Remplacement d`un adjoint au maire.

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Remplacement d`un adjoint au maire.
Remplacement d’un adjoint au maire : analyse de l’évolution juridique
La question qui a été posée à l’Association des Maires du Département de La Réunion par une
commune adhérente est celle-ci : peut-on remplacer un adjoint au maire démissionnaire ou décédé sans
respecter l’ordre du tableau ?
Tout d’abord, il est important de préciser que l’ordre des adjoints est déterminé, conformément aux
dispositions de l’article R.2121-3 du CGCT, par l’ordre de nomination, et entre adjoints élus sur la même liste,
par l’ordre de présentation sur la liste.
Il est ensuite nécessaire d’examiner ce qui prédominait avant 2004, ce qui a prévalu de 2004 à 2013, et
ce qui est possible aujourd’hui.
I – Ce qui prédominait avant 2004
Jusqu’en 2004, l’ordre de nomination déterminait le rang des adjoints : chacun des adjoints d’un rang inférieur à
celui de l’adjoint qui avait cessé ses fonctions se trouvait promu d’un rang au tableau des adjoints. Le conseil
municipal ne pouvant modifier, à l’occasion du remplacement de l’adjoint qui a cessé ses fonctions, le rang
résultant des règles légales, le principe était que le nouvel adjoint prenne place au dernier rang du tableau : si le
premier adjoint démissionnait, le deuxième devenait premier et ainsi de suite, comme le soulignait (Conseil
d’Etat, 25 juin 1980, élection d’un adjoint au Maire de Lamentin).
Et s’il était décidé d’élire un nouvel adjoint en remplacement de l’adjoint démissionnaire, ni le conseil municipal
ni les autres adjoint ne pouvaient changer cet ordre (CE 28 octobre 1988 Stéfanini) ; et un adjoint au maire
nouvellement élu ne pouvait pas être nommé premier adjoint au maire (TA - Amiens 15 mai 2003 Préfet de
l’Aisne c / Nicolas Defaux).
Ainsi, selon ces principes et parce que l’élection d’un nouvel adjoint se déroule dans les mêmes conditions que
celui du maire, si l'on décidait de remplacer l'adjoint démissionnaire, le nouvel adjoint devait être élu par le
conseil municipal, avant de prendre sa place au dernier rang. En effet, les élections des adjoints se faisaient au
scrutin uninominal à bulletin secret.
La jurisprudence considérant que, en principe, « en cas de vacance d’un poste d’adjoint, l’adjoint nouvellement
élu par le conseil municipal ne peut prendre rang qu’après tous les autres, il en va autrement lorsque, après
une élection partielle, le conseil municipal, faisant usage de la faculté qu’il tient des dispositions précitées du
quatrième de l’article L.2122-10 du CGCT, décide de procéder à l’élection de l’ensemble des adjoints au maire,
indépendamment de l’ordre des nominations qui était jusqu’alors en vigueur » (Conseil d’Etat, 3 juin 2005,
Saint-Laurent-de-Lin, n°271224), le conseil municipal n’a toujours pas l’obligation de pourvoir tous les postes
d’adjoints créés.
Par contre, une fois élu, le poste d’adjoint ne peut juridiquement pas être supprimé même si le conseil municipal
peut toujours décider de ne pas procéder au remplacement d’un adjoint en cas de décès ou de démission, ce qui
revient à supprimer de fait et tacitement son poste (TA Amiens 20 décembre 1990 Préfet de Somme c/commune
d’Amiens).
Il en résultait donc que le lorsque le Conseil municipal était incomplet et qu’un seul ou plusieurs postes
d’adjoints étaient vacants, le Conseil pouvait décider du remplacement de ces adjoints mais en classant les
nouveaux adjoints aux derniers rangs du tableau
II – Ce qui a prévalu de 2004 à 2013
La loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a fait évoluer
l’immuabilité de l’ordre des adjoints. En effet, depuis cette date, un adjoint peut être élu au même rang que l’élu
qui occupait le poste vacant
Le dernier alinéa de l’Article L 2122-10 du CGCT y est ainsi rédigé :
« Quand il y a lieu, en cas de vacance, de désigner un nouvel adjoint, le conseil municipal peut décider qu'il
occupera, dans l'ordre du tableau, le même rang que l'élu qui occupait précédemment le poste devenu vacant».
