Quand la religion chrétienne et la génétique se rencontrent:
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Quand la religion chrétienne et la génétique se rencontrent:
Quand la religion chrétienne et la génétique se rencontrent: un programme pratique pour groupes ISBN: 978-0-9784498-9-6 Copyright © 2012 Le Conseil canadien des Églises Tous droits reserves. Le Conseil canadien des Églises 47 Queen’s Park Crescent East Toronto, Ontario M5S 2C3 Le Conseil canadien des Églises Fondé en 1944, le Conseil canadien des Églises est le plus vaste organisme œcuménique au Canada; il représente en effet 24 Églises, de traditions anglicane, évangélique, de l’Église libre, orthodoxe de l’Est et orthodoxe orientale, protestante et catholique. Nous sommes l’un des quelques organismes du monde à représenter un tel éventail d’Églises chrétiennes. Les dirigeants et le personnel du Conseil proviennent de la diversité entière des traditions représentées par les Églises qui en sont membres. Ces Églises confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Écritures et s’efforcent de suivre ensemble une même vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Groupe consultatif sur la biotechnologie Le Groupe consultatif sur la biotechnologie (GCB) fut constitué en 1999 par le Conseil canadien des Églises comme centre destiné à recueillir et à échanger l’information sur la biotechnologie. La Commission Foi et Témoignage et la Commission Justice et Paix sont toutes deux représentées dans le Groupe consultatif sur la biotechnologie, dont elles considèrent le travail comme le leur propre. Objectifs du Groupe sur la biotechnologie Recueillir l’information provenant des Églises, des organisations œcuméniques sœurs, mettant à contribution les compétences existantes. Partager généreusement l’information. Réduire le double emploi du travail des Églises, des organisations sœurs et des autres organisations connexes. Encourager un groupe de discussion voué à la réflexion théologique et éthique. Aider à l’éducation des Églises sur ces questions en leur indiquant, par exemple, des sources de recherche ainsi que d’autres publications. Rassembler les représentants des Églises qui travaillent sur les mêmes sujets. i Remerciements Ce présent programme éducatif a d’abord retenu l’attention du Groupe consultatif sur la biotechnologie (GCB) du Conseil canadien des Églises (CCE) en décembre 2007, lors de la consultation dite Global Consultation on Genetics and New Biotechnologies and the Ministry of the Church tenue à Johannesburg, en Afrique du Sud. La conférence réunissait des représentants des Églises et des conseils ecclésiaux du monde entier, venus discuter des pressantes questions éthiques, sociales et théologiques suscitées par les nouvelles technologies génétiques. Le membre de la GCB Jim Rusthoven y a entamé une discussion avec David Lesley, représentant du National Council of Churches in the United States. Ce dernier présentait, en sa qualité de directeur des Oregon Ecumenical Ministries (OEM), un programme éducatif sur les technologies génétiques récemment testé dans de nombreuses confessions représentées auprès de l’OEM. Le programme éducatif fut d’abord une idée de Marc Marenco et de Lisa Sardinia, respectivement professeurs de philosophie et de biologie à la Pacific University, de Forest Grove, Oregon. Tous deux voyaient le besoin de mieux enseigner aux membres du corps du Christ les nouvelles technologies génétiques qui commencent à avoir des répercussions sur un nombre croissant de vies. Il émerge actuellement des questions morales, théologiques et sociales qui inquiètent aussi bien des chrétiens que des non chrétiens. Le besoin d’un tel programme éducatif a d’abord été soulevé par des pasteurs locaux à qui des paroissiens demandaient conseil au sujet des questions éthiques et théologiques suscitées par les nouvelles biotechnologies. Avec le temps, Marc et Lisa ont concentré leur travail sur l’élaboration du programme éducatif à l’usage des paroissiens eux-mêmes. Marc et Lisa ont pu obtenir des ressources de la Pacific University et des National Institutes of Health pour concevoir une première version de ce programme éducatif. Ils y sont parvenus grâce à l’aide de divers consultants externes tels qu’Allen Verhey, Audrey Chapman, Ted Peters et Ronald Green. Ils ont recruté David et l’OEM pour persuader leurs Églises de participer à un essai pilote du programme éducatif. On avait déjà obtenu de la rétroaction lorsqu’on a présenté le programme éducatif à la réunion de Johannesburg. David a eu l’amabilité de permettre à Jim de rapporter au Canada une copie papier du programme éducatif, dont le GCB a discuté des avantages éventuels dans le cadre œcuménique canadien. Après des discussions avec Marc Marenco, dont une visite personnelle à une réunion du GCB, il fut clairement établi que, dans la mesure où on ne prévoyait pas de profit commercial, le GCB pourrait se servir de la version initiale du programme éducatif pour aller de l’avant avec ses propres révisions et avec la phase d’essai pilote sans violer le droit d’auteur. Le GCB a convenu de reconnaître pleinement le travail antérieur du groupe américain et de ses ii commanditaires dans la création de la version américaine originale dont pourrait s’inspirer la version canadienne finale. Celle-ci comprend diverses mises à jour dans la section science et des modifications dans toutes les sections qui actualisent le programme éducatif et le rendent convenable pour la communauté canadienne des croyants chrétiens. Nous remercions sincèrement Marc et Lisa, consultants pour la version américaine, pour leurs efforts d’avant-garde; Pacific University et les National Institutes of Health pour leur contribution au programme éducatif dans sa forme originale. La version canadienne a été rédigée par des membres du GCB, qui ont consacré bénévolement leur talent et bien des heures de travail et de talent à la production d’une ressource éducative à l’intention des Églises du Canada. Le document est tout prêt sur le site Web du CCE, accompagné d’un guide permettant aux animateurs de l’organiser et de le mettre en pratique dans toute communauté. Nous désirons également remercier le Reid Trust et la Conférence des évêques catholiques du Canada pour leur généreuse contribution financière au projet; sans eux, nous n’aurions pu disposer des ressources qui en ont assuré le succès. La préparation de la version canadienne actuelle est le fruit de nombreuses heures de travail coopératif de membres du GCB, de consultants externes et d’animateurs bénévoles, de membres du GCB et du personnel du CCE, ainsi que de l’apport des autres contributeurs intéressés qui ont formé le groupe de rédaction et ont su rallier les forces dans les moments critiques, dont Moira McQueen, Mary Marrocco, George Tattrie, Isaac Kawuki Mukasa, Mark Boulos, Jaya Kirstmeyer, Anne Mitchell et Jim Rusthoven. Un appui administratif expert et opportun a été assuré par Bambi Rutledge, de l’Institut canadien catholique de bioéthique et par Mary Delph, adjointe administrative au Conseil canadien des Églises. Durant la phase pilote du projet, des bénévoles ont animé des groupes restreints faisant partie de groupes religieux de confessions particulières, communiquant une précieuse relation de leur expérience dans cette phase de développement. On relève, au nombre de ces animateurs et de leurs groupes ecclésiaux participants, le membre du GCT Moira McQueen (Église catholique de NotreDame-de-Lourdes, Toronto), Gus Pappas (Église orthodoxe Saint-Silouan l’Athonite, Toronto), Jason Taekema (Église réformée chrétienne Ancaster) et Jacob Plantinga (Église chrétienne réformée de l’Alliance Ancaster, d'Ancaster), Jaya Kirstmeyer et Anne Mitchell (de 8 à 12 membres de l’Assemblée mensuelle des Amis de Toronto (Quakers)) et John Wilton (Église anglicane Saint-Augustin de Canterbury, Toronto). Merci également à Katarina Prosenjak, pasteure allemande interne auprès du CCE, qui a apporté son aide durant la phase pilote, de même que ses précieux commentaires sur la version post-pilote du programme éducatif. iii À la suite de la phase pilote, on a révisé le programme éducatif d’après le précieux apport des animateurs et de leurs groupes ecclésiaux respectifs. On a aussi invité d’autres personnes à offrir une critique objective et d’utiles suggestions d’améliorations. Les consultants externes Gus Pappas, Minya Milanovic et Jason Taekema ont offert leur avis à distance à divers stades du projet. Gus, Minya et Jason nous ont valu une critique inestimable, ainsi que des suggestions d’améliorations à la section science. Nous remercions particulièrement l’éditeur, Patrick Gallagher, qui a guidé le programme éducatif de l’ébauche finale jusqu’au manuscrit définitif en supervisant la révision finale, ajoutant des sections telles que la Lettre aux animateurs, assurant l’utilité éducative du programme et contribuant de précieuses perspectives à l’ensemble. Mentionnons en particulier le membre du GCB Stephen Allen, dont l’introduction peaufinée établit avec sensibilité le contexte et le ton du programme éducatif. Nous voulons aussi remercier le membre du personnel du CCE Peter Noteboom d’avoir contribué sans défaillir au soutien des processus organisationnels en vertu desquels le projet a pu avancer, étape par étape, et pour avoir tenu constamment le Conseil de direction du CCE au courant de l’avancement du projet. Enfin, nous désirons remercier le traducteur Louis Rémillard pour sa traduction en français du programme éducatif et Thomas Hentrich du CCE pour sa correction des épreuves de la traduction française. Aucune de ces contributions n’aurait été possible sans le soutien inébranlable du Conseil de direction du CCE, de son président, le Rév. Bruce Adema, et de sa secrétaire générale, la Rév. Karen Hamilton. Le GCB et le CCE voient dans ce programme éducatif l’œuvre de Dieu, accomplie par l’entremise de ses serviteurs du corps du Christ, son Église. Dans cette initiative œcuménique, les défis de la diversité historique, ecclésiastique et théologique ont été relevés grâce à un effort pour incorporer les forces de chacune des confessions dans le contenu du présent programme éducatif. Nous prions pour que les petits rassemblements qui utiliseront le programme éducatif soient bénis par le pouvoir de l’Esprit Saint, de sorte qu’ils trouveront la sagesse collective pour répondre aux défis auxquels sont confrontées les Églises membres à titre individuel, les communautés, les confessions et l’Église entière. James Rusthoven, MD, PhD Membre du Groupe de rédaction du programme éducatif Ex-président, Groupe consultatif sur la biotechnologie, Conseil canadien des Églises iv Table des matières Préface 1 Déclaration commune 7 Lettre aux animateurs 11 Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine 19 Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle 29 Troisième leçon : Technologies génétiques; recherche sur des sujets humains ou non 39 Quatrième leçon : Technologies génétiques et ingénierie des futures générations 49 Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale 61 Génétique 101 71 Génétique comportementale 85 Maladie héréditaire et test génétique 93 Transgénique 103 Développement embryonnaire et ingénierie génétique 109 Génétique des populations 115 Génétique et thérapie d’orientation 121 Glossaire 127 Annexes 139 Préface Préface Ce programme éducatif a été préparé par de dévoués collègues du Groupe consultatif sur la biotechnologie (GCB) du Conseil canadien des Églises. Des membres du GCB représentent leurs confessions respectives et apportent une variété de talents et de dons en tant que scientifiques, professionnels des soins de santé, théologiens et éthiciens. Les diverses applications de la biotechnologie, dont les cultures et aliments, la génétique, la biologie moléculaire, la biologie, la nanotechnologie et la biologie synthétique, sont de dimensions globales. Le Canada est un acteur clé en biotechnologie et une bonne part de la recherche et du développement au pays est subventionnée. Le gouvernement fédéral, de même qu’un bon nombre de provinces, offrent de généreux avantages fiscaux afin de favoriser le développement des entreprises. Le Canada – Un acteur clé en biotechnologie Voici quelques exemples de développements récents au Canada. Une équipe internationale de scientifiques du Canada, de la Chine, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis collabore depuis 2002 au projet HapMap. De la recherche publiée en 2007 permet aux scientifiques de détecter de minimes fractions de matériel génétique qui varient d’un individu à l’autre; ces variations pourraient expliquer les différences dans la sensibilité aux maladies et la réponse aux médicaments. Cette HapMap, comme l’explique le leader scientifique canadien établi à l’Université McGill, est en réalité une carte permettant d’étudier la génétique des maladies courantes. (www.genomecanada.ca). Cette recherche a permis à des scientifiques d’identifier les gènes reliés au diabète de type 2 et au cancer du côlon. AquaBounty Technology, une société fondée par suite de recherche à la Memorial University de Saint-Jean de Terre-Neuve, a modifié génétiquement un saumon qui grossit deux fois plus vite que sa contrepartie sauvage. La société sollicite l’approbation, par la U.S. Federal Drug Administration, de la mise en marché de son saumon AquaAdvantage. Elle en est par ailleurs aux premiers stades de sa demande d’approbation de la part de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (« A drug with gills? U.S. agency reshapes debate on biotech fish » par Jessica Leeder, The Globe and Mail, 4 sept. 2010). Préface 1 Cet animal appelé « EnviropigMD » (enviroporc) pourrait bientôt être le premier animal à viande génétiquement modifié sur le marché. EnviropigMD est la marque déposée d’un porc qu’on a génétiquement modifié pour excréter moins de phosphore dans ses fèces. L’EnviropigMD a été conçu par des chercheurs de l’University of Guelph, Ontario. Seize universités canadiennes font partie d’un réseau d’au-delà de 100 hôpitaux d’enseignement et instituts de recherche voués à la biotechnologie et à son application à la santé humaine. Des facultés de nombreuses universités font de la recherche en biotechnologie et en agriculture. Plus de 530 sociétés de biotechnologie canadiennes font de la recherche et du développement dans un bon nombre de domaines, dont ceux de la santé humaine, de l’agriculture, de la transformation des aliments et de l’environnement. Cela représente le genre de sociétés le deuxième en importance au monde quant au nombre; 58 % d’entre elles se spécialisent dans la santé humaine et 24 % dans l’agriculture et la transformation des aliments. (Industrie Canada Passerelle des sciences de la vie – L’industrie canadienne de la biotechnologie); voir www.ic.gc.ca. Voir aussi BioCanada www.biotech.gc.ca). C’est par les médias que la plupart d’entre nous se renseignent sur les grandes avancées. Le recours à un vocabulaire et à des concepts non familiers peut se révéler frustrant. Chose plus importante, le manque de compréhension de la génétique peut nous rendre difficile de faire des choix favorables à notre santé ou à celle d’un être cher au moment où ces technologies deviennent disponibles. Engagement du gouvernement fédéral à l’égard de la biotechnologie Le gouvernement fédéral lançait en 2007 Stratégie science et technologie – Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada, établissant ainsi les priorités du gouvernement; le programme a pour but « d’améliorer la qualité de vie des Canadiens et de renforcer l’économie. » (Voir Industrie Canada, « Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada) : Rapport d’étape 2009 », www.ic.gc.ca) Le gouvernement fédéral voit dans la biotechnologie une plateforme importante dans l’économie du 21e siècle, ce qui est conforme aux vues des gouvernements précédents. Le principal ministère du gouvernement responsable de la biotechnologie est Industrie Canada. Il est le moyeu, les autres ministères les rayons. Rôle du gouvernement fédéral dans la surveillance publique C’est du Parlement que relève en bout de compte la surveillance; c’est à lui qu’incombe la responsabilité de fixer le mandat et le cadre réglementaire assurant le respect des lois 2 Préface et règlements qui régissent les biotechnologies, dont l’approbation des nouveaux médicaments et autres produits. Des ministères gouvernementaux tels qu’Agriculture Canada, Environnement Canada, Santé Canada et le ministère de la Justice ont des responsabilités de surveillance particulières. La Chambre des communes et le Sénat ont un certain nombre de Comités permanents susceptibles de discuter de biotechnologie. Le Comité permanent sur la Santé de la Chambre des communes, par exemple, a déposé, le 23 novembre 2010, un rapport contenant bon nombre de recommandations, dont l’une incitait Santé Canada à concevoir un programme faisant en sorte que les Canadiens disposent d’information appropriée au moment de prendre des décisions éclairées quant à la sécurité et à l’efficacité du traitement par des cellules souches, plus particulièrement par celles qui ne sont pas disponibles au Canada ou dans des pays bénéficiant d’une stricte surveillance réglementaire. (Comité permanent sur la Santé Neuvième rapport 23 novembre 2010. www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication). Les Comités permanents offrent un important point d’accès aux organisations et aux citoyens qui participent à des discussions sur la biotechnologie et la politique publique. Le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB) fut créé par le Gouvernement libéral, en septembre 1999, pour conseiller le gouvernement du jour et intéresser les Canadiens au développement et à la réglementation des biotechnologies, pour le profit et la protection du public. Des sceptiques trouvaient que le CCCB acceptait trop facilement la biotechnologie sans la remettre en question, mais au moins il s’efforçait d’être consultatif. Le Gouvernement a dissous le CCCB en 2007, pour le remplacer par un regroupement de scientifiques qui font rapport à Industrie Canada. Qu’en pensent les Canadiens? Le ministère de la Justice commandait, il y a plusieurs années, un sondage permettant de s’informer des attentes des citoyens quant à la confidentialité en génétique. Une des conclusions importantes fut que les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement établissent des lois et des politiques permettant de protéger la confidentialité génétique des personnes. (« Genetic Information and Privacy », Valerie Howe, agente de recherche principale, JustResearch No. 10, ministère de la Justice, www.justice.gc.ca) Il y a carence de sondages récents sur les attitudes des Canadiens face à la biotechnologie. Cela n’implique pas Préface 3 nécessairement que les Canadiens ne se soucient pas de la biotechnologie ou qu’ils ne pensent pas à celle-ci ni à son impact possible sur leur vie. Nous tendons à être plus intéressés par la biotechnologie lorsqu’un problème capte notre attention – comme la brebis Dolly ou l’annonce d’un remède à une maladie jugée incurable. Il se s’offre malheureusement aux Canadiens peu d’occasions de participer à des conversations publiques sur des technologies qui changent notre manière de vivre. Certains instituts de recherche offrent au public des occasions d’assister à des conférences et de se renseigner sur les questions par l’entremise de leurs sites Web. Tout en étant louable, cette initiative ne répond pas de manière satisfaisante au besoin d’en apprendre plus, afin que tous les citoyens puissent mieux saisir en quoi la commercialisation des biotechnologies touchera leur vie. (Voir Ontario Genomics Institute www. ontariogenomics.ca et Génome Canada www.genome.ca) L’Église : Un lieu de discernement moral L’Église est une communauté par excellence qui a pour mandat (comme l’enseignent les Écritures) de réfléchir sur ces questions qui touchent nos vies. Il est impossible à ceux d’entre nous qui sont chrétiens (tout comme à la société en général), de se tenir au courant des nombreux développements en biotechnologie, de sorte qu’on risque d’accepter sans critique les nouveaux développements en technologies génétiques. Il ne faudrait pas, en revanche, voir avec scepticisme tout développement ou en rejeter un nouveau sans mûre réflexion. Nous devons avoir à notre disposition des outils permettant d’évaluer dans un esprit critique les occasions et les risques de la biotechnologie. Le présent programme éducatif se veut un tel outil capable de nous aider à apprendre à nous colleter avec les technologies génétiques qui transforment nos vies. Vous découvrirez dans ce programme des mots tels qu’ADN, gène, génome, nanotechnologie et biologie synthétique, des mots que vous ne trouverez pas dans la Sainte Bible. Vous trouverez cependant dans celui-ci des mots tels que compassion, création, Dieu, espérance, humilité, Jésus, Esprit-Saint, amour, mystère, prudence, sacrifice, souffrance et sagesse. Il ne saurait y avoir de meilleur fondement à la discussion et au discernement des implications théologiques et éthiques de la biotechnologie et de ses nombreuses applications au 21e siècle! Stephen Allen Église presbytérienne du Canada 4 Préface Déclaration commune Déclaration commune Il faut nous pencher, en tant qu’Églises chrétiennes, sur les questions soulevées par la médecine et la science, dont celles du domaine, relativement nouveau et en constante évolution, de la génétique. Il incombe à l’Église la responsabilité, en vertu de l’appel de Dieu, de soutenir la vie, s’opposant à tout ce qui lui est nuisible, et de protéger l’ensemble de la création. Nous savons, par le Christ, que Dieu est incarné dans le monde et qu’être humain, c’est avoir un corps et une âme, qui relèvent tous deux de nos soins. Il découle de cette responsabilité que nous devons écouter la science et en venir à la comprendre, particulièrement en ce qui touche les technologies génétiques. Il nous faut aussi parler science, car ces technologies influent sur la vie même, et la vie de tous. Nous vivons dans un monde brisé, où les sciences génétiques peuvent servir à faire le mal ou le bien. Dans cette conversation entre foi et science suscitée par les technologies génétiques, nous reconnaissons nos limites et abordons avec humilité notre quête visant à comprendre les mystères de la création. Notre connaissance et nos limites nous rapprochent toutes deux de Dieu, dont elles nous rappellent le pouvoir de l’amour de Dieu. Cette conversation, ce n’est pas à titre indépendant, en tant que confessions séparées, que nous l’avons abordée, mais en travaillant ensemble à la lumière de nos diverses traditions chrétiennes. Ce qui nous unit est plus grand que ce qui nous divise. Nous pouvons accomplir et dire beaucoup plus en travaillant ensemble, dans nos efforts pour comprendre la relation entre foi et science. Parler ensemble avec authenticité, c’est renforcer la voix de l’Église. Cette voix commune, ce fruit de notre travail et de notre sagesse que nous partageons, rappellent à la société élargie que les Églises collaborent et œuvrent ensemble pour le bien commun. Nous parvenons en même temps à mieux nous comprendre, et c’est ce qu’il faut faire. Les technologies génétiques nous touchent tous. C’est grâce à une intense réflexion commune que nous pourrons relever le défi de juger le bien ou le mal rendus possibles Déclaration commune 7 par de telles technologies. Il est utile de prêter l’oreille à la sagesse de l’interprétation de chacune des traditions chrétiennes. Il y a avantage à rassembler le Corps du Christ, dont toutes les Églises font partie. En agissant ainsi, nous apportons une réponse à notre quête de l’unité chrétienne, selon la prière de Jésus pour que tous soient un (Jean 17). Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Pourtant, nous ne répondons pas pleinement à l’intention originale de Dieu pour nous; nous nous du mal, autant à nous-mêmes qu’au monde dont Dieu nous a confié le soin. Nous savons que la quête de connaissances en science génétique et autres biotechnologies peut être bénéfique pour nous-mêmes et pour la gloire de Dieu, dans la mesure où nous permettons à la puissance de l’Esprit-Saint de nous aider à trouver les bonnes voies. Nous savons aussi, par contre, que de pareilles connaissances peuvent s’utiliser à mauvais escient pour abuser des faibles et des vulnérables et pour détruire la création de Dieu. Il nous faut, en tant que Corps du Christ, écouter l’appel de Dieu à protéger sa création et à soutenir l’égalité de la valeur de toute vie humaine. Nous savons que par la mort, la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ, Dieu triomphe ultimement du mal. C’est dans cette foi et cette compréhension communes que nous présentons ce programme éducatif sur la Foi et la génétique comme guide de réflexion sur les questions théologiques et éthiques soulevées par les technologies génétiques. 8 Déclaration commune Lettre aux animateurs Lettre aux animateurs et animatrices Chers animateurs : Nous désirons vous remercier, au nom du Conseil canadien des Églises, d’avoir assumé le rôle d’animateur ou d’animatrice de ce programme éducatif « Foi et génétique ». Vous accomplissez une tâche importante et nous apprécions votre générosité. Nous avons préparé ce document pour vous aider, mais libre à vous de le faire vôtre. Chacun des groupes qui s’en serviront ayant ses propres intérêts et préoccupations, son animateur ou animatrice devrait répondre aux besoins du sien et adapter le document en conséquence. Voici quelques renseignements qui, croyons-nous, vous seront utiles. Organisation du document Le programme se divise en cinq leçons: 1. Génétique, foi et dignité humaine 2. Technologies génétiques, information et identité personnelle 3. Technologies génétiques; recherche sur les sujets, humains ou non 4. Technologies génétiques et ingénierie des générations futures 5. Technologies génétiques et justice sociale Chacune des leçons a la même structure, qui se veut simple. Introduction L’introduction de chaque leçon est une brève orientation destinée à ouvrir la voie à ce qui suit. On y retrouvera parfois des renseignements généraux et des questions susceptibles d’être prises en compte lors de la présentation des scénarios. Questions méritant réflexion À la suite de l’introduction, on présente une question destinée à proposer un point d’intérêt à inspirer à la réflexion au début de la séance, de même qu’à mettre en relief un principe fondateur susceptible d’aider à bien asseoir la discussion. Lettre aux animateurs et animatrices 11 Récit Chaque scénario comprend un récit qui offre un contexte humain permettant d’aborder et d’étudier les questions éthiques et scientifiques sur lesquelles est axée la leçon. Chaque récit permet au groupe d’examiner une facette différente de la leçon. Le lecteur se voit habituellement assigner un rôle dans ces récits. Questions pour discussion Après le récit, on suggère un certain nombre de questions pour discussion, afin de guider et d’orienter les réponses et les idées du groupe vers la question faisant l’objet de leur réflexion. Comme on ne s’attend pas à ce que vous-même ni personne d’autre ne possédiez une formation scientifique ou soyez un scientifique chevronné, on trouvera, de la documentation additionnelle qui pourra vous aider et aider les autres participants, soit plusieurs articles traitant de génétique, de même qu’un glossaire de termes. Information documentaire sur la génétique On a préparé sept brèves sections d’information générale sur la génétique visant à aider les participants à comprendre quelque peu de la science ayant trait aux questions abordées dans la leçon. Génétique 101 : Base moléculaire et implications de la variation génétique Génétique comportementale Maladie héréditaire et test génétique Transgénique Développement embryonnaire et ingénierie génétique Génétique des populations Génétique et thérapie d’orientation Des références à l’information sur la science sont incluses à l’endroit d’une leçon particulière où elles sont le plus pertinentes, mais les participants auraient avantage à lire ces sections préalablement à la séance. 12 Lettre aux animateurs et animatrices Glossaire La documentation inclut un glossaire des termes scientifiques et génétiques rapide à consulter. Échéanciers Pour la plupart des gens qui ont eu recours à cette ressource, une séance dure environ deux heures, pause incluse. Cela peut paraître long, mais le temps passera vite. Une séance soulève des questions importantes, difficiles et souvent compliquées. Quiconque y participe y est intéressé, mais certains auront un intérêt prononcé pour un sujet particulier ou auront des opinions bien ancrées sur ce qui est soulevé. Voici quelques suggestions permettant à tous de faire le meilleur usage possible du temps. Encouragez les gens à lire la documentation appropriée à chaque séance, particulièrement le matériel scientifique, avant celle-ci. Si on est familier avec la documentation et qu’on a préparé au préalable ses questions et ses discussions, on trouvera très fructueux le temps passé ensemble. Chacune des leçons regorge d’idées et de questions : bien plus, en fait, qu’on ne peut traiter en une seule séance. Avant la première séance, essayez de trouver ce qui intéresse particulièrement votre groupe et choisissez les récits et les questions pour discussions permettant de scruter cette question. Sentez-vous libre de les adapter et de les modifier de façon à répondre aux besoins de votre groupe ou pour tenir compte de quelque nouvelle d’actualité. (Vous aimeriez, par exemple, déterminer dès le début de chaque séance si on devrait en fixer la durée, quitte à la prolonger au besoin, ou si on devrait prévoir une séance supplémentaire pour poursuivre la discussion plus tard.) Participants Vous distinguerez, parmi ceux qui se présentent à la première séance, ceux qui sont profondément intéressées personnellement par une question et ceux qui sont poussés par une curiosité intellectuelle, ceux qui possèdent un certain degré d’expertise et ceux qui ont peu de connaissances scientifiques, mais qui se rendent compte qu’il se passe quelque chose d’important, ceux qui ont un solide fond théologique et ceux dont les attaches religieuses sont plus fragiles. Bref, chacun des groupes sera unique en son genre, parce que chacun l’est. Lettre aux animateurs et animatrices 13 Il importe que vous fassiez sentir à chacun qu’il est personnellement bienvenu et que sa contribution l’est tout autant. Voici quelques suggestions. À la première séance, assurez-vous que chacun soit invité à se présenter et à dire ce qu’il attend des leçons. Cela permet à chacun de sentir partie au processus dès le départ et permet de s’assurer qu’on y tienne compte des intérêts ou des préoccupations particuliers. Il pourrait être utile de porter son insigne d’identité lors des premières séances. Assurez-vous qu’il y ait une pause. En plus de donner à chacun une chance de se détendre, cela crée l’occasion d’entamer de ces discussions inattendues ou imprévues qui constituent souvent une partie importante d’une réunion. Il serait fort agréable de prévoir quelque aliment ou rafraîchissement. Vous contribueriez à enrichir grandement les discussions en incitant ceux qui possèdent des connaissances préalables ou spécialisées sur un sujet ou une question à partager leur savoir avec le groupe. Veillez cependant à ce que ceux qui sont versés en génétique, en éthique ou en théologie ne dominent pas la discussion. Faites en sorte que chacun soit invité à parler. D’aucuns sont très à l’aise dans les discussions de groupe, tandis que d’autres y peinent. Chacun devrait néanmoins avoir l’occasion de poser une question ou d’exprimer son opinion. Rôle des groupes confessionnels Ces avancées scientifiques sont si dramatiques et leurs implications sociales, politiques, personnelles et religieuses si profondes, que le Conseil canadien des Églises a cru important que ses membres œuvrent ensemble à ce programme éducatif. Nous espérons qu’en partageant nos connaissances, notre expérience et nos prières, nous aiderons tous les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté. Nous voulons que quiconque participe à ces séances sente que non seulement il a bénéficié personnellement de l’expérience, mais qu’il a aussi grandi en tant que membre de son groupe confessionnel. S’il sent qu’il a au moins commencé à répondre à la question « Comment, en tant que communauté chrétienne, répondons-nous et réagissons-nous à ces questions? », un des objectifs du programme éducatif aura été atteint. Vous trouverez, parmi les éléments importants de cette documentation, les annexes préparées par les communautés chrétiennes individuelles à l’intention de leurs membres. Elles reflètent les réponses particulières d’Églises individuelles 14 Lettre aux animateurs et animatrices à quelques-unes de ces questions difficiles et complexes et peuvent guider les participants, qui sont fortement encouragés à les lire et à les incorporer dans leurs séances. Ils sont en outre invités à entrer en contact avec l’office national de leur communauté ecclésiale ou avec un membre du Groupe consultatif sur la biotechnologie de leur confession qui a aidé à préparer cette documentation. Assurez-vous de compter sur le partenariat avec votre équipe pastorale au moment d’offrir ce programme éducatif. Tenez ses membres au courant et profitez de leur expérience et de leurs forces pour vous aider dans votre rôle d’animateur. Vous pouvez vous attendre, par exemple, à ce que certaines de ces questions aient immédiatement et directement touché des participants. Certains peuvent avoir déjà recouru à la FIV, tandis que d’autres ont peut-être eu à prendre des décisions vitales reposant sur la génétique. Soyez préparé à faire face à ces situations; s’il survient quelque chose lors d’une séance, soyez prêt et consentant à parler privément à la personne. Vous pouvez aussi solliciter l’aide d’un membre de l’équipe pastorale. Succès Il ne s’agit pas ici d’un programme scolaire où un test final mesure le niveau de rendement. Le programme aura réussi si tous les participants, dont vous-même, sont d’avis qu’ils en savent plus qu’au début; qu’ils ont partagé leur temps avec autrui de manière respectueuse et secourable et qu’ils pourront par la suite participer plus pleinement, à la fois comme citoyens et comme membres d’une communauté chrétienne, à quelques-unes des grandes questions éthiques et religieuses du jour. Merci encore de votre générosité. Nous espérons que vous trouverez enrichissante et gratifiante votre expérience d’animation de ces séances. Sincèrement, Le Groupe consultatif sur la biotechnologie Lettre aux animateurs et animatrices 15 Première leçon: Génétique, foi et dignité humaine Introduction L’objectif de notre première leçon est la foi : la foi et la science, la foi et les technologies génétiques, la foi et la dignité humaine. La discussion n’est peut-être pas facile, mais elle est sûrement importante. Commençons par l’examen de ce commentaire du sociologue Alex Mauron : « On affirme que notre génome est d’une importance sans égale. Le génome constitue le cœur ontologique de notre être, le principal déterminant de nos caractère individuels et de ceux de notre espèce, la cause nécessaire et suffisante qui nous fait ce que nous sommes. Le génome est devenu, à toutes fins pratiques, l’équivalent séculier de l’âme. » On affirme par là que notre matériel génétique est le principal déterminant de qui et de quoi nous sommes. Comment réagissons-nous à une telle affirmation? Comment une telle assertion affecte-t-elle notre connaissance de nous-mêmes? Sommes-nous prédéterminés à être ce que nous sommes à cause de notre constitution génétique? La science génétique ou la science générale dit-elle tout ce qu’il y a à dire sur la définition de l’être humain? Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine 19 Premier scénario Question méritant réflexion Comment les valeurs de notre foi touchent-elles notre pensée éthique et notre prise de décision sur les procédures génétiques? Pour vous, qu’est-ce que la foi? Signifie-t-elle que vous acceptez radicalement tout ce qu’il y a dans votre vie, confiant que Dieu vous soutiendra et qu’il y sera présent à vous? Ou qu’elle consiste en une confiance radicale que Dieu vous soutiendra et sera présent à vous si vous faites en sorte de changer les circonstances de votre vie à la lumière de ce que vous croyez être vrai à vos yeux et conforme à ce que Dieu veut pour vous? Cette première question a pour but de vous aider à précises votre compréhension de la foi et de la manière dont elle peut influencer votre pensée sur la science et la technologie génétiques. Récit : Une invitation à faire une politique ecclésiale Karen est un membre actif de son Église depuis presque toujours. Versée dans la science rattachée à la recherche génétique, elle a été choisie pour participer à un comité d’examen et d’élaboration des politiques ecclésiales traitant de la génétique, de la théologie et de l’Église. On lui a confié pour tâche de rédiger un essai montrant en quoi les développements en recherche génétique soutiennent la foi de l’Église et sont conformes à la volonté de Dieu. Questions pour discussion Si c’est à vous qu’on confiait cette tâche, que diriez-vous? La foi ferait-elle une différence dans votre façon d’aborder les questions légales, éthiques, théologiques et de politiques soulevées par la science génétique? La découverte scientifique représentet-elle une menace pour la foi chrétienne? Pourrait-elle constituer une menace pour votre propre foi? 20 Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine Deuxième scénario Question méritant réflexion La science de la génétique contribue-t-elle à notre croyance selon laquelle nous sommes créés à l’image de Dieu, ou la contredit-elle? Cette question provient d’un dialogue très ancien entre foi et science. Dans un certain sens, les questions soulevées par le concept d’« héritage généalogique » sont les mêmes que celles soulevées par Copernic lorsqu’il affirma que la terre tourne autour du soleil ou par Darwin lorsqu’il affirma qu’en tant qu’espèce, nous avons évolué à partir d’autres espèces. Qu’entendons-nous en disant qu’en tant qu’êtres humains, nous portons les marques de Dieu? Dans notre familiarisation avec la biologie, la neuroscience et la génétique, y a-t-il place pour concevoir que les humains ont la sorte de liberté, de dignité et de stature soutenues par les communautés religieuses et exprimées dans les déclarations de valeurs et de droits humains? Récit : Le livre de la Genèse et les origines de l’humanité Depuis des années, vous êtes membre actif de votre Église et participez pleinement à la vie commune, à la vie de prière, de votre communauté. Depuis quelque temps, de par vos connaissances croissantes de la science génétique, vous réfléchissez, à travers le prisme de la génétique, sur les enseignements de votre Église sur les origines de l’humanité. Dans le contexte de votre groupe confessionnel, vous voulez vous engager avec honnêteté et efficacité, dans ce genre de réflexion. Vous êtes confronté à deux grandes questions. Quel est le lien entre notre affirmation selon laquelle nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et les découvertes de la science génétique associant certains marqueurs génétiques à nos traits comportementaux? Comment pouvons-nous réconcilier notre foi en la liberté humaine et la liberté de pensée avec les contraintes et les limites indiquées par nos profils génétiques? Questions pour discussion 1) La science génétique, telle que vous la concevez, menace-t-elle véritablement la croyance selon laquelle nous sommes créés à l’image de Dieu? La foi et la science décrivent-elles deux façons très différentes et incompatibles de comprendre nos origines? La génétique ajoute-t-elle quelque chose aux autres débats sur la foi et Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine 21 la raison, révélés dans la théologie révélée et naturelle, la religion et la science? (Vous gagneriez peut-être à lire Behavioural Genetics: Genes and their Environment, ce qui permet de mieux comprendre le lien entre la génétique et les caractères comportementaux qu’on peut acquérir de par l’expression de ses gènes.) 2) Il se peut que certains allèles produisent invariablement des résultats particuliers. Si, par exemple, vous avez l’allèle de la maladie de Huntington, on est généralement d’avis que vous en serez atteint. D’autres allèles sont plus complexes. Ils ne créent pas des certitudes, mais des probabilités. Les femmes qui ont les allèles BRCA1 ou BRCA2 en voient augmenter le risque de cancer. La plupart des allèles associés à des traits comportementaux sont de ce genre. Cela signifie-t-il que, quel que soit l’allèle pertinent quant au comportement, si l’on résiste à la tendance comportementale, on peut préserver son libre arbitre et sa dignité d’être humain? (Vous pourriez peut-être revoir le reste de la section science intitulé Behavioural Genetics, plus particulièrement la sous-section Genetic Vatiation and the Environment : Complex Interactions, où l’on discute de troubles génétiquement reliés, dont la maladie de Huntingdon, la fibrose kystique et l’anémie falciforme.) 3) Le fait que la plupart des conceptions n’aboutissent pas à des naissances vivantes influence-t-il ce que vous pensez de la notion selon laquelle la vie est une création de Dieu? 4) La connaissance fondamentale de la génétique rend-elle difficile de conserver une foi traditionnelle? 22 Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine Troisième scénario Question méritant réflexion À quelles questions d’éthique donne lieu le recours à la génétique dans les technologies reproductives; quelles sont certaines des réponses théologiques? On retrouve souvent, dans la discussion sur le recours à la génétique dans les technologies, l’expression « usurpation de la prérogative divine ». Celle-ci reflète l’opinion selon laquelle nous ne sommes pas destinés à faire certaines choses, même si nous les faisons. Des scientifiques, par exemple, ont récemment reconstruit la constitution génétique d’un organisme Relisez Génétique 101. Cette section monocellulaire primitif, utilisant le minimum contient un bref historique de la requis de gènes pour permettre à la cellule découverte des gènes et de leur de se reproduire et de fonctionner. S’agit-il colonne vertébrale moléculaire, d’« usurpation de la prérogative divine », ou l’acide désoxyribonucléique, ou d’une manière acceptable de découvrir de ADN. Il donne également de nouveaux types d’organismes vivants l’information structurale générale sur susceptibles les gens ou l’environnement? la location et la structure des gènes La question nous amène à constater qu’il dans chaque cellule du corps et faut penser à la sorte de monde où nous vous familiarise avec certains termes voulons vivre et nous servir de nos fondamentaux de la génétique connaissances d’une façon modeste et permettant de distinguer les gènes intelligente pour le rendre meilleur. Tout eux-mêmes et les caractères enrichissement de nos connaissances, associés à leur fonctionnement dans combiné à l’amélioration de nos aptitudes à l’organisme. Cette section vous nous servir de ces connaissances, entraîne familiarisera aussi avec l’impact de l’augmentation de notre responsabilité la variation génétique sur le fonctionnement de l’organisme, à morale. l’aide de l’exemple de la détermination génétique de divers groupes sanguins. Ce procédé est particulièrement important quand on a besoin d’une transfusion sanguine. Enfin, vous trouverez dans le glossaire des termes importants. Récit : Maladie génétique et counseling Dix ans dans plus tard que maintenant, Jacques et Jeanne sont assis à une table avec un conseiller en génétique. Est assise à côté d’eux dans une poussette leur fille Sara. Elle a été conçue par l’entremise d’une méthode déjà considérée comme normale, par rapports sexuels. Sara était née sourde. Ses parents sont assez à l’aise, de sorte qu’ils Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine 23 auraient pu passer des tests afin de détecter leur statut de porteurs de gènes; ils auraient aussi pu recourir à un test prénatal pour voir si Sara avait une anomalie génétique. Ils appartiennent à un groupe confessionnel et croient sincèrement que bricoler ainsi avec la reproduction constitue un affront à Dieu. Ils aiment Sara et ne peuvent imaginer ce que serait la vie sans elle, mais se sentent terriblement coupables de ses souffrances, qu’ils auraient pu lui épargner s’ils n’avaient pas joué à une sorte de roulette russe en la concevant par rapports sexuels. Ils veulent un autre enfant, mais ne veulent pas d’un enfant affligé d’une maladie génétique évitable. Ils ne sont pas sûrs d’avoir pris la bonne décision en demandant cette rencontre et évitent de se regarder en attendant leur interview. Sympathique et connaisseur, le conseiller en génétique dit à Jacques et Jeanne qu’ils ont ici à leur disposition trois de douze embryons libres de toute grande maladie génétique. Ils ont établi les profils génétiques des trois que Jacques et Jeanne peuvent choisir parmi eux. L’embryon no 1 est mâle. Tout en étant normal sous la plupart des aspects, l’embryon a cependant un des allèles actuellement associés à un comportement de dépendance. L’embryon no 2 est femelle. Elle a un allèle qui produira une déficience en hormone de croissance (HDC) et sera probablement normale sous tous les autres aspects, mais elle ne dépassera peut-être jamais 4 pieds 9 pouces. L’embryon no 3 est également femelle. Son profil indique aussi une prédisposition à un comportement de dépendance. Vous aimerez peut-être consulter Développement embryonnaire et ingénierie génétique. Cette section vous apporte les fondements de la compréhension de ce qu’est un embryon, la manière dont on l’utilise dans la recherche sur les cellules souches et de la façon dont on pourrait l’utiliser dans le clonage d’animaux et, possiblement, d’êtres humains. 24 Le conseiller informe Jacques et Jeanne qu’ils peuvent modifier génétiquement l’embryon avec le défaut en HDC. Ceux-ci ne prévoyaient pas ces genres de choix et deviennent de plus en plus mal à l’aise à mesure que le conseiller leur parle. Finalement, au moment où il leur parle de modifications génétiques en vue de créer un enfant de taille dite normale, Jeanne fond en larmes et sort précipitamment de la pièce, suivie de Jacques. Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine Questions pour discussion 1) De l’avis de Jacques et Jeanne, manipuler le processus reproductif de la manière que suggère le conseiller en génétique équivaut à usurper de la prérogative divine. Ils croient que choisir des embryons plus désirables ou modifier des embryons existants revient à contrecarrer l’acte de création, et que c’est à la fois dangereux et moralement mauvais. Qu’en pensez-vous? 2) Jacques et Jeanne s’aiment et ils veulent que leur amour produise un enfant. Les rapports sexuels, avec tous les désirs, les espoirs, les craintes et le mystère qui accompagnent l’acte, les touchent profondément. Que signifie être une personne de foi, dans le contexte de la reproduction humaine? 3) D’aucuns diraient que ce scénario représente un affront à Sara et à toutes les personnes affligées de maladies et de troubles génétiques. Ce qu’on veut dire à Sara, est-ce « si nous avions agi ainsi, nous ne t’aurions pas eue »? Ce qu’on veut dire aux personnes atteintes d’incapacité, est-ce « Si nous le pouvions, nous vivrions dans un monde libre de ce que vous êtes »? Qu’en pensez-vous? La manipulation prénatale et pré-implantation est-elle différente d’autres sortes d’activités altérant le nature (par exemple, la recherche de traitement médical pour le cancer ou pour la maladie cardiovasculaire)? 4) Qu’est-ce que l’adoption d’embryon? À quelle fin la fait-on? Est-ce qu’elle représente une réponse appropriée aux problèmes éthiques soulevés par la fécondation in vitro (FIV)? Première leçon : Génétique, foi et dignité humaine 25 Deuxième leçon: Technologies génétiques, information et identité personnelle Introduction La synopsis du film « Gattaca » est une histoire familière. Un garçon aime une fille. La fille aime le garçon. Garçon et fille accomplissent le rituel du rendez-vous. Ils se renseignent l’un sur l’autre. Ils parlent de leurs rêves. L’histoire prend un tournant inattendu lorsque la fille dit au garçon qu’elle a fait faire le séquençage et le profilage génétiques de ce dernier. La fille s’excuse. La fille avoue alors au garçon qu’elle a un problème cardiovasculaire. Le garçon ne semble pas ému par l’aveu de la fille. La fille s’arrache un cheveu, qu’elle tend au garçon en disant : « Si tu ne me crois pas, prends ceci. Si tu es encore intéressé, fais-le-moi savoir. Le garçon prend le cheveu, le regarde un instant, regarde la fille, laisse tomber le cheveu et dit : « Je regrette, mais le vent l’a emporté ». On est actuellement à même de dépister au-delà d’un millier de maladies, de troubles et de traits génétiques. Il se crée de nouveaux essais presque tous les jours. On travaille à des techniques permettant de faire plusieurs tests à la fois et à bon marché. Nous allons discuter, dans cette leçon, de quelques-uns des nombreux casse-tête qui surviennent par suite de notre aptitude toujours grandissante à créer des profils génétiques globaux d’individus. Le cas tristement célèbre d’O. J. Simpson a projeté devant l’œil du public le concept de la preuve par ADN. Elle fait maintenant partie courante de la science médicolégale. Mais ce n’est là que la pointe de l’iceberg. Selon le critique en technologie Neil Postman, chaque technologie est porteuse d’au moins une grande idée. Quelle est alors la grande idée intégrée dans la technologie génétique? Que tout ce qui a une valeur pour nous peut être découvert dans la structure et la fonction de nos gènes? Il se peut que nous n’aimions pas notre profil génétique, mais selon cette grande idée, il est immuable. En quoi notre aptitude à séquencer et à analyser influe-t-elle sur notre autocompréhension et sur notre façon d’interagir entre nous? Cela va-t-il changer nos institutions sociales, notre façon de juger de l’aptitude des gens à devenir des maris, des épouses, des pères, des mères, des fils, des filles, des employés? Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle 29 Premier scénario Question méritant réflexion En quoi l’approfondissement de la connaissance des gènes et de leur signification va-t-il influencer nos vies? Bien que le premier récit soit axé sur le rendez-vous, il est facile d’extrapoler, à partir de ceci jusqu’aux autres institutions et rituels sociaux? En quoi la possibilité croissante du profilage génétique va-t-elle changer notre vie de tous les jours? Récit : Le nouveau rituel du rendez-vous Revoyez Genetics 101 pour rafraîchir votre mémoire sur la relation entre les gènes et les traits génétiques. Les tests aideront aussi à bien comprendre les fondements des essais permettant d’identifier les divers gènes associés à certains traits. Ginny et Kevin, qui s’échangent des rendez-vous depuis quelque temps, sont maintenant prêts à porter leur relation à un autre niveau. Kevin fait sa demande à Ginny, elle accepte. Ils se rendent compte qu’ils sont désormais voués à une nouvelle destinée et qu’il va leur falloir planifier ensemble leur avenir. Avant d’annoncer leurs intentions à leurs familles et à leurs amis, ils conviennent qu’il va falloir passer des examens médicaux pour s’assurer de leur compatibilité et de leur attente d’une saine vie à deux. Ils conviennent qu’en plus de passer des tests pour. le VIH et autres maladies transmises sexuellement, ils vont tâcher de tout savoir sur leur profil génétique. Kevin et Ginny sont d’avis que c’est tout simplement une affaire de responsabilité. Questions pour discussion 1) L’échange de rendez-vous permet aux couples, entre autres, de se connaître mutuellement, afin de voir s’ils sont compatibles. Ils peuvent se renseigner sur leur histoire et leurs familles mutuelles. Cette connaissance des traits génétiques mutuels est-elle simplement une autre partie de tout cela? 2) Chaque technologie recouvre une idée, habituellement puissante, capable de modifier ce que nous pensons de la vie. Quelle idée sous-tend notre aptitude à nous renseigner sur le profil génétique de quelqu’un? 3) Au fur et à mesure que le recours aux tests devient routinier et à portée de bourse, ce scénario va devenir plus plausible. Devrait-il y avoir une réglementation régissant de tels essais? De quel genre? Comment l’appliquer? 30 Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle Deuxième scénario Question qui mérite discussion Est-il responsable, pour qui envisage d’avoir des enfants, de recourir au dépistage génétique? Le deuxième scénario examine la prise de décision génétique préalable à la conception. Lorsqu’un couple songe à la conception d’un enfant et à son avenir, le problème devient complexe. Il y a des cas où les parents sont, par exemple, tous deux porteurs d’une maladie particulière, qui peut atteindre leurs rejetons. Avec des maladies telles que celle de Tay-Sachs, un couple peut décider de ne pas avoir d’enfants, voire de ne pas se marier. Relire Genetics 101 and repasser des termes du glossaire tels que allèle, phénotype, génotype, et aux termes mentionnés dans Génétique 101. Les parents veulent offrir à leurs enfants le meilleur avenir possible. Ce scénario demande jusq’où peut aller cet espoir. Récit : Contrôle préconceptionnel Vous êtes pasteur dans une clinique. Julie et Frank ont pris rendez-vous avec vous pour discuter de leur projet d’avoir une enfant. Julie n’est pas encore enceinte. Elle étudie à l’université et suit un cours de génétique. Elle a beaucoup appris sur ce sujet et comprend que leurs enfants hériteront d’allèles des deux parents et que ces combinaisons pourraient affecter leur progéniture. Elle veut que tous deux passent une batterie de tests génétiques avant sa conception, afin qu’ils puissent évaluer les risques génétique posés par leur conception commune d’un enfant. Comme ni Frank ni Julie ne veut entendre parler d’avortement, ils espèrent que grâce aux tests de dépistage, ils seront en mesure de choisir entre concevoir ou adopter. Julie dit que le couple a maintenant trois enfants, dont chacun a le même défaut génétique, qui a inhibé la croissance et suscité des problèmes de développement. Un des enfants a manifesté un trouble relatif à l’autisme et est dans un établissement. Ni l’un, ni l’autre parent n’a d’histoire familiale donnant à penser que l’un ou l’autre d’entre eux ait été porteur de ce trouble. Julie vous tend une brochure provenant d’un groupe d’appui aux tests soutenant que vu l’état des technologies de tests génétiques, il est irresponsable, de la part de parents en perspective, de ne pas passer ces tests afin d’éviter des tragédies telles que celles qui ont frappé les amis de Julie. Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle 31 Frank n’est pas en faveur du dépistage génétique, mais il reconnaît qu’il ne comprend pas grand-chose à la génétique et consent à faire ce que veut Julie, pourvu que vous leur pasteur, appuie cette importante décision. Questions pour discussion 1) Comment devriez-vous répondre à l’information génétique qu’apporte Julie à la conversation? À quel point cette science est-elle pertinente à votre pensée? Frank devrait-il se mettre au courant de la science? Dans le cas qui nous occupe, pouvez-vous jouer efficacement votre rôle de conseiller sans posséder quelques notions de génétique? 2) Quelles pourraient être les conséquences psychologiques et sociales, selon que Julie et Frank décident de passer ou non ces tests? 3) Que conseilleriez-vous à Julie et Frank? 4) Si, en revanche, Julie et Frank venaient solliciter votre counselling prémarital, changeriez-vous d’idée au sujet sur une de ces questions? 32 Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle Troisième scénario Question méritant réflexion La connaissance de la génétique va-t-elle changer notre façon de penser sur la reproduction? On aborde ici la question, d’une plus large portée, de la reproduction même. Dans ce scénario, un couple se voit présenter des choix sur la reproduction par sa société d’assurance, la société fictive GenLife Insurance Inc. Les idées exposées dans ce scénario font partie de la logique de la société d’assurance et du désir tout naturel, de la part des parents éventuels, de faire tout en leur possible pour mettre au monde un enfant en santé. Avant d’étudier ce récit, vous voudrez peut-être revoir Embryo Development and Genetic Engineering. Vous pourriez aussi consulter, dans le glossaire, quelques-uns des termes utilisés dans ce scénario, comme, par exemple, fécondation in vitro, dépistage génétique pré- Récit : Dépistage génétique préimplantatoire George et Melinda habitent en Ontario, dix ans plus tard que maintenant. Ils ont décidé qu’ils voulaient avoir un enfant. Melinda retire des prestations de maladie par l’entremise de son employeur, une université importante. Voici ce que leur dit l’examen de sa police. implantatoire.) GenLife s’engage à l’égard de soins de santé à un prix abordable. Vous voulez un enfant en santé et nous vous aiderons à atteindre cet objectif. Nous acquitterons 100 % des coûts entraînés par la grossesse et la naissance, pourvu que vous remplissiez les conditions suivantes : Vous devez consentir à soumettre votre embryon ou fœtus à un dépistage de toute maladie, trouble ou désordre génétique. Nous le ferons par fécondation in utero ou in vitro (notre méthode de beaucoup préférée) Tous les coûts associés à ce dépistage seront assumés par GenLife. Si le dépistage révèle des marqueurs génétiques entraînant la probabilité que votre enfant (si vous menez l’embryon à terme) manifeste un trouble ou une maladie génétiques, vous aurez deux options : 1) Détruire l’embryon et reprendre le processus. GenLife assumera le coût de la destruction de l’embryon ou fœtus et travaillera avec vous, autant de fois qu’il le Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle 33 faudra, à la production d’un embryon exempt d’anomalies génétiques potentiellement coûteuses susceptibles de menacer la vie de votre enfant à venir et d‘augmenter sensiblement le coût des soins de santé. 2) Garder l’embryon et assumer l’entière responsabilité financière du traitement de tout ou tous troubles détectés, s’il ou ils venaient à se manifester. GenLife N’ACQUITTERA PAS les coûts prénatals ou d’accouchement si vous avez choisi de mener à terme un embryon non testé. GenLife OFFRIRA l’assurance-maladie à votre enfant non soumis au dépistage, mais à un coût proportionné aux risques que présentent des embryons non testés. Sachez que votre enfant non testé sera toujours membre d’’un groupe à haut risque, d’où le paiement de primes plus élevées. Sachez aussi que si vous choisissez de mener à terme un embryon susceptible d’avoir une maladie ou un trouble connus, GenLife ne couvrira pas cette maladie ou ce trouble. CETTE PROCÉDURE N’EST PAS OBLIGATOIRE. Si vous décidez de faire tester votre embryon ou fœtus, nous COUVRIRONS votre enfant une fois né, mais la prime sera proportionnée à celle de son groupe non testé, prime sensiblement plus élevées que celle des groupes non testés. Nous offrons également les programmes prénatals plus étendus décrits ci-dessous. Programme de sélection fœtale GenLife (GFSP) En vertu du programme GFSP, nous vous aiderons à produire 20 embryons par FIV. Comme pour le programme de dépistage normal, ces embryons seront attentivement testés pour tout trouble ou maladie génétiques. Nous testerons en outre pour déceler tout caractère génétiquement influencé tel que le sexe, la taille, la peau, la couleur des cheveux et des yeux, etc. Nous vous aiderons ensuite à choisir, non seulement les plus en santé, mais les plus désirables, en fonction de vos propres besoins. Nous sommes persuadés que vous voulez donner à votre enfant tous les avantages possibles. Nous sommes là pour aider. COÛT 45 000 $. Programme d’amélioration fœtale GenLife (GFEP) En vertu du programme GFEP, non seulement vous recevez les avantages des programmes normaux de dépistage et de sélection fœtale, mais vous pouvez aussi bénéficier des dernières avancées de la technologie d’intervention germinale. Celle-ci recourt à la technologie du chromosome artificiel pour véritablement modeler sur 34 Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle mesure le profil génétique de votre enfant. Il existe actuellement 6 modifications reconnues comme sûres et efficaces. Beaucoup d’autres sont en développement. La technologie actuelle vous permet de pratiquement garantir un bébé en santé possédant des traits reconnus comme avantageux dans le monde compétitif d’aujourd’hui. Nos recherches poussées démontrent que le profil génétique de votre enfant est le facteur le plus important pour la santé, la longévité et la qualité de vie. Nous avons tellement confiance que vous apprécierez les résultats, que nous réduirons de moitié la prime pour le dépistage standard de l’embryon et garantirons ces tarifs pour la vie entière de votre enfant. Coûteux? Oui, mais combien vaut la santé de votre enfant? COÛT : 180 000 $. Questions pour discussion 1) Que pensez-vous d’une société d’assurance qui vous dit que si vous recourez à la fécondation in vitro, il faut que vous acceptiez de soumettre votre fœtus ou embryon au dépistage des défauts génétiques? 2) Les choix offerts par GenLife vous semblent-ils acceptables? Pourquoi? Pourquoi pas? 3) Tenant pour acquis que de tels programmes sont légaux, que pensez-vous des programmes Sélection fœtale et Amélioration fœtale de GenLife? Deuxième leçon : Technologies génétiques, information et identité personnelle 35 Troisième leçon: Technologies génétiques; recherche sur des sujets humains ou non Introduction Au fur et à mesure que nous comprenons la base génétique de maladies particulières, nous apprendrons à approcher celles-ci du point de vue génétique. Il ne fait aucun doute qu’à ce moment même, la recherche en matière génétique engendre des nouveaux traitements prometteurs pour la maladie. La recherche sur les cellules souches, par exemple, pourrait mener à la culture d’organes pour la transplantation qui ne seraient pas susceptibles au rejet. Pour bien des gens, la recherche qui se fait sur des cellules souches à la fois d’adultes et d’embryon soulève des questions d’éthique. D’aucuns ne font pas de distinction morale entre les deux types de cellules. D’autres n’approuvent pas l’utilisation de ces cellules souches embryonnaires, qui requiert la destruction d’embryons humains. Tout comme celle de l’avortement, cette question peut paraître axée sur qui est une personne. Au Canada, un fœtus n’est pas légalement une personne (et par conséquent sujet aux droits) tant qu’il n’est pas expulsé vivant du ventre de sa mère. La société est divisée sur cette position légale; ceux qui s’y opposent, en effet, soutiennent que le fœtus devrait être considéré comme une personne dès le moment de la conception. Les deux points de vue ont des implications sur le recours aux cellules souches embryonnaires pour la recherche et l’expérimentation. Pour ceux qui s’opposent à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, l’expérimentation est moralement inacceptable, puisque l’embryon est une personne, qu’on tue par suite de cette expérimentation. L’utilisation des cellules souches adultes ne présente pas ce dilemme moral. Elles peuvent être prélevées de divers organes humains spécifiques et servent à concevoir des traitements pour des cellules détruites par la maladie ou génétiquement anormales. Par ailleurs, de récentes avancées scientifiques sur la reprogrammation de cellules somatiques ou matures adultes pour les mettre dans un état semblable à celui de cellules souches embryonnaires changent le paysage moral, particulièrement parce que cette méthode semble aussi résoudre problème du rejet et de la formation de tumeurs, problèmes qui ont inhibé le progrès dans l’utilisation de cellules souches embryonnaires. Nous verrons comment les technologies sont employées – et sont susceptibles de l’être – dans la recherche future chez des sujets humains et non humains. Les scénarios ci-après sont à la fois fascinants et troublants. Chacun pose une question difficile soulevée par l’évolution de nos technologies. Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains 39 Scénario 1 Question méritant réflexion Devrions-nous créer des êtres transgéniques? Notre premier scénario est fondé sur un remarquable événement survenu récemment, en 2001. L’Oregon Primate Center a annoncé la première réussite dans l’ingénierie de la lignée germinale chez un primate non humain. Le Centre avait un animal « transgénique », un singe chez qui on avait inséré l’ADN d’une autre espèce, une méduse, dans toutes les cellules de son corps. L’expérience a prouvé qu’on pouvant modifier génétiquement des embryons de primates non humains. Récit : ANDi et la méduse Vous êtes membre d’un groupe de spécialistes Relisez Transgenics, en d’un important centre de recherche médicale. La remarquant particulièrement proposition de recherche étudiée par le groupe la distinction entre le mélange provient du laboratoire du docteur Chan, dont des gènes de deux organismes l’équipe de recherche a fait de remarquables ou plus et le clonage de avancées en technologie génétique, dont la l’organisme entier. La partie naissance réussie du premier primate non humain Ingénierie humaine et clonage cloné à l’aide de la technique de la séparation de dans le développement blastomère in vitro. L’expérience qu’ils veulent embryonnaire et Ingénierie faire consiste en l’insertion de matériel génétique génétique vous sera provenant d’une méduse (GFP) dans les ovules également utile. d’un singe rhésus. Une fois le matériel génétique inséré dans les ovules, ceux-ci seront fécondés, puis implantés chez les singes. Si l’expérience réussit, les rejetons auront la séquence génétique provenant de la méduse dans toutes les cellules de leur organisme. La technologie GFP a été insérée chez des souris sans effets secondaires indésirables. On justifie cette recherche en avançant que s’il est possible d’insérer des séquences d’ADN dans la lignée germinale de primates non humains, on pourra produire des primates non humains sensibles aux maladies humaines. Un tel animal sera très efficace pour des fins de recherche; par ailleurs, la recherche requerra beaucoup moins d’animaux. 40 Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains Questions pour discussion 1) Quelles questions poseriez-vous si vous étiez membre d’un comité d’éthique auquel ou soumet cette proposition ? 2) Avez-vous des préoccupations d’ordre éthique du fait que l’expérience se faisait sur un singe rhésus plutôt que sur une souris ou un nématode, par exemple? À quels principes feriez-vous appel pour distinguer entre les espèces, si vous formuliez des règlements pour des classes d’animaux différentes? 