à lire

Transcription

à lire
EXTRA TERRINE
Un court-métrage de fiction par
Christophe Devauchelle
&
Stéphane Kneubuhler
SYNOPSIS
Dans une ferme au fin fond de la campagne, Raymond et
Lucien vivent sous la domination écrasante de Germaine,
leur mère obèse.
Un matin, lors d'une partie de chasse, Raymond tue un
extra-terrestre.
L'intrusion de cette créature d'un autre monde va
bouleverser le fragile équilibre familial et ouvrir
Germaine, Raymond et Lucien au monde des possibles...
EXT. FORET SOMBRE - NUIT
L'ombre d'une forêt touffue se découpe sur un ciel
brillant d'étoiles.
Dans les sous-bois, on entend un léger vrombissement.
On se glisse entre les arbres, rasant le sol jusqu'à un
fourré, d'où provient le vrombissement. Des cliquetis
électroniques frénétiques.
FLASH LUMINEUX ÉBLOUISSANT
EXT. FORET SOMBRE - JOUR
Les brumes du petit matin s'étirent dans le sous-bois.
On entend le gazouillis des oiseaux.
Un reflet métallique brille furtivement dans la
verdure. L'acier froid d'un canon de fusil avance
lentement parmi les rameaux d'un arbuste et
s'immobilise.
RAYMOND est aux aguets. Une cigarette pendue aux
lèvres, vêtu en treillis complet et veste de chasse,
casquette sur la tête, un fusil entre les mains,
Raymond est dans son élément.
Un peu en retrait se tient LUCIEN. L'air doux, peu sûr
de lui, il suit Raymond à contrecúur, le fusil pendant
mollement à son côté.
Quelque chose observe Raymond et Lucien depuis un
fourré.
Le fourré bouge.
Lucien se fige, jette un coup d'oeil à Raymond qui n'a
rien remarqué. Il fait des gestes secs en direction du
fourré.
LUCIEN
Pschit... Pschit...
Le fourré bouge à nouveau.
Lucien repère une grosse branche devant lui. Il marche
dessus et la brise dans un claquement sec.
Raymond se retourne, le fusille du regard.
Chut !
RAYMOND
Lucien écarte les bras, déconfit. Raymond retourne à
ses observations.
Le fourré bouge une fois de plus.
2.
Lucien lève alors son fusil et tire en l'air. Raymond
fait un bond.
RAYMOND
Tu l'as eu, c'était quoi ?
LUCIEN
Non, je sais pas... il a filé.
Le fourré recommence à bouger.
Il a filé !
RAYMOND
Raymond lève lentement son fusil.
LUCIEN
Raymond, attends !
Les branches s'agitent, Raymond tire.
Un cri strident retentit, comme un hurlement de coyote
dément. Les branches du fourré s'agitent
frénétiquement pendant quelques secondes, puis quelque
chose tombe à terre dans un râle pathétique.
Les deux chasseurs sidérés s'approchent lentement du
fourré. Ils écartent les branches et les feuilles pour
se frayer un passage et se figent, médusés.
Raymond, du bout de son fusil, tâte la créature
blessée, déclenchant aussitôt un cri étrange et
terrifiant qui fait sursauter les deux chasseurs. Une
main d'extraterrestre toute plissée se tend vers eux,
accompagnée de gazouillis pathétiques.
Lucien et Raymond sont pétrifiés, les yeux arrondis par
la surprise.
La main de la créature brandit un curieux appareil bleu
profond. Elle pianote dessus. Un vrombissement se fait
entendre. Des diodes s'allument et clignotent sur
l'appareil.
RAYMOND reprend ses esprits. Il tire sur la créature.
Un liquide bleu visqueux gicle en l'air.
LUCIEN
Mais... Pourquoi t’as...
RAYMOND
Ta gueule! Je veux pas
d'emmerdes !
Raymond regarde nerveusement autour de lui.
RAYMOND
On le ramène à la maison. On
s'en débarrassera là-bas. Allez,
bouge ton cul !
3.
INT. CUISINE - JOUR
Germaine, la cinquantaine, est énorme, gargantuesque.
Elle a l'air dur et sévère d'une femme à qui la vie n'a
pas fait de cadeaux.
Dans la pénombre de sa cuisine, elle garnit un gros
plat de terrine. Elle en a plein les mains et jusqu'aux
avant-bras. Elle gobe un petit morceau de terrine crue
et se lèche les doigts. Elle sourit.
RAYMOND (OFF)
Pose-le là... voilà !
