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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Droit de la copropriété
Statuts – Châssis – Partie privative n° 415
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Tribunal de 1ère Instance de Bruxelles (75ème ch.), Jugement du 9 avril 2009
Le règlement de copropriété étant de nature contractuelle, chaque copropriétaire doit respecter les mesures qu’il
impose. A cet égard, le tribunal relève que l’article 10 du règlement de copropriété impose le respect d’une certaine
harmonie aux façades de l’immeuble, en lui attribuant une intention certaine d'unité, d'ensemble, de conformité et de
symétrie.
Le règlement précise que rien de ce qui concerne le style ou l'harmonie de l'immeuble, même s'il s'agit de choses
privées ne pourra être modifié que par décision de l'assemblée générale des copropriétaires prise à la majorité des
trois/quarts du montant total des voix. Le Tribunal civil de Bruxelles réforme la décision du juge de paix
d’Anderlecht en décidant qu'en plaçant des châssis en PVC, la copropriétaire a porté atteinte à l'harmonie et au style
de l'immeuble, au sens que les copropriétaires ont entendu donner à ces notions (art. 1156 et svts du Code civil).
L'AG est souveraine et le tribunal n'a pas à s'y substituer pour la prise de décision, sous réserve de l'abus de droit
(inédit).
Jugement du 9 avril 2009
Le Tribunal,
2. Le premier Juge a fait partiellement droit aux
demandes de Mme R et a notamment annulé la décision
litigieuse de l'AG en tant qu'elle imposait le
remplacement des châssis en PVC par des châssis en
bois.
(…)
Vu les pièces de la procédure et notamment :
- le jugement prononcé par le Juge de Paix du 1er
canton d'Anderlecht le 11 décembre 2007 et signifié le
14 avril 2008, l'acte de signification n'étant cependant
pas produit.
- la requête d'appel déposée par l'ACP Lambert Crickx
le 28 mars 2008.
- les conclusions additionnelles et de synthèse déposées
pour Mme Rle4août2008,
- les conclusions de synthèse déposées pour l'ACP
Lambert Crickx le 15 septembre 2008.
3. L'ACP Lambert-Crickx interjette un appel et conclut
à la mise à néant du jugement entrepris et au débouté
de Mme R.
Mme R demande la confirmation du jugement
entrepris, sous réserve de son appel incident tendant à
la condamnation de l' ACP à lui rembourser ses frais de
défense évalués à 1.173,44 €.
Il n'y a pas de demande nouvelle en degré d'appel.
4. Les appels, réguliers en la forme, sont recevables.
II. Les faits.
Entendu les conseils des parties en leurs dires et
moyens à j'audience publique du 20 mars 2009.
I. Objet des demandes originaires et des
appels.
l. Mme R avait cité l'ACP Lambert-Crickx en
annulation de la décision de l'AG du 26 mars 2007
reprise au point 7C du PV de cette assemblée, et en vue
d'entendre dire pour droit que le remplacement des
châssis tel qu'effectué par elle ne modifie en rien
l'harmonie ou le style de l'immeuble. Elle sollicitait
encore la condamnation de l' ACP Lambert-Crickx à lui
rembourser ses frais de conseil.
L'ACP concluait au débouté de cette demande et
sollicitait la condamnation de Mme R lui payer ses frais
de défense.
Les faits utiles à la solution du litige peuvent être
résumés comme suit:
Mme R est propriétaire d'un appartement situé au 1er
étage de l'immeuble «Lambert-Crickx», sis à 1070
Bruxelles, rue Lambert-Crickx 16-20.
Courant février 2007, Mme R. a procédé au
remplacement des châssis des fenêtres et a posé des
châssis en PVC, à la place des anciens châssis en bois
peint.
L'article 10 du règlement de copropriété (qui fait partie
intégrante de l'acte de base: acte de base, p. 11)
« rien de ce qui concerne le style ou l'harmonie de
l'immeuble, même s'il s'agit de choses privées
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ne pourra être modifié que par décision de l'assemblée
générale des copropriétaires prise à la majorité des
trois/quarts du montant total des voix, chaque millième
donnant droit à une voix. Il en sera ainsi notamment
des portes d'entrée des appartements et autres locaux
privatifs, des fenêtres, garde-corps, persiennes, volets
et de toutes autres parties visibles de la rue, et cela
même en ce qui concerne la peinture. Les rideaux
seront en voile suisse ».