3) La société devrait-elle permettre les expériences transgéniques? Nous avons déjà inséré des gènes humains dans des espèces (des vaches, par exemple) afin de produire des protéines servant à soigner des maladies humaines. Le Royaume-Uni, pour sa part, permet de combiner des ovules de vache énucléés avec du matériel humain pour des fins d’expérimentation. Quels risques possibles y a-t-il à insérer des séquences d’ADN humaine chez un singe rhésus? Se peut-il que nous soyons en mesure de créer un singe hybride mi-singe, mi-humain? Quelles sont les implications éthiques d’une telle possibilité? 4) La manipulation génétique de cellules germinales est peut-être l’ultime trajectoire de la recherche génétique. Que signifie ce genre d’aptitude à nous faire maîtres de notre propre évolution et de celle d’autres espèces? Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains 41 Deuxième scénario Question méritant réflexion Qui est une personne? Quel est le statut de l’embryon humain? On a incorporé dans la Loi sur la reproduction humaine assistée de 2004 quelques-unes des recommandations de la Commission royale d’enquête sur les technologies de reproduction. Cette loi permettait l’expérimentation sur des embryons « surnuméraires », à des fins thérapeutiques, mais non reproductrices. Précédemment, en 1978, Pierre Soupart avait soumis la proposition de faire de la recherche sur l’embryon humain. Sa proposition a contribué à l’élaboration de la première déclaration de politique sur la recherche embryonnaire aux États-Unis. En 1983, il prenant la défense de la recherche sur l’embryon humain : « À cause de son origine humaine », écrivait-il en 1983, « il mérite sans aucun doute le plus haut respect lorsque traité en tant qu’objet de recherche. Or, comment accorder plus de respect à l’embryon humain qu’en lui demandant de fournir de l’information menant au soulagement de certains types d’infertilité humaine, à la prévention de déficiences congénitales, à la recherche sur la contraception et la cancer et aux causes véritables des pertes embryonnaires naturelles chez l’humain? » La recherche sur les cellules souches embryonnaires demeure us sujet éthique controversé et nous continuons de nous interroger sur ce que nous savons sur l’embryon humain. Y a-t-il quelque chose de distinctif au sujet de son statut ou de son utilisation dans la recherche? Qu’entendons-nous par « identité individuelle »? La question de savoir quand un fœtus devient une personne devient compliquée et troublante et il y est apporté des réponses différentes par des groupes différents. Au Canada, un fœtus n’est pas légalement une personne avant sa naissance, donc la recherche sur les cellules souches embryonnaires est permise, puisque l’embryon n’a pas de droits légaux, dont le droit à la vie. Voici deux scénarios qui soulèvent la question de savoir ce que signifie être une personne. 42 Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains Récit : L’utilisation de cellules souches embryonnaires et de tissu fœtal dans le traitement médical 1) Vous êtes conseiller en génétique et Tom et Jackie sont venus vous faire part d’un dilemme. Leur fillette de six ans, Monique, souffre de l’anémie de Fanconi, un trouble génétique rare qui inhibe la production de moelle osseuse et peut tuer à un très jeune âge. Une greffe de moelle osseuse provenant d’un frère ou d’une sœur compatible a quatre-vingts pour cent de chance de guérir Monique. Tom et Jackie ont conçu un enfant dans l’intention de se servir de cellules souches du cordon ombilical et du placenta après la naissance pour tâcher de sauver Monique. Ils n’avaient pas voulu avoir un deuxième un enfant, mais n’avaient aucun doute que c’était la seule et la meilleure option pour Monique. Ils veulent se servir du dépistage anténatal pour savoir si le fœtus a) a le même trouble que Monique et b) serait un sujet compatible pour une transfusion. 2) Mark et Anna sont venus vous voir dans l’intention de tester un fœtus qu’ils ont conçu dans le dessein de l’avorter s’il est compatible pour le père d’Anna, qui se meurt de la maladie de Parkinson. Ils veulent se servir du tissu fœtal pour ce qu’on leur a dit représenter un traitement très efficace de la maladie de Parkinson. Questions pour discussion 1) Le philosophe allemand Immanuel Kant parle du principe éthique selon lequel on n’utilise jamais un être humain comme un moyen permettant de parvenir à une fin, si grande que puisse être cette fin. Peut-on appliquer ce principe à ces deux scénarios? Y a-t-il une différence morale entre les premier et deuxième scénarios présentés ici? 2) L’avortement est permis en vertu du Code criminel du Canada. Les motifs pour lesquels les femmes requièrent l’avortement sont considérés comme leur affaire. Y a-t-il quelque chose de différent dans les deux cas dont on discute ici? 3) Devrait-on réglementer des processus tels que ceux-ci? Quels règlements devraiton formuler? Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains 43 Troisième scénario Question méritant réflexion Devrait-on cloner des embryons humains pour la recherche médicale? Ian Wilmut a fait les manchettes internationales en 1996 en annonçant que lui et son équipe avaient réussi à cloner une brebis à l’aide des technologies de transfert des cellules nucléaires. Le Roslin Institute s’est vu accorder une licence, la seconde au Royaume-Uni, pour cloner des embryons humains à des fins de recherche. Les travaux de Wilmut soulèvent des questions fondamentales, non seulement au sujet des embryons humains dans la recherche, mais aussi au sujet de l’application des technologiques du clonage chez les êtres humains. Deux grandes catégories encadrent le débat sur le clonage humain : a) le clonage à des fins de recherche, où on finit par détruire l’embryon; b) le clonage à des fins de reproduction, jusqu’ici illégal dans la plupart des pays. La présente leçon se centrera sur l’utilisation des embryons à des fins de recherche. Devrions-nous permettre aux scientifiques de cloner des embryons humains, si cette recherche pouvait aboutir à des percées dans le traitement de maladie humaines (du motoneurone, par exemple)? Il existe une autre importante distinction : celle entre le clonage par séparation de blastomères et le clonage par transfert de noyau. La séparation de blastomères se fait dans la nature et produit des jumeaux identiques, voir des quadruplés. En 1993, on a cloné des embryons humains en utilisant une technologie fondée sur la séparation de blastomères. Le transfert de noyau consiste à transférer directement du matériel génétique dans un ovule énucléé, qui est ensuite transformé en un état totipotent, c’est-à-dire qu’il devient un embryon. Ce genre de clonage sert à l’expérimentation et soulève les mêmes questions morales que le recours à des embryons « surnuméraires ». 44 Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains Récit : Clonage de l’embryon humain et maladie du neurone moteur Vous êtes membre d’un office fédéral établi pour réglementer l’usage de technologies génétiques. Deux chercheurs sont venus demander à l’office la permission de cloner des embryons humains pour la recherche sur la maladie du neurone moteur. Ils veulent cloner des embryons à l’aide de tissu provenant de personnes souffrant de maladie du neurone moteur, afin d’apprendre quelque chose sur les mécanismes de développement de cette terrible maladie. Ils ont trouvé des femmes locales consentant à donner des ovules pour ce projet et sont prêts à procéder si le bureau d’octroi de permis y consent. Le bureau a déjà accordé à un laboratoire la permission de cloner des embryons humains, mais vous doutez de la moralité de ce genre de recherche. Vous terminez à peine la lecture de documentation sur la reproduction humaine et avez beaucoup de peine de vous mettre à vous faire une idée sur les embryons humains. La meilleure façon d’en savoir davantage sur cette maladie, soutient un chercheur, c’est de cloner des embryons humains. Si nous pouvons comprendre la maladie, nous la guérirons. Des milliers de gens et leurs familles en profiteront. Vous savez que la récente recherche sur les cellules souches va rendre redondant le besoin de cloner. Par ailleurs, l’utilisation de ces cellules souches ne soulève pas le même problème moral que celle des embryons. Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains 45 Questions pour discussion 1) La bioéthicienne Andrea Bonnicksen écrit, à propos des embryons humains, que « l’on ne peut pas parler de thérapie de lignée germinale sans prendre en compte les politiques régissant la recherche sur l’embryon. Une bonne part des inquiétudes concerne le caractère sacré ou non de l’embryon. Ce qu’est l’embryon va déterminer ce que les gens pensent qu’on devrait en faire. » Discutez-en. 2) Mary Mahowald se dit d’avis, dans l’American Journal of Bioethics, qu’il y aurait peut-être une différence morale si les chercheurs permettaient aux embryons de mourir avant l’extraction de cellules souches, puisque cela préserverait la distinction entre laisser mourir et tuer. Elle affirme aussi qu’une une forme de rituel exercée lors de l’élimination des embryons pourrait apaiser les inquiétudes d’ordre moral de certains groupes. Citons-la : « En permettant aux embryons de mourir avant de récupérer leurs cellules souches, on peut permettre à certains individus de préserver leur intégrité. On peut disposer ainsi des embryons avec respect ou avec irrespect. La notion de « respect » ou d’« irrespect » à l’endroit des embryons au stade précoce a du sens aux yeux de ceux qui les estiment sans valeur ni statut moraux. Pour ceux qui sont d’avis contraire, en revanche, il est sûrement possible d’en disposer respectueusement. » Discutez-en. 3) Voici deux façons dont on peut transférer des cellules souches d’embryons sans les détruire. Une de ces suggestions pourrait-elle résoudre le problème de la recherche sur les cellules souches embryonnaires? a. Enlever une cellule de l’embryon et transférez-en les cellules souches au lieu de détruire totalement l’embryon. b. Créer des embryons humains qu’on ne peut pas mener à terme, même si on le voulait. 4) Le débat sur les embryons ressemble sous certains aspects au débat, plus ancien, sur l’avortement. Voyez-vous des manières dont la discussion sur les embryons humains peut progresser d’une façon dont celle portant sur l’avortement ne le peut pas? 5) Le débat sur les cellules souches provenant d’embryons fait partie d’une conversation plus large sur les embryons en général. Quand on fait de la recherche sur des embryons, ils meurent. Quand on se sert d’embryons obtenus par FIV, beaucoup sont détruits ou mis de côté, pour être détruits plus tard. Quand on obtient de cellules souches à partir d’un embryon, il meurt. Comment pourrions-nous formuler des politiques touchant aux embryons humains? 6) Que diriez-vous aux chercheurs? 46 Troisième leçon: Technologies génétiques et recherche sur des sujets humains et non humains Quatrième leçon: Technologies génétiques et ingénierie des futures générations Introduction Le célèbre roman de Mary Shelley, Frankenstein, représente l’une des premières réponses à l’ingénierie génétique : l’homme qui joue avec les mécanismes de la création humaine. Le thème nous reporte directement au film de science-fiction « Blade Runner », de Ridley Scott. Dans les deux histoires, l’arrogance et l’orgueil démesuré de l’hubris humain créent de puissantes et dangereuses créatures qui deviennent le pire cauchemar de leur auteur. Le film « Gattaca » donne une indication de ce à quoi pourrait ressembler une société de citoyens produits par l’ingénierie génétique. Des films et des histoires de ce genre peuvent nous donner à penser que la génétique nous entraîne dans des domaines de l’expérimentation scientifique que nous ne sommes pas destinés à explorer et qu’il est impossible de maîtriser. Nous allons voir, dans cette leçon, à quel point, étant donné nos connaissances en génétique et le pouvoir qui en découle, nous devrions réglementer des décisions qui pourraient influer sur les générations futures, voire la nature humaine elle-même. James Watson, à qui, avec Francis Crick, on attribue la découverte de la structure générale de l’ADN, croit que l’ingénierie génétique est une chose inévitable et bonne, puisque la nature, laissée à elle-même, peut faire de temps à autre d’horribles fautes. Il appelle notre méthode actuelle de reproduction « la « roulette », ce qui laisse entendre qu’il est simplement fou de ne pas profiter des nouvelles technologies. Qu’en pensez-vous? L’étude de cas ci-après nous amène vite au cœur de la controverse. Illustration de la structure en double hélice de l’ADN. Elle fait penser à une échelle torse. Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures 49 Premier scénario Question méritant réflexion Quelles sont les limites éthiques des essais génétiques? L’eugénique est la science de l’amélioration de la qualité des humains grâce à l’intervention dans le processus reproducteur. Il existe deux genres d’eugénique : le positif et le négatif. L’eugénique négative implique la destruction des embryons des fœtus non désirés fondée sur un ou plusieurs de leurs traits génétiques, tandis que l’eugénique positive implique des modifications réelles de l’embryon, qui ont pour but d’améliorer l’être humain qui en résulte, soit en éliminant un trouble non désiré, soit en améliorant de la capacité chez la future personne, par exemple en augmentant la taille, l’intelligence, les aptitudes athlétiques, etc. Le premier récit traite d’eugénique négative, mais avec un une astuce inhabituelle. Récit : Essais génétiques et incapacité Vous avez été pendant trois ans le pasteur de Roger et Sally, un couple de sourds. Vous avez la Relisez Inherited Disease and chance de compter parmi votre personnel une Genetic Testing pour rafraîchir personne qui connaît le langage des signes. Sally votre mémoire au sujet des tests sur les prédispositions de vient de se découvrir enceinte. Ils sont heureux, différentes maladies et des mais s’inquiètent de la possibilité que leur enfant conséquences de savoir si un soit sourd, lui aussi. Vous venez tout juste embryon, un fœtus, un bébé, un d’assister à une conférence sur les essais enfant ou un adulte pourrait génétiques et vous savez qu’ils permettent de avoir hérité d’un gène dépister beaucoup de troubles génétiques causes susceptible d’aggraver le risque de surdité. Vous parlez de cette option à Roger et de la maladie associée. Sally et leur tendez la carte d’affaires d’une clinique capable de procéder au dépistage. En écoutant leur histoire, vous vous rendez soudain compte que leur inquiétude n’était pas d’avoir un enfant sourd, mais d’avoir un enfant entendant. Ils veulent faire dépister et avorter tout fœtus capable d’entendre. 50 Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures Questions pour discussion 1) Votre réponse aurait-elle été autre si Roger et Sally avaient été aveugles? Pourquoi ou pourquoi pas? 2) Quel message envoie-t-on implicitement en permettant des avortements sélectifs de personnes handicapées? Une bioéthicienne, Adrienne Asch, soutient qu’on devrait interdire tous les dépistages prénataux en se basant surtout sur ce message implicite. (Comparez cette question avec la deuxième leçon, deuxième scénario, qui soulève des questions d’éthique similaires.) 3) Nous entendons souvent des mots tels que maladie, trouble, état, invalidité et caractère pour parler de divers genres de caractères corporels. La surdité est-elle une maladie? Un trouble? Une invalidité? Un caractère? À quels messages différents font penser ces termes? 4) Si l’on permet aux gens de faire avorter sélectivement des embryons ou des fœtus pour s’assurer d’avoir un enfant « en santé », cela veut-il dire qu’on pourrait aussi leur permettre d’avorter sélectivement pour s’assurer d’avoir un enfant « handicapé »? Le principe est-il le même? Quel est le principe invoqué à la défense d’avortements sélectifs, quel qu’en soit le genre? 5) Plus les gens sont maîtres des résultats de la reproduction, plus les questions concernant les droits de la personne la plus touchée par ces décisions gagneront en importance. Devrait-on fixer des règles réglementant des avortements sélectifs fondés sur un seul caractère ou un seul ensemble de caractères? Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures 51 Deuxième scénario Question méritant réflexion Que pense votre religion de la procédure que Bob et Carol songent à utiliser? Ce scénario procède en se fondant sur plusieurs hypothèses : la FIV est moralement acceptable le choix entre des embryons apparemment sains à partir d’un grand nombre d’embryons est moralement acceptable le choix du sexe revient aux parents. Carol s’inquiète de l’amélioration génétique, qui soulève d’autres questions d’ordre génétique. Comment répondriez-vous à ces différents niveaux de moralité? Récit : Tests génétiques et infirmités Conseiller en génétique, vous travaillez avec des membres de groupes confessionnels. Bob et Carol sont des athlètes mariés qui ont décidé d’avoir un enfant et se servent de la FIV pour choisir diverses infirmités génétiques. Après avoir sélectionné quelques embryons qui semblent relativement exempts d’allèles potentiellement nocifs, ils optent finalement pour une fille, qu’ils nomment Sara. Le représentant donne alors à Bob et Carol une brochure sur le programme « Médaille d’or », méthode de modification génétique des embryons choisis permettant de procurer l’avantage de la « Médaille d’or ». La génétique, par exemple, peut maintenant explique pourquoi des gens tels que le champion cycliste Ryder Hesjedal sont « bâtis » pour l’endurance et le maximum de rendement énergétique. La capacité pulmonaire moyenne d’un athlète mâle en santé est d’environ 6 litres, alors que celle de Ryder Hesjedal’s est de 8,3 litres. Ce volume d’air supplémentaire se traduit par plus d’oxygène dans le sang, ce qui améliore la performance. 52 Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures Bob et Carol se regardent et confèrent. Bob veut le faire; Carole ne veut pas. Ils décident de retarder de 24 heures la décision et vous ont lancé un appel urgent. L’argument de Bob est simple. Les genres de caractères qu’il veut modifier sont déjà dans la nature. Certaines personnes ont quelques-uns de ceux-ci, d’autres en ont d’autres. Certaines personnes semblent avoir davantage de bons allèles pour les athlètes que d’autres. Bob est d’avis que puisqu’ils ont le choix, ils devraient donner à Sara tous les avantages qu’ils ont les moyens d’obtenir. Les athlètes médaillés devraient-ils remettre les médailles d’or parce que la nature les a doués de certains caractères génétiques? Il leur faut encore trimer dur. Sara aussi. Si Bob et Carol ont les moyens de lui procurer l’avantage « Médaille d’or », pourquoi pas? Carol se dit mal à l’aise avec le « bricolage génétique », comme elle l’appelle. Elle était déjà mal à l’aise avec les dépistages et avec les choix qu’il leur fallait faire ce jour-là quant à l’embryon qui survivrait ou à celui qui ne le ferait pas. Tout en espérant que sa fille s’intéressera aux sports et y réussira, Carol ne croit tout simplement pas qu’ils devraient essayer de tout concevoir cela. Elle veut simplement avoir un enfant à aimer et à soigner, quels que soient ses problèmes et ses aptitudes athlétiques. Ça lui donne la chair de poule d’accabler leur enfant de tous leurs désirs, avant même qu’il soit implanté dans son sein. « Être un parent, », lui répond Bob, « c’est donner à chaque enfant chacun des avantages et des occasions qu’il est en mesure de lui donner. Ils s’arrêtent de parler et attendent que vous parliez à votre tour. Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures 53 Questions pour discussion 1) Bob et Carol sont des personnes convenables qui s’efforcent de bien faire. Il y a, pour chacun d’eux, un principe qui sous-tend son point de vue, au moment où ils tâchent de se mettre d’accord sur la décision à prendre. Sur quel principe, selon vous, reposent leurs positions? Que pensez-vous de leurs arguments? 2) Bob soutient que les changements génétiques qu’ils vont faire se font déjà par les méthodes naturelles de reproduction. Que pensez-vous de cet argument? Si une chose se retrouve dans la nature, sommes-nous moralement justifiés de la reproduire scientifiquement? Sur quel principe Bob s’appuie-t-il? Êtes-vous d’accord là-dessus? Serait-il important pour vous que l’une ou plusieurs des améliorations proposées fassent appel à une innovation génétique comme, par exemple, un procédé d’extraction de déchets sanguins qui ne se trouvent pas dans la nature? 3) La collection de caractères génétiques offerte par le programme « Gold Medal » n’a rien à voir avec des maladies ou des troubles éventuels. Cela vous est-il égal? Si la « santé » s’entend de la santé psychologique et sociale comme physique, pensez-vous que l’ingénierie génétique devrait tenir compte de ces facteurs, au lieu de s’en tenir aux maladies physiques? 4) Certains scientifiques sont d’avis qu’on peut insérer des gènes incapables d’agir à moins d’être en présence d’une certaine hormone. Si on recourait à cette technologie pour retarder le développement chez Sara des caractères désirés, reportant la décision ou même portant atteinte aux désirs de Sara elle-même, cela vous serait-il égal? Pourquoi ou pourquoi pas? 5) Lorsque le représentant de la clinique a remis la brochure à Bob et Carol, il y avait certainement là-dessous des motivations commerciales. Devrait-on toujours offrir tous les choix possibles, en cas de modifications génétiques? Devrait-il y avoir des règles précisant ce que peuvent ou ne peuvent pas offrir les cliniques de FIV au consommateur? 6) Quelles sont les implications plus profondes de ce genre d’ingénierie génétique pour la société? Quelles en sont les implications sur ce que signifie être un bon parent? 7) Enfin, qu’implique ce cas pour la nature humaine, pour ce que signifie être un être humain? Qu’avons-nous à dire, en tant que gens de foi, à Bob et Carol; qu’avons-nous à dire du but et de l’objectif de la vie? 54 Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures Troisième scénario Question méritant réflexion Si le clonage était à la fois possible et légal, verriez-vous quelque objection d’ordre éthique à utiliser l’ADN d’un enfant mort pour cloner un autre enfant, qui serait ainsi le « jumeau » génétique de l’enfant mort? Le clonage s’avère plus difficile qu’initialement prévu, mais en supposant que la technique puisse être perfectionnée, il faudrait alors tenir compte de ce qui résulte de l’utilisation de l’ADN d’autres personnes pour le clonage. Les embryons et les enfants qui en sont issus seraient des répliques génétiques. Dans des cas comme ceux du présent scénario, des couples pourraient être redevables à l’enfant mort de s’être servis en quelque sorte de son ADN pour reproduire l’enfant original. Qu’en serait-il de notre expérience d’être uniques ou d’être aimés pour nous-mêmes, au lieu d’être le produit de l’ADN de quelques-uns d’autre? Récit : Clonage reproductif Vous êtes, dans un proche avenir, le pasteur d’une importante Église urbaine. Alice, une de vos paroissiennes, est venue vous consulter à votre bureau sur un problème particulier de son entreprise. Embryologiste, elle est propriétaire d’un laboratoire de recherche en pleine croissance. On y a réussi le clonage de primates non humains. Le laboratoire a un partenaire en Asie, où les lois régissant la recherche ne sont pas aussi strictes. L’entreprise est dans une situation financière délicate, mais Alice est confiante qu’on y travaille sur quelque d’importantes recherches qui soulageront la souffrance humaine. Son travail sur le clonage d’embryons humains à des fins thérapeutiques a produit de très bons résultats. Alice croit qu’elle dispose maintenant de techniques fiables pour le clonage par transfert de noyau. Elle vous raconte l’histoire qui suit. Larry et Linda sont venus au laboratoire il y a quelques semaines. L’an dernier, leur fils de onze mois, Ted, est mort à l’hôpital. Par suite de l’accident, Larry n’est plus capable de produire de sperme, de sorte qu’ils n’ont pas de chance d’avoir un rejeton biologique. Il a été déterminé que l’hôpital était nettement en faute. Larry et Linda étaient déjà aisés et la poursuite leur a valu un dédommagement d’au-delà de 30 millions de dollars. Ils ont conservé du tissu de l’organisme de Ted, qu’ils ont présenté à Alice lors de l’interview. Ils veulent qu’Alice essaie de se servir de ce tissu pour produire un clone génétique de Ted. Ils sont prêts à payer jusqu’à 50 millions de dollars pour faire cette expérience génétique. La société d’Alice ne peut pas faire ce travail, mais son partenaire asiatique peut procéder au clonage à des fins reproductrices. Larry et Linda semblent Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures 55 comprendre que ce clone ne serait pas « Ted », mais son jumeau génétiquement identique. Alice a dit à Larry et Linda qu’elle réfléchirait et les rappellerait. Alice était portée à ne pas accepter, mais après avoir commencé à examiner la proposition, elle y a senti de moins en moins de résistance. On insérerait simplement l’ADN de Ted dans un ovule de donneuse, qu’on implanterait ensuite dans l’utérus de Linda. A toutes fins pratiques, l’enfant serait leur propre fils, élevé avec tout l’amour et tous les soins que mériterait leur enfant. Ils ont certainement les moyens d’élever un enfant et de bénéficier des technologies du clonage. Quant à la sécurité, Alice a confiance que les risques ne sont pas plus grands que ceux des autres technologies reproductrices. Si elle est venue vous consulter, c’est qu’elle n’est pas encore sûre de l’éthique du clonage reproductif. Devant l’importance de cette décision à prendre, elle sollicite vos conseils. 56 Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures Questions pour discussion 1) Cette question n’est pas aussi saugrenue qu’il paraît de prime abord. Le désir de se reproduire peut être un puissant désir humain. Pour qui a de l’argent, pour qui les autres techniques n’ont pas réussi ou n’ont pas assuré suffisamment de continuité génétique, le transfert de cellules somatiques peut représenter un choix à envisager. Quelle est votre première réaction à ce sujet? Quelles sont les raisons de votre réaction? 2) Larry et Linda sont des gens fortunés. Est-ce important? 3) Supposez que le transfert de cellules somatiques puisse s’avérer plus risqué que d’autres techniques de FIV. Cela est-t-il moralement pertinent? 4) Y a-t-il des préoccupations d’ordre moral qui influent sur ce cas? Qu’est-ce que votre tradition religieuse peut offrir sur la question du clonage reproductif? Le problème proviendrait-il de la méthode elle-même? De préoccupations relatives à la sécurité? De ce que tout cela implique pour notre autocompréhension en tant qu’êtres humains? 5) Ce scénario donne à entendre que notre recherche sur le clonage reproducteur subventionnée par le secteur privé n’est pas réglementée. Vos préoccupations au sujet du clonage dans le cadre du traitement de la FIV vous portent-elles à croire qu’elle devrait être réglementée? Prohibée? 6) Changez le scénario. Imaginez que Larry veuille se cloner lui-même, au lieu de cloner son fils. Le bébé serait à la fois le frère jumeau et le fils de Larry. En quoi cela changerait-il votre façon de penser? Pourquoi « frère » et « fils » en embarrassent-ils plusieurs d’entre nous? Cet embarras serait-il relié à une préoccupation morale, ou s’agirait-il d’une réaction du genre « mon vieux, ça donne la chair de poule »? Quatrième leçon: Génétique et ingénierie des générations futures 57 Cinquième leçon: Technologies génétiques et justice sociale Introduction On nous demande, dans cette leçon, de réfléchir sur la génétique et la foi du point de vue de la justice sociale. Nous nous sommes déjà penchés sur certaines questions éthiques du point de vue d'individus, tout comme de celui de couples songeant au mariage. Les parents sont également confrontés à des situations difficiles où le diagnostic génétique préalable à l'implantation indique l'enfant, au stade prénatal ou fœtal, souffre d'une maladie ou d'une invalidité graves. Quelles sont cependant les implications pour des politiques mettant en cause l'ensemble de la société Les soins de santé en sont un bon exemple. Étant donné le montant dépensé au Canada pour les soins de santé et la pression pour dépenser encore davantage, il se peut que les technologies génétiques naissantes ne soient pas couvertes par notre régime de soins de santé. En ce moment même, on examine méticuleusement de nouvelles et coûteuses technologiques, dans le but d'en évaluer les risques d'efficacité et de toxicité en regard des thérapies qu'elles sont destinées à remplacer ou à complémenter. Les décisions sur l'approbation de leur subventionnement devraient se fonder sur des résultats importants, comme la survie ou la possibilité de guérison. Il va se prendre des décisions difficiles susceptibles d'exclure le subventionnement en certains cas. Quel genre de tests génétiques devrait être admissible et qui devrait y être jugé admissible? Cela devrait-il dépendre si un test est estimé susceptible de sauver la vie (nécessaire pour décider de l'urgence du traitement, par exemple)? Et s'il était requis pour des raisons non thérapeutiques (l'exigence, de la part de sociétés d'assurance, de procéder à une batterie de tests, par exemple)? Ces genres de tests devraient-ils être financés par l'État? Si l'État subventionnait des technologies génétiques coûteuses, les rendant ainsi plus accessibles, quels services de santé supplanteraient-ils? Si des technologies sont financées par le secteur privé, comment règlementer les pires effets de la disparité d'accès? L'aptitude à dépister de plus en plus de maladies et d'invalidités, toujours à meilleur compte, et à changer nos attitudes à l'égard de la maladie et de l'invalidité? Verra-t-on augmenter la pression pour ne jamais produire un enfant affligé d'une invalidité? L'assurance-santé, plus particulièrement celle reposant sur l'employeur, va-tCinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale 61 elle presser les employés à passer des tests génétiques pour déceler des maladies préexistantes? Les connaissances en génétique vont-elles changer notre idéal d'égalité, au fur et à mesure que nous découvrirons de grandes différences dans nos « attributs naturels »? L'histoire nous apprend ce qui peut survenir lorsque l'eugénique devient une politique acceptable. Au milieu du vingtième siècle, l'Allemagne nazie visait les gens qu'ils estimaient ne pas mériter de vivre et éliminait par stérilisation et euthanasie les personnes atteintes d'invalidité physique ou mentale. D'aucuns croient encore qu'il éliminer de la société ses membres mentalement et physiquement « improductifs ». Cela peut se présenter sous la forme de pression pour avorter des fœtus atteints d'invalidité physique ou génétique évidente, ou de menace de ne pas financer leur soin avec des fonds de l'État si on leur permet de vivre. Et pourtant, la plupart d'entre nous devenons invalides d'une façon ou d'une autre si nous atteignons un âge avancé, si forts et vigoureux que nous ayons été dans notre jeunesse. Nous considérera-t-on à notre tour comme des « fardeaux » qui profitent de ressources insuffisantes? Voilà une question importante pour une société où la proportion des citoyens âgés va sans cesse s'accroissant. La question de l'insuffisance de ressources nous concerne tous. Avec le rétrécissement des budgets et l'expansion des possibilités médicales et chirurgicales, comment décider de ce qui mérite du financement? La plupart d'entre nous croyons que notre régime de soins de santé fonctionne sur une base passablement honnête, mais il est des situations qui posent des problèmes. Comment décider, par exemple, qui devrait recevoir des dons d'organes, lorsqu'il n'y en a jamais assez? Les plus jeunes devraient-ils avoir la priorité? Cette discrimination à l'endroit des personnes âgées se justifie-t-elle et si tel est le cas, devrait-on ajouter d'autres critères d'admissibilité? On a soulevé une autre question de justice sociale en faisant pression pour introduire au Canada un régime de rémunération à l'acte, ou de soins de santé privatisés, où on peut prioriser un traitement en fonction de la capacité de payer plutôt que du besoin. La capacité de payer des moins nantis qui n'ont pas d'assurances supplémentaires pour acquitter le prix de médicaments ou de soins dentaires pose également un problème de justice sociale. Aucun régime de soins de santé n'est parfait et ces problèmes sont réels et posent des défis de taille. 