Germaine jette un coup d'oeil par la fenêtre. Son
sourire disparaît.
EXT. COUR DE LA FERME - JOUR
Raymond et Lucien reprennent leur souffle.
RAYMOND
C'est petit, mais c'est lourd !
La porte s'ouvre sur Germaine. Elle regarde la créature
posée dans la cour et ouvre des yeux ronds.
GERMAINE
Qu'est-ce que c'est que ce truc?
RAYMOND
Ben... C'est un...
GERMAINE
Je vois bien ce que c'est. Je
suis pas débile. Qu'est-ce que
c'est que ce truc?
LUCIEN
Il était dans la forêt. C'est
Raymond qui l'a...
Raymond fait taire Lucien d'une calotte.
GERMAINE
Et vous me le ramenez ici ! Vous
êtes cons ou quoi ! Quelqu'un
vous a vu ?
RAYMOND
Non. Je crois pas.
GERMAINE
Vous allez me débarrasser le
plancher de cette saloperie ! Je
veux pas d'emmerdes.
Germaine regarde nerveusement autour d'elle et referme
la porte.
4.
EXT. FERME - JOUR
Une pelle tasse de la terre fraîchement retournée.
LUCIEN s'essuie le front, prend une croix rudimentaire
en bois qu'il plante dans le sol. Une belle tombe !
RAYMOND voit Lucien et lève les yeux au ciel. Il
rejoint Lucien, prend la croix et la balance au loin.
Il considère son frère avec pitié et pousse un long
soupir.
RAYMOND
Tu veux pas passer une annonce
dans le journal, aussi ? C'est
pas possible d'être aussi con !
T'as une poule à la place du
cerveau, mon pauvre Lucien ! Une
poule !
LUCIEN attend que Raymond s'éloigne. Il regarde vers le
ciel...
INT. CHAMBRE LUCIEN - NUIT
... parsemé d'étoiles.
Lucien est devant la fenêtre de sa chambre.
En fond sonore, des chants de baleines, profonds et
apaisants.
Des affiches de Greenpeace, des Verts, sont accrochées
un peu partout. Un poster du Commandant Cousteau, son
fameux bonnet rouge sur la tête, occupe un mur.
Lucien s'assied sur son lit. Il croise le regard du
Commandant Cousteau et se déconfit comme un enfant
qu'on va gronder.
LUCIEN
C'était un accident ?!
Le Commandant Cousteau le toise sans réagir.
INT. CHAMBRE GERMAINE - NUIT
Une chambre à la tapisserie vieillotte est éclairée par
l'ampoule faiblarde d'une applique.
Germaine est devant la porte ouverte de son armoire.
Sur l'intérieur de la porte, des coupures de journaux
titrent sur l'élection des "Miss". On voit une belle
jeune femme posant sur une photo jaunie par l'usure.
Une écharpe "Miss Cantal 71" est pendue à la porte.
Germaine, sourire mélancolique, caresse l'écharpe comme
un objet sacré.
5.
Elle jette un regard sur la photo d'un bel homme
moustachu, reposant dans un cadre sur la table de nuit.
Elle pousse un long soupir et referme la porte de
l'armoire. Son reflet apparaît dans la porte miroir.
Germaine détourne les yeux.
EXT. FERME - NUIT
On entend toujours les chants de baleines en fond
sonore.
Raymond est assis devant la télévision. Il regarde un
épisode inquiétant des "Envahisseurs" : une soucoupe se
pose dans un champ.
Les yeux écarquillés, Raymond est totalement absorbé
par le film.
EXT. FERME - MATIN
Un coq chante. Les volets de la ferme s'ouvrent sur
LUCIEN. Il se fige, sidéré, puis se met à rire.
LUCIEN
Raymond! Il faut que tu voies
ça!
Une luxuriante végétation d'un bleu profond pousse sur
la tombe de la créature.
EXT. FERME - JOUR
Un trou béant au milieu de la végétation bleue. A côté
de la pelle plantée dans le sol, Lucien nettoie le
curieux appareil bleu recouvert de terre.
Raymond, furieux, s'approche, un jerricane à la main et
asperge d'essence le sol. Lucien se recule prudemment.
Il repose le jerricane, tire sur sa cigarette roulée et
la lance par terre. Des flammes et une fumée noire
s'élèvent au premier plan.
Raymond, tendu, observe les flammes un moment.
RAYMOND
Il brûle même pas... C'est pas
possible, on n'arrivera jamais à
s'en débarrasser de cette merde.
LUCIEN
Ça sent vachement bon.
