutiques et qui
profitent à la personne qui en fait l’objet. Monseigneur Fisichella, président actuel de
l’Académie pontificale pour la vie (comité responsable de l’application de la recherche
médicale, de la recherche génétique, etc.), faisait observer que la recherche génétique
sur les succès thérapeutiques est essentielle au développement humain, soulignant que
« … les progrès scientifiques doivent s’accompagner d’une conscience éthique accrue
respectueuse de la dignité de toute personne. » Le Vatican a souvent exprimé ses
préoccupations au sujet, entre autres, de la possibilité d’une pratique de l’eugénisme
fondée sur l’information génétique, dans la cadre de laquelle on pourrait estimer que
les personnes atteintes de défauts génétiques ne valent pas la peine d’être traitées.
Dans son message de décembre 2003 pour la Journée mondiale des malades, le pape
Jean Paul II a plaidé pour la protection de chacun, remerciant les chercheurs médicaux
et scientifiques responsables d’avancées dans le domaine de la génétique et rappelant
que « Nul ne peut s’arroger le pouvoir de détruire ou de manipuler arbitrairement la vie
de l’être humain. »
En 2008, dans le plus récent document magistériel officiel traitant de questions de
génétique, Dignitas personæ, la Congrégation pour la doctrine de la foi déclarait, dans
156
Annexes
la note 19, que la thérapie génétique est permise si elle sert à éliminer les déficiences
des cellules somatiques, mais non des cellules germinales ou reproductrices. Comme
lors de toute procédure, il faut évaluer soigneusement les risques. Les procédures
germinales peuvent affecter les enfants à venir, tandis que la possibilité de futurs effets
adverses en exclut l’usage. » La Congrégation exprimait, dans la note 27, son
inquiétude au sujet du recours à l’ingénierie génétique chez les humains à des fins
autres que médicales, particulièrement si « …s’il est marqué d’une attitude
d’insatisfaction au sujet de certains aspects du fait d’être humain. » Notre réponse
devrait plutôt traduire l’attitude prônée par la Congrégation, soit : « accepter la vie
humaine dans sa nature concrète, historique et définitive. »
On demande aux catholiques de faire en sorte que tout individu soit protégé contre
tous les changements qu’il est proposé de faire par l’entremise d’ingénierie génétique
et qui ne sont pas destiné au traitement thérapeutique de l'individu, tel le traitement
d’une maladie, mais qui sont destinés à modifier une personne « pour le mieux », ce qui
signifie, plus précisément, en conformité de l’interprétation subjective, de la part
chercheur, du sens de « mieux ».
Le pape Benoît XVI prévenait, dans son allocution devant l’Académie pontificale pour la
vie, que « si l'homme est réduit à être l'objet de manipulations expérimentales dès les
premiers stades de son développement, cela signifie que les biotechnologies médicales
s'inclinent devant la volonté du plus fort. » Notre confiance dans les progrès
technologiques est toujours tributaire d’une éthique qui, toujours et avant tout, protège
la vie humaine à tous les stades de son existence.
Sur une note plus globale, le pape Jean Paul II a requis, en 2003, la protection et le
développement des pays du tiers-monde, afin « de prévenir une source future
d’inégalité entre les nations, étant donné que des ressources financières énormes sont
investies dans la recherche de ce genre, ressources qui, selon certains, pourraient être
affectées, en tout premier lieu, au soulagement de la pauvreté chronique de tant d’êtres
humains ». L’enseignement catholique sur la génétique, par conséquent, non seulement
favorise la recherche, espérant qu’on trouvera des remèdes aux maladies graves, mais
espère qu’elle parviendra à tirer de sa pauvreté la population des nations en voie de
développement. Non seulement ces espérances relèveront le niveau de nos attentes en
matière de génétique, mais elles confirmeront l’immense aptitude de celle-ci à profiter à
l’humanité, tant à l’échelle individuelle que sociale et mondiale.
Annexe F
La Société des Amis
Annexes
157
Questions sur la foi et la génétique
Les Quakers croient « qu’il y a cela de Dieu dans chaque personne. » Beaucoup croient
que « cela » inclut aussi le monde naturel. Quant à nous, Quakers qui, en ce 21e siècle,
observons la rapide évolution de la biotechnologie et de la génétique, comment
devrions-nous répondre?
Les Quakers ont adopté, dans les années 1700, un ensemble de questions, sous la forme
d’un guide destiné à orienter leur pensée dans la recherche de la voie à suivre dans ce
monde. Augmentées et reformulées au fil des années, ces questions ont et ont toujours
su donner la preuve de leur valeur. C’est selon cette même approche que sont offertes
pour le culte, la prière, le discernement et la discussion les questions suivantes sur la foi
et la génétique.
Questions de nature générale
1) Comment la présence de Dieu en chacun de nous enseigne-t-elle et nous amènet-elle à toujours agir pour le mieux-être des gens?
2) Le pouvoir de faire e bien dans le monde et de le rendre meilleur qu’il ne l’est est
présent en chacun de nous. Comment pouvons-nous, nous qui vivons ce pouvoir,
tenir compte de notre intérêt personnel?
3) Que doivent faire les gens de foi pour protéger et maintenir l’espérance du bien
qui peut découler de l’évolution de la génétique et technologique?
Questions portant sur la génétique et la technologie
4) Sur quels critères devrions-nous nous fonder pour juger des aspects positifs et
négatifs liés à l’évolution de la technologie?
5) En ce moment où votre communauté (Réunion) étudie et médite, dans la prière,
les changements technologiques, comment incluez-vous leur impact sur la
reproduction, sur la reproduction, sur le corps des hommes et des femmes, sur
leur rôle dans la famille et la société et sur qui ont des besoins particuliers?
6) Comment pouvons-nous évaluer les effets positifs et négatifs des technologies
de reproduction sur la vie des individus, des familles, de la société?
7) Quels avantages certaines technologies particulières représentent-elles pour les
individus, les familles, la société humaine locale et mondiale et toute autre vie?
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Annexes