le cours du dollar canadien : déterminants et évolution récente

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le cours du dollar canadien : déterminants et évolution récente
LE COURS DU DOLLAR CANADIEN :
DÉTERMINANTS ET ÉVOLUTION RÉCENTE
Capsule d’information pour les parlementaires
TIPS-51F
Bibliothèque du Parlement
Le 11 décembre 2000
Qu’est-ce qui détermine la valeur
Externe du dollar canadien?
Le dollar canadien est assujetti à un régime de change
flottant, c’est-à-dire que sa valeur externe est
déterminée librement par le marché. Ainsi, c’est le
jeu de l’offre et de la demande mondiales sur les
marchés de change étrangers qui détermine la valeur
du dollar canadien vis-à-vis des autres devises.
Actuellement, la Banque du Canada n’intervient pas
sur les marchés de change étrangers pour influer sur la
valeur à long terme du dollar. Elle n’a recours à de
telles mesures qu’exceptionnellement, pour préserver
l’ordre sur le marché et prévenir les retraits massifs de
capitaux, comme elle l’a fait durant la crise financière
asiatique.
Les facteurs qui influent sur le cours du dollar sont
ceux qui ont un effet sur l’offre ou sur la demande de
dollars canadiens. Ils sont reflétés dans la balance des
paiements, dans laquelle sont comptabilisées toutes les
opérations entre des résidents du Canada et des
étrangers. Ces opérations comprennent tous les
échanges de biens et de services, de même que les flux
de capitaux entre le Canada et les autres pays. Par
définition, la balance des paiements ne peut
enregistrer ni excédent ni déficit, car tout paiement
doit être associé à une inscription positive
compensatrice.
exportations, des entrées d’investissements étrangers,
des taux d’intérêts au Canada, de la confiance dans
l’économie, etc.) contribue à faire grimper la valeur de
la monnaie canadienne.
Productivité – La productivité d’un pays peut
jouer un rôle dans la détermination du taux de
change par l’effet qu’elle a sur les prix relatifs et
la compétitivité internationale. Par exemple, plus
le Canada est productif dans la fabrication d’un
bien donné par rapport aux autres biens, plus ses
prix seront concurrentiels et meilleures sont ses
chances d’accroître sa part de marché. Il pourrait
s’ensuivre une augmentation des exportations –
surtout si les exigences salariales sont contenues –
et partant, une pression à la hausse sur le taux de
change.
Échanges internationaux de biens et de
services – Lorsqu’un pays enregistre un excédent
commercial, la valeur globale des exportations
dépasse celle des importations, ce qui tend à faire
remonter le taux de change (la demande ou les
recettes dans la monnaie nationale dépassant
l’offre ou les paiements dans cette monnaie). En
cas de déficit commercial, c’est l’inverse qui se
produit.
Investissements étrangers et paiements de
créances – Les entrées d’investissements
étrangers au Canada font augmenter la demande
de dollars canadiens à l’étranger, ce qui exerce
une pression à la hausse sur le taux de change. En
revanche, les investissements directs des
Canadiens à l’étranger ont un effet inverse. Les
paiements de dettes du gouvernement fédéral et
des provinces à des étrangers tendent aussi à faire
baisser le cours du dollar canadien.
Taux d’intérêt – Toute augmentation relative des
taux d’intérêt au Canada stimule la demande de
dollars canadiens à l’étranger puisque les
Le taux de change sert de tampon entre les paiements
dus à des Canadiens et les montants à verser à des
étrangers. Si les premiers dépassent les seconds, il en
résulte une augmentation de la demande de dollars
canadiens qui pousse le cours du dollar vers le haut,
ajustement nécessaire du fait que tout excédent ou
déficit des paiements transfrontières doit être équilibré
par un mouvement monétaire dans le sens opposé.
Facteurs qui influent sur la demande
Tout facteur qui tend à stimuler la demande de dollars
canadiens
(comme
les
augmentations
des
Ce document est la version papier d’une capsule d’information Web consultable en ligne à
http://intraparl/36/map_sv_lib-f.htm
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investisseurs cherchent alors à acheter des titres
canadiens, d’un meilleur rapport. Cependant,
l’intérêt que les investisseurs étrangers voudront
toucher dépend aussi de la façon dont ils
entrevoient la tenue future du dollar canadien.
