Réduction de modèle de grande dimension, application à un avion
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Réduction de modèle de grande dimension, application à un avion
Réduction de modèle de grande dimension, application à un avion souple de transport civil Pierre Vuillemin ∗ Charles Poussot-Vassal ∗∗ Daniel Alazard ∗ ∗ ISAE, Onera - The French Aerospace Lab, F-31055 Toulouse, France (e-mail : [email protected]). ∗∗ Onera - The French Aerospace Lab, F-31055 Toulouse, France Résumé : Les méthodes de réduction basées sur l’interpolation rationnelle ou tangentielle offrent une alternative très intéressante à la troncation équilibrée, souvent considérée comme la référence des méthodes de réduction pour les systèmes Linéaire à Temps Invariants (LTI). Dans cet article nous proposons (i) d’appliquer certaines des plus récentes méthodes d’approximation (Gugercin et al. (2004); Van Dooren et al. (2010); Poussot-Vassal (2011a)) sur un modèle complexe d’avion aéroélastique multivariables, utilisé dans l’industrie pour l’analyse et la synthèse de loi, ainsi qu’une (ii) étude qualitative de l’impact de certains des paramètres de ces méthodes de réduction (i.e. le choix les points d’interpolation initiaux) sur les performances des algorithmes. Mots-clés : Réduction de modèle, modèle d’avion souple, méthode SVD-Krylov 1. INTRODUCTION 1.1 Motivations L’amélioration des techniques de modélisation et l’utilisation de logiciels de conception rendent les modèles dynamiques de plus en plus complexes. Si d’un point de vue théorique cela peut sembler intéressant, en pratique en revanche, les modèles de grande dimension rendent la simulation, l’analyse de performances et la synthèse de contrôleurs problématiques. C’est notamment le cas en aéronautique où les modèles fournis par les partenaires industriels peuvent difficilement être utilisés en l’état. Il est nécessaire d’en réduire la taille afin de pouvoir appliquer des techniques d’analyse et de synthèse classiques basées sur l’optimisation. 1.2 Positionnement du problème de réduction En fonction de la classe de systèmes considérée, de nombreuses techniques de réduction existent. Dans cet article, seuls les systèmes linéaires, invariant dans le temps, stables et strictement propres seront considérés. De fait, le problème est le suivant : Problème 1 : Étant donné le système dynamique Σ d’ordre n ayant nu entrées et ny sorties, représenté dans le domaine temporel par ẋ(t) = Ax(t) + Bu(t) Σ := (1) y(t) = Cx(t) ou dans le domaine fréquentiel par sa fonction de transfert H(s) := C(sIn − A)−1 B ∈ Cny ×nu (2) Le problème de réduction consiste à trouver les matrices  ∈ Rr×r , B̂ ∈ Rr×nu et Ĉ ∈ Rny ×r (r n) telles que le système réduit Σ̂ : Σ̂ := ˙ x̂(t) = Âx̂(t) + B̂u(t) ŷ(t) = Ĉ x̂(t) (3) dont la fonction de transfert est : Ĥ(s) := Ĉ(sIr − Â)−1 B̂ ∈ Cny ×nu (4) ait un comportement entrées/sorties proche de celui du système original Σ. Les méthodes de réduction des modèles de grande dimension se divisent principalement en deux familles, les méthodes qui n’utilisent pas la projection et celles qui l’utilisent. Seule la seconde famille de méthodes est considérée ici car elle répond mieux aux exigences numériques liées aux systèmes de grande dimension. Le problème de réduction par projection s’exprime comme suit. Problème 2 : Etant donné le système Σ à réduire, il s’agit de trouver deux matrices de projection V , W ∈ Rn×r (r n) biorthogonales (W T V = Ir ) telles que les matrices du modèle réduit Σ̂ s’écrivent :  = W T AV , B̂ = W T B et Ĉ = CV (5) 1.3 Structure de l’article Cet article est organisé de la façon suivante. Dans la partie 2 sont présentés quelques résultats préliminaires. La partie 3 est consacrée à la présentation (i) des méthodes de réduction basées sur l’interpolation et (ii) d’une politique de sélection des points d’interpolation initiaux qui constitue notre contribution. Dans la partie 4, les méthodes de réduction sont appliquées à un modèle d’avion flexible de grande dimension et une étude qualitative sur la sélection des points d’interpolation initiaux est présentée. Enfin la partie 5 conclue cet article. 