Ainsi, lors du remplacement d’un adjoint, le conseil municipal a depuis pu déroger au principe antérieur de
respect total de rang et décider que dans l’ordre du tableau, ce nouvel adjoint occupera le même rang que son
prédécesseur (Mairies-Conseils, article mis en ligne le 20 janvier 2014).
Pour ce faire, le Ministère de l’intérieur a précisé, dans une circulaire du 13 mars 2014 relative à l’élection et au
mandat des assemblées et exécutifs municipaux et intercommunautaires que « le conseil municipal peut toutefois
décider, en application du dernier alinéa de L.2122-10 du CGCT, que l’adjoint nouvellement élu occupera, dans
l’ordre du tableau, le même rang que l’adjoint qui occupait le poste devenu vacant. Cette décision doit
nécessairement faire l’objet d’une délibération préalable avant l’élection ».
S’il est indispensable qu’il y ait un vote préalable, le Conseil d’Etat a nuancé (29 janvier 2014 – Jouy-leMoutier, n°366487) en estimant que « la circonstance que le conseil municipal s’est prononcé sur l’élection de
l’intéressée en qualité d’adjoint au maire, puis sur le rang qu’elle occuperait dans le tableau des adjoints, n’a
pas entaché d’irrégularité les opérations électorales ». La proclamation irrégulière du rang serait, elle, nulle.
Il est donc important que le Conseil municipal délibère avant de procéder à l’élection du nouvel adjoint et qu’il
décide que ce dernier occupera le même rang dans l’ordre du tableau que son prédécesseur.
Il en résultait que le remplacement de l’adjoint qui a quitté ses fonctions au même rang peut se faire mais
sans que ce remplacement au même rang ne soit l’occasion de modifier l’ordre du tableau (Réponse
ministérielle à la question écrite n°07537 de M. Jean Louis Masson, parue au Journal officiel du Sénat le 7 mai
2009).
III – Ce qui est possible aujourd’hui
Plusieurs situations nouvelles se présentent de manière inédite aujourd’hui, présentant ou non des
difficultés d’interprétation.
1) les adjoints au maire sont élus depuis mars 2014 (renouvellement général des conseils municipaux)
sur une liste lors du renouvellement des conseils municipaux.
La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers
municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, a profondément changé la
donne en introduisant l’élection des adjoints par liste, comme pour les assemblées départementales ou
régionales, mais sans les mêmes portées juridiques.
En effet, L’article L 2122-7-2 du CGCT précise que dans les communes de 1000 habitants et plus, « les adjoints
sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Sur chacune des listes,
l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un ».
Si, après deux tours de scrutin, aucune liste n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de
scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative. En cas d'égalité de suffrages, les candidats de la liste ayant la
moyenne d'âge la plus élevée sont élus.
« Le maire et les adjoints sont élus pour la même durée que le conseil municipal » (article L 2122-10 du CGCT)
et « la proclamation des résultats du scrutin est rendue publique, par voie d'affiche, dans les vingt-quatre
heures » (article L 2122-12 du CGCT).
Les listes de candidats aux fonctions d’adjoint au maire doivent comporter au plus autant de conseillers
municipaux que d’adjoints à désigner. Elles doivent être déposées au plus tard avant l’ouverture de chaque tour
de scrutin. Chaque liste doit clairement faire apparaître un ordre de présentation des candidats aux fonctions
d’adjoints au maire.