III. Discussion
La demande de Mme R. en annulation du point 7C de
l'AG litigieuse a été introduite dans le délai de trois
mois prévu à l'article 57ï-9§2,2 du Code civil.
Sa demande est dès lors recevable, ce qui n'est pas
contesté.
Sur cette base, une réunion de l'AG s'est tenue le 26
mars 2007, au cours de laquelle l'AG a voté à
l'unanimité la résolution « 7 C» :
2. Les parties sont en désaccord sur le fait que la pose
de châssis en PVCI altérerait le style et l'harmonie de
l'immeuble et serait constitutive d'une infraction à
l'article la du règlement de copropriété.
« Qu'il soit mis Mme R. en demeure de procéder à
l'enlèvement de ses châssis en les remplaçant selon le
modèle et le matériau agréé par l'Assemblée Générale
(ratification) et reprise à l'acte de base
Dès lors que ces notions de «style» et d' «harmonie»
sont intrinsèquement subjectives, il n'est pas possible
pour le tribunal de les apprécier telles quelles.
« Qu'à défaut de réaction et/ou de régularisation
(remplacement par cette dernière), que les mesures
nécessaires puissent être prises par toute voie de droit
si nécessaire et ce, en accord avec le Conseil de
Gérance
« Qu'il soit laissé mandat au Conseil de Gérance afin
que ce dernier puisse opter pour le choix de la firme
qui s'occupera des travaux de remplacement des
châssis en façade avant (travaux privatifs d'ensemble
non obligatoires mais conseillés)
« Que le Conseil de Gérance analyse les différents
devis reçus et/ou déjà en possession pour précision,
révision éventuelle, confirmation du dessin agréé et
obtention du coût par châssis ainsi qu'un coût dégressif
en fonction du nombre de châssis qui seraient
commandés
« Qu'il soit ensuite et une fois devis révisé et choix du
.Conseil de Gérance déterminé, adressé un courrier
par le syndic auprès de tous les propriétaires afin de
savoir qui serai<en>t intéressé<s> pour réaliser le
remplacement de son châssis par la société qui sera
retenue, et/ou à défaut s'engager à l'avenir de passer
par cette société ».
- Des photos de la façade avant de l'immeuble sont
produites au dossier.
- Les appartements du rez-de-chaussée sont affectés à
des commerces.
- Il n'est pas contesté que les châssis sont des parties
privatives
Il s'indique dès lors d'analyser l'article 10 du règlement
de copropriété, qui constitue la loi des parties, et ce par
référence aux articles 1156 et suivants du code civil', le
règlement de copropriété étant de nature contractuelle.
A cet égard, le tribunal relève que cet article 10 du
règlement de copropriété révèle une intention certaine
d'unité, d'ensemble, de conformité et de symétrie (ces
termes se retrouvent d'ailleurs dans la définition que le
« Robert» donne du terme « harmonie»).
Ainsi, le fait qu'il précise que « les rideaux seront en
voile suisse » témoigne de la volonté de tous les
copropriétaires de concevoir cette 'harmonie' dans une
quasi-uniformité et ce, jusque dans les moindres
détails.
Il s'indique également de se référer à l'article 43 du
règlement qui précise que «les copropriétaires et leurs
occupants ne pourront mettre aux fenêtres ou sur les
terrasses ni enseigne, ni réclame, ni autres objets
quelconques (. . .) ».
Le fait encore que la copropriété, comme elle le
soutient (PV d'AG à l'appui et sans être contestée sur ce
point) a déjà, par le passé, refusé de telles
modifications des châssis et précisé qu'en cas de
remplacement, «les mêmes matériaux devaient être
utilisés» (conclusions de l'ACP, p. 5 et 6), confirme
cette volonté d'unité et de concordance parfaites.
L'ensemble de ces éléments accrédite la thèse de l'ACP,
selon laquelle l'exigence posée par l'article 10 du
règlement de copropriété doit s'interpréter de manière
large et qu'elle vise, à l'évidence, à maintenir une
uniformité drastique de la façade de l'immeuble et à
éviter tout aspect de «patchwork ».
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Il s'ensuit qu'en plaçant des châssis en PVC qui,
contrairement à ce qu'affirme Mme R. se distinguent
«de visu» des autres châssis (aspect extérieur de la
matière, montants légèrement, mais néanmoins
visiblement plus larges, différences visibles dans les
moulures, ... ), Mme R. a porté atteinte à l'harmonie et
au style de l'immeuble, au sens que les copropriétaires
ont entendu donner à ces notions.