3. MÉTHODES D’INTERPOLATION POUR LA RÉDUCTION DE MODÈLES 2. RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES 2.1 Approximation optimale au sens de la norme H2 3.1 Moments et interpolation Pour juger de la qualité de l’approximant dans le Problème 1, la norme H2 de l’erreur est considérée : Ĥ(s)k2H2 JH2 (Ĥ(s)) = kH(s) − Le problème suivant apparaît alors naturellement. (6) Problème 3 : Le problème de minimisation de la norme H2 de l’erreur consiste à trouver le modèle réduit Σ̂ de fonction de transfert Ĥ(s) tel que ! Ĥ(s) = arg min H̃(s) stable JH2 (H̃(s)) (7) Le principe de l’interpolation repose sur l’égalisation d’un certain nombre de moments (voir Définition 1) du modèle initial et est exprimé par le Problème 4. Définition 1 : Soit le système Σ décrit par (2), la fonction de transfert H(s) peut être décomposée en séries de Laurent autour d’un point σ ∈ C : ∞ X (s − σ)i H(s)|σ = ηi (10) i! i=0 où les ηi ∈ Cny ×nu , i ∈ N sont appelés moments d’ordre i en σ associés au système. Ils sont définis par : Ce problème n’étant pas convexe, le minimum global ne peut pas être déterminé facilement. L’approche la plus répandue dans la littérature consiste à exprimer les conditions nécessaires d’optimalité du premier ordre. Ces conditions ont été formulées par Meier and Luenberger (1967) dans le cadre de l’interpolation rationnelle (voir Théorème 1 pour le cas SISO), par Wilson (1974) dans un cadre basé sur les équations de Lyapunov et plus récemment par Van Dooren et al. (2008) pour le cas de l’interpolation tangentielle. Théorème 1 : Soient les systèmes SISO Σ et Σ̂ ayant H(s) et Ĥ(s) pour fonctions de transfert. Si Ĥ(s) minimise JH2 , alors Ĥ(s) interpole H(s) et ses premières dérivées en l’opposé des valeurs propres λ̂k de Ĥ(s), c’est à dire Ĥ(−λ̂k ) = H(−λ̂k ) et Ĥ 0 (−λ̂k ) = H 0 (−λ̂k ) k = 1, . . . , r (8) ηi |σ = C(σIn − A)−(i+1) B = (−1)i di H(s)|s=σ dsi (11) Problème 4 : Le problème de réduction par interpolation consiste à trouver un modèle réduit Ĥ(s) d’ordre r égalisant différents moments en un point σ ∈ C, i.e. : ηi |σ = η̂i |σ ∀i ∈ 0, . . . , q − 1 (12) où q est le nombre de moments égalisés en σ. Du fait de l’intervention des puissances successives de A dans la formulation des moments, ceux-ci sont généralement mal conditionnés et donc difficiles à calculer explicitement. L’égalisation se fait plutôt de manière implicite au travers des espaces de Krylov Kq défini comme suit : Kq (A, v) = span v, Av, . . . , Aq−1 v (13) Cette utilisation des espaces de Krylov a été proposée par Grimme (1997) et se traduit par le Théorème 2. Théorème 2 : Étant donnés les systèmes Σ et Σ̂ définis précédemment et un point d’interpolation σ ∈ C tel que Aσ = (σIn − A) soit inversible, si, 2.2 Troncation équilibrée Parmi les méthodes de réduction par projection, la plus connue est la troncation équilibrée (voir Moore (1981) ou Gugercin and Antoulas (2004) pour plus de détails). Cette méthode préserve la stabilité du modèle initial et offre une borne calculable a priori sur la norme H∞ de l’erreur. De plus, de bons résultats sont en général obtenus en norme H2 et H∞ , ce qui fait de cette méthode