Ainsi, si les investisseurs prévoient une baisse du
cours du dollar canadien, ils vont se montrer plus
gourmands.
En théorie, si les investisseurs
étrangers s’attendent à une inflation plus élevée au
Canada qu’ailleurs, notamment qu’aux États-Unis,
ils prévoiront aussi une dépréciation du dollar
canadien et exigeront donc des taux d’intérêt plus
élevés pour compenser.
Qu’est-ce qui explique la récente performance
du dollar canadien?
L’importance des stocks de capitaux
d’investissement étrangers et de l’endettement
envers l’étranger – Depuis toujours, le Canada
suscite d’importants afflux de capitaux étrangers
pour financer une économie fondée sur les
ressources à forte intensité capitalistique de même
que d’importants déficits budgétaires publics. Il
s’ensuit que le stock de capitaux étrangers investis
au Canada dépasse largement le stock de capitaux
canadiens investis à l’étranger. En 1997, la
position nette du Canada en matière
d’investissement a affiché un déficit record de
339 milliards de dollars, lequel a cependant été
ramené à 300 milliards de dollars en 1999. À la
fin de 1998, la dette publique totale détenue par
des étrangers s’élevait à 107 milliards de dollars
(environ 12 p. 100 du PIB). En outre, le rapport
de la dette extérieure à la dette publique totale a
plus que doublé, passant de 12 p. 100 en 1985 à
25 p. 100 en 1998. En conséquence, cela fait plus
de 75 ans que le Canada enregistre des déficits au
compte des revenus de placements, à savoir que
les paiements de revenus de placements que les
Canadiens doivent à des investisseurs étrangers
dépassent de loin les revenus de placements qui
leur sont dus de l’étranger. Le Canada dispose de
deux moyens pour financer ce déficit : soit porter
les exportations au-delà des importations, soit
attirer davantage d’investissements directs et de
capitaux.
Les marchés financiers et les nouvelles
émissions d’instruments d’emprunt publics –
Entre 1991 et 1994, le déficit des revenus de
placements a été financé presque en totalité par le
truchement des marchés financiers (voir le
graphique 1 à l’annexe) – en particulier par de
nouvelles émissions d’obligations canadiennes
dont les taux de rendement relativement élevés
étaient extrêmement alléchants pour les
investisseurs étrangers (voir le graphique 2 à
l’annexe). Par conséquent, les remboursements de
dette envers l’étranger étaient financés
principalement par l’émission de nouveaux
instruments d’emprunt. Les inquiétudes suscitées
par l’augmentation constante de la dette publique
et la détérioration de la cote de crédit
internationale du Canada qui s’est ensuivie ont eu
un fort impact sur les taux de change en raison des
liens étroits entre le taux de change et la
perception des investisseurs pour ce qui est de
l’aptitude du Canada à satisfaire ses obligations en
matière de remboursement de dettes.
Cette
période coïncide avec une très forte dépréciation
du dollar canadien, vis-à-vis non seulement du
dollar américain, mais aussi de toutes les autres
grandes devises (voir le graphique 3 à l’annexe).
Cependant, depuis 1995, les déficits budgétaires
publics sont en baisse, et les paiements liés au service
de la dette diminuent. Les taux d’intérêt à court terme
ont chuté, reflétant la baisse du taux d’inflation et la
détermination du Canada à réduire le montant de la
dette publique. Certes, le déficit des revenus de
placements du Canada était financé principalement
par l’émission de nouveaux instruments d’emprunt
(obligations et bons du Trésor) jusqu’en 1995, mais
depuis, la presque totalité de ce déficit est financée par
les excédents de la balance commerciale. C’était
assurément le cas en 1995-1996, lorsque les taux de
rendement associés aux instruments d’emprunt
canadiens sont tombés en deçà de ceux des États-Unis
(voir le graphique 4 à l’annexe).
La compétitivité internationale et les excédents
commerciaux – Depuis 1994, le Canada s’appuie
de plus en plus sur le commerce des biens et
services pour financer son déficit des revenus de
placements. D’ailleurs, le Canada a enregistré un
excédent commercial chaque année depuis cette
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date (voir le graphique 5 à l’annexe), largement
grâce à la forte amélioration de sa compétitivité
sur le plan des coûts. La compétitivité des coûts
d’un pays dépend essentiellement de trois
facteurs : la rémunération du travail, la
productivité et la valeur de la monnaie. À la fin
des années 90, les États-Unis ont enregistré des
gains de productivité bien supérieurs à ceux du
Canada, ce qui a nui à la compétitivité de ce
dernier.