ANGLE SUR Germaine qui, dans sa cuisine, est en train
de désosser un lapin posé à côté d'un gros plat à
terrine. Elle lève soudain la tête, hume l'air, fronce
les sourcils, intriguée.
6.
LUCIEN
Ça sent le rôti au lard de
maman. Tu sais, celui avec les
petits pois.
GERMAINE
(depuis le pas de
la porte)
Eteignez-moi ça.
Un moment de flottement.
Lucien attrape un seau d'eau et éteint le feu.
GERMAINE
(depuis le pas de
la porte)
Amenez-le à l'intérieur.
Raymond n'a pas bougé, dépassé par les évènements.
INT. CUISINE - JOUR
Raymond et Lucien attendent, debout dans la cuisine.
Germaine, penchée au-dessus de la table de la cuisine,
examine la créature. Des petits bruits un peu
écoeurants, Germaine se redresse. Un morceau de viande
d'un brun bleuâtre lui pendouille entre les doigts.
Elle le sent et sourit, satisfaite.
Elle ouvre des tiroirs, manipule des ustensiles.
RAYMOND
Et maintenant ?
Germaine se retourne. Elle leur fait face, de grands
couteaux en main.
GERMAINE
Et maintenant. Terrine !
INT. FERME - SOIR
Un gros plat en terre, garni d'une appétissante terrine
trône au centre de la table. Raymond et Lucien
brandissent tous deux un petit canapé à la terrine.
Vas-y, goûte !
RAYMOND
LUCIEN
C'est toi qui l'a tué !
GERMAINE
On ne va pas y passer la nuit !
Les deux hommes se décident à goûter en même temps. Ils
mordent en faisant la grimace dans leur canapé.
7.
Après quelques mastications, leur grimace disparaît,
laissant place à un sourire de satisfaction.
Alors ?
GERMAINE
RAYMOND
Jamais rien bouffé d'aussi bon !
LUCIEN s'interrompt brusquement, grimaçant.
Raymond s'arrête de mâcher, tension soudaine.
RAYMOND
Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Lucien ressort de sa bouche un petit plomb. Soupir de
soulagement.
Germaine, sourire gourmand, se sert un gros morceau de
terrine.
INT. FERME - SOIR
Le plat à terrine est vide, les assiettes repoussées.
Tout le monde est repu. Germaine réfléchit.
GERMAINE
Il n'y en avait pas d'autres ?
RAYMOND
Si. Ils ont monté un camping
dans la forêt.
Lucien, qui suit l'échange du regard, rigole.
GERMAINE
Te fous pas de moi.
RAYMOND
Mais enfin maman ! C'est un...
GERMAINE
Je sais ce que c'est. Et
justement. Il n'est sûrement pas
venu tout seul.
RAYMOND
Moi, je veux pas d'emmerdes.
GERMAINE
Essaye de voir un peu plus loin
que le bout de ton nez ! La
terrine, elle est comment ?
Super bonne !
RAYMOND
GERMAINE
Mais bien plus que ça ! Cette
terrine, c'est...
8.
c'est du jamais vu ! Imagine ce
que les gens seraient prêts à
payer pour manger un truc comme
ça ! C'est pas de la terrine que
j'ai fait ! C'est de l'or en
barre !
De l'or ?
RAYMOND
GERMAINE
Si on pouvait
l'industrialiser...
Raymond réfléchit.
Lucien est de plus en plus inquiet.
LUCIEN
Pour ça, il faudrait en trouver
plein de ces petites bêtes. Et
ça court pas les bois. Alors ça
sert à rien de faire des plans
sur la comète. A mon avis.
Raymond considère Lucien. Son regard s'éclaire.
RAYMOND
Passe-moi l'appareil.
Lucien fronce les sourcils.
RAYMOND
Le truc bleu de la bestiole. Je
sais que tu l'as...
LUCIEN
Je ne suis pas sûr que ce soit
une bonne idée.
GERMAINE
Fais ce que dit ton frère !
Lucien sort de sa poche l'appareil bleu. Raymond le
prend et, après une courte observation, il appuie sur
les étranges symboles.
LUCIEN
Je ne suis pas sûr que ce soit
une bonne idée.
Temps mort, tout le monde attend, les yeux rivés sur
l'appareil.
Il ne se passe rien. Raymond hausse les épaules. Lucien
se détend.
Raymond tend l'appareil à Lucien. Tout à coup, un
vrombissement, les diodes se mettent à clignoter.
Raymond, surpris, jette l'appareil au sol.
9.
Le vrombissement s'amplifie.
