Hémicrâniectomie

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Hémicrâniectomie
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Hémicrâniectomie
● K. Vahedi*
QU’EST-CE QUE L’HÉMICRÂNIECTOMIE ?
L’hémicrâniectomie est une chirurgie décompressive qui consiste
en la réalisation d’un large volet osseux hémisphérique (frontopariéto-temporal) dans le but de décomprimer les structures
cérébrales en cas d’hypertension intracrânienne majeure exposant le patient au risque d’engagement cérébral (figures 1 et 2).
L’hémicrâniectomie doit respecter, d’une part, les sinus frontaux
(pour éviter le risque infectieux) et, d’autre part, le sinus sagittal
supérieur (pour cela, elle doit passer à environ 2 cm de la ligne
médiane). Elle doit être suffisamment large et ne pas être associée
à une exérèse de tissu cérébral.
L’hémicrâniectomie est le plus souvent associée à une durotomie,
c’est-à-dire à une ouverture de la dure-mère pour permettre une
meilleure expansion des structures cérébrales. La durotomie peut
être ou non associée à une duroplastie (expansion de la duremère à l’aide de tissu synthétique).
Une fois prélevé, le volet crânien peut être conservé dans une
banque de tissus ou mis en nourrice dans la graisse abdominale
quand cela est possible, puis réimplanté à distance, une fois que
l’hypertension intracrânienne n’est plus menaçante. Pour éviter
toute contamination bactérienne, les conditions de prélèvement,
de conservation et d’acheminement du volet crânien doivent être
rigoureusement respectées. Dans le cas où le volet crânien ne
pourrait être autogreffé au patient, un volet synthétique réalisé à
l’aide de ciment acrylique (figure 3) ou de titane peut être utilisé
pour la cranioplastie.
QUELLES SONT LES INDICATIONS
DE L’HÉMICRÂNIECTOMIE ?
d’infarctus est dénommé infarctus sylvien malin. Le sujet jeune
est plus à risque d’infarctus sylvien malin que le sujet très âgé,
mais dans les deux cas, le pronostic est très mauvais. Sur le plan
clinique, un infarctus sylvien malin est à craindre devant une
Figure 1.
L’hémicrâniectomie est une intervention neurochirurgicale d’urgence dont les indications sont encore discutées car peu d’essais
cliniques ont évalué son intérêt. À ce jour, elle est principalement
réalisée dans les infarctus cérébraux œdémateux et compressifs
(1). En effet, l’hypertension intracrânienne est l’une des principales
causes de décès à la phase aiguë d’un accident vasculaire cérébral
(AVC) et aucun médicament antiœdémateux n’a démontré, à ce jour,
son efficacité pour diminuer durablement l’œdème ischémique.
Dans les infarctus sylviens complets dus à une occlusion totale
de l’artère sylvienne ou de l’artère carotide, l’hypertension intracrânienne engendrée par l’œdème ischémique conduit au décès
par engagement temporal dans 70 à 80 % des cas (2). Ce type
Figure 2.
Figure 3.
* Service de neurologie, hôpital Lariboisière, Paris.
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Figures 1, 2 et 3.
La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. VIII - janvier 2004
hémiplégie complète d’installation soudaine, associée à une déviation forcée de la tête et des yeux vers le côté opposé et une somnolence. Selon le côté de l’atteinte, le patient a une aphasie souvent
globale ou une héminégligence. L’évolution des infarctus sylviens
malins est marquée par une aggravation rapide de l’état de vigilance et l’apparition de signes d’engagement temporal (mydriase,
dyspnée de Cheyne-Stokes, hypoventilation alvéolaire). Cette
aggravation est liée à la majoration de l’œdème ischémique qui
est maximal entre le 2e et le 4e jour après l’AVC.
Le meilleur signe radiologique prédictif d’un infarctus sylvien
malin est le volume de l’infarctus mesuré à l’IRM de diffusion
(DWI) avant la 14e heure après le début de l’AVC (figure 4) (3).
handicap sévère. Les premières séries ouvertes concernaient des
patients souvent opérés tardivement (au stade d’engagement temporal). Or si l’on se base sur les données expérimentales chez le
rat, on peut s’attendre à un meilleur bénéfice si l’intervention est
réalisée précocement. En évitant l’hypertension intracrânienne
prolongée, les structures cérébrales saines seraient ainsi mieux
préservées (figure 5).
Figure 5. Hémicrâniectomie décompressive pour infarctus sylvien malin :
réalisation avant la 24e heure d’un large volet osseux hémisphérique droit
permettant une expansion cérébrale.
Figure 4. Le volume DWI de l’infarctus sylvien total est mesuré à 173 cm3
à la 12e heure après le début de l’hémiplégie gauche.
L’hémicrâniectomie décompressive est une thérapeutique d’urgence
proposée dans les infarctus sylviens malins depuis de nombreuses
années. Elle a fait l’objet de quelques études prospectives en
ouvert mais nous ne disposons pas encore de résultats des études
randomisées actuellement en cours qui visent à évaluer l’intérêt
de l’hémicrâniectomie réalisée précocement (avant la 36e heure
après l’AVC), non pas sur la mortalité mais sur la survie sans
L’hémicrâniectomie décompressive est une approche thérapeutique qui a été également utilisée dans d’autres cas d’hypertension
intracrânienne sévère : œdème post-traumatique, encéphalite
aiguë, hémorragie cérébrale. Dans les petites séries de patients
publiées, le pronostic dépend de l’importance des lésions neuronales sous-jacentes et de la durée d’évolution de l’hypertension
intracrânienne.
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É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Schwab S, Steiner T, Aschoff A et al. Early hemicraniectomy in patients with
complete middle cerebral artery infarction. Stroke 1998 ; 29 (9) : 1888-93.
2. Hacke W, Schwab S, Horn M et al. ‘Malignant’ middle cerebral artery territory
infarction : clinical course and prognostic signs. Arch Neurol 1996 ; 53 (4) : 309-15.
3. Oppenheim C, Samson Y, Manaï R et al. Prediction of malignant middle cerebral
artery infarction by diffusion-weighted imaging. Stroke 2000 ; 31 : 2175-81.
Imprimé en France - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne - Dépôt légal : à parution. © février 1997 - EDIMARK S.A.S.
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