Ainsi, lorsqu’un adjoint démissionnaire est remplacé, outre le fait qu’il peut être remplacé au même
rang par son successeur, ce dernier est élu au scrutin de liste.
C’est cette évolution législative qui a permis à la Ville de Lyon de prendre une délibération afin de procéder à
l’élection d’un adjoint en remplacement d’un autre dans le même rang, comme le stipule la délibération
n°2014/46 présentée au conseil municipal par le Maire le 25 avril 2015 :
« Pour procéder à son remplacement et en application de l’article L 2122-2 du Code Général des Collectivités
Territoriales, je me dois de recueillir votre assentiment quant au fait de pourvoir à ce poste.
Par ailleurs et en vertu des dispositions combinées des articles L 2122-10 et R 2121-3 du Code Général des
Collectivités Territoriales, l’ordre du tableau des adjoints est déterminé par l’ordre de nomination et entre
adjoints élus sur une même liste par l’ordre de présentation sur la liste, sous réserve du cas où, le Conseil
Municipal déciderait que ce nouvel adjoint occupe dans l’ordre du tableau le même rang que l’élu qui occupait
précédemment le poste devenu vacant.
C’est pourquoi, je vous propose de désigner un nouvel adjoint qui occupera le 21ème rang du tableau ».
Qu’il y ait un seul ou plusieurs sièges à pourvoir, le scrutin se fait donc obligatoirement par liste.
2) La possibilité ouverte à un adjoint de remplacer un autre adjoint démissionnaire
Puisque la règle est devenue que l’élu entrant occupe le rang de l’adjoint sortant, une question essentielle se
pose : peut-on remplacer un adjoint par un autre adjoint ?
Si on part de la décision du Conseil d’Etat (7 avril 1967, Election du deuxième adjoint au maire d’Avignon),
« Lorsque le poste de deuxième adjoint devient vacant, le conseil municipal ne peut élire le 7 ème adjoint à ce
poste ; une telle élection, portant exclusivement sur une mutation d’un poste à un autre, est alors nulle en ellemême », alors ce remplacement n’est pas possible.
Mais la réponse apportée par le Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales à M. Jean
Louis Masson (Réponse à une question écrite n°06942, parue au Journal Officiel du Sénat le 28 mai 2009) est
toute autre :
« En cas de vacance d’un poste d’adjoint, tout conseiller municipal (sauf le maire) peut se porter candidat à ce
poste, y compris s’il occupe déjà les fonctions d’adjoint. Ainsi, en application de l’article L.2122-10 du CGCT,
si le cinquième adjoint est élu premier adjoint, le poste de cinquième adjoint devient vacant. Le conseil
municipal peut alors ensuite, soit procéder à l’élection d’un nouvel adjoint, sans délibération préalable, et
l’adjoint nouvellement élu occupera le dernier rang des adjoints, chacun des adjoints restant et du rang
inférieur passant au rang supérieur (Conseil d’Etat du 3 juin 2004, Saint-Laurent-de-Lin), soit prendre une
délibération précisant qu’il sera pourvu au poste vacant et procéder ensuite à l’élection ».
Il y a donc aujourd’hui, dans une certaine mesure, intangibilité relative de l’ordre du tableau.
Car la deuxième possibilité offerte par la réponse ministérielle inclut, en s’entourant des précautions préconisées
dans la procédure, que l’on ne doit pont exclure le fait qu’un adjoint soit élu sur un poste vacant d’adjoint et qu’il
soit remplacé immédiatement au même rang par un autre élu.
Cela suppose que les élus puissent être préalablement informés de la possibilité de plusieurs scrutins dans la
même séance.
Puisque rien n’empêche un adjoint de se porter candidat sur le poste d’un adjoint vacant, rendant
du coup son siège vacant, rien ne peut empêcher a priori qu’il y ait, dans le cadre d’une procédure de
remplacement, une série de vacance en cascade modifiant forcément l’ordre du tableau.