Flash lumineux éblouissant.
Stupéfaction.
Devant eux, une créature vient d'apparaître. Une main
toute plissée les salue.
Ça marche !
RAYMOND
Lucien, d'abord stupéfait et émerveillé, devient vite
anxieux.
Germaine se lève doucement et attrape une poêle en
fonte.
GERMAINE
Raymond, bloque la porte.
Raymond s'exécute en surveillant la créature.
LUCIEN
Je ne suis pas sûr que ce soit
une bonne idée.
GERMAINE
La ferme. Pas de gestes
brusques.
Germaine s'approche, l'air vicieux, la poêle cachée
derrière le dos.
GERMAINE
Petit ! Petit ! Gentille petite
bête, ça !
(s'approchant de la
créature)
Petit, petit ! Viens voir maman!
Elle arme sa poêle et l'abat sur la créature avec un
gros "Blong". La créature émet un couinement de bête
blessée et s'enfuit.
La créature se faufile sous la table.
Germaine la suit en contournant l'obstacle.
La créature tourne à droite où Raymond lui bloque le
passage.
Elle fait demi-tour et se retrouve face à Germaine qui
frappe à nouveau.
La créature s'écroule. Germaine s'acharne dessus à
grands coups de poêle. "Blong", "Blong", faisant gicler
un liquide visqueux bleuâtre.
Lucien est immobile et terrifié.
10.
Germaine se redresse, toute éclaboussée de bleu,
exultant.
GERMAINE
Les enfants, on va devenir
riche!
INT. GRANGE - SOIR
Une machine est disposée au centre de la grange. C'est
une grosse structure métallique, pourvue d'un large
entonnoir sur le dessus et d'un tapis roulant à l'une
de ses extrémités. Raymond est perché sur un escabeau
au-dessus de l'entonnoir.
Lucien est en retrait, de plus en plus horrifié par ce
qu'il voit.
RAYMOND
L'idée, c'est de fixer
l'appareil, là, juste au-dessus
de l'entonnoir. Comme ça, ils
apparaissent et hop ! direct
dans la machine.
Germaine acquiesce, satisfaite.
RAYMOND
(à Lucien)
Ils ne se verront même pas
mourir.
LUCIEN
Je suis pas sûr que ce soit une
bonne idée.
Ha oui ?
GERMAINE
LUCIEN
On n'a pas le droit de faire ça!
GERMAINE
Et qui va nous en empêcher ?
Lucien recule et sort de la grange.
INT. CHAMBRE GERMAINE - NUIT
On entend toujours les chants de baleines.
Germaine est devant son armoire ouverte. Après une
longue hésitation, elle tend la main vers son écharpe
"Miss Cantal 71" et la décroche avec d'infinies
précautions.
Elle referme la porte de l'armoire, place l'écharpe
devant elle et se regarde dans le miroir. Elle sourit.
11.
Germaine grimpe dans son lit et se couche. Elle regarde
la photo du bel homme moustachu.
GERMAINE
Tu vas voir. Ta Germaine,
bientôt, tu vas plus la
reconnaître.
Elle éteint la lumière.
GERMAINE
Ça va changer. Tout va
changer...
Elle ferme les yeux, les mains agrippées à son écharpe.
INT. CHAMBRE LUCIEN - SOIR
On entend toujours les chants de baleines.
Le regard du Commandant Cousteau juge en silence.
Lucien baisse la tête, lÕair coupable. Son regard dévie
vers un poster de Greenpeace montrant un zodiaque lancé
à l'assaut d'un énorme chalutier. "AGIR POUR CHANGER LE
MONDE".
Un tiroir s'ouvre. Dedans, un bonnet rouge est conservé
comme une relique.
Lucien regarde le Commandant Cousteau. Le regard est
sévère, Lucien n'a pas le choix.
Il prend le bonnet avec résolution et le met sur sa
tête.
INT. GRANGE - NUIT
Raymond, perché sur son escabeau, vérifie la solidité
d'une barre à laquelle est accroché l'appareil bleu.
LUCIEN (OFF)
On n'a pas le droit de faire ça.
Raymond se retourne et pousse un long soupir.
Lucien est fermement campé, son bonnet rouge sur la
tête.
RAYMOND
Viens pas foutre la merde,
Lucien. Retourne dans ta
chambre.
LUCIEN
Je te laisserai pas faire.
12.
RAYMOND
Me parles pas sur ce ton. Tu
fais chier à la fin avec tes
états d'âme écolo.