4. C'est à tort que Mme R. voit, dans la décision de
l'ACP, un quelconque abus de droit.
L'abus de droit se définit comme étant l'utilisation d'un
droit sans intérêt raisonnable et suffisant, et dont
l'usage provoque un préjudice hors de proportion avec
l'avantage recherché ou obtenu par son titulaire.
Tel n'est pas le cas en l'espèce.
Partant, le remplacement de ces châssis était bien
subordonné à l'autorisation préalable de l'AG, ce que
Mme R. ne pouvait d'ailleurs ignorer, au vu des
précédents dans l'immeuble.
L'AG s'est prononcée sur la question du remplacement
de ces châssis et a voté une mesure de contrainte à
l'égard de Mme R. tendant à lui faire remettre les
châssis en pristin état ou à l'identique.
L'AG est souveraine et le tribunal n'a pas à s'y
substituer pour la prise de décision, sous réserve de
l'abus de droit, qui sera examiné infra.
La lettre écrite par le syndic, dans laquelle il écrit que
les travaux litigieux « respectent le style, l'harmonie et
la division » n'est pas de nature à énerver ce
raisonnement, d'une part compte tenu de la subjectivité
intrinsèque de ces notions, et d'autre part, dès lors que
le syndic poursuit en écrivant que cependant, ces
travaux « ne tiennent nullement compte de l'esthétique
de la façade ni du matériau ».
Or, c'est précisément dans ce sens que les
copropriétaires ont entendu inscrire l'article la du
règlement de copropriété (l'esthétique étant d'ailleurs
un des synonymes proposés par le « Robert» au mot «
harmonie»).
De même, la circonstance que l'immeuble soit occupé
par des commerces au rez-de-chaussée, présentant des
caractéristiques différentes, n'est pas relevante : non
seulement les éléments différents que ces commerces
peuvent offrir à la vue sont généralement de nature
mobilière et sont indépendants ou distincts des a
éléments structurels de l'immeuble, mais il convient
encore d'une part de constater qu'étant situés au rez-dechaussée, leur «visibilité d'ensemble» est moindre et
d'autre part, il y a lieu d'observer que l'article 43 du
règlement les exonère spécifiquement de ces «
obligations d'uniformité » mises à charge des autres
occupants de l'immeuble.
En effet, non seulement le but recherché par l'ACP, à
savoir le maintien de l'harmonie et de l'uniformité de la
façade, est légitime et répond à la volonté de
l'ensemble des copropriétaires (ceux-ci ont ratifié l'acte
de base et ont encore confirmé cette volonté au cours
de diverses AG), mais il convient encore d'observer
qu'en décider autrement reviendrait d'une part, à créer
une inégalité entre les copropriétaires s'étant
Conformés au prescrit de l'article la du règlement (à
savoir, ayant introduit une demande qui a été refusée
par l'AG et avoir respecté cette décision) et d'autre part,
à créer un précédent dans l'immeuble, laissant la porte
ouverte ensuite à toutes les modifications personnelles
de la façade (quelle est la limite du style et de
l'harmonie? qu'en sera-t-il d'une peinture légèrement
plus claire ou foncée, d'une vitre teintée, ... ?) donnant
lieu à des éléments disparates, achevant de dénaturer
l'immeuble dont, précisément, le règlement de
copropriété a entendu préserver 1 'harmonie et le style.
La demande de Mme R. sera dite non fondée en ce
qu'elle vise ce point de la décision de l'AG.
5. Mme R. soulève encore la question du dépassement
de compétence de l'AG, dans la mesure où celle-ci
imposerait une décision 'commune' pour des parties
privatives de l'immeuble, en ce qu'elle donne « mandat
au Conseil de Gérance afin que ce dernier puisse opter
pour le choix de la firme qui s'occupera des travaux de
remplacement des châssis en façade avant (travaux
privatifs d'ensemble non obligatoires, mais conseillés)
».