62 Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale Premier scénario Question méritant réflexion Les technologies génétiques vont-elles influer sur les questions sociales liées à l'éthique? Dans l'affirmative, comment? Une croyance fort répandue veut que l'ethnicité soit un caractère génétique plutôt que social et s'il est vrai que certains groupes techniques sont porteurs de certaines maladies particulières, il n'est pas vrai, en revanche que ces maladies soient exclusives à ces seules ethnicités. On risque que certains groupes soient stéréotypés ou que, par exemple, on évite les mariages mixtes par crainte de transmettre des problèmes génétiques. « La race », écrit Francis Collins, « est un substitut imparfait de l'origine géographique ancestrale, laquelle, à son tour, est un substitut de la variation génétique présente dans le génome d'un individu ». Il observe que plusieurs croient que la race et l'ethnicité sont des concepts trop inadéquats pour permettre de répondre aux préoccupations race-santé. Bien que certaines maladies semblent être particulières à certaines races ou ethnicités, il faut faire attention de ne pas trop présumer ni à perpétuer des stéréotypes ou des préjugés liés à certaines maladies. Récit : L'utilisation de la BiDil Vous êtes, depuis deux ans, membre d'un comité de Santé Canada qui approuve les nouveaux médicaments. Vous êtes actuellement chargé de faire des recommandations au sujet du médicament nommé BiDil (dinitrate d'isosorbide et hydrochlorure d'hydralazine). Vous êtes convaincu que le médicament est suffisamment sûr et efficace. Ce qui vous inquiète toutefois, c'est la façon dont il sera mis en marché. Son fabricant, NitroMed, se propose de réserver ce médicament à une population ethnique particulière, en se fondant sur des études le montrant particulièrement efficace chez ce groupe. On a fait peu d'efforts pour isoler le profil génétique particulier susceptible de rendre ce médicament plus ou moins efficace. Vous avez lu suffisamment pour comprendre la débat qu'il va susciter, puisqu'il est destiné à être utilisé chez un groupe particulier, comme s'il était établi que l'ethnicité est une catégorie ethnique, plutôt que sociale. Par ailleurs, des études subséquentes montrent qu'il y a plus de variation génétique au sein de ce groupe que chez d'autres communautés ethniques. Dans l'ensemble, des études subséquentes montrent que la BiDil a été efficace dans le traitement d'Afro-Américains, mais on craint que, comme seuls des Afro-Américains ont participé aux essais cliniques, d'aucuns pensent qu'elle ne soit efficace que chez ce groupe, alors qu'elle pourrait être universellement bénéfique. Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale 63 Questions pour discussion 1) Même si vous comprenez qu'il y a prépondérance de preuve en faveur de la sûreté et de l'efficacité de BiDil, vous comprenez également que la science qui sous-tend la décision de mise en marché est plutôt précaire. Vous savez que la mise en marché va inévitablement ajouter créance à la douteuse idée selon laquelle l'ethnicité est une catégorie génétique. Vous comprenez aussi qu'il surviendra sans doute une controverse publique sur la décision si le médicament est approuvé pour usage dans cette communauté particulière. Comment allezvous peser la situation? 2) Pensez-vous que votre rôle dans le comité devrait être axé uniquement sur la sûreté et l'efficacité d'un médicament, ou devriez=vous tenir aussi compte des implications sociales? 64 Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale Deuxième scénario Question méritant réflexion Quel effet les technologies génétiques auront-ils sur les sphères sociale et économique? Selon Neil Postman, toute technologie a ses gagnants et ses perdants. Ceux qui en bénéficient et ceux qui en souffrent. Le film « Gattaca » dépeint une société futuriste divisée en deux groupes: celui des personnes génétiquement modifiées, promis aux emplois les plus qualifiés, et celui des « invalides », à qui on confie les plus humbles tâches, comme soutiens au travail de la classe modifiée. Le monde de Gattaca est-il un prolongement logique du système social et économique que nous avons aujourd'hui? Qui bénéficiera de la révolution génétique? Qui en souffrira? Quels facteurs modèleront nos façons d'utiliser la technologie génétique? Récit : Tests génétiques et avantages en matière d’emploi Janet pose sa candidature à un emploi chez Maplekey, un important manufacturier d'ordinateurs. Elle est tout heureuse de cette occasion et revoit minutieusement sa demande d'emploi. La société offre des avantages extraordinaires, particulièrement dans le domaine de la santé. Elle paie 100 % de tous les coûts relatifs à la santé, tant pour l'employés que pour tous les membres de sa famille immédiate. Il y a un seul hic: la partie « antécédents médicaux » de la demande d'emploi inclut les tests génétiques. Il faut que tous les membres de la famille immédiate aient leur séquence et leur profil génétiques. Le poste ne dépend pas du résultat de ce test, à moins qu'il ne révèle une maladie létale ou débilitante susceptible d'affecter le rendement de Janet dans un avenir rapproché et de coûter une forte somme à l'entreprise. Si les tests décèlent la présence d'un marqueur génétique lié à une forte probabilité de maladies ou d'incapacité moins graves, on offrira quand même le poste à Janet, mais sa contribution-santé et celle des membres de sa famille seront basées sur les calculs actuariels relatifs à l'ensemble des probabilités - le « pool de risques » révélé par les profils génétiques. Janet paraît en bonne santé et n'est au courant d'aucun sérieux problème de santé des deux côtés de sa famille ni de celle de son mari. Elle décide d'en discuter avec son mari, avec les enfants et avec vous, sa grande amie. Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale 65 Questions méritant réflexion 1) Cette histoire ressemble à celle de la GenLife de la deuxième leçon. On demande ici à Janet et à sa famille de divulguer de l'information génétique en échange d'une situation probablement favorable : un bon poste doté d'une bonne couverture en soins de santé. À titre d'amie intime, quels conseils lui donneriezvous? 2) La divulgation, de données préalables par des requérants est courante, voire raisonnable, jugeraient certains. Les examens physiques et la révélation des antécédents médicaux familiaux font parfois partie de l'évaluation et de la détermination d'un risque de groupe. En quoi le dépistage génétique diffère-t-il, s'il en diffère, de ce genre de processus d'évaluation de risque? 3) Quels risques Janet et sa famille courent-elles en se soumettant à ce dépistage? À part la possibilité que Janet voie rejeter sa demande, quels autres problèmes pourrait-il survenir? 4) D'aucuns soutiennent que les technologies génétiques vont accélérer le déclin de l'assurance privée comme moyen d'offrir des soins de santé ou vont isoler davantage ceux qui ont un héritage génétique moins qu'idéal. Qu'en pensezvous? 5) Le dépistage génétique a-t-il sa place dans l'évaluation d'un candidat à un poste? Existe-t-il des moyens de protection à mettre en place? 66 Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale Troisième scénario Question méritant réflexion En quoi les technologies génétiques vont-elles influer sur l'allocation des soins de santé? Les demandes d'information génétique pourraient influer sur les budgets de soins de santé. On peut soumettre au dépistage, par exemple, les filles de femmes atteinte d'un cancer attribuable aux gènes BRCA1 et BRCA2. Ce genre de dépistage a incité bien des femmes à demander une mastectomie préventive fondée sur l'éventualité d'un cancer du sein. Même si toutes les femmes ne développaient pas des tumeurs cancéreuses, on peut facilement comprendre que des pressions internes incitent à de pareilles demandes. À mesure que la recherche découvrira les sources génétiques de la maladie, plus nombreux seront ceux d'entre nous se verront anticiper de recevoir les traitements préventifs disponibles. Vu la base statistique sous-tendant cette démarche, nos ressources de soins de santé seront sollicitées davantage, parfois inutilement. Récit : Évaluation statistique du succès d’un traitement Un cinquantenaire avait récemment une intervention chirurgicale pour l'ablation d'une tumeur maligne du côlon. Certains caractères de cette dernière donnent à croire qu'il y a un risque élevé de récidive dans les 5 années à venir. Il existe un traitement avec de possibles effets secondaires ennuyeux capable de diminuer le risque de 20 %. Des patients dont le tumeur réséquée possède une certaine mutation sont beaucoup plus susceptibles de profiter du traitement, c'est-à dire que le taux de récidive tumorale est réduit de 60 % chez les patients dont la tumeur montre une mutation, tandis que ce taux est inférieur à 5 % chez ceux dont la tumeur ne la possèdent pas. Il existe un test fiable pour cette mutation, mais il est très coûteux, vu la protection du brevet. Le cancer du côlon est relativement courant, de sorte qu'on peut sauver plusieurs vies en prévenant la récidive chez les patients qui ont la mutation. On peut en outre économiser ou reporter d'importantes dépenses en soins de santé pour les patients traités dont les tumeurs ont la mutation. Le ministère de la Santé a donc décidé de financer le test génétique qui peut déterminer quels patients sont davantage susceptibles de profiter du traitement. Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale 67 Questions pour discussion 1) Quel est le pour et le contre du financement, pour tous les patients atteints d’un cancer particulier, de tests indiquant qu’un certain traitement peut réduire le taux de récidive chez certains patients? 2) Que feriez-vous si un membre de votre famille apprenait qu’il ou elle n’était pas admissible à un traitement? 3) La protection d’un brevet peut rendre certains brevets très coûteux. Selon notre régime de soins de santé, le non-financement de tels traitements fondé sur le coût plutôt que sur l’efficacité est-il moralement justifiable? 68 Cinquième leçon : Technologies génétiques et justice sociale Génétique 101 Historique Pourquoi certains caractères sont-ils courants dans certaines familles? L’hérédité a toujours excité la curiosité des humains. Jusqu’aux années 1800, philosophes et théologiens ont débattu du mécanisme en vertu duquel des caractères étaient transmis des parents aux enfants, mais on n’a presque jamais recouru à une analyse scientifique. Veuillez noter : On trouvera dans le Glossaire les définitions des termes en caractères gras du texte, de même que d’autres termes. Au milieu des années 1800, on ne savait encore presque rien des gènes ni de leur base moléculaire. Or, un moine d’Europe centrale du nom de Gregor Mendel devint intensément curieux du mécanisme de l’hérédité génétique. Né dans ce qui est maintenant la République tchèque et éduqué dans un monastère local, Gregor y demeura jusqu’à l’âge adulte. Il y eut, parmi les objets particuliers de ses intérêts, la compréhension du mécanisme permettant aux parents de transmettre à leurs enfants certains caractères génétiques. Il entreprit, à cet effet, des expériences sur des petits pois, dans le but de déterminer comment certains caractères tels que la couleur de la plante, sa hauteur et la forme de ses pois étaient transmises de la plante-mère à la plante-rejeton. Sans notions des gènes ni de l’ADN dont ils se composent surtout, Mendel a pu élaborer certains principes de l’hérédité dont on sait maintenant qu’ils s’appliquent aussi à d’autres créatures vivantes, dont les humains. Ses découvertes, s’ajoutant à d’autres, lui ont valu le titre de « Père de la génétique moderne ». Plus d’un siècle après les expériences de Mendel, Francis Crick et James Watson découvraient la structure de l’ADN (acide désoxyribonucléique). La compréhension de la composition moléculaire et du fonctionnement des gènes a mené à une bien meilleure compréhension de l’interaction entre les gènes, l’environnement et la santé humaine. Composition d’une cellule humaine Pour comprendre l’importance de la génétique, il faut comprendre un peu d’anatomie aux niveaux organique et cellulaire. Chaque organe du corps humain (poumon, rein, cerveau, cœur, etc.) est composé de tissus. Ce sont des types de cellules qui, tout en fonctionnant différemment, travaillent ensemble à permettre à chaque organe de fonctionner normalement. Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique 71 Bien que les cellules composant différentes parties du corps - peau, os, cerveau, poumons… etc. soient de structure et de composition différentes, toutes les cellules du corps humain partagent certains attributs physiques et biologiques fondamentaux. Toutes les cellules se composent d’un liquide, appelé cytoplasme, dans lequel sont situés le noyau et d’autres structures plus petites. Le cytoplasme est entouré d’une membrane qui garde la cellule intacte. Le noyau joue le rôle de centre de contrôle de la cellule. Chaque noyau contient un ensemble de chromosomes, connus collectivement sous le nom de génome. Le noyau de toutes les cellules corporelles contient 23 paires de chromosomes (d’où un total de 46), dont une paire qui détermine le sexe de la personne. (Font exception les cellules germinales (sperme et ovules), qui n’ont chacune que 23 chromosomes.) 23 paires de chromosomes Chacune des paires de chromosomes contient des gènes, dont les structures fondamentales sont l’ADN. Cet ADN guide la formation de protéines, qui sont les éléments constitutifs de la structure et du fonctionnement de chaque cellule. Chaque gène a deux copies ou allèles, soit un sur chacun des chromosomes jumelés. Ces allèles peuvent peuvent être, quant à leur structure, identiques ou variés à divers degrés. Chaque allèle de chacun des gènes a donc a un « jumeau » identique ou différent, quant à la structure, sur l’autre chromosome de cette paire. Les variations des allèles normaux d’un gène donné sont appelées des « mutations ». Les mutations qui font en sorte qu’un allèle diffère, ne fût-ce que légèrement, de l’allèle normal peuvent produire un impact important sur l’expression de ce gène. 72 Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique Bien que chaque gène n’ait que deux allèles dans sa cellule (sauf les cellules germinales, qui n’ont qu’un seul allèle par gène), on peut trouver un grand nombre de variétés d’allèles dans une population humaine. Tel est le cas des caractères tels que la taille, la couleur des cheveux et des yeux; cela explique également la grande variété de ces caractères chez certaines populations. Le génome de chaque personne est identique dans le noyau de chacune des cellules de l’organisme. Les cellules de votre cerveau ont donc exactement les mêmes gènes que cellules de vos poumons, de votre oreille interne et des tendons de votre gros orteil. Votre cerveau paraît cependant différer de votre gros orteil et fonctionner autrement que lui, car ce ne sont pas tous des gènes identiques qui sont à l’œuvre dans vos cellules cérébrales que dans celles de votre orteil, c’est-à-dire que pendant votre évolution en tant qu’embryon et que fœtus, certaines instructions héréditaires de certains gènes ont désactivé le fonctionnement de certains autres gènes (appelés gènes silencieux). Différents gènes de divers types de cellules ont été désactivés, permettant le fonctionnement des différents gènes de chaque type de cellule. C’est cette variation de l’activation et de la désactivation dans chaque type de cellules qui est cause de la diversité d’apparence et de fonctionnement nécessaire à votre développement en tant que nouveau-né humain unique. Un à-côté : l’ADN hors du noyau Outre le noyau, les cellules ont dans leur cytoplasme de petites structures distinctes appelées organelles, dont chacune a sa propre fonction. Un genre, appelé la mitochondrie, transporte d’importantes composantes productrices d’énergie de la cellule. Chaque mitochondrie contient une quantité infime de matériel génétique additionnel contenant de l’ADN. Ce matériel génétique est transmis par la mère par l’intermédiaire de la lignée génétique, car l’ovule de la mère est porteur de presque tout le cytoplasme contenu dans le zygote, c’est-à dire la cellule produite par l’union d’un spermatozoïde et d’un ovule lors de la conception. On a relié des mutations de ce matériel génétique mithocondrial à un nombre croissant de problèmes de santé, quoiqu’il existe des problèmes mitochondriaux attribuables à l’ADN du noyau. Un ou plusieurs organes peuvent être affectés et des symptômes peuvent varier, selon la maladie. On relève, au nombre des symptômes éventuels, la faiblesse musculaire et le manque de coordination, les problèmes de la vue et de l’ouïe, les problèmes nerveux, les trouble mentaux et le diabète. Nous ne discuterons pas davantage de ce type d’ADN, mais à ceux qui sont intéressés à obtenir plus d’information sur cet intéressant nouveau domaine des maladies liées au gène mitochondrial, on conseille le site Web www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK1224/. Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique 73 Composition, caractères et effets des chromosomes et de leurs gènes Les chromosomes sont composés de chromatine un complexe moléculaire fait d’ADN qui enveloppe des protéines spéciales appelées histones. L’ADN est la base de ce complexe qui contient l’information sur l’hérédité génétique. Lorsqu’une cellule se sépare entre deux cellules, chaque paire de chromosomes peut se doubler et se séparer, de sorte que chaque nouvelle cellule (aussi appelée fille) a un nombre normal des même chromosomes jumelés que dans la cellule originale (aussi appelée mère). Alors que plusieurs différentes sortes de cellules peuvent se diviser et se doubler ainsi durant la vie, les cellules du sperme et de l’ovule sont uniques, en ce sens que chacune n’a qu’un type de chromosome, plutôt qu’une paire. Lorsqu’un sperme féconde un ovule, un jeu de chromosomes du sperme (provenant du père biologique) est apparié à un jeu de chromosomes de l’ovule (provenant de la mère biologique). Cette combinaison du sperme et de l’ovule résulte en la présence, dans l’ovule fertilisé, d’un jeu unique de chromosomes jumelés maintenant connu sous le nom de zygote. Comment la structure de l'ADN est se traduit par des protéines, qui deviennent la base moléculaire de fonctions telles que le mouvement, la parole, la vue et autres fonctions de notre corps. l’ADN est un polymère, un type de molécule fait de successions de sous-unités, telle une enfilade de perles. L’ADN possède cinq sous-unités : adénine, guanine, cytosine et thymine (ou A, G, C et T). Ces sous-unités sont des espèces de codes qui déterminent la production de certaines molécules appelées aminoacides. Ces aminoacides sont comme des blocs servant à construire des protéines. Des combinaisons différentes de sousunités produisent des amino-acides différents et des combinaisons différentes déterminent la formation de protéines différentes. Les sous-unités d’ADN sont disposées sur l’ADN comme les barreaux d’une échelle. Les sous-unités A et T sont toujours jumelées pour former un barreau de l’échelle, tout comme les sous-unités G et C. L’ADN est donc comparable à une échelle composée de paires de sous-unités formant les barreaux d’une échelle particulière. Il faut trois de ces paires pour faire un aminoacide, tandis que des séquences de paires différentes produisent des amino-acides différents, lesquels, à leur tour, produisent des protéines différentes. Des couches multiples de combinaisons peuvent produire un nombre énorme de protéines différentes qui, combinées à d’autres molécules comme les glucides et les gras, constituent la base de nombreuses fonctions de l’organisme. 74 Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique Dans la cellule, l’ADN de chaque gène est traduit en protéines spécifiques par l’intermédiaire du mécanisme décrit ci-dessus. Ces protéines construisent alors des structures vitales qui desservent un bon nombre des fonctions de notre corps. Chaque gène produit une protéine, ou un jeu de protéines, distincts de celles d’autres gènes. Comme mentionné cidessus, chaque gène possède deux allèles. Si des allèles sont identiques, ils produisent des protéines identiques. Si, toutefois (habituellement à cause de la mutation) un allèle est différent, les protéines produites par chaque allèle peuvent différer. Les différences de caractéristiques telles que la couleur des yeux, par exemple, dont déterminées, pour une bonne part, par les différences ou les similitudes structurales ou fonctionnelles entre les protéines produites par la paire d’allèles d’un gène particulier. Nous examinerons plus en détail, dans la prochaine partie, le concept des mutations et de leur importante diversité génétique et fonctionnelle. Mutations : Changements dans l’ordre des sous-unités et leurs conséquences On appelle mutation un changement dans l’ordre des sous-unités d’un gène dans l’ADN. Une pareille mutation peut produire une sous-unité modifiée de la protéine normalement produite par ce gène, laquelle peut, à son tour, affecter la structure et le fonctionnement. Dans une cellule, ce changement, ou mutation, peut être hérité par toue nouvelle cellule créée lors de la division de la cellule modifiée. Cette mutation résulte, ou non, en un changement dans la structure ou le fonctionnement ce ces nouvelles cellules : tout dépend d’un certain nombre de facteurs : type de gène modifié, gène actif ou silencieux, fonction avant sa mutation, etc. Il se produit toujours des mutations. En ce moment même, vous accumulez des mutations dans votre ADN. Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique 75 Heureusement, toutefois, la plupart des mutations sont réparées avant d’être traduites en protéines anormales. Si elles sont réparées, les mutations n’ont pas d’effets nocifs sur la cellule ou sur sa descendance résultant de la division cellulaire, ni sur la personne à qui appartient la cellule. C’est le cas lorsqu’il se produit une mutation dans des parties de l’ADN qui ne contiennent pas de gènes ou lorsqu’une protéine modifiée quant à la structure fonctionne encore normalement. Il arrive cependant qu’une mutation produise une protéine qui fonctionne normalement. Dans le cas de certaines mutations, ces protéines peuvent ne pas avoir d’effet visible sur la personne chez qui se produit la mutation. D’autres mutations peuvent causer la mort de la cellule elle-même. Cette mort d’une cellule peut avoir peu ou pas de conséquences chez les personnes pleinement développées, mais pourrait causer la mort d’un embryon ou d’un fœtus en développement. D’autres mutations, enfin, peuvent amener un changement dans un caractère désirable ou indésirable tel que la couleur des cheveux ou la taille. Il arrive que des mutations résultent en des qualités ou fonctions inhabituelles chez ce type de personne ou d’espèce. Mutations spontanées, par opposition à acquises Une mutation peut se produire dans toute cellule et en tout temps. S’il s’en produit une dans une cellule autre qu’un sperme ou un ovule, on parle de mutation somatique, qui ne peut pas être transmise aux enfants de la personne. Il se peut que la mutation n’ait aucun effet perceptible, qu’elle n’affecte qu’un type particulier de tissu ou d’organe ou qu’elle affecte perceptiblement la personne entière. Toutefois, si la mutation se produit dans un sperme ou une cellule ovarienne, on parle de mutation germinale. Comme on l’a déjà dit sujet des chromosomes, chaque ovule ou sperme n’a qu’un seul allèle de chaque gène, plutôt que les deux allèles qu’on trouve dans les cellules somatiques. Donc, si un spermatozoïde avec mutation d’un allèle fusionne avec un ovule sans mutation de son allèle, le gène de l’embryon résultant va se développer jusqu’à maturité avec un allèle mutant et un allèle normal dans chacune des cellules de son corps pour le reste de ses jours. Chez une personne affectée d’une maladie génétiquement liée, la maladie peut être causée par la mutation spontanée d’un seul allèle d’un gène particulier au cours du développement embryonnaire. Dans d’autres cas, la maladie peut être due à l’héritage d’un allèle qui aurait muté chez un ancêtre. Dans d’autres cas encore, la maladie peut survenir lorsqu’une personne qui hérite d’une mutation dans un allèle d’un gène particulier subit une mutation spontanée dans les autres allèles de ce gène. Comme nous le verrons plus tard (dans la partie Maladie héréditaire et détection génétique, Prévision du cancer du sein par dépistage génétique) c’est la force d’expression de la 76 Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique mutation menant à la maladie qui détermine si un des allèles, ou les deux, doivent être porteurs de la mutation pour que la maladie se développe.) Des différences dans des gènes peuvent devenir des différences dans nos caractères L’information génétique est principalement transmise du parent à l’enfant par l’ADN. Dans les cellules, cette information se traduit par des protéines qui construisent des structures et remplissent des fonctions importantes pour la cellule, l’organe ou les tissus où réside la cellule, ainsi que pour l’ensemble de l’organisme. Ces structures et ces fonctions sont évidentes dans des caractères tels que la couleur des yeux, la figure, la taille et autres. Comme nous recevons notre ADN de nos deux parents biologiques lors de la conception, nos caractères sont souvent semblables à ceux d’un de ces parents, ou des deux à la fois. Une différence (ou modification mutationnelle) de la structure moléculaire d’un gène est une différence génotypique entre le gène original et celui qui a été modifié. Si cette différence génotypique résulte en une différence dans le caractère ou la fonction associés à ce gène, comme la couleur des yeux, il s’agit d’une différence phénotypique. En pareil cas, la couleur ne serait pas la même entre le gène original et le gène muté. Changements épigénétiques Jusqu’à tout récemment, les généticiens ont cru que seuls, des changements dans l’ADN des gènes (c’est-à-dire des mutations) pouvaient amener à des changements dans l’expression phénotypique de ces changements. Ils ont découvert récemment que des changements dans le non-ADN ou des portions d’histones pouvaient modifier l’expression du gène. On appelle épigénétiques de tels changements, parce qu’ils causent des changements dans l’expression du gène (ou phénotypiques) sans modifier la séquence d’ADN des gènes. Les changements épigénétiques peuvent être causés par des facteurs environnementaux. On a relié des changements épigénétiques, par exemple, à la modification de la réaction de stress dans le cerveau de personnes victimes de mauvais traitements dans leur enfance. Ces changements, à leur tour, peuvent être hérités par la progéniture Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique 77 subséquente. Comme les changements épigénétiques peuvent être des changements acquis transmis ensuite à la descendance, cette dimension récemment comprise de la génétique a fondamentalement modifié notre concept du changement et du patrimoine génétiques. Tout comme pour certaines parties de l’ADN, les changements épigénétiques semblent jouer un rôle dans les mécanismes grâce auxquels différents types de cellules savent quels gènes activer et désactiver à mesure que ces cellules se multiplient et se différencient en différentes fonctions durant le développement embryonnaire et fœtal. Ce genre de régulation épigénétique peut intervenir dans le contrôle de la division cellulaire et de la croissance tissulaire. Ils peuvent cependant jouer un rôle dans des perturbations de la croissance de tissu où des changements épigénétiques peuvent mener à la croissance incontrôlée de la cellule sous la forme d’un cancer. On sait maintenant que bon nombre des changements du le génome susceptibles d’entraîner la croissance incontrôlée d’une cellule et de sa progéniture comportent de subtils changements dans les protéines d’histone associées à l’ADN. On exploite maintenant ces connaissances pour créer de nouveaux médicaments contre le cancer capables de modifier ou de refuser de tels changements épigénétiques dans des cellules de cancer et supprimer ou stopper la croissance du cancer. On dispose déjà de thérapies qui ciblent de tels changements dans le génome de cellules du cancer, tandis qu’il s’en crée et s’en approuve d’autres chaque année. Des protéines différentes pour des fonctions différentes L’information génétique de l’ADN se traduit par des protéines différentes. Les différences structurales de ces protéines sont associées à différentes fonctions physiologiques. Les protéines fabriquées dans vos cellules musculaires interagissent pour permettre à vos muscles de se contracter. Les protéines des neurones, ces principales cellules composant le système nerveux, produisent les neurotransmetteurs qui vous permettent de savoir ce que vous direz ensuite. Les protéines de la rétine de votre œil produisent des molécules qui changent de forme lorsque frappées par la lumière, ce qui vous permet de voir. Les ongles et les cheveux sont composés d’une protéine appelée kératine. L’hémoglobine est une protéine qui transporte l’oxygène de vos poumons au reste de votre organisme. L’amylase est une protéine fabriquée par les cellules salivaires de votre bouche qui permettent de digérer l’amidon de divers aliments tels que les pommes de terre et les craquelins. 78 Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique Implications pratiques de la variation génétique : l’histoire des types sanguins Le sang peut se classer sous certains types, selon les différentes molécules associées à des globules rouges. Un système particulier de typage du sang humain peut être instructif pour quiconque veut comprendre le concept de l’héritage génétique. Il y a un de nos chromosomes un gène de type sanguin contenant des instructions pour la production d’une protéine qui a pour fonction d’ajouter des glucides à la surface de globules rouges. Tout comme d’autres gènes, celui-ci a deux allèles, l’un hérité de la mère biologique et l’autre du père biologique. Chaque allèle peut être une de trois variantes structurales mineures. La variante A possède la recette d’un enzyme qui ajoute des glucides de type A aux globules rouges. C’est une mutation faite dans un lointain passé peut être la raison de l’existence d’une seconde variante, appelée variation B, qui ajoute à la surface des globules rouges des glucides de type B, plutôt que de type A. Une troisième variante (ou variante O), résultat possible d’une mutation passée, produit un enzyme non fonctionnel incapable d’ajouter du glucide à la surface du globule rouge. Si chacun des allèles de votre gène de type sanguin n’a que la variante A (le gène est alors nommé AA), vous et votre gène êtes homozygotes pour le sang de type A. Si un des allèles a la variante A et l’autre de variante O (le gène est nommé AO), vous et votre gène êtes hétérozygotes pour le sang de type A. Dans les deux cas, seuls les glucides de type A sont présents dans vos cellules sanguines rouges, car la variante B en est absente, tandis que la variante O est incapable d’ajouter des glucides. Il en va de même pour la variante B : seuls les glucides de type B sont présents sur les globules rouges, tandis que dans le cas des homozygotes (BB) ou hétérozygotes (BO), la personne a du sang de type B. Si vous n’avez pas de glucides de type A ni de type B, vous avez du sang de type O. Enfin, si un allèle a la variante A et l’autre la variante B, les deux glucides seront présents et le type sanguin sera AB. Ces variantes génétiques sont analogues à différentes recettes de biscuits à la farine d’avoine. L’allèle du groupe sanguin A ressemble à une recette de biscuits au raisin (cellules sanguines rouges avec glucide de type A), tandis que le groupe sanguin B est analogue à un léger changement dans la recette du biscuit, d’où des biscuits avec brisures de chocolat au lieu des raisins. C’est la variante O qui est la recette la plus simple, ne contenant pas de raisins ni de brisures de chocolat. En l’absence de raisins (un allèle A) ou de brisures de chocolat (un allèle B), les biscuits à la farine d’avoine sont tout simplement nature (et moins goûteux!) Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique 79 Les variantes A et B sont moins dominantes et la variante O récessive Certains allèles de gènes particuliers sont exprimés (c’est-à-dire qu’ils résultent en un caractère tel que la couleur des yeux ou le groupe sanguin) de façon plus dominante que d’autres allèles du même gène. Lorsqu’un gène est hétérozygote et qu’un allèle est plus dominant que l’autre, l’allèle dominant peut être exprimé, tandis que l’autre, le récessif, ne l’est pas. Un allèle récessif ne peut être exprimé que si le gène est homozygote à l’égard de cet allèle (les allèles ont tous deux la même mutation récessive), dans lequel cas il n’y a pas d’allèle dominant. Dans le typage sanguin, les allèles A et B sont tous deux dominants, tandis que le O est récessif. Sommaire de la génétique du système de typage sanguin ABO 1. Dans le typage sanguin ABO, si vous êtes homozygote ou hétérozygote à l’égard de la seule variante A (c’est-à-dire AA ou AO), vous n’exprimerez que le glucide A dans vos globules rouges et serez censé avoir du sang de groupe A. 2. Si vous êtes homozygote ou homozygote à l’égard de la variante B seulement (c’est-à-dire BB ou BO), vous n’exprimerez que ce glucide dans vos globules rouges et serez censé avoir du sang du groupe B. 3. En l’absence des deux allèles A et B (c’est-â-dire OO), vous avez du sang de type O. Si vous avez un allèle A et un allèle B, vous avez les deux glucides, donc du sang du groupe AB (ou des biscuits à la farine d’avoine avec à la fois du raisin et des brisures de chocolat) 80 Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique Prédiction de la progéniture avec les caractères d’un gène particulier Le Carré de Punnett est une façon utile d’expliquer la relation entre des gènes dominants et des récessifs (voir l’illustration). Appelé du nom du professeur de biologie Reginald Punnett, il sert à prédire la contribution génétique de parents à leurs enfants et les génotypes résultants de ces enfants. Si deux personnes avec les groupes sanguins A et B ont un enfant, on peut prédire les résultats à l’aide du Carré Punnett (voir la figure). Les allèles connus de la mère (A et O, dans le présent cas) sont placés en tête du carré et les allèles connus du père (B et O) sur le côté du carré. Les quatre carrés représentent les génotypes possibles de leurs enfants. On voit ici que ce couple pourrait avoir des enfants avec n’importe lequel quatre groupe sanguins possibles et que chaque fois qu’ils ont un enfant, il y a une chance sur quatre, soit 25 %, que l’enfant soit du groupe sanguin AB, O (représenté par OO), B (BO) ou A (AO). De même, si les parents ont chacun les allèles A et O et qu’ils sont chacun du groupe sanguin A (c’est-â-dire que chacun a AO), les lettres peuvent être insérées dans le Carré Punnett. On voit qu’il y a : 75 % de chance que leur enfant soit du groupe sanguin A (un allèle sur quatre, ou 25 %, ait deux allèles A, tandis que deux sur quatre, soit 50 %, aient à la fois les allèles A et O), et 25 % de chances (un carré sur quatre) d’avoir les deux allèles du groupe sanguin de type O. Ce type d’héritage, où un gène contrôle un caractère mesurable, est appelé simple hérédité mendélienne, d’après le moine Gregor Mendel, premier à avoir déduit le mécanisme de l’hérédité monogénique. Génétique 101 : Fondement moléculaire et implications de la variation génétique 81 Génétique comportementale Le gène et son environnement « La génétique comportementale a pour principal d’établir des relations corrélationnelles entre les gènes et le comportement »1 Existe-t-il un gène pour le saut à l’élastique? L’alcoolisme est-il un caractère génétique, tout comme le groupe sanguin? Y a-t-il des gènes de la schizophrénie? La personnalité de quelqu’un consiste-t-elle en une série de réactions chimiques dans le cerveau qui soient déterminées par leurs gènes? Les scientifiques qui étudient ce genre de questions sont appelés des généticiens comportementaux. La plupart d’entre eux diraient que les données laissent à entendre que les traits de personnalité sont influencés, mais non déterminés, par les gènes. La plupart des caractères humains ne sont pas Veuillez noter : On trouvera dans déterminés par un seul gène. Beaucoup d’entre le Glossaire les définitions des eux sont influencés par plusieurs gènes termes en caractères gras du travaillant de concert. En pareils cas, le simple texte, de même que d’autres Carré de Punnett qui peut servir à déterminer le termes. groupe sanguin ne sera pas facile à utiliser pour déterminer la fréquence de l’hérédité pour de tels caractères. Enfin, pour compliquer un peu les choses, un caractère humain résulte souvent de l’interaction entre ou plusieurs gènes et de l’environnement. Quand on ne parle ici d’environnement, il ne s’agit pas seulement du monde extérieur – où vous alliez à l’école, ce que vous preniez comme goûter, si vous faisiez ou non de l’exercice. L’environnement d’un gène humain comprend 1) les autres gènes dans cette cellule, 2) les hormones et autres produits chimiques auxquels est exposée la cellule, 3) l’interaction avec les autres cellules et tissus et 4) l’environnement extérieur au corps. Les études portant sur des jumeaux identiques peuvent aider à étudier l’influence de l’environnement. Comme des jumeaux identiques ont des gènes et un ADN identiques, les scientifiques peuvent en apprendre beaucoup en étudiant l’influence, sur des jumeaux séparés après leur naissance, d’une éducation reçue de deux communautés/environnements différents. Bazzett, Terence J. An Introduction to Behavior Genetics. Sunderland, MA: Sinauer Associates, 2008. 1 Génétique comportementale 85 Hérédité polygénique : Hérédité mettant en cause plus d’un gène Exemple hypothétique de gènes multiples influençant la taille Voyons d’abord des caractères spécifiques déterminés par plusieurs gènes, un phénomène appelé hérédité polygénique. La taille en est un bon exemple. C’est un caractère qui varie continuellement, c’est-à-dire que tous les humains ne font pas 5 ou 6 pieds. Les tailles humaines sont plutôt distribuées sur une échelle de grandeur. De multiples gènes contribuent à la taille. En fait, les généticiens savent que de nombreux gènes, largement distribués sur de multiples chromosomes, paraissent contribuer, de façon cumulative, à la détermination génétique de la taille.2 Pour comprendre le rôle de gènes multiples dans l’héritage de caractères polygéniques, voyons un cas simplifié et hypothétique. Supposons que seulement trois gènes interagissent pour contrôler la taille et que chacun des gènes ait deux allèles différents. Pour chaque gène, un allèle ajoute à la taille (cumulatif) et l’autre n’en ajoute pas (non cumulatif). De plus, l’allèle qui ajoute à la taille est dominant par rapport à celui qui n’y ajoute pas. Comme chaque enfant a hérité de chacun de ses parents d’un allèle de chaque gène, vous pouvez jeter un coup d’œil sur les trois gènes et même préparer un Carré de Punnett pour chaque gène. Comme on peut le voir à la figure XX, un couple dont chacun a trois allèles dominants (indiqués par A, B, C dans l’illustration) et trois allèles récessifs (comme l’indiquent a, b, c) parmi les trois gènes pourrait se retrouver avec des enfants de la même taille, mais également susceptibles d’être sensiblement plus petits ou plus grands. Bien qu’il y ait normalement plus que trois gènes en jeu dans la détermination de la taille, cet exemple hypothétique donne l’idée générale. En fait, quand il y a plus de gènes en cause, on peut voir de plus grands extrêmes de taille chez les descendants que si l’on a affaire à moins de gènes, même lorsque les parents sont de taille plutôt moyenne. L’environnement n’affecte-t-il pas la taille, pourriez-vous vous demander? Oui, mais dans une mesure négligeable. La grande majorité des caractères de la grandeur sont déterminés génétiquement. Si vos parents vous avaient nourri de boisson frappée à la protéine dans votre enfance et vous avaient envoyé à une école Montessori, vous ne mesureriez pas 7 pieds pour autant. L’environnement n’apportera que des ajustements relativement mineurs aux fondements génétiques qui déterminent la taille d’une personne. 2 Visscher, PM, et al. Am J Hum Genet. 2007 nov; 81(5) :1104-10. 86 Génétique comportementale Autres caractères polygéniques et risques de maladies sous l’influence des interactions environnementales De nombreux caractères sont déterminés par polygénie, dont la couleur de la peau, le poids, la tension artérielle et le taux de cholestérol sanguin. Bien entendu, ces caractères ont aussi une composante environnementale. Conclure si un caractère est déterminé par des gènes ou par une interaction entre les gènes et l’environnement peut se révéler difficile, mais pas impossible. La chose est parfois très simple, en certains cas, comme lorsque seulement un ou deux gènes interagissent avec leur environnement. On peut, par exemple, relier le risque d’un AVC dû à un caillot à certains allèles pour deux gènes qui contrôlent la production des protéines participant au processus de la coagulation (l’un s’appelle la prothrombine, l’autre le facteur V). Chaque gène a des allèles associés aux changements dans la nature ou la production de ces protéines. Certains de ces changements de protéines sanguines peuvent faire augmenter considérablement le risque de caillots sanguins, surtout si la personne qui a ces protéines est exposée à certains facteurs environnementaux. Certains genres de contraceptifs oraux en sont un bon exemple. Ils peuvent constituer des facteurs environnementaux en interagissant avec ce genre de protéines après avoir été avalés et absorbés par l’organisme. La prise de pilules contraceptives peut avoir un effet beaucoup plus prononcé sur la coagulation chez les femmes porteuses de gènes producteurs des protéines plus à risque. Il y a par exemple, parmi les femmes qui n’ont pas hérité des protéines à risque, trois fois plus de risque d’AVC dû à un caillot sanguin si elles prennent des contraceptifs oraux que si elles n’en prennent pas. Toutefois, chez les femmes qui héritent des protéines à risque, la prise de contraceptifs oraux augmente de 150 fois le risque d’un AVC que chez des femmes possédant la protéine à risque qui ne prennent pas de contraceptifs oraux. Il est clair que les contraceptifs oraux produisent un substantiel effet environnemental lorsqu’ils interagissent avec certaines protéines génétiquement héritées. Interaction entre la variation génétique et l’environnement: le cas de la génétique comportementale La plupart du temps, cependant, l’interaction entre les gènes et l’environnement est plus compliquée, souvent à cause de facteurs inconnus. On trouve, parmi ceux-ci, le nombre de gènes en cause, le pourcentage de variation dans un caractère génétique et le pourcentage de variation dans un caractère dû à l’influence de l’environnement. Cela n’est nulle part aussi vrai qu’en génétique comportementale. Génétique comportementale 87 Les caractères comportementaux comprennent les aptitudes, les sentiments, l’humeur, la personnalité, l’intelligence et la façon dont une personne communique, composent avec la colère et gèrent le stress. Les affections à symptômes comportementaux sont très diverses et incluent les phobies, l’anxiété, la démence, la psychose, la toxicomanie et l’altération de l’humeur. Alors que la plupart des maladies associées à des caractères comportementaux anormaux mettent en cause des gènes multiples, quelques-unes d’entre elles peuvent être retracées à un gène unique. La maladie de Huntington est un rare exemple de cet état. Maladie de Huntington : un trouble comportemental dû à une seule mutation génétique La maladie de Huntington (MH) est une maladie fatale, progressive et neurodégénérative causée par un allèle dominant modifié. Les personnes hétérozygotes pour la MH affichent des symptômes tard dans la trentaine ou la quarantaine. On relève, parmi les symptômes hâtifs, les changements d’humeur, la dépression, l’irritabilité et la difficulté à conduire, à se rappeler u fait ou à prendre une décision. Au fur et à mesure des progrès de la maladie, il devient plus difficile de se nourrir et d’avaler. Les explosions de colère sont la caractéristique classique de cette maladie. Comme la mutation d’un gène peut résulter en des caractères comportementaux, il est évident qu’on peut lier les gènes aux troubles comportementaux. Contrairement à la MH, toutefois, la plupart des troubles comportementaux ne résultent pas de la mutation d’un seul gène. Défis que comporte l’identification des associations génétiques aux variations de comportement Il est plus difficile d’étudier la génétique comportementale que de comprendre un trouble tel que l’anémie falciforme ou la MH, où une protéine anormale dérange clairement la physiologie d’une façon particulière. Une des raisons de la difficulté de telles études est que beaucoup de troubles comportementaux partagent des symptômes, ce qui peut compliquer le diagnostic. Un manque de concentration, par exemple, peut être symptomatique de la déficience de l’attention, de sérieux troubles dépressifs ou de stress post-traumatique, entre autres. Ajoutons que de nombreux symptômes, dont le manque de concentration, peuvent être considérés comme des variations de comportement normal; il ne fait pas de doute, en effet, que de temps à autre, nous éprouvons de la difficulté à nous concentrer ou que nous ressentons des changements d’humeur lorsque affectés d’un certain degré de stress pendant quelque temps. 88 Génétique comportementale Ce qui empêche aussi de comprendre la relation entre les gènes et le comportement, c’est la nature hautement subjective d’études qui comptent sur l’information obtenue par le sujet d’étude lui-même. Une personne peut aussi copier inconsciemment le comportement inhabituel, parce qu’elle ne se rend pas compte qu’il l’est. De telles sources de confusion ne se manifestent pas avec des maladies telles que la fibrose kystique, où des symptômes strictement physiques tels que l’essoufflement et la toux. sont des manifestations caractéristiques du trouble. Même s’il faut faire montre de prudence dans l’attribution d’une cause génétique à un comportement, il reste quand même possible d’examiner les gènes qui contribuent à un comportement particulier. Les scientifiques s’efforcent généralement d’identifier des comportements qui semblent héréditaires, pour se concentrer ensuite sur l’identification et la description es gènes du candidat. (On trouvera de plus amples renseignements sur ces troubles du comportement dans la partie « Maladie héréditaire et dépistage génétique.) Exemple de recherche sur l’examen de l’association entre la régulation génétique de la transmission nerveuse et le comportement Comment se font les expériences visant à déterminer si un gène candidat joue un rôle dans un caractère comportemental? Voyons le gène le transporteur de sérotonine. La sérotonine est une molécule qui transporte les signaux d’une cellule nerveuse à l’autre. Une cellule (la cellule d’envoi) produit et libère la sérotonine. Une cellule nerveuse voisine (la cellule réceptrice) lie ensuite la sérotonine et cette cellule réagit d’une certaine façon au signal de la sérotonine. Plus la sérotonine met de temps pour se déplacer de la cellule d’envoi à la cellule réceptrice, plus la cellule réceptrice reçoit de signaux. Un gène particulier règle la production d’une certaine protéine (appelée transporteuse de sérotonine) qui peut se fixer sur la sérotonine lorsqu’elle est entre les deux cellules, agissant comme un traversier qui peut la retourner à la cellule d’envoi. Ce processus de retour de la sérotonine â la cellule d’envoi coupe le signal initial, l’empêchant ainsi de s’émettre de façon continue. Normalement, il y a juste suffisamment de sérotonine qui parvient à la cellule réceptrice pour amener la quantité appropriée de signalement nécessaire au fonctionnement normal du nerf. S’il y a toutefois trop de signalement, il peut survenir des problèmes de conduction nerveuse, provoquant des troubles comportementaux tels que la dépression, l’anxiété et autres troubles de l’humeur. Il existe certains médicaments capables de ralentir le rythme auquel la sérotonine est retournée à la cellule d’envoi. On appelle ces cellules des inhibiteurs sélectifs du Génétique comportementale 89 recaptage de la sérotonine (ISRS), dont les médicaments antidépressifs Prozac et Paxil sont des exemples. Ils peuvent soulager le patient souffrant de dépression en ralentissant le retour de la sérotonine à la cellule d’envoi dans certaines parties du cerveau. Cette action ralentit la fréquence de signalisation en accordant plus de temps pour la signalisation entre cellules nerveuses. L’étude du gène transporteur de sérotonine peut permettre de mieux comprendre le mécanisme qui sous-tend ces troubles comportementaux et conduire à d’autres thérapies pour ce genre de troubles. Des études cliniques peuvent permettre de trouver des associations entre différents allèles et genres de comportement Il se trouve qu’il y existe deux allèles pour le gène associé au transporteur de sérotonine : les longs et les courts. La forme longue est plus active et nettoie plus rapidement la sérotonine de l’espace entre les neurones, c’est-à-dire que les personnes qui ont la forme longue ont un temps de signalisation plus bref que ceux qui ont la forme courte. On se demande donc si les scientifiques peuvent déceler une différence comportementale entre les personnes qui ont ces deux formes de gène Des chercheurs des National Institutes of Health ont fait une étude dans laquelle on a examiné les gènes transporteurs des sujets. Les participants ont aussi subi un texte normalisé mesurant le névrosisme, terme désignant l’instabilité émotive, qui inclut le trouble obsessionnel-compulsif, l’anxiété névrotique et diverses phobies. On a ensuite attribué à chaque individu un score de névrosisme. Comme on pouvait s’y attendre, une fois calculés les scores de tous, ils formaient une courbe généralement en cloche. Certaines personnes étaient extrêmement névrotiques, d’autres extrêmement tranquilles, mais la majorité des gens se situaient quelque part entre les deux pôles. On voit que lorsque les scores de névrosisme des gens avec la forme d’allèle courte du transporteur de sérotonine ont été calculés séparément de ceux qui avaient la forme longue, les deux groupements de personnes formaient une distribution à peu près normale. Un examen poussé du graphique a cependant montré que le score moyen des personnes avec la forme longue de l’allèle était légèrement plus élevé que chez ceux qui avaient la forme courte. L’analyse statistique des résultats donne à penser qu’environ 1% de la de la variation dans le score de névrosisme chez les humains était attribuable à une variation dans le gène du transporteur de sérotonine. La différence n’est pas grande, mail elle paraît réelle. Ce résultat donne à croire que les autres gènes entrent en jeu, tout comme l’environnement. Il faudra procéder à des études méthodiques minutieuses et méthodiques comme celle-ci pour apprendre combien de gènes peuvent entrer en jeu et comment ils interagissent dans les variations du comportement humain. 90 Génétique comportementale Maladie héréditaire et test génétique Nous verrons dans cette partie différents genres d’anomalies génétiques, nous servant, pour chaque genre, d’un exemple particulier. Quelques genres comportent un gène et un allèle mutant récessif (anémie falciforme) ou dominant (maladie de Huntington), tandis que d’autres comportent un gène, mais beaucoup d’allèles mutants différents (fibrose kystique); d’autres, enfin, comportent beaucoup de gènes multiples et de mutations multiples (cancer). Maladies dues à des mutations uniques à expression récessive Anémie falciforme Les globules rouges sont porteurs d’oxygène Comme nous le disions plus haut, les mutations d’ADN peuvent mener à des protéines modifiées qui fonctionnent ou ne fonctionnent pas à l’avantage de la cellule et de l’organisme. Comme les techniques moléculaires modernes rendent maintenant la détection de ces mutations relativement facile, il se détecte plus de gènes associés à des maladies particulières. Vous vous rappelez peutVeuillez noter : On trouvera dans être, par exemple, que l’hémoglobine est une le Glossaire les définitions des protéine présente dans les globules rouges qui termes en caractères gras du transportent de l’oxygène de vos poumons au texte, de même que d’autres reste de votre corps. Lorsque les globules rouges termes. passent par les capillaires dans les poumons, l’oxygène passe des voies respiratoires dans les capillaires, puis dans les globules rouges. Fixé à l’hémoglobine, cet oxygène est transporté par le sang dans divers tissus. Les allèles du gène normal de l’hémoglobine sont appelés HbA, de sorte qu’un gène normal est appelé Hb AA (ou HbA/HbA). La mutation des cellules falciformes peut altérer l’aptitude à transporter l’oxygène Un certain changement ou mutation unique fait changer l’allèle normal, en un allèle différent, appelé HbS. Cet allèle est récessif. Donc, pour les porteurs d’allèle unique, le gène est appelé HbAS. Comme on l’a vu à la première leçon (voir Génétique 101), « Implications pratiques de la variation génétique : l’histoire des groupes sanguins »), cela signifie que le caractère entier de la maladie associée à la mutation n’est présent que si les allèles sont tous deux affectés, c’est-à-dire que le gène est dit homozygote à l’égard de la mutation (appelée HbSS). (Pour ceux qui ont le gène HbAS, l’espérance de vie est normale et ils ne sont pas anémiques, mais on peut occasionnellement constater quelques symptômes de la maladie si la personne est incapable d’aspirer suffisamment d’oxygène, comme c’est le cas pour certaines maladies pulmonaires.) Maladie héréditaire et dépistage génétique 93 Les molécules d’hémoglobine produites par l’allèle HbS ont tendance à coller ensemble, produisant des structures en forme de bâtonnet qui donnent aux globules rouges une forme rigide et allongée semblable à une faucille. Ces cellules falciformes ont tendance à être emprisonnées dans les minuscules vaisseaux appelés capillaires. Il en résulte que les tissus alimentés par ces capillaires meurent de privation d’oxygène. Dans les porteurs, la présence d’un unique allèle HbA et de ses molécules d’hémoglobine normales compense l’effet de l’allèle HbS plus récessif, de sorte qu’il ne survient pas d’anémie. Les manifestations cliniques dans ceux qui sont atteints d’anémie falciforme (c’est-à-dire ceux qui ont le HbSS incluent l’abrégement de l’espérance de vie, une anémie grave, l’inhibition de la croissance et du développement et des épisodes imprévisibles de fortes douleurs aux jointures, à l’abdomen ou à la poitrine lors d’une occlusion soudaine des capillaires de ces zones. Porteur de cellule falciforme par opposition à anémie falciforme Les personnes homozygotes à l’égard de l’allèle HbS ont les symptômes de l’anémie falciforme tôt dans la vie, de sorte que la détection de la mutation ne sera pas nécessaire. Alors que ces homozygotes à l’égard de l’allèle HbA (HbAA) n’auront pas la maladie, des personnes hétérozygotes présenteront aussi les symptômes de la maladie, mais sont porteurs de l’allèle HbS, qu’ils pourraient transmettre à un ou plusieurs rejetons. Comme on a pu le voir dans le Carré Punnett construit de la figure X, si deux individus hétérozygotes ont un enfant, il y a un risque de 1 sur 4 (25 %) qu’il reçoive des allèles HbS des deux parents, ce qui le mènera à développer l’anémie falciforme. Si un parent est homozygote à l’égard de l’allèle normal, tandis que l’autre est hétérozygote, il y a 25 % de risque que leur enfant soit porteur de l’anémie falciforme. Comme on l’a toutefois mentionné plus haut, l’enfant n’aurait pas d’anémie falciforme. Autre conséquence de la mutation de l’anémie falciforme Alors que le dépistage génétique peut se révéler particulièrement utile à la détermination de la probabilité que des parents transmettent le caractère de l’anémie falciforme à leurs enfants, le dépistage génétique peut aussi aider à déterminer le moment où il faudrait faire un dépistage génétique chez une population donnée. Certaines populations ethniques et géographiques ont une très faible prévalence de la 94 Maladie héréditaire et dépistage génétique maladie, tandis que d’autres, plus particulièrement celles de l’Afrique et des régions limitrophes de la Méditerranée, ont une prévalence beaucoup plus élevée. Chose intéressante, la malaria est également prédominante chez ces dernières populations et selon certaines observations, les porteurs hétérozygotes de l’allèle de l’anémie falciforme (HbAS) sont partiellement protégés contre la malaria. Comme l’hémoglobine anormale des cellules atteintes porteuses de l’anémie falciforme transporte moins efficacement l’oxygène, les parasites infectant les globules rouges porteurs du caractère de l’anémie falciforme semblent survivre et se reproduire moins bien dans ces états d’appauvrissement d’oxygène. Les homozygotes avec l’anémie falciforme, toutefois, ne sont pas avantagés, car la sévérité de l’anémie falciforme elle-même contrebalance toute protection contre la malaria. Il en découle que le dépistage des personne dans cette situation peut aider à réduire la prédominance des personnes atteintes de la maladie. Dans certains pays, comme Chypre, la prédominance de cette maladie est devenue un tel fardeau pour les coûts des soins de santé, qu’on déconseille aux jeunes personnes portant ce caractère d’épouser une personne le possédant également, afin de réduire la prédominance de cette maladie. Fibrose kystiques Fonction normale du gène de la fibrose kystique La fibrose kystique (FK) est aussi une maladie génétique résultant de la mutation d’un seul gène. Dans ce cas, la protéine produite par le gène transporte du sel vers les cellules et hors d’elles. Si une mutation du gène se traduit par une protéine fonctionnant anormalement mal, le transport peut être interrompu, dans lequel cas il peut s’accumuler une épaisse muqueuse à l’extérieur des cellules. Dans certains organes, cette anomalie ne produit aucun effet sur la fonction. Dans les poumons, cependant, l’épaisse muqueuse gène la respiration et crée un environnement propice aux bactéries, entraînant la pneumonie. Dans l’appareil digestif, la muqueuse empêche la sécrétion des enzymes digestives, entraînant des problèmes digestifs. Maladie héréditaire et dépistage génétique 95 Comparaison avec la mutation de l’anémie falciforme Contrairement au cas de l’anémie falciforme, où la même mutation est présente chez presque toutes les personnes atteintes de la maladie, des mutations différentes du gène transporteur du sel peuvent entraîner la fibrose kystique. On n’a identifié jusqu’ici qu’un peu plus de 1 400 mutations du gène transporteur du sel, la gravité de la maladie dépendant de la mutation en cause. Plus de 70 % des personnes chez qui on a diagnostiqué la fibrose kystique ont une mutation particulière. Vu la faible fréquence des autres mutations, on ne les dépiste pas systématiquement. Tout comme la mutation de l’anémie falciforme, toutes ces mutations du gène transporteur du sel résultent en des allèles récessifs. Pour qu’une personne développe la FK, il faut donc que les allèles du transporteur du sel soient tous deux mutés. De même, également, que dans le cas de la mutation de l’anémie falciforme, la prédominance de la mutation varie selon les groupes et les nationalités. Aux États-Unis, par exemple, un sur 25 (4 %) des Caucasiens de descendance nord-européenne (Euro-Américains) est porteur de la mutation. En revanche, la prédominance chez les Afro-Américains n’est que de la moitié de ce nombre (1,5 %). Incertitudes liées au dépistage de la FK Contrairement au test de dépistage de la mutation de l’anémie falciforme, un test négatif ne signifie pas qu’un individu n’est absolument pas porteur, car c’est seulement de la mutation prédominante de la FK qu’on s’occupe automatiquement. Ceux qui ont réagi négativement au test peuvent, en fait, être hétérozygotes pour un autre allèle muté qui n’a pas fait l’objet d’un test. À la suite du test, par exemple, les taux de transport de la fibrose kystique chez les Afro-Américains tombent d’un tiers, soit de 1,5 % à 0,5 %, sans pourtant atteindre zéro. Comme dans le cas de l’anémie falciforme, ce genre de dépistage peut aider à identifier des groupes à risque plus élevé. On pourrait cependant manquer des porteurs de mutations plus rares de la FK, ce qui empêcherait de tracer un tableau entier des taux de porteurs chez des groupes ethniques différents. 96 Maladie héréditaire et dépistage génétique Maladie causée par un gène dominant autosomique unique: la maladie de Huntington Maladie de Huntington L’allèle muté qui a pour résultat la maladie de Huntington (MH) est dominant par rapport à l’allèle normal. Cela signifie qu’un personne qui n’a qu’un seul allèle muté n’est pas seulement porteuse, mais développera la maladie associée à la mutation. Contrairement aux personnes qui ont l’anémie falciforme ou la FK, cependant, celles qui ont la maladie de Huntington développent habituellement les signes et les symptômes vers l’âge de 40 ans, voire plus tard, plutôt que dans ses toutes premières années ou au début de leur enfance. Le dépistage génétique revêt donc une tout autre signification pour ceux qui ont la mutation de la MH. Comme pour l’anémie falciforme et la FK, les individus qui paraissent en bonne santé mais qui ont réagi positivement au test pour l’allèle de la MH savent qu’ils peuvent transmettre la mutation à leurs descendants. Ils savent toutefois qu’en tant que porteurs d’un allèle dominant tel que la MH, ils finiront par développer plus tard une maladie progressive et mortelle, et que des descendants vont recevoir l’allèle et développer la maladie : une nouvelle doublement dévastatrice. Cela signifie qu’une personne porteuse d’un seul allèle (donc, de la maladie) a un risque de 50 % de transmettre cet allèle (et donc la maladie) à n’importe lequel de ses enfants, quel que soit le génotype de l’autre parent. Pour les enfants dont un parent a la MH, la mutation de la MH, il se posera donc un dilemme difficile. Des enfants choisiront de ne pas se soumettre au dépistage et ne risqueront donc pas de vivre en sachant qu’un beau jour, la MH se développera. Un tel dépistage a des implications pour le mariage, puisque la possession de la mutation de la MH implique, pour les enfants, des risques distincts de développer la MH, tandis que ne pas avoir la mutation ne comporte aucun risque pour la descendance. Augmentation du risque de cancer génétiquement hérité Dépistage génétique de maladies mettant en cause des gènes uniques, par opposition aux gènes multiples Bien que la majorité des tests de dépistage actuellement disponibles s’adressent à des maladies a gène unique telles que l’anémie falciforme, la fibrose kystique et la maladie de Huntington, la moitié des maladies associées aux changements génétiques ne résultent pas d’une mutation d’un gène unique. Des gènes multiples peuvent être en cause et/ou interagir avec l’environnement pour produire un type de maladie Maladie héréditaire et dépistage génétique 97 particulier, tels le cancer, le diabète, la maladie du cœur, la maladie d’Alzheimer et autres. Même si les tests génétiques pour ces maladies sont beaucoup plus complexes et qu’il est possible qu’ils n’apportent pas les réponses précises obtenues des tests de dépistage pour un seul gène, ce genre de test peut s’avérer plus utile à l’avenir, à mesure qu’augmentera notre compréhension de telles interactions complexes entre gènes et environnement. Gène BRCA1 et cancer du sein Prenons pour exemple le cancer. Le développement du cancer est un processus complexe, mais la première étape consiste habituellement en la mutation d’un des quelques gènes importants qui contrôlent la réplication cellulaire normale. Un exemple d’un tel gène est le BRCA1. Celui-ci produit une protéine qui participe au réglage de la division des cellules, particulièrement de celles du sein, en réparant l’ADN endommagé et en aidant la division de la cellule à se produire de manière ordonnée. Le cancer se développe lorsque les cellules commencent à se diviser de façon désordonnée. Certaines mutations du gène BRCA1 résultent en une protéine non fonctionnelle qui échoue à réparer l’ADN endommagé, d’où une plus grande tendance des cellules à se reproduire ainsi qu’un risque beaucoup plus élevé de cancer du sein. En d’autres mots, si une mutation du gène résulte en la perte de l’aptitude à faire cesser la réplication cellulaire, une croissance désordonnée peut entraîner le développement du cancer Prédiction du cancer du sein par le dépistage génétique Ces gènes peuvent créer des mutations qui augmentent sensiblement le risque de cancer du sein et de cancer des ovaires, même si un seul allèle est affecté. L’augmentation du risque associé au gène muté héréditaire peut découler de la mutation de l’autre gène BRCA1, mais il peut aussi être attribuable à l’interaction de la protéine mutée héréditaire avec d’autres protéines participant à la réplication cellulaire. Dans les deux cas, la femme qui hérite d’une mutation d’un des allèles de son gène BRCA1 genre présente fait face, sa vie durant, à un risque très élevé de développer un cancer du sein ou des ovaires. Les évaluations du risque de développer un cancer du sein avant l’âge de 70 ans vont d’environ 40 % à 70 %, ou même plus (le risque de cancer des ovaires peut monter jusqu’à 40 %). Ajoutons que ces types de cancer sont plus susceptibles de survenir plus tôt que lors qu’ils ne sont pas reliés à une mutation du gène BRCA1. Les femmes atteintes très tôt d’un cancer du sein, ou encore celles qui ont un parent au premier degré qui développe très tôt un cancer du sein, sont donc admissibles au test de dépistage génétique. Si elles réagissent positivement au test pour une mutation BRCA1, elles pourraient songer à la thérapie préventive, afin de prévenir la récidive du 98 Maladie héréditaire et dépistage génétique cancer. Les filles de telles patientes aimeraient peut-être se soumettre au dépistage, afin de savoir si elles ont hérité d’une plus grande propension à développer un cancer du sein ou des ovaires. Maladies mettant en cause des mutations de l’ADN situées hors du noyau Comme on l’a mentionné plus tôt (dans Génétique 101, Un à-côté…), on trouve une petite quantité de matériel génétique additionnel contenant de l’ADN hors du noyau des cellules, mais dans l’organelle productrice d’énergie appelée mitochondrie. Ce matériel génétique n’est transmis que par la lignée génétique maternelle, car l’ovule porte dans son cytoplasme la presque totalité de l’ADN mitochondrial. On a eu recours au dépistage de ce type d’ADN pour confirmer l’identité de personnes décédées, en comparant leur ADN avec celui d’une présumée descendante. On a associé un nombre croissant de troubles de santé particuliers à des mutations de ce matériel génétique, et on pourrait procéder à un dépistage génétique pour déterminer la sensibilité des descendants des personnes affectées. Un nombre grandissant de maladies distinctes ont été associées à des mutations de ce matériel génétique; par ailleurs, la détection génétique visant à déterminer la sensibilité des descendants des individus affectés reste dans le domaine du possible. (Voir http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK1224/) Tester des embryons humains pour dépister des mutations génétiques Il arrive qu’un couple demande de faire des tests génétiques d’embryons produits à leur intention par fécondation in vitro. On appelle diagnostic génétique préimplantatoire ce procédé consistant à retirer l’une des cellules du zygote au stade des huit cellules. On examine ensuite la cellule pour y dépister des anomalies génétiques. On permet au zygote avec sept cellules restant de continuer de se séparer et de devenir à maturité ce qui semble un bébé normal à sa naissance. Bien que de tels zygotes semblent se développer désormais normalement, ce domaine n’a pas été bien étudié. Cette procédure a également soulevé des questions éthiques, la cellule prélevée pour testage étant peut-être encore totipitente, donc capable de former un bébé identique à celui produit par le zygote à