LUCIEN
Parce que toi, t'en as pas des
états d'âme, peut-être ?
RAYMOND
J'en ai marre de moisir dans
cette ferme à la con. Cette
terrine va nous rendre riches...
Riches, Lucien. Tu comprends ce
que ça veut dire ? Finie la
galère. Ça vaut bien de buter
quelques bestioles qui sont
mêmes pas assez intelligentes
pour se défendre toutes seules.
Raymond monte sur l'escabeau. Il appuie sur un
interrupteur rouge. L'imposante machine démarre.
De gros engrenages se mettent en branlent, les lames
commencent à tourner.
Lucien, torturé, hésite.
Raymond monte tout en haut de l'escabeau. En équilibre
sur le bord de l'entonnoir, il allume l'appareil bleu.
Lucien prend sa décision.
Non !
LUCIEN
Il se précipite et monte sur l'escabeau qui bringuebale
dangereusement.
L'appareil bleu se met en route, les diodes clignotent.
Raymond essaye de garder l'équilibre sur l'échelle.
Arrête !
RAYMOND
Lucien, résolu, continue à grimper.
Raymond perd l'équilibre et bascule dans le gros
entonnoir.
Raymond !
LUCIEN
Lucien se penche au-dessus du rebord.
Raymond est accroché du bout des doigts, pendu audessus des lames et des broyeurs qui tournent en un
mortel ballet.
13.
L'appareil bleu cliquette, les diodes clignotent de
plus en plus vite.
Lucien met un pied sur le rebord de l'entonnoir. Il
regarde Raymond, puis l'appareil bleu juste au-dessus
des lames.
RAYMOND
Lucien, aide-moi bordel !
Lucien tend les bras vers l'appareil bleu.
Flash lumineux éblouissant.
Lucien récupère dans ses bras, in extremis, la créature
qui vient d'apparaître. Les mains plissées s'agitent,
passablement paniquées par la situation.
RAYMOND
Lucien... Bordel !
Tiens bon !
LUCIEN
Lucien prend appui sur l'escabeau et redescend.
Raymond lutte de toutes ses forces mais ses doigts
glissent inexorablement.
Non...
RAYMOND
Lucien pose la créature par terre et remonte en
catastrophe.
Raymond lâche prise et tombe dans la machine.
Le vrombissement de la grosse machine s'intensifie,
comme les lames et les broyeurs peinent à l'ouvrage.
Lucien se penche au-dessus de l'entonnoir et tourne la
tête, écoeuré. Il appuie sur l'interrupteur rouge. Le
vrombissement de la machine ralentit.
Un gros pot de terrine sort sur le petit tapis roulant.
La grosse machinerie s'éteint.
Silence.
Lucien, horrifié, est tétanisé. Les gazouillis de la
créature le font réagir. Il décroche l'appareil bleu de
la barre et descend de la passerelle.
Il s'agenouille devant la créature et le lui tend.
LUCIEN
Tenez. Il vaut mieux que vous
partiez. C'est trop dangereux
pour vous ici.
14.
Il ne faut plus venir. Jamais.
Plus jamais. D'accord ?
La créature émet une série de gazouillis.
Lucien hoche la tête, satisfait.
Adieu.
LUCIEN
Lucien se relève et recule, l'air triste.
La créature manipule l'appareil bleu qui se met à
cliqueter. Les diodes s'allument.
La créature tend sa main à Lucien en gazouillant.
Lucien ne sait pas quoi faire. Il regarde autour de
lui.
Il hésite encore un peu, fébrile. Il tend son bras.
Il serre la main de la créature.
Il sourit.
Flash lumineux éblouissant.
I/E. GRANGE/FERME - JOUR
Le soleil levant brille sur la campagne.
De la lumière se glisse par la porte entrouverte de la
grange.
GERMAINE (OFF)
Raymond ? Lucien ?
Germaine entre dans la grange, laissant pénétrer la
lumière du soleil.
GERMAINE
Raymond ? Lucien ? Vous êtes là
?
Elle ne trouve personne dans la grange.
Son regard tombe sur le pot de terrine posé sur le
tapis roulant. Elle prend le pot, l'ouvre, le sent.
Elle sourit comme une gamine.
Elle s'assied sur le rebord du tapis roulant et,
prenant une petite cuiller posée sur la machine, elle
la plonge dans la terrine et commence à manger. Elle
ferme les yeux. C'est délicieux.
GERMAINE
Ça va changer maintenant. Tout
va changer.
15.
La ferme repose, paisible, dans la campagne
ensoleillée.
FIN

Documents pareils