Cependant, ce désavantage a été
compensé par une progression légèrement plus
faible de la rémunération au Canada et par la
dépréciation sensible du dollar canadien. Cet
ajustement monétaire était nécessaire pour donner
aux exportateurs canadiens une meilleure position
concurrentielle sur le plan des coûts, de manière à
accroître les exportations canadiennes et
compenser le déficit des revenus de placements.
La lenteur relative des gains de productivité du
Canada par rapport à d’autres pays compromet sa
compétitivité sur le plan des coûts et contribue à la
dépréciation du dollar canadien par rapport au
dollar américain (voir le graphique 6 à l’annexe).
La crise financière asiatique, la mondialisation
et les cours des produits de base – Le Canada est
une petite économie ouverte qui dépend beaucoup
du commerce international. Il ne peut pas avoir
d’effet sensible sur les cours mondiaux. En 19971998, le Canada a dû faire face à une importante
baisse des cours mondiaux des produits de base,
lesquels représentent environ 35 p. 100 de ses
exportations. Entre janvier 1997 et le milieu de
1998, les cours mondiaux du pétrole ont chuté de
45 p. 100, tandis que les prix des autres matières
premières non énergétiques baissaient d’environ
15 p. 100, ce qui a fortement entamé la valeur des
exportations canadiennes (voir le graphique 5) et
exercé des pressions à la baisse sur le cours du
dollar canadien. Cette période coïncide aussi avec
des bouleversements financiers en Russie et dans
certains pays d’Asie, entraînant ce que les
analystes ont qualifié de « fuite des capitaux vers
la qualité ». Il est difficile de dire jusqu’à quel
point les turbulences sur les marchés des changes
étrangers ont touché le Canada, mais il est certain
que, compte tenu de la détérioration des termes de
l’échange (les prix à l’exportation divisés par les
prix à l’importation) pour le Canada, elles peuvent
avoir miné la confiance des investisseurs dans la
monnaie canadienne. Enfin, la mondialisation a
aussi joué un rôle non négligeable, du fait de la
participation de multinationales canadiennes à des
fusions et à des acquisitions transfrontières.
Soucieuses de se ménager un accès au marché
européen unique, les sociétés canadiennes ont été
particulièrement actives en Europe en 1997-1998,
et les investissements directs du Canada aux ÉtatsUnis sont demeurés importants (voir le
graphique 5). La Banque du Canada a vendu une
partie de ses réserves de devises en 1997 pour
défendre le dollar canadien contre la vigueur du
dollar américain, puis a sporadiquement relevé les
taux d’intérêt au milieu de 1998 (voir le
graphique 4), mais ces interventions n’étaient pas
suffisamment vigoureuses pour compenser les
pressions externes qui s’exerçaient sur le taux de
change (voir le graphique 6).
La situation actuelle et les façons
de relever la valeur du dollar canadien
L’un des plus grands problèmes actuels pour le dollar
canadien tient aux importantes sorties de capitaux. Le
déficit des revenus de placements du Canada s’est en
fait accru en 1999, car le Canada a remboursé une
partie de sa dette extérieure en souffrance au moment
même où les faibles taux d’intérêt au Canada
encourageaient les Canadiens à investir à l’étranger.
En février 2000, le ministre des Finances a porté le
plafond du contenu étranger des REER de 20 à
25 p. 100, ce qui a stimulé les sorties de capitaux, les
Canadiens achetant davantage d’actions étrangères.
(Il importe de noter, cependant, qu’il n’existe aucune
restriction relative au contenu étranger des autres
types de placements.) Cette poussée des sorties de
capitaux représente néanmoins un choc ponctuel pour
le dollar canadien et risque peu d’avoir des
répercussions sur la valeur fondamentale à long terme
de notre monnaie.