sept cellules restant (voir également la partie Développement embryonnaire et ingénierie génétique, conception et développement de l’embryon). Maladie héréditaire et dépistage génétique 99 Transgénique Organismes génétiquement modifiés (OGM): Modification dans une espèce Avant la disponibilité des technologies génétiques modernes, la modification d’organismes a pu être accomplie grâce au croisement d’une espèce pendant de nombreuses générations. C’est ainsi, par exemple, qu’on a pu concevoir des améliorations à la résistance de cultures aux dommages causés par les insectes. On peut aussi échanger naturellement du matériel génétique tel que l’ADN entre des organismes d’une espèce identique ou semblable, Veuillez noter : On trouvera dans comme les bactéries, résultant en des le Glossaire les définitions des modifications génétiques. Les virus, par exemple, termes en caractères gras du qui sont plus petits que les bactéries et doivent texte, de même que d’autres loger dans une cellule pour survivre, peuvent termes. infecter les bactéries et incorporer une partie de leur ADN dans leur hôte bactérien (certaines bactéries ont une molécule semblable à l’ADN, connue sous le nom d’ARN, qui peut fonctionner d’une façon semblable à celle de l’ADN. Il peut en résulter des changements dans la résistance de la bactérie aux antibiotiques. Dans les organismes complexes, ces cellules infectées meurent habituellement de l’infection sans transmettre l’ADN viral à la génération suivante. Les organismes génétiquement modifiés, ou OGM, peuvent avoir été modifiés en laboratoire par l’insertion de la mutation d’un gène de la même espèce, associée à un caractère désiré qu’il faudrait mettre des générations à reproduire dans l’espèce par des méthodes conventionnelles. Ce procédé est devenu une technologie courante et controversée en agriculture et dans l’élevage d’animaux, où les résultats de l’appel à de tels OGM peuvent entraîner le déséquilibre, l’instabilité et la perturbation économique. Le recours aux OGM en agriculture peut mener au remplacement de souches naturelles de plantes par des souches génétiquement modifiées. Quoique les souches puissent être porteuses des caractères désirés, tels que la résistance à certains champignons ou bactéries, la souche GM peut aussi être moins vigoureuse sous d’autres rapports, avec le temps. On a vu, en outre, des sociétés productrices de souche acquérir un monopole sur la production de telles plantes dans des localités précises, entraînant des dommages économiques et culturels, de même que la perte de moyens de subsistance, particulièrement chez certains peuples autochtones. La transgénique 103 Organismes transgéniques La technologie génétique permet aujourd’hui de transférer de l’ADN d’une espèce dans le génome d’une autre, créant ainsi un organisme transgénique. Le processus consistant à attacher de l’ADN d’une personne ou d’une espèce à un virus et à injecter le virus dans la cellule réceptrice d’un autre individu ou espèce est l’un des moyens les plus efficaces d’insérer un nouveau gène étranger dans une cellule. Préalablement à l’injection, on enlève la plus grande partie du génome du virus, pour la remplacer par le gène désiré. On injecte ensuite le virus dans la cellule d’un nouvel individu. Comme le type de virus utilisé insère normalement son matériel génétique dans le génome de cellules qu’il infecte, le nouveau gène se trouve à être inséré dans le génome, en même temps que le matériel génétique viral restant. Si l’on effectue ce procédé sur des cellules germinales telles que les spermatozoïdes ou l’ovule, cet ADN provenant d’une autre espèce sera, vraisemblablement transférée dans toutes les cellules de ce dernier. Bien que, aujourd’hui, des virus insèrent plus efficacement l’ADN dans les cellules, ils ne peuvent pas encore insérer avec une grande exactitude l’ADN étranger dans le génome récepteur. En fait, l’ADN étranger peut aboutir n’importe où dans le génome de n’importe lequel des chromosomes. En conséquence, il se peut qu’il ne fonctionne pas correctement dans sa position ou qu’il fonctionne anormalement à cause de la proximité d’autres gènes. On a attribué certains des cancers, dont la leucémie, au positionnement anormal de gènes sur des chromosomes. Différence entre hybrides et chimères La combinaison, entre espèces, de grandes quantités d’ADN suscite d’autres préoccupations éthiques. Il est survenu récemment, au Royaume-Uni, une controverse sur l’acceptabilité morale d’une combinaison de cellules humaines et non humaines destinée à produire un organisme unique. Dans celui-ci, qu’on appelle chimère, les cellules de chaque espèce existeraient côte à côte, mais fonctionneraient ensemble pour la santé de l’organisme hybride entier. Par contre, lorsqu’on injecte de fortes quantités d’ADN d’une espèce telle que l’ADN humain dans le noyau d’un embryon à un jeune embryon d’une espèce non humaine, toutes les cellules subséquentes de cet organisme en voie de développement auront de l’ADN provenant des deux espèces; l’organisme est alors considéré comme un hybride des deux espèces. Cette combinaison d’ADN non humain et humain en un seul organisme soulève des questions fondamentales concernant ce que signifie être un être humain. 104 La transgénique Exemple d’organisme transgénique EN 2001, des scientifiques de l’Oregon Regional Primate Center produisaient le premier primate transgénique, nommé ANDi, un singe rhésus qui avait un gène de méduse dans chacune des cellules de son corps. On a ensuite fécondé les ovules avec du sperme du singe rhésus par fécondation in vitro. Quarante ovules fertilisés ont atteint le stade auquel ils pourraient être implantés. On a transplanté ces quarante embryons dans l’utérus de 20 singes rhésus femelles. Cinq des singes sont devenus gravides. Des 5 gestations, il est né cinq singes vivants. On a constaté qu’un de ces derniers, ANDi, avait le gène de la méduse dans chacune de ces cellules, mais que le gène ne fonctionnait pas. Chez la méduse, le gène contient l’information permettant à la protéine fluorescente verte de luire. Peut-on produire des humains transgéniques? Le fera-t-on? Si ce processus finit par réussir et qu’on produit des primates non humains transgéniques, il n’existe pas, en théorie, d’obstacle à la production d’humains transgéniques. Non seulement une personne humaine transgénique contiendrait dans chacune des cellules de son corps un nouveau gène provenant d’une autre espèce, mais elle transmettrait ce gène à tout rejeton. On appelle cette modification germinale parce qu’elle ne touche pas seulement l’individu modifié, mais aussi sa descendance. Pourquoi un ADN presque identique chez les primates et les humains produit-il des créatures très différentes? L’ADN du génome humain se révèle parfaitement identique à 99 % du génome du chimpanzé. Si, pourtant, nos gènes sont chimiquement si semblables, pourquoi semblons-nous si remarquablement différents? Nous, humains, pouvons bâtir des villes et créer des systèmes politiques, écrire de la grande littérature, composer de la grande musique. Chose peut-être plus importante, nous avons une conscience réfléchissante. Pourquoi, alors, cette infime différence génétique de 1 % peut-elle nous en apprendre tant sur la différence entre nous et les chimpanzés? Peut-être d’autres interviennent-ils dans le fonctionnement de ces gènes chez les deux espèces. Des scientifiques ont cependant découvert récemment que 49 régions de l’ADN humain (appelées régions accélérées humaines (HARs) révèlent une substitution plus rapide de nucléotide que celle que pourrait prédire une évolution génétique normale. Ces scientifiques ont trouvé dans ces régions des gènes contribuant à un fonctionnement plus raffiné tel que le développement de la parole, le volume total du cerveau, la dextérité manuelle requise pour la fabrication et l’utilisation des outils, la digestion des amidons et du lactose requis par les sociétés agricoles, etc. Au fur et à mesure que ce stimulant nouveau La transgénique 105 domaine scrute plus profondément notre génome, on voit que les différences entre les chimpanzés et les humains sont significatives, même si elles ne se fondent uniquement que sur une petite partie de l’ensemble de notre matériel génétique. Ce 1 % n’est peutêtre pas si négligeable, après tout. Clonage animal Terminons en parlant de clonage animal. On a déjà cloné un bon nombre d’animaux, dont la souris, la brebis, le chat et la mule. Le processus utilisé s’appelle transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS). Tout, sauf les ovules et le sperme, est considéré comme cellules somatiques. Décrire la technique est assez facile, mais la faire fonctionner est plus complexe. Dans le transfert de noyau d’une cellule somatique, le noyau contenant son génome est retiré d’un ovule. On prélève ensuite d’un donateur une cellule somatique (c’est-à-dire pas un spermatozoïde ni un ovule). On retire le noyau contenant son génome de la cellule somatique du donateur et on l’insère dans l’ovule dont on a retiré le noyau. On applique un courant électrique pour activer l’ovule fraîchement nucléé, qui peut alors commencer à se diviser et à produire un embryon. L’embryon est implanté dans l’utérus d’une mère porteuse (c’est-à-dire d’une femelle de la même espèce, mais pas la donatrice biologique de l’ovule); s’il se développe totalement, il devient un individu génétiquement identique à celui qui a donné le noyau somatique. Par suite de difficultés techniques, aucun primat n’a été cloné jusqu’ici à l’aide de cette méthode. Théoriquement, toutefois, on pourrait l’utiliser pour cloner des primates, dont les humains. Nécessité de réfléchir plus profondément sur les implications de la recherche transgénique Pour bien des gens, y compris les chrétiens, la transgénique est un domaine particulièrement difficile de la science et de la recherche. On fait surtout de la recherche pour développer de meilleurs animaux, plantes ou thérapies médicales. La recherche progresse cependant sans une réflexion suffisante sur les effets à court et à long terme des organismes transgéniques et de leurs produits sur nous-mêmes et sur l’environnement où nous vivons et dont nous sommes responsables. Comme nous croyons que le soin de la création a été confié par Dieu aux êtres humains que nous sommes, il est de notre responsabilité d’inciter à une profonde réflexion sur l’objectif de toute recherche transgénique, tout comme sur les avantages et les risques des organismes transgéniques et leurs produits et cela, sous tous les aspects de l’ordre créé. 106 La transgénique Développement embryonnaire et ingénierie génétique Conception et développement de l’embryon Totipotence Un ovule peut être fécondé par un sperme humain naturellement ou par relation sexuelle, ou encore artificiellement en laboratoire (on parle alors de fertilisation in vitro ou FIV). On appelle alors zygote l’ovule fertilisé. Cette cellule est totipotente, c’est-àdire qu’elle a la faculté de se diviser et de spécialiser dans tous les types de cellules qu’on trouve dans le corps humain et tous les types de cellules formant les tissus extraembryonnaires tels que les tissus, le placenta, le cordon ombilical et le sac amniotique. En d’autres Veuillez noter : On trouvera dans mots, un zygote possède la capacité de se le Glossaire les définitions des transformer en un nouveau-né et d’aider à son termes en caractères gras du développement si on permet à ce zygote de texte, de même que d’autres termes. s’implanter dans un utérus fonctionnel. Le processus en vertu duquel un zygote devient un embryon, puis un bébé, est essentiellement un processus de division cellulaire et de spécialisation progressive de différents groupes de cellules qui se divisent. Un bébé se compose de billions de cellules, dont la plupart sont des cellules hautement spécialisées dans les muscles, les nerfs, le foie, le cerveau, etc. La cellule unique qui constitue le zygote initial n’est pas spécialisée du tout, mais elle en a le potentiel. L’ovule fécondé se divise en deux cellules. Ces dernières sont encore non fécondées, donc encore totipotentes. Nous le savons parce qu’il se développe occasionnellement des jumeaux identiques dans l’utérus lorsque ces deux cellules se séparent totalement et se divisent pour produire leurs propres tissus adjuvants (placenta, cordon ombilical, etc.) et qu’ils finissent par se transformer en deux bébés. Habituellement, cependant, le zygote bicellulaire demeure intact et se divise en 4 cellules. Nous savons que ces dernières sont encore totipotentes, parce que, en vertu du même mécanisme, déjà décrit quand a été invoqué le cas des jumeaux, les 4 cellules ne peuvent que très rarement se séparer pour devenir quatre bébés individuels. Diagnostic génétique préimplantatoire (DGP) Si le zygote à 4 cellules se divise encore en 8 cellules, celles-ci sont habituellement, sinon toujours, encore totipotentes, car il s’est très rarement produit des octuplés identiques. On a également eu recours à ces zygotes à 8 cellules pour un processus appelé diagnostic génétique préimplantatoire (DGP). Dans les cliniques de fertilité, les couples infertiles peuvent recourir à la FIV pour créer un zygote. On combine des ovules d’une femme avec le sperme d’un homme pour créer des zygotes. Ceux-ci commencent alors à se diviser pour devenir des embryons dans une boîte de Petri en laboratoire. Le Développement embryonnaire et ingénierie génétique 109 couple demande parfois de soumettre les embryons à un test de détection génétique. On peut effectuer le DGP en retirant soigneusement une des cellules au stade des huit cellules. On examine ensuite la cellule pour y détecter toute anomalie génétique. On laisse le zygote à 7 cellules restant continuer à se diviser, ce qui donne habituellement ce qui semble un bébé tout à fait normal. Il arrive cependant que cela signifie que l’unique cellule retirée peut former un jumeau identique du zygote à 7 cellules restant, ce qui constitue un problème pour ceux qui considèrent cette cellule comme un être humain en puissance. Cueillette de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche Lorsque l’embryon se compose d’environ 150 cellules, connues à ce stade sous le nom de blastocyste, les cellules externes se sont différenciées (spécialisées) en cellules qui deviendront des cellules auxiliaires telles que le cordon ombilical ou le placenta. Les cellules internes restantes sont maintenant estimées pluripotentes, plutôt que totipotentes. Elles sont encore capables de se différencier pour devenir une grande variété de cellules, sous un environnement et des influences génétiques appropriés. Si, toutefois, elles sont séparées des cellules externes, elles ne peuvent pas former su bébé lorsqu’on les insère dans l’utérus et elles ne peuvent plus se différencier pour devenir le cordon ombilical ou le placenta. Ce sont là des cellules internes si convoitées par les scientifiques qui font des recherches sur les cellules embryonnaires humaines. La principale source de ces dernières est l’embryon excédentaire produit durant la FIV, dont on ne veut plus pour produire des bébés humains. Les scientifiques séparent cette masse cellulaire interne de la couche externe de la cellule, détruisant par le fait même l’embryon. On cultive alors ces cellules dans des boîtes de laboratoire comme cellules souches embryonnaires, qui servent aux expériences. Cette destruction d’embryons humains soulève d’importants problèmes éthiques pour beaucoup. D’aucuns estiment que l’embryon n’est pas un être entièrement humain, argument dont ils se servent pour justifier qu’on le tue au profit de recherches visant à mettre au point des thérapies qui permettront d’aider à d’autres plus tard. D’autres, en revanche, estiment que l’embryon possède le statut d’être humain et qu’il est donc immoral de le tuer. Autres sources de cellules souches embryonnaires humaines Transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS) Des scientifiques ont tenté, ces dernières années, de mettre au point d’autres sources de cellules dotées de caractères physiques, physiologiques et génétiques semblables à ceux de cellules souches embryonnaires. On relève, au nombre des premières sources 110 Développement embryonnaire et ingénierie génétique de ce genre, la fabrication d’un embryon par l’entremise d’une méthode appelée transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS), la même méthode qui a permis de cloner des animaux tels que la brebis Dolly (d’aucuns appellent embryoïde plutôt qu’embryon la grappe de cellules produite par cette méthode, pour la distinguer d’un embryon produit par la fusion d’un spermatozoïde avec un ovule. Certains considèrent qu’il est moins répréhensible d’utiliser des embryoïdes que de détruire des embryons en tant que source de cellules souches pour la recherche). Pour cette technique, on joint un noyau d’une cellule ordinaire, telle qu’une cellule dermique, d’un animal particulier à un ovule de cette même espèce dont on a préalablement retiré le noyau. On stimule habituellement la nouvelle cellule par un courant électrique, l’amenant à se diviser et à se transformer en cellules qui ressemblent, de par leur apparence et leur fonction, à des cellules souches embryonnaires produites en joignant un spermatozoïde et un ovule. Bien que ce processus ait réussi chez des mammifères tels que la brebis Dolly, elle n’a pas encore réussi chez les humains. Si elle réussissait, il en résulterait un embryon dont on pourrait obtenir des cellules souches. Dans ce cas-ci, les cellules souches seraient génétiquement identiques à celles de la personne qui aurait été donatrice en vue du transfert nucléaire de la cellule somatique (à se rappeler, à la lumière de la discussion dans le cadre de Génétique 101, un à-côté : l’ADN hors du noyau, qu’une très petite quantité d’ADN est logée, non pas dans le noyau, mais dans la mitochondrie. Cet ADN proviendrait de l’ovule donné). Cellules souches pluripotentes induites Des scientifiques ont découvert récemment de nouvelles façons de construire en laboratoire des celles possédant aussi plusieurs caractères semblables à ceux des embryons. Au lieu d’être créées par l’union d’un spermatozoïde et d’un ovule ou par transfert de noyau d’une cellule somatique, comme décrit plus haut, celles-ci sont produites à partir d’une cellule corporelle ordinaire entière telle qu’une cellule dermique, et non pas à partir de son noyau seulement. On manipule en laboratoire ces cellules somatiques pour qu’elles perdent leurs fonctions normales, tout en acquérant des caractères semblables à ceux qu’on trouve dans des cellules souches pluripotentes. Ces cellules non différenciées (non spécialisées) peuvent être « induites » (c’est-à-dire, dirigées dans des conditions de laboratoire particulières), pour se différencier (se spécialiser) à nouveau en une cellule dotée d’une nouvelle fonction désirée, qui puisse être totalement différente de l’originale. Une cellule dermique, par exemple, pourrait être déspécialisée, pour être spécialisée à nouveau afin de fonctionner comme une cellule qui produit maintenant de l’insuline, comme certaines cellules qu’on trouve normalement dans le pancréas. On pourrait ensuite reproduire (multiplier) en laboratoire et la transplanter chez un diabétique dont les propres cellules productrices d’insuline ne fonctionnent plus. Développement embryonnaire et ingénierie génétique 111 Ces cellules souches pluripotentes humaines (IPS) sont jugées plus éthiquement acceptables pour la conception de nouvelles thérapies. Pour deux importantes raisons au moins, d’aucuns considèrent cette méthode comme plus éthiquement acceptable que l’utilisation d’embryons qui restent après la FIV ou que celle du transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS) : 1) ces cellules ne sont pas produites à l’aide d’embryons naturels, produits à partir de sperme ou d’ovules qu’il faut détruire pour recueillir les cellules souches; 2) cette méthode ne requiert pas l’apport d’ovules qui susciteraient des problèmes d’éthique tels que celui d’utiliser des médicaments pour produire des ovules provenant de donatrices ou celui de tenter les femmes à court d’argent qui accepteraient d’être rémunérées pour donner leurs ovules. Ingénierie et clonage humains On a avancé que la combinaison de cellules souches et d’embryons pourrait permettre l’ingénierie génétique de ligne germinale. Dans ce processus, on retirerait des cellules souches pluripotentes d’un embryon ou embryoïde (c’est-à-dire de cellules produites par TNCS provenant des cellules iPS décrites ci-dessus). Ces cellules seraient ensuite infectées d’un virus contenant les gènes qu’on voudrait transférer dans les cellules. Les cellules pourraient être testées pour l’incorporation du ou des gènes désirés dans le noyau de ces cellules. On pourrait retirer le noyau des cellules traitées avec succès et le transférer dans des ovules énucléés (se rappeler qu’il s’agit ici de la technique du transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS) décrite sous Transgénique, Clonage animal). On pourrait permettre à la cellule qui en résulterait de se développer en embryon, pour être implantée dans l’utérus d’une mère porteuse. Si un fœtus parvenait à son stade définitif et naissait, le nouveau-né porterait les gènes traités dans chacune de ses cellules. S’il parvenait à l’âge adulte et se reproduisait, sa descendance posséderait également ces gènes induits. On notera que ce processus n’a pas été complété jusqu’ici chez les primates, dont les humains, mais que des scientifiques travaillent actuellement à son élaboration. 112 Développement embryonnaire et ingénierie génétique Génétique des populations En quoi la compréhension des distinctions raciales génétiques peut-elle être utile? Quelle est la base génétique de la race? Les Africains sont-ils génétiquement différents des Asiatiques? Existe-t-il des gènes particuliers à la race? Plus les chercheurs examinent profondément le génome humain, plus la plupart d’entre eux sont Veuillez noter : On trouvera dans persuadés que les étiquettes standard servant à le Glossaire les définitions des distinguer les personnes per leur race semblent termes en caractères gras du dénuées de signification biologique. Bien qu’il texte, de même que d’autres paraisse facile de dire spontanément si une termes. personne est caucasienne, africaine ou asiatique, cette conclusion apparemment évidente disparaît dès que les généticiens creusent sous la surface et scrutent le génome pour y déceler des indicateurs d’ADN de la race. Les ont mis un temps relativement court à sa répandre dans l’univers entier. L’espèce humaine n’a donc pas eu suffisamment de temps pour se diviser d’une façon significative en groupes biologiques séparés. Quatre-vingt-dix-neuf du génome sont semblables. De cette partie semblable, 75 % de tous les gènes viennent sous une seule forme allélique (monoallélique) et sont identiques chez tous. Si on se servait de l’exemple de détermination des groupes sanguins expliqué plus haut (Génétique 101, Implications pratiques de la variation génétique : l’histoire des groupes sanguins), de tels gènes alléliques reviendraient à faire partie d’un groupe sanguin composé du seul allèle A, ce qui voudrait dire que tout le monde aurait du sang de type AA. Vu cette ressemblance génétique à 99 %, c’est le 1 % restant qui sert à tenir compte des variations individuelles chez les humains. De ce 1 % de variabilité génomique, 85 % existent dans n’importe quelle population locale, qu’il s’agisse d’Italiens, de Kurdes, de Coréens ou d’Inuits. Dans les 15 % restants, on peut déceler environ 7 % de variabilité, tandis que les derniers 8 % de variabilité se produisent entre des groupes habitant des continents différents. Cela signifie que deux Coréens pris au hasard peuvent être aussi génétiquement différents qu’un Coréen et un Italien et qu’il n’y a guère de différence dans un continent, en comparaison de la variation entre continents. Notre façon de mesurer génétiquement la variation humaine consiste à chercher et à trouver toutes les variations alléliques d’un gène, puis de voir quel pourcentage de chaque variante de ce gène se trouve au sein de populations et entre populations. Pour illustrer ceci, revoyons les groupes sanguins. Pour examiner les différences génétiques des groupes sanguins entre deux populations, commencez par examiner les Génétique des populations 115 pourcentages de variations alléliques dans ces deux populations. La distribution des groupes sanguins la population des Philippines, par exemple, est presque identique à celle qu’on retrouve chez celle de la Chine. Il existe une variation au sein de chacune des populations, mais il en existe peu entre les deux populations. Par ailleurs, 100 % des Indiens péruviens ont du sang du groupe O, tandis que chez les Indiens Blackfoot, 82 % ont du sang du groupe A et 18 % du groupe O. Au sein de ces deux populations, il y a peu ou pas de variation génétique, mais il y en a beaucoup entre les deux populations. Généralement, la plus grande partie de la variabilité génétique se retrouve au sein des populations, tandis que des populations différentes peuvent avoir des degrés de variabilité très différents. En fait, environ 93 % de toute la variabilité génétique existant sur cette planète se retrouvent chez les Africains sub-sahariens. Alors, advenant une catastrophe qui détruirait le reste de la population mondiale, 93 % de la variabilité génétique du monde subsisteraient encore chez les Africains subsahariens. Implications médicales des groupes humains racialement et géographiquement distincts De retour à l’anémie falciforme Y a-t-il des différences entre des groupes humains importants sur le plan médical? Si la race a quelque influence sur la santé, elle est peut être un simple marqueur d’origines géographiques de certaines populations. Dans l’hémisphère oriental, où l’on croit qu’il vit des humains depuis au moins 2 millions d’années, les différences dans la couleur de la peau qui sont apparues étaient étroitement liées à la latitude et à l’exposition au soleil. Le même phénomène n’est pas apparent dans l’hémisphère occidental, vers lequel les anthropologues estiment que des humains n’ont migré qu’il y a environ 35 000 ans. Ce genre de connaissances peut aider à comprendre des maladies telles que l’anémie falciforme. On retrouve souvent cette maladie chez les populations africaines et méditerranéennes, mais aussi chez les immigrants ou les ancêtres d’immigrants passés de ces régions à l’Amérique du Nord. On croit que la prédominance plus forte chez ces peuples est attribuable, du moins partiellement, l’avantage dont bénéficient, au plan de la santé, les personnes atteintes d’anémie falciforme, dans leur combat contre la malaria, endémique dans ces régions. Comme les parasites de la malaria ne survivent pas aussi bien dans les cellules falciformes, il se peut que ceux qui sont infectés par les moustiques causes de la malaria ne développement pas la malaria ou qu’ils soient atteints d’une de ses formes plus bénignes. On retrouve rarement l’anémie falciforme chez les descendants d’Européens du Nord, où la malaria est rare ou absente. 116 Génétique des populations Distinctions ethniques génétiques et Autres maladies courantes Genetic Ethnic Le lien génétique entre l’anémie falciforme et la protection contre les maladies dues aux parasites antipaludiques est très net. Pour que les grandes maladies qui causent la plupart des morts et des déficiences ou qui y contribuent, l’apport génétique est plus difficile à repérer. On croit que ces maladies, telle la maladie du cœur, l’hypertension et le cancer, augmentent la sensibilité de certains individus, mais que des facteurs environnementaux tels que le régime alimentaire et le mode de vie, jouent également un rôle essentiel dans le développement de ces maladies. Il est beaucoup plus difficile de démontrer que l’hypertension constitue un plus lourd fardeau chez certains groupes ethniques à cause de leur constitution génétique. L’hypertension, par exemple, peut affecter plus sérieusement les personnes de descendance africaine du Canada que celles de descendance européenne3. Les AfroCanadiens sont également beaucoup plus susceptibles de succomber à un accident vasculaire cérébral (AVC) que les Canadiens de descendance européenne. D’aucuns ont avancé que les esclaves africains qui étaient plus capables de retenir le sel étaient plus susceptibles d’avoir survécu aux privations alimentaires et sanitaires à bord des négriers qui les amenaient en Amérique du Nord. Donc, si c’était vrai, la même constitution génétique qui les a aidés à survivre lorsque transmise à leurs descendants pourrait avoir exposé la génération suivante de Canadiens noirs au risque de développer de l’hypertension. Il existe cependant un bon nombre de facteurs sociaux et culturels capables de prédisposer les Afro-Canadiens à l’hypertension, dont le stress causé par un entourage plein de préjugés, le manque d’accès aux soins de santé, un régime alimentaire déficient, etc. Pour compliquer les choses, personne ne sait quelle combinaison de gènes est responsable de la sensibilité à l’hypertension. Il est probable qu’un grand nombre de gènes mutés contribuent à l’hypertension, mais que les patients n’aient pas toutes ces mutations. Brophy, Kathleen Marion, Scarlett-Ferguson, Heather et Webber, Karen S. Clinical Drug Therapy for Canadian Practice, Lippincott Willimas & Wilkins, 2010, p. 779. 3 Génétique des populations 117 Génétique et thérapie d’orientation Dépistage génétique du cancer en vue d’améliorer la thérapie Meilleure compréhension du lien entre les mutations génétiques et la formation du cancer Le dépistage génétique peut grandement aider au diagnostic et au traitement du cancer. La détection de la composition génétique des tumeurs peut aider à déterminer lesquelles sont détruites plus efficacement par l’entremise de certaines thérapies que d’autres et, par conséquent, quels patients sont le plus susceptibles d’en bénéficier. On sait maintenant que des cancers peuvent se développer à cause de changements génétiques et épigénétiques dans des cellules normales. Il peut se développer des mutations dans presque tout organe du corps, soit spontanément, soit sous des influences environnementales telles que celle la cigarette. Certaines de ces mutations s’appliquent à des gènes qui règlent la division cellulaire; d’autres stimulent la division cellulaire et par conséquent la croissance tissulaire; d’autres, enfin, suppriment ou désactivent le mécanisme responsable de la division cellulaire. Veuillez noter : On trouvera dans le Glossaire les définitions des termes en caractères gras du texte, de même que d’autres termes. Savoir quelles mutations affectent une croissance tissulaire normale peut mener à des thérapies axées sur le cancer On apprend à connaître les gènes qui mutent habituellement le plus durant l’évolution d’un cancer en détectant la constitution génétique de différentes variétés de cancer et en étudiant quelles voies de communication normales mènent au contrôle de la division cellulaire et de la croissance tissulaire sont affectées. Une fois que ces mutations génétiques sont identifiées et qu’on a compris leur effet sur la division cellulaire, on peut élaborer des thérapies axées sur ces mutations et en développer les effets pour tâcher de ralentir ou d’arrêter la croissance de la tumeur. Ce genre de thérapie ciblée peut être particulièrement utile de deux façons. 1) La thérapie conventionnelle traite les cellules cancéreuses qui sont à se diviser, mais beaucoup de cellules normales se divisent aussi chaque jour pour remplacer des cellules vieilles et usées. Cette thérapie conventionnelle ne peut pas distinguer entre les « mauvaises » cellules en mitose (cellules cancéreuses) et les « bonnes » cellules en mitose (cellules normales). Si une tumeur particulière a une mutation contre laquelle on a institué un traitement, la personne présentant cette tumeur est beaucoup plus susceptible de bénéficier de ce traitement ciblé que quelqu’un dont la tumeur n’a pas la mutation. Génétique et thérapie d’orientation 121 2) De même, la chimiothérapie conventionnelle peut se révéler très toxique, tuant des cellules responsables de la poussée des cheveux et de la paroi du tube digestif en même temps que les cellules cancéreuses. En revanche, la toxicité associée à de telles thérapies ciblées tend à être de beaucoup moindre, car ces thérapies tuent, non pas les cellules normales, mais seulement les cellules tumorales qui ont la mutation contre laquelle on a institué la thérapie. En recherchant des tumeurs pour déceler des mutations particulières à la suite de leur ablation chirurgicale, on peut maintenant choisir les patients les plus susceptibles de bénéficier du traitement, tout en épargnant ceux qui n’en profiteraient vraisemblablement pas. Des guides de pratique internationalement reconnus commencent à recommander le dépistage génétique préalablement au traitement d’échantillon de tumeurs, dans le but de discerner quels patients seraient le plus susceptibles d’en bénéficier. Détection d’une importante mutation dans le cancer du sein : HER2/neu et Herceptin On retrouve, parmi les exemples de la détection génétique à des fins d’orientation thérapeutique, celui d’une mutation connue sous le nom de mutation HER2/neu, qu’on retrouve dans 20 % à 25 % des cas de cancer du sein. Cette mutation s’accompagne d’une croissance plus agressive et de l’augmentation de tumeurs résistantes à la chimiothérapie. Les patientes dont les tumeurs ont cette mutation bénéficieront très probablement d’un traitement ciblé connu sous le nom de trastuzumab (la marque déposée s’appelle du nom, plus prononçable, d’Herceptin), tandis que celles qui n’ont pas la mutation n’en bénéficieront pas. L’Herceptin est un anticorps fabriqué qui bloque la protéine du gène muté contribuant à la croissance incontrôlée de la tumeur. L’Herceptin est en outre généralement bien toléré, surtout parce qu’il ne touche que les cellules cancéreuses, et non les cellules normales de l’organisme. Cette coûteuse thérapie est donc très efficiente; on peut l’appliquer exclusivement aux patients les plus susceptibles d’en bénéficier, tandis que son administration comporte très peu de risques. 