IV – Le système de vote en cascade lors du remplacement d’un adjoint
C’est ce principe d’une élection en cascade qui peut modifier de fait et de droit l’ordre du tableau des adjoints au
maire.
A) Cas pratique
Afin de mieux comprendre cette évolution juridique, il est préférable de se pencher sur une possibilité pratique :
a) Le poste de 1er adjoint est vacant, le 6ème adjoint est candidat au poste de1er adjoint et est élu.
b) Le poste de 6ème adjoint est donc libre et devient immédiatement vacant
c) Le Conseil municipal décide de pourvoir de suite à son remplacement et le 13ème adjoint, candidat, est
élu
d) Le poste de 13ème adjoint est libre dans les mêmes conditions qu’au petit b)
e) Le conseil pourvoit tout de suite à son remplacement et un conseiller municipal est élu adjoint au rang
vacant.
Ce cas de figure ne semble pas entaché d’irrégularité et peut parfaitement exister car si un maire peut envisager
de remplacer un adjoint par un autre élu clairement désigné comme candidat, en l’état actuel du droit s’il y a une
autre candidature que celle présentée par le maire, le conseil municipal reste souverain dans la désignation d’un
ou de nouveaux adjoints à bulletins secrets, au scrutin de liste ou non.
C’est la raison pour laquelle, en tout état de cause, une première délibération devrait proposer à l’Assemblée les
éléments suivants :
1) conserver le même nombre d’adjoints
2) pourvoir au poste devenu vacant en précisant que chaque élu (adjoint ou conseiller municipal) peut se
porter candidat
3) décider que le nouvel adjoint occupera, dans l'ordre du tableau, le même rang que l'élu qui occupait
précédemment le poste devenu vacant, soit en l'espèce le rang de 2ème adjoint.
4) acter les éléments sus cités avant les opérations de vote.
Il faut, à notre avis, impérativement ce premier vote permettant de nommer un adjoint au même rang que
son prédécesseur.
B) La tempérance de ce cas pratique
Dans une deuxième délibération qui prévoit les opérations de vote en scrutin de liste, deux modulations
importantes sont à prévoir pour respecter l’esprit de la doctrine sur cette intangibilité de l’ordre des adjoints :
a) décider que si c'est un autre adjoint qui est candidat, sa candidature ne peut être acceptée que s’il est
d’un rang inférieur au rang à pourvoir, afin de respecter l'ordre des adjoints tel que voté lors du scrutin
de liste en début de mandature
b) décider que si cet adjoint de rang inférieur est élu au rang prévu dans cette délibération, son poste
devient vacant et est immédiatement pourvu dans les mêmes conditions, lors de cette même séance.
C’est subtil, mais innovant en ce sens que cette opération ne détourne pas la loi et la doctrine car elle ne touche
aucunement les adjoints déjà élus et non candidats en gardant leur rang : il n’y a ni mutation ni rétrogradation
mais promotion par élection, ce qui correspond à l’esprit de la loi en vigueur sur l’ordre des adjoints.
Conclusion
Il est plausible que d’autres analyses pourraient minimiser les possibilités offertes par les effets combinés de
L.2122-10 du CGCT, des jurisprudences antérieures et des réponses récentes du Ministère de l’Intérieur au
Sénateur Jean Louis Masson.
Un des obstacles pourraient être que le fait qu’on ne peut procéder au remplacement d’un adjoint élu à un rang
supérieur que si le Préfet a accepté au préalable sa démission. Sauf que justement, il n’y a pas de démission
dans le cadre d’une promotion générée par l’élection : IL Y A VACANCE DE FAIT ET DE DROIT !
La force du droit électoral étant qu’il est d’application stricte, il n’en demeure pas moins vrai que chaque
décision née d’un vide juridique l’enrichit !
Et c’est le cas, nous semble-t-il, avec cette évolution pratique qui n’a pas encore été codifiée par la loi ou la
jurisprudence.
Cyrille HAMILCARO
Directeur de l’AMDR
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