Pour ce qui est du long terme, si le Canada veut
relever la valeur externe de sa monnaie vis-à-vis du
dollar américain, il devra :
porter ses gains de productivité au-delà de ceux
des États-Unis; si la productivité relative du
Canada demeure inférieure à celle des États-Unis,
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il sera plus difficile d’obtenir une amélioration
durable du taux de change du dollar canadien visà-vis du dollar américain;
réduire le montant global de sa dette extérieure,
laquelle est la principale cause du fort déficit des
revenus
de
placements;encourager
un
accroissement des investissements directs
étrangers au Canada, ce qui permettrait du même
coup de stimuler la productivité par une
accélération de l’adoption de technologies
nouvelles.
préparé par
Alexandre Laurin
Direction de la recherche parlementaire
Pour en savoir plus…
Voir la bibliographie ainsi que les hyperliens internes et externes
de la version Web du présent document à :
http://intraparl/36/map_sv_lib-f.htm
ou composer le (613) 996-3942
ANNEXE
Graphique 1 – Balance des paiements du Canada (1991-1994)
30 000
Déficit des revenus de placements,
financé principalement par
l’émission de nouvelles obligations
et de nouveaux bons du Trésor
20 000
10 000
0
Millions de
dollars
-10 000
-20 000
-30 000
Très important déficit des
revenus de placements à financer
-40 000
1991
1992
1993
1994
Année
Déficit des revenus de placements
Balance commerciale
IDE net
Flux financiers
Source : Statistique Canada, Balance des paiements internationaux du Canada, CANSIM,
Matrices n° 2360–2325
Écart de rendement (Canada – États-Unis), en pourcentage
Graphique 2 – Écarts de rendement entre le Canada et les États-Unis (1992-1994)
6
5
Le rendement des obligations
canadiennes est supérieur de 1 à 3 %
à celui des obligation américaines
4
3
2
1
0
1992
1993
1994
Année
Obligations (5 ans)
Bons du Trésor (3 mois)
Source : Statistique Canada, Catalogue n° 67-001-X1B, Annexe II.
Graphique 3 – Taux de change effectifs (1991-1994)
110
% baisse $US (J1992-D1994) : -17 %
% baisse C-6 (J1992-D1994) : -18 %
Indice (1992=100)
105
100
95
90
85
1991
1992
1993
1994
Année
Taux de change effectif C-6
*
Taux de change effectif $US
Le taux de change effectif C-6 est un indice de la valeur du dollar canadien par
rapport aux principales devises étrangères pondérées sur la base des échanges de
marchandises du Canada.
Source : Indices établis à partir des séries CANSIM B3400 et B3431, Statistique Canada
Écart de rendement (Canada – États-Unis), en pourcentage
Graphique 4 – Écarts de rendement entre le Canada et les États-Unis (1995-2000)
3
Période où l’inflation prévue était faible et
les taux d’intérêt bas
2
1
0
1995
1996
1997
1998
-1
-2
1999
Milieu de1998 :
hausse des taux
pour soutenir le
dollar canadien
Les taux canadiens sur
les obligations et les
bons du Trésor tombent
en deçà des taux
américains
-3
Année
Obligations (5 ans)
Bons du Trésor (3 mois)
Source : Statistique Canada, Catalogue n° 67-001-X1B, Annexe II
2000
Graphique 5 – Balance des paiements du Canada (1995 - 2000)
Fort excédent commercial
servant à financer le déficit
des revenus de placements
L’effondrement des cours des produits
de base réduit la valeur des exportations
35 000
25 000
15 000
5 000
-5 000
-15 000
-25 000
La baisse de rendement des obligations et des bons du Trésor et l’attente
d’un meilleur rapport à l’étranger entraînent des sorties de capitaux
Sortie nette d’IDE
-35 000
-45 000
1995
1996
1997
1998
1999
Année
Déficit des revenus de placements
Source :
Balance commerciale
IDE net
Flux financiers
Statistique Canada, Balance des paiements internationaux du Canada, CANSIM,
Matrices n° 2360-2325
Millions de
dollars
Graphique 6 : Taux de change effectifs (1995-2000)
% baisse $US (J1995-O2000) : -6 %
% baisse C-6 (J1995-O2000) : -3 %
90
Indice (1992=100)
88
86
84
Effondrement des
cours des produits
82
de base, crises
financières et
augmentation de
80
l’investissement
direct à l’étranger
78
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Année
Taux de change effectif C-6
Taux de change effectif $US
• Le taux de change effectif C-6 est un indice de la valeur du dollar canadien par rapport
aux principales devises étrangères pondérées sur la base des échanges de
marchandises du Canada.
Source : Indices établis à partir des séries CANSIM B3400 et B3431, Statistique Canada

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