Le tribunal rejoint la réflexion du professeur L. qui
relève que «parfois, les travaux effectués sur des
parties privatives ne sont pas sans intérêt pour les
parties communes dans la mesure où la réparation
apportée à celles-là est susceptible de contribuer
également à la préservation de celles-ci. Restaurer des
éléments du bâti à l'usage exclusif de certains renforce,
par contrecoup positif, la conservation de l'ensemble»
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(N. , « le régime des travaux dans les parties
privatives et communes du bien détenu en copropriété»
in « La copropriété par appartements », Bruxelles, La
Charte, 2008, p. 5, n°l2).
Cependant, la Cour de cassation a déjà tranché cette
question en décidant que « le simple fait que des
travaux sont nécessaires afin d'empêcher que des
parties privatives causent un dommage à des parties
communes ou les influencent de manière préjudiciable
n'est pas de nature à rendre l'assemblée générale
compétente pour décider elle-même de faire exécuter
des travaux affectant ces parties privatives », d'autant
que l'assemblée générale conserve le droit d'exiger du
propriétaire des parties privatives concernées d'exécuter
les travaux nécessaires pour éviter tout dommage aux
parties communes (Cass., 1er avril 2004, J T., 2005, p.
357).
6. En l'espèce, il convient de distinguer deux points :
Tout d'abord, il n'apparaît pas à suffisance que tout
copropriétaire voulant remplacer ses châssis soit obligé
de faire exécuter ces travaux par la firme retenue par
l'AG 2. Rien ne l'empêche de faire appel à une autre
firme, la seule obligation pesant sur lui étant de
remplacer ses châssis exactement à l'identique.
Ensuite, rien n'empêche les copropriétaires qui le
souhaitent, pour des raisons purement pratiques et
d'efficacité, voire purement financières (afin de profiter
d'une étude de marché déjà faite, de prix dégressifs, ...),
de confier volontairement un mandat à l'AG à cette fin :
l'AG agit alors dans le cadre d'un contrat privé la liant
individuellement à chaque copropriétaire lui ayant
confié ce mandat, contrat qui excède le cadre strict de
la copropriété ; c'est la lecture que le tribunal donne au
dernier paragraphe de la résolution 7 C << Qu'il soit
ensuite et une fois devis révisé et choix du Conseil de
Gérance déterminé, adressé un courrier par le syndic
auprès de tous les propriétaires afin de savoir qui
serai<en>t intéressé<s> pour réaliser le remplacement
de son châssis par la société qui sera retenue, et/ou à
défaut s'engager à l'avenir de passer par cette société »
__________
La décision de l'AG précise en effet « Qu'il soit ensuite et une
fois devis révisé et choix du Conseil de Gérance déterminé,
adressé un courrier par le syndic auprès de tous les
propriétaires afin de savoir qui serai<en>t intéressé<s> pour
réaliser le remplacement de son châssis par la société qui sera
retenue, et/ou à défaut s'engager à l'avenir de passer par cette
société»; en d'autres termes, seuls les copropriétaires qui le
désirent peuvent faire ce choix et s'engager, sans préjudice des
droits des autres de faire appel à une autre firme.
et l'on cherche en vain ce qui pourrait interdire l'AG ou
un copropriétaire d'agir de la sorte, sur cette base
purement volontaire.
7. L'appel principal sera dès lors dit fondé et Mme •••
sera déboutée de sa demande originaire et de son appel
incident.
8. S'agissant d'une demande non évaluable en argent,
c'est à juste titre que l'ACP Lambert-Crickx la liquide à
1.200 € pour la procédure en degré d'appel.
Il échet par contre de relever que cette indemnité de
procédure n'est pas liquidée, à tout le moins clairement,
en ce qui concerne la procédure en premier ressort.
Par ces motifs,
Le tribunal,
Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935, sur
l'emploi des langues en matière judiciaire,
Statuant contradictoirement et en degré d'appel ;
Ecartant toutes autres conclusions contraires ;
Dit l'appel principal de l'Association des
Copropriétaires Lambert Crickx recevable et fondé.
Dit l'appel incident de Mme 7 • recevable mais non
fondé et l'en déboute.
En conséquence, met à néant le jugement entrepris et
statuant par voie de dispositions nouvelles,
Dit la demande originaire de Mme R a:.recevable mais
non fondée et l'en déboute.
Condamne MmeS à supporter les dépens de premier
ressort (IP non liquidée) et d'appel: frais de mise au rôle
(non liquidés), IP 1.200 €.
Trib. Civil. 2008/4284/A
Sièg. S. Van Bree, De Visscher, De Coninck
Plaid. F. Nimal, Ph. Tordoir