122 Génétique et thérapie d’orientation Dépistage génétique des personnes atteintes de cancer (plutôt que de leurs tumeurs) pour réduire la toxicité liée au traitement Sélection des patients présentant un plus grand risque de toxicité liée à la thérapie Le dépistage des cellules normales des cancéreux (plutôt que de leurs cellules tumorales) peut aussi aider à déterminer quels patients s’exposent à subir la toxicité reliée à la thérapie, en se fondant sur la présence de différents allèles fixés sur les chromosomes du patient. Les patients atteints de cancer côlorectal, par exemple, sont souvent traités par une combinaison d’agents chimiothérapeutiques qui inclut un médicament nommé irinotecan. On a d’abord établi des doses sécuritaires du médicament, se basant sur un niveau acceptable d’effets toxiques, sans égard à la connaissance de la constitution génétique des patients. On sait maintenant, cependant, que les patients homozygotes pour un certain allèle génétique (connu sous le nom d’UGT IAI *28) sont prédisposés à un risque plus élevé d’infection dû au nombre extrêmement faible de globules blancs constaté d’une à deux semaines après l’administration du médicament. Cela paraît une conséquence de la réduction de la transformation métabolique et de la réduction de la disposition d’irinotecan dans l’organisme, associées à la présence de l’allèle sur les deux chromosomes. Cette information génétique permet maintenant d’identifier les patients qui risquent moins une infection due à l’usage de doses conventionnelles d’irinotecan (c’est-à-dire ceux qui ne sont hétérozygotes que pour l’allèle ou qui n’en sont aucunement porteurs). Il se poursuit actuellement des études visant à évaluer l’efficacité de traitements du cancer chez des patients génétiquement choisis de façon à ce que la dose et la fréquence du traitement soit fonction de la présence ou de l’absence de l’allèle prédictif de la toxicité. Génétique et thérapie d’orientation 123 Glossaire Glossaire de la génétique Acide ribonucléique Il existe plusieurs types d'acide ribonucléique (ARN). L'ARN est le schéma prélevé de la matrice de l'ADN, qui sert à la construction d'amino-acides qui, à leur tour, déterminent la forme et la fonction des protéines. Adénine (A) Une des quatre bases, ou composantes de base, de l'ADN. Analogie d'adénine : L'adénine est l'une des quatre lettres du mot ADN. L'adénine (A), la guanine (G), la thymidine (T) et la cytidine (C) sont les quatre molécules de base formant l'ADN. La plus petite unité d'ADN consiste en une molécule de base, une de sucre et une de phosphate. Comme la molécule de l’ADN est à double hélice, chaque base doit être appariée à une autre base pour former les « barreaux de l’échelle » formant l’hélice. L’adénine est toujours appariée à la thymidine, et la guanine à la cytidine. Quand une cellule se prépare à se diviser, l’ADN déroule son hélice et chaque brin d’ADN paraît comme une série linéaire de codons (ACC, GTC, AAT, etc.) Chaque codon consiste en trois molécules de base qui forment le code relié à un aminoacide particulier (voir plus bas la définition de codon). La séquence de différentes combinaisons de codons sur les chromosomes détermine quels amino-acides seront incorporés dans des protéines particulières, dans un ordre précis. L’ADN détermine donc comment les protéines sont agencées pour les cellules de cette personne. ADN Acide désoxyribonucléique. Molécule qui encode l'information génétique. L'ADN est une molécule à double brin retenus ensemble par des liens situés entre les paires de bases des nucléotides. Il y a quatre bases dans l'ADN : l'adénine (A), la guanine (G), la cytosine (C) et la thymine (T). Généralement, A ne se lie qu'à T et C à G. Analogie de l'ADN : L'ADN est le matériel génétique. Il contient une recette des caractères d'un être humain. Si on peut considérer tout le matériel génétique comme l'ensemble des tomes d'une encyclopédie, l'ADN représente les mots de chaque page. Il n'y a que quatre « lettres » dans l'alphabet de l'ADN, mais à l'instar des 26 lettres de l'alphabet français, les lettres peuvent être rassemblées pour former des mots. Chacun des tomes de l'encyclopédie pourrait être considéré comme un chromosome. Glossaire 127 ADN mitochondrial Matériel génétique qu'on trouve dans les mitochondries. Celles-ci participent à la production d'énergie dans une cellule. Les mitochondries, et par conséquent l'ADN mitochondrial, ne sont héritées que de la mère. ADN poubelle Un meilleur terme que celui d'« ADN sans code ». Il s'agit de grandes étendues d'ADN qui ne s'encodent pas pour exprimer des amino-acides. Ils peuvent avoir des fonctions régulatrices, des fonctions structurales ou des fonctions qu'il reste peut-être encore à découvrir. Allèle Formes diverses d'un gène. Nous recevons deux copies de chaque gène: une de chaque parent. Certains gènes ont plus qu'une forme de caractère (les yeux bruns ou bleus, par exemple). On appelle allèles ces formes diverses de gènes. Analogie de l'allèle : les gènes sont comme des recettes de protéine. L'allèle serait une variation de cette recette. On pourrait avoir une recette de galettes d'avoine contenant deux variations : une avec raisin et l'autre sans raisin. Un gène de la couleur de la peau pourrait avoir deux variations: une avec taches de rousseur et l'autre sans taches de rousseur. Allèle dominant Allèle toujours exprimé, même en présence d'une seule copie. L'allèle de la maladie de Huntington, par exemple, est dominant, c'est-à-dire que vous aurez la maladie même si un seul des deux allèles a le gène défectueux. Aminoacide Il existe 20 amino-acides. Chacun d'eux est l'une des 20 sortes de blocs de construction formant les protéines. La forme et la fonction des protéines sont déterminées par la combinaison des aminoacides. C'est l'ordre des bases dans l'ADN, le code génétique, qui détermine quels amino-acides composent les protéines et dans quel ordre. Si les bases du nucléotide sont lettres de l'alphabet de l'ADN, chacun des codons (combinaison de trois nucléotides) est un mot. L'aminoacide est la signification du mot. L'ensemble des mots constitue une phrase, tout comme l'ensemble des amino-acides constitue une protéine. Anticipation Maladie génétique qui a tendance à s'aggraver et à se manifester plus tôt lorsque transmise de génération en génération. 128 Glossaire Apoptose Mort cellulaire programmée ARN de transfert (ARNt) ARN qui se sert de l'information de l'ARNm (ARN messager) pour disposer les amino-acides dans un ordre particulier, leur permettant d'être liés ensemble pour créer des protéines. ARN messager (ARNm) ARN fonctionnant comme plan de fabrication de séquences spécifiques d'amino-acides pour produire des protéines. Autosome Les humains ont 23 paires de chromosomes, soit un total de 46 chromosomes. Un autosome est l'un des 44 contenant de l'information génétique qui ne détermine pas le sexe. Il y a un total de 46 chromosomes : 44 autosomiques plus les deux chromosomes (X et Y). Base Une des molécules, ou blocs de construction, qui forment l'ADN et l'ARN. Les bases sont constituées d'adénine, de guanine, de cytosine et de thymine. Analogie de base : si le génome est l'encyclopédie contenant toute l'information nécessaire à la production d'un organisme, l'ADN est l'alphabet dans lequel l'encyclopédie est écrite. L'ADN est un alphabet de quatre lettres et chaque base est une de ces lettres. Bioinformatique Utilisation de techniques informatiques avancées permettant l'analyse de données génomiques. Blastocyste Le blastocyste est un embryon non encore implanté qui contient environ 150 cellules. Il s'agit d'une sphère creuse consistant en une couche de cellules externe qui se spécialisera pour devenir des tissus extra-embryonnaires, tels le placenta, le cordon ombilical et le sac amniotique, et en une masse de cellules interne qui se spécialiseront pour devenir l'embryon, puis le fœtus. C'est de la masse cellulaire interne d'un blastocyste que proviennent les cellules souches embryonnaires. Blastomère Le blastomère est toute cellule formant un jeune embryon, après la première division d'un ovule fécondé. Au stade de 8 cellules, par exemple, on peut prélever une seule cellule, un blastomère, pour un diagnostic préimplantatoire. On peut en outre séparer un blastomère à un stade précoce et chaque blastomère peut devenir un embryon distinct. Glossaire 129 Cancer Maladies comportant la division non réglée de cellules anormales du corps. Tout cancer est génétique, en ce sens que ce sont les mutations du gène qui règlent la division cellulaire sont la cause du cancer. Caractère complexe Plusieurs caractères et leur développement comportent l'expression de plus d'un gène. Beaucoup de gènes, en outre, interagissent avec l'environnement pour créer un caractère, considéré comme « complexe ». Catalyseur Un catalyseur est quelque chose qui accélère une réaction chimique. Les enzymes catalysent souvent des réactions chimiques. Cellule germinale Spermatozoïdes et ovules et leurs précurseurs. Ce sont les seules cellules qui contiennent 23 chromosomes au lieu de 46. Cellule somatique Toute cellule du corps, à l'exception des gamètes et de leur précurseurs. Cellule souche Cellule indifférenciée. On la trouve dans l'embryon, le tissu placentaire et la moelle osseuse. Comme les lignées de cellules souches les plus utiles proviennent d'embryons, la recherche à leur sujet est sujette à controverse. Cellule souche embryonnaire Cellule trouvée dans l'embryon qui peut se reproduire indéfiniment et se transformer en d'autres types de cellules. Chimère Organisme possédant des cellules de constitutions génétiques différentes. Ces organismes peuvent être transgéniques, c'est-à-dire porter des séquences de gènes de plus d'une espèce. Chromosome Structure cellulaire contenant la molécule d'ADN porteuse de gènes. Il y a 46 chromosomes dans le corps humain. Chaque personne reçoit 23 chromosomes de chaque parent : 22 chromosomes autosomes plus un chromosome X de la mère et un chromosome X ou X, déterminant du sexe du père. Chaque chromosome a deux bras. Le plus court est appelé « p », le plus long « q ». Analogie du chromosome: Le matériel génétique est organisé en structures appelées chromosomes. Si le matériel d'un individu est l'ensemble des tomes d'une encyclopédie, chaque chromosome est un tome de cet ensemble. Chaque chromosome contient de l'information différente de celle des autres chromosomes. 130 Glossaire Chromosome sexuel Chromosome X ou Y qui détermine, chez les êtres humains, le sexe d'un individu. Les femelles ont deux chromosomes X, tandis que les mâles ont un chromosome X et un Y. Ces chromosomes sexuels constituent la 23e paire chromosomique. Clone Copie exacte, ou presque, d'un segment d'ADN, d'une cellule complète ou d'un organisme entier. On a cloné des mammifères grâce au processus de transfert nucléaire. Dans la nature, le clonage se fait par segmentation du blastomère, lorsque, à un stade très précoce de développement, le blastomère se segmente pour former deux pré-embryons distincts et en voie de développement. On appelle ces clones jumeaux identiques. Codominance Il y a codominance lorsque deux allèles différents d'un caractère génétique sont exprimés tous les deux. Tel est le cas des allèles du groupe sanguin A et du groupe sanguin B. On dit alors que la personne est AB, vu l'expression du A et du B à la fois. Codon Séquences de trois codes de nucléotides (bases) des amino-acides. On appelle ces triplés des codons. Exemple : les codes ACC de triplés de l'aminoacide sérine. Les amino-acides forment à leur tour les protéines qui, à leur tour, développent et maintiennent un organisme particulier selon son code génétique. Analogie du codon : Si les nucléotides sont les lettres de l'alphabet de l'ADN, les codons en sont les mots. Chaque mot a une signification particulière, étant un aminoacide. Certains mots sont synonymes, étant codes du même aminoacide. Cytosine (C) Une des quatre bases, ou blocs de construction, de l'ADN. Délétion Perte d'une partie de l'ADN d'un chromosome. La perte peut être cause d'une maladie ou d'une anomalie menant à l'invalidité. Discrimination génétique Préjugé défavorable à l'égard des personnes qui sont atteintes d'une maladie génétique ou qui risquent de l'être. Dominant autosomique Gène sur des autosomes (chromosomes non sexuels) qui est toujours exprimé, même en la présence d'une seule copie. Exemple: l'allèle des yeux bruns est autosomal dominant. Si vous avez un gène d'yeux bruns et un de bleus, il en résultera des yeux bruns. Glossaire 131 Empreinte Changement non permanent dans un gène qui varie selon qu'il survient chez un mâle ou une femelle. En certains cas, la maladie particulière dont on hérite dépend si l'allèle est hérité de la mère ou du père. Un rejeton, par exemple, aura le syndrome de Prader-Willi ou celui d'Angleman selon que la partie manquante du chromosome 15 est héritée de la mère ou du père. Enzyme Protéine qui catalyse les réactions. Plusieurs des fonctions du corps humain sont des réactions chimiques (digestion, transmission de signaux le long des nerfs. Ces réactions chimiques se font très lentement (certaines d'entre elles pourraient prendre des années), à moins que soit présente une enzyme permettant d'accélérer, ou de catalyser, la réaction. L'enzyme appelée acétylcholinestérase, par exemple, catalyse (accélère) la décomposition du neurotransmetteur qu'est l'acétylcholine. L'acétylcholine est dégagée par les cellules nerveuses et reçue par les cellules musculaires, amenant celles-ci à se contracter. Si l'acétylcholine n'accélérait pas la décomposition de l'acétylcholine, tous vos muscles se contracteraient continuellement. Epigénétique Étude de la façon dont les facteurs environnementaux peuvent changer une fonction d'un gène sans changer la séquence du gène. Épistasie Interaction de gènes d'un endroit avec des gènes d'un autre endroit, affectant ainsi leur expression. Si un chien, par exemple, a le gène du poil brun, mais n'a pas le gène de l'expression de la couleur du poil, le poil brun ne sera pas exprimé. Eugénique Manipulation du patrimoine génétique par sélection artificielle ou ingénierie génétique, dans le but d'améliorer une espèce. Expression génique Processus grâce auquel la machinerie cellulaire convertit les instructions codées d'un gène en structures et opérations d'une cellule. Fingerprinting 132 Chaque génome est unique en son genre, par suite de l'accumulation, avec le temps, des mutations. La technique du fingerprinting (cartographie) consiste à fragmenter un ensemble de variations dues à la mutation chez quelqu'un afin de déterminer leur identification unique. Ce processus aide à déceler la présence d'un suspect sur le lieu d'un crime, à établir la paternité et à identifier les victimes d'accidents. Glossaire Gamète Cellule reproductrice mâle ou femelle dotée d'un complément entier de chromosomes (23). Gène Unité fondamentale de l'hérédité. Séquence ordonnées de bases (nucléotides) qui encodent des protéines spécifiques et les fonctions que rempliront celles-ci. Gène polygénique Caractère phénotypique créé par l'interaction de deux ou plusieurs gènes. Gènes réparateurs Gènes qui encodent les protéines qui ont pour fonction de corriger d'ADN les erreurs dans les séquences de bases de l'ADN. Gène suppresseur Gène qui supprime l'action d'un autre gène. Génétique Étude de la façon dont les gènes peuvent influencer le comportementale comportement. Génome Tout le matériel génétique d'une cellule individuelle d'un organisme. Génomique Étude des gènes, de leur origine et de leurs fonctions. Génotype Constitution génétique d'un organisme. Cela inclut les caractères que porte un organisme et ceux qu'il exprime. Ce terme s'oppose à celui de phénotype, qui se compose des caractères mesurables d'un organisme ou seulement des caractères qu'il exprime. Ligne germinale Maintien d'information génétique d'une génération à l'autre. Locus Position d'un gène particulier sur un chromosome. Maladie de Huntington La maladie de Huntington (MH) est une maladie neurodégénérative progressive et fatale qui se manifeste chez l'adulte âgé de 35 à 50 ans. Elle est héritée sous la forme d'un caractère dominant autosomique. L'individu qui possède l'allèle MH a 50 % de risque de le transmettre à un enfant. L'allèle MH provient de l'expansion d'une répétition multiple de trois bases (CAC) dans le gène. Les individus normaux ont jusqu'à 26 répétitions. tandis que ceux qui en ont 4 développeront probablement la MH. Il y a corrélation entre un nombre plus élevé de répétitions et une apparition plus précoce des symptômes. Glossaire 133 Maladie monogénique Dysfonctionnement causé par la mutation d'un seul gène. Maladie polygénique Maladie génétique qui repose sur l'action combinée d'allèles de plus d'un gène. Bien que ces maladies soient héréditaires, leur expression est plus complexe que celle des maladies monogéniques. Mutation Tout changement héréditaire d'une séquence de l'ADN. Nématode Ver microscopique qu'on trouve généralement dans le sol. Cet organisme à la structure simple (les nématodes se composent de moins de 1 000 cellules) est un modèle d'organisme utile à l'étude, par les scientifiques, de la génétique du développement. Nucléotide Sous-unité d'ADN ou d'ARN consistant en une base (A, C, T ou C), une molécule de phosphate et une molécule de sucre. Ces unités se joignent pour former la molécule d'ADN ou d'ARN. Oncogène Gène qui, lorsque muté, est associé à la manifestation du cancer. Beaucoup d'oncogènes jouent un rôle dans le contrôle du taux de la croissance cellulaire. Ovocyte Gamète femelle avant maturité. Paire de bases Deux des quatre bases tenues ensemble le long de la molécule d'ADN à double hélice. Les quatre bases sont l'adénine (A), la thymine (T), la cytosine (C) et la guanine (G). A se lie, ou s’apparie, toujours avec T et C se lie toujours C. Pedigree Arbre généalogique génétique montrant qu'un caractère ou une maladie génétique ont été transmis. Pénétrance Probabilité d'expression en cours d'un caractère génique ou génétique. La pénétrance complète signifie qu'un génotype particulier résulte en un phénotype particulier. La pénétrance incomplète signifie qu'un génotype particulier (tel celui de la polydactylie) n'est exprimé que dans une partie des individus possesseurs de ce génotype. Peptide Deux amino-acides ou plus joints ensemble. 134 Glossaire Pharmacogénomique Étude de l'interaction entre le profil génétique d'une personne et son interaction avec des médicaments particuliers. Phénotype Caractère mesurable (groupe sanguin, taille) déterminé ou influencé par l'expression d'un ou plusieurs gènes particuliers. Un organisme peut avoir le génotype des yeux bleus et bruns, tandis que seuls les bruns sont exprimés (les yeux bruns sont dominants autosomiques). Dans ce cas, le phénotype est celui des yeux bruns. Pluripotent Pouvoir d'une cellule souche de se développer, l'environnement, en plus d'un type de cellule mature, Porteur Personne qui a un caractère génétique récessif non exprimé. Exemple : une personne aux yeux bruns peut être porteuse du caractère des yeux bleus. Deux parents aux yeux bruns porteurs d'yeux bleus peuvent avoir un enfant aux yeux bleus. Promoteur Endroit d'un endroit du fragment d'ADN auquel la polymérase d'ARN se fixera et amorcera le processus de transcription, première étape de l'expression génique. Protéine Grande molécule faite d'amino-acides dans des séquences spécifiques déterminées par le gène correspondant. La protéine fournit la structure, la fonction et la régulation des cellules, des tissus et des organes. Prédisposition génétique Caractère génétique entraînant la sensibilité à certaines maladies. Ces maladies peuvent survenir ou non. selon Protéine La protéine fluorescente verte (GFP) est une protéine produite par fluorescente verte la méduse. La protéine CFI émet une fluorescence bleu-vert. Le gène de la GFP a été isolé et inséré dans les cellules d'autres organismes, dont la souris, le porc et le singe. On peut contrôler l'expression de certains des gènes de ces animaux transgéniques en examinant le motif de fluorescence de la GFP. Récessif Glossaire Gène qui ne sera exprimé que s'il y a deux copies du même allèle. (A noter : il ne faut qu'une copie pour les mâles sur les chromosomes sexuels.) Un allèle récessif ne sera exprimé que si l'organisme n'a pas, lui aussi, un allèle dominant. 135 Sélection artificielle Évolution causée par l'humain par l'entremise du choix et de la culture d'organismes spécifiques basés sur l'expression d'un caractère désiré. Exemple : Si un fermier veut cultiver des plus grosses tomates, il lui suffit de ne choisir et de ne planter que les graines de ses plus grosses tomates pour récolter des plus grosses tomates. Séquence conservée Une séquence des bases d'une molécule d'ADN demeurée essentiellement inchangée tout au long de l'évolution. On peut trouver une séquence conservée dans un organisme tel qu'un escargot et dans un autre, tel qu’un être humain, toutes étant identiques ou très similaires. Séquence régulatrice Séquence d'ADN qui règle l'expression génique. Technologie d'ADN recombinante Procédé consistant à couper les gènes de différents organismes à l'extérieur de la structure, puis à insérer la séquence modifiée dans une cellule où elle pourra se reproduire. Télomère Extrémité d'un chromosome. Les télomères servent à la reproduction et à la stabilité des molécules d'ADN. On croit, par conséquent, qu'ils participent au processus du vieillissement. Thymine (T) L'une des quatre bases, ou blocs de construction, de la séquence d'ADN. Totipotent Chez le mammifère, les cellules totipotentes ont le pouvoir de se différencier dans toutes les cellules de l'organisme adulte, tout comme toutes les cellules extra-embryonnaires. Transcription Création d'une copie ARN d'ADN qui peut servir à diriger la liaison mutuelle des amino-acides, créant ainsi une protéine. Transfert nucléaire Procédé consistant à retirer le noyau d'une cellule, pour le placer dans un ovocyte, qui utilise alors la nouvelle information génétique pour développer un nouvel organisme. C'est ainsi qu'on a réalisé le clonage chez les mammifères. Transgénique Organisme produit par expérimentation où l'on a ajouté des séquences génétiques à la ligne germinale. L'ANDi est un bon exemple d'organisme transgénique. Zygote Résultat de la fécondation d'un ovule avec un spermatozoïde. 136 Glossaire Annexes Annexe A L’Église anglicane et les questions de bioéthique La Communion anglicane et l’Église anglicane du Canada font rarement une déclaration officielle qu’on puisse appeler « la position officielle de l’Église anglicane » au sujet de questions d’éthique. Diverses conversations, déclarations et ressources peuvent néanmoins aider à comprendre ce que pensent les Anglicans, à l’échelle locale comme mondiale, d’un large éventail de questions sur lesquelles ils se sont penchés pour y réfléchir avec clarté et intégrité. Les déclarations ci-dessous représentent un échantillon de ce qu’ont dit des Anglicans sur la bioéthique, la technologie génétique et la foi. I. Ce que nous avons déjà dit La Communion anglicane s’intéresse aux questions entourant la vie humaine et à la bioéthique depuis au moins les années 1930. La Conférence de Lambeth de 1938, par exemple, déclarait « son horreur de la pratique immorale de l’avortement ». Cette déclaration montre où en était l’état d’esprit de l’Église à l’époque. Elle n’a pas empêché de poursuivre la réflexion et les débats sur le sujet. Les progrès technologies accomplis depuis ont rendu plus complexes les problèmes posés par le début et la fin de la vie humaine. La Conférence Lambeth de 1978 a reconnu sa conscience de ces changements et réclamé des études permettant de « souligner le caractère sacré de toute vie humaine, les questions d’ordre moral rattachées à l’avortement clinique et les implications éventuelles de l’ingénierie génétique. » L’archevêque de Canterbury Rowan Williams a fait plus récemment des commentaires sur la question du traitement de l’embryon dans la recherche scientifique. « [Des chrétiens] », affirmait l’archevêque, « s’interrogent sérieusement sur le statut de l’embryon humain et sur le cadre éthique dans lequel se situe la recherche scientifique… la science ne pourra jamais, nous dire d’elle-même ce qui est bien : elle ne peut nous dire que ce qui est possible. Et malgré ce que des gens disent dans ce débat, il y a vraiment une différence entre ce qui est possible et ce qui est bien ». L’Église anglicane du Canada a également fait des déclarations à l’encontre du mauvais usage d’embryons excédentaires » créés par des procédés de FIV. La création d’embryons à des seules fins d’expérimentation, a observé l’Église, est « moralement répugnante », car on y traite l’enfant à naître comme un « objet pour consommation adulte » Annexes 139 Les organismes et les aliments génétiquement modifiés font aussi l’objet de discussions au sein de l’Église anglicane du Canada depuis les dernières années 1980; on s’inquiétait de l’insuffisance des tests et de l’injustice économique à l’égard des fermiers, tant locaux qu’internationaux. II. Quelles sont nos ressources théologiques? La discussion des questions de foi et de génétique aboutit à une grande question : « Que signifie être créé à l’image de Dieu? » Il y a des décisions à prendre, non seulement sur la nature et le contenu de la vie humaine, mais aussi sur le rôle qu’assument les créatures porteuses de l’image dans le reste de la création et à son égard. Sommes-nous en train de « chambarder l’ordre de la création » en manipulant des processus génétiques et de croissance? Nous préoccupons-nous d’amener « l’année du jubilé » au reste de l’ordre créé? Beaucoup d’anglicans sont persuadés que « l’image » que nous portons trouve sa source dans le Dieu trinitaire et qu’à ses racines, la vocation humaine consiste à rappeler à l’ordre créé sa plus grande joie, qui est d’adorer Dieu en esprit et en vérité. Ce Dieu fidèle s’est incarné en Jésus Christ pour délivrer la Création du péché. L’incarnation du Verbe nous encourage à faire un usage approprié des techniques génétiques et des autres avancées scientifiques. (Merci à Rob Walker pour ses recherches et sa rédaction de l’annexe) 140 Annexes Annexe B Positions de l’Église réformée chrétienne (CRC) sur les techniques génétiques et sur d’autres aspects pertinents de la biotechnologie et de la bioéthique Compilation de James J. Rusthoven, représentant de la CRC, Groupe consultatif sur la biotechnologie, Conseil canadien des Églises Tirée du site Web de la CRC, au chapitre de ses croyances et de ses positions au sujet des questions de la vie. Positions affirmées par l’Église réformée chrétienne au sujet des questions éthiques et théologiques suscitées par la bioscience et l’ingénierie génétique Introduction Au fil du temps, l’Église réformée chrétienne a fait part de ses positions sur divers sujets d’actualité. On trouvera ici un résumé des positions doctrinales et éthiques de la confession déclarées par les synodes, avec les années, au sujet de la bioscience et de l’ingénierie génétique. Le présent résumé offre des descriptions précises et concises des positions de la CRC. Pour consulter les rapports intégraux et les déclarations exactes de la position de la confession sur une question particulière, le lecteur peut se reporter aux références citées. Le matériel a été mis à jour en fonction des décisions du Synode 2011. Déclaration générale sur le rapport entre les décisions synodales et les confessions religieuses C’est le Synode 1973 qui a institué un Comité sur les décisions synodales et les confessions. Son mandat comportait deux tâches : (1) compiler de la documentation pour une publication contenant les décisions synodales pertinentes sur des sujets doctrinaux et éthiques et (2) présenter une déclaration claire sur le rapport entre les décisions synodales et les confessions. Le Synode 1975 a approuvé par la suite la version originale de la documentation sur le sujet qui nous occupe et adopté les recommandations suivantes du comité d’étude sur le rapport entre les décisions synodales les confessions : 1) Les Confessions réformées sont tributaires des Écritures, elles sont reconnues comme l’interprétation de cette Parole et lient toutes les autorités et tous les membres confesseurs de l’Église. Annexes 141 2) Les déclarations synodiques sur les sujets doctrinaux et éthiques sont subordonnées aux confessions et sont considérées comme « examinées, réglées et contraignantes », sauf s’il est prouvé qu’elles entrent en conflit avec le Verbe de Dieu ou la constitution de l’Église » (Art. 29). Tous les officiers et les membres sont censés se conformer à ces décisions. 3) Les confessions et les déclarations synodiques diffèrent quant à leur champ d’autorité, à la nature de leur autorité, à la distinction de leurs objectifs, au degré d’accord attendu et à leur mise en application et à leur fonction. 4) La mise en application et la fonction des décisions synodiques (interprétation des confessions, déclarations extérieures aux confessions, arbitrage au sujet d’une question particulière, témoignage, lignes directrices pour étude ou action futures ou conseils pastoraux) sont explicitement ou implicitement indiquées par le libellé même de la décision particulière. Pour consulter le rapport intégral du Comité de 1975 et la réponse du synode, voir Acts of Synod 1975, pages 44-45 et 595-604. Étude des questions éthiques et théologiques sur la bioscience et l’ingénierie génétique En réponse à des ouvertures sur des questions touchant à l’avortement et à la grossesse, de même qu’à des questions éthiques et théologiques du domaine de la bioscience et de l’ingénierie génétique, le Synode 1999 a confié pour mandat à un comité d’étude « d’examiné les questions d’ordre biblique/théologique/éthique soulevées par les récentes capacités et les récentes découvertes en bioscience et en ingénierie génétique (Actes du Synode 1999, p. 578). Le comité a fait rapport au Synode 2003, proposant des lignes directrices concernant les questions de vie soulevées par les nouvelles biotechnologies, dont l’ingénierie génétique. Le Synode a recommandé le rapport du comité aux Églises pour étude et réflexion, encourageant les membres « à inciter les agences gouvernementales à mettre en œuvre des politiques conformes aux préceptes directeurs adoptés par le synode et énoncés dans le rapport » (Actes du Synode 2003, p. 644). 142 Annexes Le document A summary of the guidelines for pastoral advice concerning life issues a été publié comme suit (Actes du Synode 2003, p. 632-35, 639, 643-44, à www.crcna.org/pages/synodical.cfm): Nous ne devons pas recommander des règlements qui lient la conscience en matière de sujets contestables. Agir ainsi serait violer la liberté personnelle chrétienne. Nous ne devrions plutôt prescrire que si la volonté de Dieu est claire. Or, il est clair, selon les Écritures, que tout être humain est créé à l’image de Dieu et précieux à Ses yeux. Il faut garder la procréation dans le contexte de la relation conventionnelle mâlefemelle et biparentale du mariage. Bien qu’il convienne que des couples mariés désirent avoir des enfants, et que ce soir une bénédiction d’en avoir, il y a des limites à ce que peut faire un couple pour en avoir. L’infertilité est une conséquence de la chute, situation que nous pourrions essayer de renverser, mais seulement par des moyens moralement acceptables. Quoique les Écritures ne nous enseignent pas explicitement quelle protection morale mérite l’embryon, il est explicitement clair qu’en tant que vie humaine unique, il justifie une sérieuse protection humaine. Étant donné l’abominable nature du viol et la situation complexe où se retrouve sa victime, elle n’est pas nécessairement coupable si elle prend la pilule du lendemain. Le ministère, en pareilles circonstances, devrait privilégier la compassion à l’égard de la femme. On trouvera dans l’Agenda du Synode 2003, p. 275-313 une discussion poussée de la preuve et des positions concernant le contexte d’une gamme étendue de questions sur la procréation et les questions de génétiques abordées par le comité d’étude. Comme il y a eu un rapport majoritaire et un minoritaire, les principaux points de l’approbation et du rejet finals de leurs points sont abordés dans les Actes du Synode 2003, p. 632-35, 639, 643-44. Les lignes directrices finales furent principalement dégagées d’un ensemble de recommandations antérieures tirées du rapport majoritaire du comité d’étude. Certaines recommandations ne furent toutefois pas approuvées, tels 1) une déclaration plus explicite concernant la nécessité de ne créer des embryons humains in vitro que lorsque chaque embryon ainsi créé à l’occasion d’être implanté et 2) une déclaration condamnant comme moralement mauvaise la destruction intentionnelle d’un embryon, sauf s’il s’agit de sauver la vie de la mère après l’implantation. Annexes 143 Ces omissions dans les lignes directrices, de même que la nature plus générale des lignes directrices finales, reflètent d’importantes divergences de points de vue chez les membres du comité sur beaucoup de ces questions. Il s’ensuit qu’ils sont également susceptibles de refléter l’hétérogénéité qui existe chez les membres des confessions quant à bien des questions de vie. Notre confession continue de réfléchir sur ces questions par divers moyens, dont les publications confessionnelles, sollicitées ou non, à l’aide desquelles les membres des confessions peuvent réaliser leur engagement à se tenir informés et à maintenir de telles discussions bien vivantes et opportunes. 144 Annexes Annexe C Annexe des Églises orthodoxes au programme éducatif Foi et génétique 1. Toutes les discussions lourdes d’importance des Orthodoxes suscitées par le présent programme éducatif doivent s’appuyer sur l’anthropologie fondamentalement « théocentrique » de l’Orthodoxie. 2. Il faut commencer par poser les questions fondamentales sur ce que signifie être une personne humaine. Selon l’interprétation de l’Église orthodoxe, ce qui « définit » la personne humaine, c’est qu’elle a été créée par Dieu à son image,1 qui est indélébile. Malgré cette noble origine, l’être humain vit, en un sens bien réel, la réalité d’une « déchéance », de par sa rencontre quotidienne avec péché, la maladie, la souffrance et la mort.2 3. Dieu, en vertu de son amour infini de toute la race humaine,3 donne à l’être humain un moyen de se tirer du dilemme de sa déchéance. Par la vie, la mort, la passion, la résurrection et l’ascension de Jésus, son fils bien-aimé (« pareil à nous en toutes choses, sauf le péché » 4), Dieu annonce l’imminence de son Royaume,5 nous parle avec les mots de la vie,6 nous visite et nous rachète7 dans les moments sombres de notre vie présente8 et nous mande de commencer à vivre une vie nouvelle et éternelle,9 en tant que ses fils et ses filles,10 au sein d’une création vraiment nouvelle.11 Pour atteindre ce but, Dieu nous accorde le pouvoir d’être façonnés à nouveau à l’image du Christ12 en répandant son Esprit Saint sur 1 Genèse 1.27. La création de l’humanité est perçue comme l’œuvre de Dieu la Trinité sainte. L’image selon laquelle les humains ont été formés en création est celle du Logos-Fils de Dieu préincarné qui est la parfaite image de son Père (Colossiens 1.15). L’ « agent » de Dieu dans l’accomplissement de la création « à l’image » est l’Esprit ou « souffle » de Dieu que Dieu « souffla dans les narines (d’Adam)» de sorte qu’il « devint un être vivant » (Genèse 2.7). 2 Voir Ésaïe 35.10b LXX cité dans la prière funèbre du rite byzantin « Ô Dieu des esprits et de toute chair…» 3 Hébreux 4.15 4 Hébreux 4.15 5 Marc 1.15 6 1 Jean 1,1 et 1.4 7 Luc 1.68b 8 Luc 1.79a 9 Jean 17.3 10 Jean 1.12 et Galates 3.26 11 2 Corinthiens 5.17 et Apocalypse (Révélation) 21.5 12 1 Corinthiens 15.49 Annexes 145 nous et sur l’ensemble de la création.13 4. Au long de notre pèlerinage vers notre transformation en « créatures nouvelles dans le Christ,14 Dieu nous appelle a) À mener des vies de renonciation et de lutte ascétique, portant tous les jours notre croix15 b) À apprendre à aimer et à servir tous les membres de la famille humaine de Dieu 16 c) À approfondir sans cesse notre amitié17 avec nos sœurs et frères dans le seul Corps du Christ.18 5. Compte tenu des facteurs mentionnés ci-dessus (points 2 à 4), il faudra se pencher plus spécifiquement, dans une perspective chrétienne orthodoxe, sur un certain nombre de questions soulevées par le présent programme éducatif. Il faut que les communautés orthodoxes qui utiliseront ce programme soient au courant de ces questions et que leurs discussions à cet effet soient, dans la mesure du possible, dans un phronema19 (état d’esprit) orthodoxe (voir points 6 à 10 ci-dessous). 6. Au sujet du renvoi au point 2 ci-dessus, la tradition patristique discerne une nette corrélation entre la création de l’humanité « à l’image » et la capacité de la personne humaine à user de sa liberté de choix (même dans ce visible état de déchéance). « Étant à l’image et à la ressemblance… du Pouvoir qui régit toutes choses », observe Grégoire de Nysse dans son traité De la virginité, [l’humanité] a également conservé, de par son libre arbitre, cette ressemblance à Celui dont la volonté est souveraine. »20 L’Enfant prodigue21 (objet bien-aimé de la réflexion orthodoxe chaque année dans la période pré-carême), tout en vivant littéralement dans une véritable porcherie de dégradation et de désespoir, a pu « rentrer en lui- même » et décider librement de « se lever et d’aller vers [son] père ».22 13 Joël 2.28-29, cité dans Actes 2.17 Galates 6.15 15 Mattheu 16.24 16 Matthieu 5.43-44 et 25.40 17 Koinônía (« communion ») 18 1 Corinthiens 10.16-17 19 « état d’esprit » 20 (Saint) Grégoire de Nyssa : De la virginité, chapitre 12;, en ligne : www.newadvent.org/fathers/2907.htm . 21 Luc 15.11-32 22 Luc 15.17-18 14 146 Annexes De ce point de vue, l’anthropologie orthodoxe demeure critique de tout déterminisme absolu et réagit vigoureusement contre les opinions contemporaines telles celles que rapporte le sociologue Alex Mauron, selon qui « le génome est construit sur le noyau dur de notre être… l’équivalent séculier de l’âme. » 23 7. La création à l’image et à la ressemblance de Dieu (point 2) amène également la théologie orthodoxe à voir dans la vie humaine un « don sacré »24 librement accordé à chacun de nous, à nos familles et la grande communauté humaine par un Dieu d’amour philánthropos25 (point 3 ci-dessus). C’est ce point de vue théocentrique (et communautariste) qui conditionnera les attitudes orthodoxes à l’égard d’une pléthore de questions morales que la société tend à voir plus ou moins comme une chute dans le cadre du sujet humain autonome (diagnostic prénatal, recours aux nouvelles technologies reproductrices, avortement, suicide assisté, euthanasie, etc.). Les attitudes à l’égard de la vie des actuels ou potentiels « enfants avec des besoins particuliers » (que ce soit avant leur conception, durant leur gestation ou après leur naissance) doivent être nourries dans une perspective selon laquelle chaque enfant, si « imparfait » qu’il puisse paraître (génétiquement ou autrement), est un don Dieu et possède, par conséquent, la capacité d’aimer et d’être aimé. 8. Le fait d’être affligé d’un handicap permanent (et limitatif de la vie) impose, sans aucun doute. d’énormes fardeaux et bien des difficultés à la personne atteinte, tout comme à ses parents, à sa famille et aux autres qui en prennent soin. Chercher à éviter de tels fardeaux peut ne susciter, à première vue, rien d’autre qu’une réaction humaine normale et tout à fait compréhensible. Les chrétiens orthodoxes qui songent à recourir à l’une ou l’autre des « nouvelles technologies » moralement contestables (diagnostic prénatal pour avortement de fœtus atteints de troubles génétiques, par exemple) feraient bien de garder à l’esprit l’entière dimension esthétique de la chrétienté orthodoxe traditionnelle et d’y réfléchir. Comme nous y avons fait allusion au point 4 (a), nous croyons que le Christ nous a enjoint de « nous renoncer » et de « porter notre croix »26 si nous voulons le suivre et devenir ses vrais disciples. De ce point de vue, l’invalidité et son corollaire qu’est la souffrance, embrassées pour l’amour de Dieu et en 23 Tel que cité, pour fins de discussion, dans l’introduction au chapitre théologique « Génétique, foi et dignité » du programme éducatif. 24 Cf. R.P. John Breck: The Sacred Gift of Life: Orthodox Christianity and Bioethics (Crestwood, NY: SVS Press, 1998) 25 Voir note 3 ci-dessus 26 Matthieu 16.24 et parallèles Annexes 147 témoignage de l’évangile, peuvent devenir un chemin vers le Royaume pour les invalides tout comme pour leur entourage. 9. L’appui communautaire (financier, matériel, instrumental et moral) aux personnes et pour les familles vivant des maladies (génétiques ou acquises) peut grandement faciliter l’allègement des fardeaux que portent ces personnes et leurs aides.27 Il serait à espérer que les communautés chrétiennes, particulièrement, se sentent un engagement à l’égard de ceux qui, dans leur milieu, sont aux prises avec une maladie chronique affligeant eux ou des membres de leurs familles. Bien que la plupart des cultures orthodoxes traditionnelles aient souligné le bien-fondé de l’aide de la communauté à ceux du cadre de la famille élargie ou du village, il arrive souvent que ces forces n’arrivent pas à se transporter dans la vie communautaire de la paroisse orthodoxe moyenne de l’Amérique du Nord. 10. Bien des chrétiens orthodoxes clameront que des scientifiques font certaines avances « futuristes » en technologie génétique et reproductrice qui semblent une « usurpation de la prérogative divine » Nous devrions réfléchir, à ce sujet (et en conclusion de cette annexe Orthodoxe) à ces mots du chapitre du programme intitulé « Génétique, foi et dignité humaine : « Cette expression [usurpation de la prérogative divine] reflète peut-être l’opinion selon laquelle nous ne sommes pas destinés à faire certaines choses, même si nous les faisons. . . Nous sommes peut-être censés penser à la sorte de monde où nous voulons vivre et nous servir de nos connaissances d’une façon modeste et intelligente à cette fin [rendre service à l’humanité]. . . Tout enrichissement de nos connaissances, combiné à l’amélioration de nos aptitudes à nous servir de ces connaissances, entraîne l’augmentation de notre responsabilité morale. L’Archiprêtre Cyprian (Robert) Hutcheon, MD, PhD (Théologie), FRCP(C) Août 2012 Annexe D L’Église presbytérienne du Canada L’Église presbytérienne du Canada affirme que la règle de sa foi et de sa vie repose sur les Écritures de l’Ancien et du Nouveau testaments, qui sont la norme en fonction de laquelle est évalué et mis à l’épreuve l’ensemble des doctrines, politiques et 27 Voir points 4(b) et 4(c) ci-dessus 148 Annexes déclarations de l’Église. Elle affirme également que se révèle, dans les pages du verbe écrit, la nature du Dieu qui était dans le Christ. À la lumière de cette révélation, l’Église formule sa doctrine, dont certaines parties répondent directement aux préoccupations formulées dans le programme éducatif sur la génétique, En voici quelques-unes. Souveraineté de Dieu Les Écritures rendent témoignage à un Dieu souverain, créateur et le soutien de tout ce qui existe. Créés pour vivre en conformité de la volonté souveraine de Dieu, nous sommes appelés à refléter, dans toutes nos activités, l’activité créatrice, aimante et secourable de Dieu. Intendance Nous avons reçu pour mandat de vivre devant notre Créateur en intendants de ce qui a été confié à nos soins. Nous intervenons donc dans l’ordre naturel et y donnons forme, afin de protéger, de soutenir et de promouvoir la vie. La vie est un don de Dieu, don que nous sommes appelés à préserver. Il se révèle dans ce processus de la création, l’activité secourable d’un Dieu aimant, un Dieu qui a pour volonté de surmonter tout ce qui affecte ou détruit cette plénitude de la vie qu’il veut pour sa création. (1) L’image de Dieu Intendants de la création de Dieu et serviteurs de ses desseins, nous sommes créés à son image et à sa ressemblance. (2) Cela signifie que nous avons été créés avec une intelligence permettant de découvrir et de comprendre les mécanismes de l’ordre naturel. Nous pouvons ainsi, grâce à une activité progressivement créatrice, assumer une intendance responsable de l’ordre créé et assumer la responsabilité de la vie du prochain, vie qui a été confiée à nos soins. Par notre intelligence, notre sens des responsabilités, nous reflétons en nous l’image de Dieu. Dignité humaine L’image de Dieu à laquelle nous sommes créés reflète une relation inévitable avec notre Créateur dont découle notre dignité. La dignité humaine est donc une dignité étrangère. Elle reflète l’appréciation par Dieu de l’humanité de sa création et représente donc une dignité à affirmer et à honorer. Le service à Dieu exige donc que le souci de Dieu à l’égard du bien-être de tous se reflète dans nos relations avec notre prochain, où qu’il soit. Déshonorer la dignité humaine, c’est déshonorer Dieu. Dieu a en outre conféré à l’humanité la capacité de participer de la nature divine, en vertu de l’aptitude à connaître le créateur et à communiquer avec Lui et de refléter dans Annexes 149 le monde la nature même des qualités du Créateur. C’est également là l’affirmation de l’humain par Dieu et c’est là la bénédiction dont consiste l’humanité. (3) C’est aussi en cela qu’est conférée et affirmée la dignité humaine. Être humain, c’est donc être investi de l’image de Dieu, c’est refléter cette image et vivre en relation avec lui. C’est aussi vivre en communauté. Tout comme nous sommes pour vivre en relation avec Dieu, nous sommes créés pour vivre en relation avec autrui. C’est de la réalisation de notre rencontre avec autrui que découle notre réponse à la question de savoir ce que signifie être humain. C’est par la relation que notre humanité est affirmée et réalisée ou niée et pervertie. Le péché Les Écritures affirment que notre relation avec le Créateur et avec notre prochain est entachée par le péché, lequel découle de notre éloignement de Dieu. (4) Cela signifie que notre relation avec Dieu et avec notre prochain sera toujours inférieure à ce qu’elle pourrait être, devrait être ou est destinée à être. Nous sommes individuellement et collectivement confrontés au pouvoir du péché et à ses conséquences désastreuses, tout en luttant pour vivre créative ment, pacifiquement et équitablement. La grâce de Dieu Les écritures affirment que le pouvoir destructeur du péché est contrecarré par la grâce de Dieu, qui opère efficacement dans la vie de la foi par l’entremise du Saint Esprit. La grâce représente la faveur de Dieu et la présence de la vie de Dieu dans notre vie qui réalise cette réconciliation, cette guérison, cette plénitude et cette paix qui sont notre humaine nécessité. Jésus le Christ La vie nouvelle est la promesse que Dieu a proclamée en la personne, la mort et la résurrection de Jésus le Christ. Nous recevons par lui le pardon de nos péchés. La vie nouvelle dans le Christ indique donc le renouvellement et la plénitude de la vie dans un Royaume de Dieu pleinement réalisé. C’est sur cette « eschatologie réalisée » que repose l’espérance chrétienne. (5) Justice Les Écritures témoignent d’un Dieu qui réclame la justice. (6) C’est-à-dire que Dieu recherche pour son peuple un monde qui reflète partout les qualités constituant sa nature : équité, souci, compassion et miséricorde. (7) La justice est dont la norme des relations humaines de Dieu et établit, par conséquent, le cadre où évoluent ces 150 Annexes relations. C’est dans l’exercice de la justice que se façonne et se réalise le commandement d’aimer son prochain. (8) La justice est liée à l’affirmation et à la protection de la dignité humaine (9). Cela veut dire que la justice s’oppose à tout ce qui diminue ou attaque la valeur que Dieu a conférée à sa création. La justice défend le droit du peuple de Dieu d’être humain et son droit à la vie qui est le don du Créateur. Elle rend aussi témoignage à la revendication d’un Créateur souverain à la vie de sa création (10). La justice de Dieu exige que la vie qu’il désire pour sa création soit sauvegardée, afin que son peuple puisse vivre pour sa gloire et sa louange (11). La vérité Les Écritures nous somment de rechercher la vérité et de vivre dans la vérité, Il faut donc nous ouvrir aux vérités et aux intuitions de l’intelligence et de la science humaines. Nous sommes appelés à mettre nos connaissances et nos talents au service du bien commun et en tant qu’expression de nos préoccupations à l’égard de la vie confiée à nos soins. (12) Nous sommes de même appelés à nous abstenir de nous servir de nos connaissances et de nos aptitudes scientifiques et technologiques lorsqu’elles peuvent être cause de grands maux ou qu’elles reflètent la recherche d’intérêts particuliers aux dépens de ceux du grand nombre. (13) Ce genre d’activité détruit la communauté au sein de laquelle nous sommes appelés à vivre pour l’amour de notre humanité et constitue une attaque contre le droit à la vie qu’a voulu pour nous notre Créateur. C’est à la lumière du témoignage des Écritures et de l’expression de sa foi reflétée cidessus que l’Église presbytérienne du Canada a déclaré sa position sur certains aspects de la génétique et formulé une réponse, inspirée de sa foi, à l’évolution de la biotechnologie. En 1974, l’Église faisait part de ses préoccupations à l’égard des applications possibles de l’ingénierie biologique, et demandait de formuler des politiques et principes en fonction desquelles on puisse les évaluer. En 1979, elle adoptait une étude préliminaire sur l’ingénierie génétique et le sens de la vie humaine. (14) L’étude était axée sur trois domaines : les procédures et les objectifs de la science et de la technologie de la génétique, les dangers inhérents au recours à la technologie rendue possible grâce aux progrès de la génétique et la vision qui devrait guider la recherche génétique et ses applications technologiques. En ce qui concerne les objectifs de la science et de la technologie génétiques, l’étude distingue ce qui, de l’avis des auteurs, constitue les hypothèses sur lesquelles se fonde cette entreprise. L’une veut que l’application de la technologie génétique puisse Annexes 151 améliorer la qualité de vie humaine. Une deuxième veut que la compréhension de sa constitution biologique puisse permettre de vérifier la nature de l’humanité. Une troisième, enfin veut qu’on puisse parvenir à la complétude de l’être humain par l’entremise d’une intervention biomédicale « capable de stabiliser et de rendre dominantes les tendances comportementales négatives et primitives. » (15) L’étude conclut que la science et de la technologiques ont pour objectif fondamental l’intervention, le changement et le contrôle de la reproduction, dans le but de créé une humanité nouvelle. L’étude maintient également que les avancées en science et en technologie génétiques comportent certains dangers. On affirme que si l’entreprise de la génétique repose sur une conception erronée de ce qui constitue l’humanité, elle risque de dépersonnaliser le sujet humain. On ne peut déterminer la nature de l’humanité d’un seul point de vue biologique. Une conception bien étayée de l’humain relève aussi de l’appréciation du mystère de la dimension spirituelle de sa création et de sa difficile situation dans le monde, deux éléments que la science ne peut résoudre à fond. L’impossibilité de reconnaître des limites à leur compréhension et à leur aptitude à recréer le nouvel humain et à perfectionner la vie humaine peut conduire le spécialiste en génétique ou en ingénierie biologique à ressentir un orgueil qui l’amène à ne sentir qu’à l’égard de son propre intérêt ou de ses seules volontés. Cet état de choses entraîne la probabilité que la génétique devienne la servante des intérêts pragmatiques d’une mentalité technologique « qui a tendance à jauger la valeur humaine en fonction de son utilité et de ses aptitudes sociales. » (16) La déclaration propose que l’Église adopte, comme attitude envers l’avancement actuel de la révolution biologique actuelle en général et de l’ingénierie génétique en particulier, celle d’un « réalisme chrétien » qui mette en garde contre la tentative de rechercher une humanité transformée par l’entremise de la seule manipulation d’attributs génétiques. La science et la technologie ne peuvent produire, à elles seules, une condition humaine exempte du pouvoir destructeur d’un péché « qui empiète même sur nos meilleurs efforts, », (17) un péché qui résulte de la séparation entre la créature et son créateur et qui, en dernier ressort, est vaincu par l’intermédiaire de Jésus le Christ. Pour reprendre les mots de l’étude : « Le dessein de Dieu en Jésus-Christ est moral et spirituel. Il puise ses racines en nous par la création d’une « personne nouvelle », et non par l’amélioration de nos attributs génétiques. » (18) Tout en mettant en garde contre l’acceptation sans réserves de la recherche génétique, toutefois, la déclaration en affirme la légitimité. Cette recherche, en effet, donne lieu à une aptitude croissante à saisir la nature des gènes défectueux. Cette compréhension aide à son tour le chercheur à apporter des réponses qui aident au soulagement de la souffrance 152 Annexes humaine. L’étude a également soulevé plusieurs questions sur lesquelles l’Église doit réfléchir, en ce moment où elle s’efforce de formuler une réponse à l’évolution de la science et de la technologie génétiques. Que signifie être humain? Quel modèle de l’humanité guiderait l’entreprise de création de la nouvelle humanité? Quel serait le coût de la séparation entre la sexualité humaine et l’amour procréatif que comporte le clonage? Quels sont les coûts et les avantages de la poursuite de la recherche génétique, étant donné la pression des besoins sociaux et la limitation des ressources? On a élaboré davantage sur les perspectives, les préoccupations et les questions soulevées par cette étude dans une déclaration sur l’ingénierie génétique acceptée en 1989. (19) La déclaration affirme le besoin de formuler des critères permettant à la fois de bien évaluer les dilemmes éthiques posés par les avancées actuelles de l’ingénierie génétique et de la technologie génétique et d’y répondre. La déclaration énonce ensuite un certain nombre de principes qui devraient guider à la fois cette évaluation et cette réponse. Intendance L’étude demande d’accepter les nouvelles connaissances et les intuitions et découvertes scientifiques comme des outils permettant une meilleure compréhension du monde naturel et « les particularités de nos temps ». Il faut se servir de ces connaissances et de cette compréhension pour remplir le mandat biblique, confié à l’humanité, de se faire le fidèle intendant de l’ordre créé. Égalité On affirme, dans la déclaration, qu’aucun sexe, race ou groupe n’a plus grande valeur qu’un autre. Cela signifie que la sélection des gènes ne devrait pas servir à tâcher de donner une plus grande valeur à une vie qu’à l’autre aux yeux de la société. Le procédé ne devrait pas servir à choisir certains caractères génétiques qu’on juge désirable de transmettre aux enfants. ni à éliminer d’autres jugés moins désirables. La thérapie génique ne devrait pas servir à bénéficier à un segment de la société plutôt qu’à un autre. De même, l’épissage génétique ne devrait pas servir à créer une forme de vie au profit de quelques-uns. Dignité L’ingénierie et la technologie génétiques doivent servir à protéger et à célébrer la dignité de la création de Dieu. Technologie reproductrice Annexes 153 La déclaration s’oppose au recours à la sélection du sexe comme moyen de régulation de la reproduction. Droits humains On doit protéger les droits et les libertés de tous. Le dépistage génétique doit donc être volontaire et le dépistage génétique systématique de tout groupe social ou racial est à éviter. Counselling pastoral L’Église doit se tenir au courant des progrès de l’ingénierie génétique afin de pouvoir offrir des services de counselling et d’orientation à ceux qui sont aux prises avec des problèmes relatifs aux maladies génétiques touchant eux-mêmes ou leurs enfants. Recherche sur l’embryon Selon les recommandations de l’Église, « la recherche embryonnaire sur la correction des maladies génétiques faisant usage de tissu cultivé par fécondation in vitro ne doit se faire que conformément à des lignes directrices gouvernementales qui ne permettent pas l’utilisation inconsidérée d’embryons fécondés, mais encouragent le développement de lignées en culture cellulaire provenant de matériel fœtale qui accomplira la même tâche. »” (20) L’Église a adopté, en 2000, une étude sur le clonage humain visant un certain nombre de questions soulevées par les progrès actuels de la science et de la technologie génétiques, tels que la recherche sur les cellules souches, la thérapie par gène somatique et la recherche sur le dépistage génétique. On s’est aussi demandé quelle relation devrait exister entre les espèces humaines et non humaines et dans quelle mesure nous sommes justifiés de soumettre des espèces humaines aux besoins utilitaires de l’humanité. (21) L’étude se demandait aussi s’il y avait une limite aux connaissances auxquels les humains ont droit et propose des critères en fonction desquels on puisse déterminer quelles connaissances acquérir ou non. (22) Dans ces domaines, entre autres, de la recherche génétique et de ses applications technologiques, l’Église continue de conseiller la prudence quant à ce que la génétique cherche à accomplir et à ce qu’elle fait de ses découvertes. Elle s’est aussi engagée à poursuivre sa réflexion et ses études sur les possibilités offertes par la révolution biologique, en ces temps où elle s’efforce d’être fidèle à sa vocation de glorifier le Créateur et de servir Sa création. 154 Annexes RÉFÉRENCES 1. Living Faith: A Statement of Christian Belief. Église presbytérienne du Canada, 1984 (LF) 2.1.3 2. LF 2.2.1 3. Gen.1:28 4. Gen.3.8, Psaume 51.5, Rom. 3.23, LF 2.5.3 5. LF 10 6. Michée 6.8 7. Jér.9.24 8. Luc 10.26 sq. 9. LF 8.4.3 10. Psaume 24.1 11. LF 1.6 12. LF 2.4.1 13. LF2.4.2 14. Genetic Engineering and the Meaning of Human Life: An Introductory Study. Acts and Proceedings of the One Hundred and Fifth General Assembly, (1979) Église presbytérienne du Canada. p. 225-232 15. ibid. p. 225 16. ibid p. 228 17. ibid. p. 231 18. ibid. 19. A Statement on Genetic Engineering. Acts and Proceedings of the One Hundred and Fifteenth General Assembly (1989), Église presbytérienne du Canada. p. 341-348 20. ibid. p. 68 21. Human Cloning and Biotechnology. Acts and Proceedings of the One Hundred and Twenty Sixth General Assembly (2000), Église presbytérienne du Canada. p. 333-342. 22. ibid. p. 334- Annexe E Perspectives catholiques Le programme éducatif Foi et génétique du Groupe consultatif sur la biotechnologie, Annexes 155 un comité du Conseil des Églises, est un exercice intéressant en ce qu’il aborde les questions suscitées par l’évolution de la recherche génétique. Généralement, l’Église catholique accueille favorablement les progrès dans tout domaine de la recherche scientifique et médicale ayant pour objet d’aider les gens à surmonter la maladie et les déficiences graves. On a découvert bien des remèdes à ces problèmes et on considère le séquençage du génome comme une contribution encourageante au soulagement de la souffrance. En principe, il faut rechercher et encourager ces avancées de la recherche en génétique, autant pour trouver les remèdes produits que les révélations qu’elles apportent de la condition humaine, en montrant, par exemple, en quoi certains modes de comportement sont d’origine génétique. Le pape Benoît XVI en a traité expressément dans une allocution devant l’Académie pontificale pour la vie, en février 2009 : « Ces connaissances, qui sont le fruit de l'ingéniosité et des efforts d'innombrables chercheurs, permettent de parvenir plus facilement non seulement à un diagnostic plus efficace et précoce des maladies génétiques, mais également à produire des thérapies destinées à soulager les souffrances des malades et, même dans certains cas, à leur rendre l'espoir de recouvrer la santé. » Comme dans tant de domaines, de nouvelles questions éthiques tendent à survenir, une fois des pratiques particulières élaborées et une fois leurs implications clarifiées. Le magistère catholique a fait des déclarations spécifiques sur les pratiques génétiques et il approuve, dans les grandes lignes, les procédures vraiment thérapeutiques et qui profitent à la personne qui en fait l’objet. Monseigneur Fisichella, président actuel de l’Académie pontificale pour la vie (comité responsable de l’application de la recherche médicale, de la recherche génétique, etc.), faisait observer que la recherche génétique sur les succès thérapeutiques est essentielle au développement humain, soulignant que « … les progrès scientifiques doivent s’accompagner d’une conscience éthique accrue respectueuse de la dignité de toute personne. » Le Vatican a souvent exprimé ses préoccupations au sujet, entre autres, de la possibilité d’une pratique de l’eugénisme fondée sur l’information génétique, dans la cadre de laquelle on pourrait estimer que les personnes atteintes de défauts génétiques ne valent pas la peine d’être traitées. Dans son message de décembre 2003 pour la Journée mondiale des malades, le pape Jean Paul II a plaidé pour la protection de chacun, remerciant les chercheurs médicaux et scientifiques responsables d’avancées dans le domaine de la génétique et rappelant que « Nul ne peut s’arroger le pouvoir de détruire ou de manipuler arbitrairement la vie de l’être humain. » En 2008, dans le plus récent document magistériel officiel traitant de questions de génétique, Dignitas personæ, la Congrégation pour la doctrine de la foi déclarait, dans 156 Annexes la note 19, que la thérapie génétique est permise si elle sert à éliminer les déficiences des cellules somatiques, mais non des cellules germinales ou reproductrices. Comme lors de toute procédure, il faut évaluer soigneusement les risques. Les procédures germinales peuvent affecter les enfants à venir, tandis que la possibilité de futurs effets adverses en exclut l’usage. » La Congrégation exprimait, dans la note 27, son inquiétude au sujet du recours à l’ingénierie génétique chez les humains à des fins autres que médicales, particulièrement si « …s’il est marqué d’une attitude d’insatisfaction au sujet de certains aspects du fait d’être humain. » Notre réponse devrait plutôt traduire l’attitude prônée par la Congrégation, soit : « accepter la vie humaine dans sa nature concrète, historique et définitive. » On demande aux catholiques de faire en sorte que tout individu soit protégé contre tous les changements qu’il est proposé de faire par l’entremise d’ingénierie génétique et qui ne sont pas destiné au traitement thérapeutique de l'individu, tel le traitement d’une maladie, mais qui sont destinés à modifier une personne « pour le mieux », ce qui signifie, plus précisément, en conformité de l’interprétation subjective, de la part chercheur, du sens de « mieux ». Le pape Benoît XVI prévenait, dans son allocution devant l’Académie pontificale pour la vie, que « si l'homme est réduit à être l'objet de manipulations expérimentales dès les premiers stades de son développement, cela signifie que les biotechnologies médicales s'inclinent devant la volonté du plus fort. » Notre confiance dans les progrès technologiques est toujours tributaire d’une éthique qui, toujours et avant tout, protège la vie humaine à tous les stades de son existence. Sur une note plus globale, le pape Jean Paul II a requis, en 2003, la protection et le développement des pays du tiers-monde, afin « de prévenir une source future d’inégalité entre les nations, étant donné que des ressources financières énormes sont investies dans la recherche de ce genre, ressources qui, selon certains, pourraient être affectées, en tout premier lieu, au soulagement de la pauvreté chronique de tant d’êtres humains ». L’enseignement catholique sur la génétique, par conséquent, non seulement favorise la recherche, espérant qu’on trouvera des remèdes aux maladies graves, mais espère qu’elle parviendra à tirer de sa pauvreté la population des nations en voie de développement. Non seulement ces espérances relèveront le niveau de nos attentes en matière de génétique, mais elles confirmeront l’immense aptitude de celle-ci à profiter à l’humanité, tant à l’échelle individuelle que sociale et mondiale. Annexe F La Société des Amis Annexes 157 Questions sur la foi et la génétique Les Quakers croient « qu’il y a cela de Dieu dans chaque personne. » Beaucoup croient que « cela » inclut aussi le monde naturel. Quant à nous, Quakers qui, en ce 21e siècle, observons la rapide évolution de la biotechnologie et de la génétique, comment devrions-nous répondre? Les Quakers ont adopté, dans les années 1700, un ensemble de questions, sous la forme d’un guide destiné à orienter leur pensée dans la recherche de la voie à suivre dans ce monde. Augmentées et reformulées au fil des années, ces questions ont et ont toujours su donner la preuve de leur valeur. C’est selon cette même approche que sont offertes pour le culte, la prière, le discernement et la discussion les questions suivantes sur la foi et la génétique. Questions de nature générale 1) Comment la présence de Dieu en chacun de nous enseigne-t-elle et nous amènet-elle à toujours agir pour le mieux-être des gens? 2) Le pouvoir de faire e bien dans le monde et de le rendre meilleur qu’il ne l’est est présent en chacun de nous. Comment pouvons-nous, nous qui vivons ce pouvoir, tenir compte de notre intérêt personnel? 3) Que doivent faire les gens de foi pour protéger et maintenir l’espérance du bien qui peut découler de l’évolution de la génétique et technologique? Questions portant sur la génétique et la technologie 4) Sur quels critères devrions-nous nous fonder pour juger des aspects positifs et négatifs liés à l’évolution de la technologie? 5) En ce moment où votre communauté (Réunion) étudie et médite, dans la prière, les changements technologiques, comment incluez-vous leur impact sur la reproduction, sur la reproduction, sur le corps des hommes et des femmes, sur leur rôle dans la famille et la société et sur qui ont des besoins particuliers? 6) Comment pouvons-nous évaluer les effets positifs et négatifs des technologies de reproduction sur la vie des individus, des familles, de la société? 7) Quels avantages certaines technologies particulières représentent-elles pour les individus, les familles, la société humaine locale et mondiale et toute autre vie? 158 Annexes