la référence dans son domaine. Malgré tout, la troncation équilibrée n’est optimale au sens d’aucune norme usuelle et il est donc possible de trouver un meilleur approximant. De plus elle repose sur le calcul des grammiens, une tâche qui peut s’avérer difficile en grande dimension. En effet, les grammiens de commandabilité P et d’observabilité Q sont obtenus par résolution des équations de Lyapunov suivantes : T T AP + PA + BB = 0 AT Q + QA + C T C = 0 (9) Or la résolution de ces équations est un problème mal conditionné et les solveurs numériques fournissent parfois des solutions très approximatives. C’est le cas pour le modèle présenté dans la partie 4 où la solution issue d’un solveur classique ne vérifie pas les équations (9). −1 Kqb (A−1 σ , Aσ B) ⊆ V = span(V ) (14) alors les moments de Σ et Σ̂, obtenus par projection (c.f. équation (5) avec V = W ) satisfont : ηi |σ = η̂i |σ i = 0, . . . , qb − 1 (15) Ce théorème montre que pour égaliser des moments d’un système, il suffit de construire une base pour un certain espace de Krylov. Pour égaliser plus de moments, il est possible d’utiliser un projecteur à gauche différent de celui à droite, c’est à dire W 6= V . Ce projecteur forme en fait une base pour l’espace de Krylov dual de celui déjà utilisé, à savoir : −∗ T Kqc (A−∗ σ , Aσ C ) ⊆ W = span(W ) (16) Après projection, le modèle réduit égalise les qc + qb premiers moments en σ ∈ C. Remarque 1 : Dans le Théorème 2, le modèle réduit obtenu est d’ordre r = nu qb . Si l’espace dual (16) est utilisé, alors  ∈ Rny qc ×nu qb et les ordres des espaces de Krylov qb et qc doivent être ajustés pour obtenir un système carré. En l’état, l’égalisation des moments n’est effectuée qu’en un point σ, mais en pratique, plusieurs points d’interpolation constituent un choix plus judicieux pour reproduire le comportement du modèle initial en différentes fréquences. 3.2 Interpolation rationnelle en plusieurs points Pour interpoler un système en différents points, le principe reste le même mais il faut considérer les espaces de Krylov généralisés, présentés dans la Définition 2. Définition 2 : Soient les ensembles {qb,1 , . . . , qb,K } ∈ NK , {qc,1 , . . . , qc,K } ∈ NK et σ = {σ1 , . . . , σK } ∈ CK tels que Aσi = (σi In − A) soient inversibles, alors, K [ Kqb (A, B, σ) := T −1 Kqb,i A−1 σi , Aσi B i=1 K [ T Kqc (A , C , σ̄) := (17) Kqc,i −∗ T A−∗ σi , Aσi C i=1 sont les espaces de Krylov généralisés d’ordre qb (resp. qc ). Le Théorème 3, proposé par Grimme (1997), est le pendant du Théorème 2 dans le cas de multiples points d’interpolation. Théorème 3 : Avec les mêmes notations que précédemment, si, Kqb (A, B, σ) ⊆ V = span(V ) (18) Kqc (AT , C T , σ̄) ⊆ W = span(W ) alors les moments de Σ et Σ̂, obtenus par projection (5), satisfont, pour k = 1, . . . , K : ηi |σk = η̂i |σk , i = 0, . . . , qb,k + qc,k − 1 (19) La question est alors de savoir comment choisir les points d’interpolation σk de façon à avoir un bon approximant du modèle initial. Ce problème a été en partie résolu par Gugercin et al. (2006) qui proposent une procédure itérative permettant d’atteindre un modèle réduit satisfaisant les conditions d’optimalité du premier ordre présentées dans le Théorème 1. L’idée est d’égaliser deux moments en chaque point d’interpolation, i.e. qb,i = qc,i = 1, ∀i = 1, . . . , K, et de sélectionner les points d’interpolation comme étant les images miroirs des pôles du modèle réduit à l’itération précédente (voir Algorithme 1, étape 7). La procédure est présentée dans l’Algorithme 1 pour les systèmes SISO où qb = qc = K = r. Algorithme 1 : Iterative Rational Krylov Algorithm (IRKA) Arguments : A ∈ Rn×n , B ∈ Rn , C ∈ Rn , σ (0) = (0) (0) {σ1 , . . . , σr } ∈ Cr une sélection initiale de points d’interpolation. (0) (0) 1 : Construire W = [(σ̄1 In − AT )−1 C T , . . . , (σ̄r In − AT )−1 C T ] (0) (0) 2 : Construire V = [(σ1 In − A)−1 B, . . . , (σr In − A)−1 B] T −T 3 : Poser W = W (W V ) 4 : Tant que l’algorithme n’a pas convergé 5 :  = W T AV 6: i←i+1 (i) 7 : σj = −λj (Â) Remarque 2 : À propos de l’Algorithme 1 : – Les matrices V et W doivent être construites d’une façon numériquement stable (étapes 1, 2, 8 et 9), c’est à dire que chaque nouvelle colonne doit être orthogonalisée par rapport aux précédentes. – Les étapes 3 et 10 servent à rendre W et V biorthogonales, i.e. W T V = Ir . – Un critère d’arrêt possible peut être la stagnation des (i) points d’interpolation σj . Même s’il est extrêmement rare d’obtenir des modèles instables, cette technique ne garantit pas la stabilité du modèle réduit, et aucune borne sur l’erreur d’approximation n’a encore été proposée. Bien que la théorie de l’interpolation rationnelle s’applique indifféremment aux cas des systèmes SISO et MIMO, ces derniers posent des problèmes en pratique dans la mesure où la construction des matrices de projection V et W doit se faire par bloc et d’une manière numériquement stable. Cela s’avère très complexe en pratique où des pertes de rangs sont observées, il est alors préférable de considérer le cadre de l’interpolation tangentielle qui est plus adaptée au cas des systèmes MIMO. 3.3 Interpolation tangentielle La difficulté d’application de l’interpolation rationnelle aux cas des systèmes MIMO vient du fait que les conditions d’interpolation ne sont pas assez restrictives. Avec l’interpolation tangentielle, en plus des points d’interpolation, des directions d’interpolation sont fournies pour éviter ce problème. Les conditions d’optimalité du premier ordre s’expriment ici au travers du Théorème 4. Elles ont été formulées par Van Dooren et al. (2008). Théorème 4 : Soient λ̂i , dˆi et ĝi , i = 1, . . . , r, respectivement les valeurs propres, les vecteurs propres à droite et à gauche du modèle réduit Σ̂ : Âdi = λ̂i dˆi ĝ ∗  = λ̂i ĝ ∗ (20) i i Des directions tangentielles à gauche et à droite ˆli et rˆi peuvent alors être définies : ˆli = Ĉ dˆi r̂∗ = ĝ ∗ B̂ (21) i i Si Ĥ(s) n’a que des pôles simples et minimise JH2 , alors les équations suivantes sont satisfaites : ˆl∗ H(−λ̂i ) = ˆl∗ Ĥ(−λ̂i ) i i (22) H(−λ̂i )r̂i = Ĥ(−λ̂i )r̂i ˆl∗ H 0 (−λ̂i )r̂i = ˆl∗ Ĥ 0 (−λ̂i )r̂i i i Comme dans le cas de l’interpolation rationnelle, il suffit de construire des bases pour certains espaces de Krylov pour pouvoir satisfaire ces conditions d’optimalité, voir Théorème 5. Théorème 5 : Soient σi ∈ C, ˆli ∈ Cny et r̂i ∈ Cnu (i = 1, . . . , r) des ensembles de points d’interpolation et (i) (i) Construire W = [(σ̄1 In − AT )−1 C T , . . . , (σ̄r In − AT )−1 C T ] de directions tangentielles à gauche et à droite. Les σi sont (i) (i) −1 −1 Construire V = [(σ1 In − A) B, . . . , (σr In − A) B] tels que (A − σi In ) est inversible. Si, pour i = 1, . . . , r T −T 8: 9: 10 : Poser W = W (W V ) 11 : Fin tant que En sortie :  = W T AV , B̂ = W T B, Ĉ = CV (σi In − A)−1 Br̂i ⊆ span(V ) (σ̄i In − AT )−1 C T ˆli∗ ⊆ span(W ) (23) alors le modèle réduit Σ̂ obtenu par projection (5) satisfait les conditions d’interpolation tangentielle du Théorème 4. En pratique, l’interpolation tangentielle se traduit par l’algorithme Iterative Tangential Interpolation Algorithm (ITIA) non explicité, mais suggéré par Van Dooren et al. (2010). Il reprend la structure de l’Algorithme 1 à quelques points près : – Les étapes 1,2, 8 et 9 de construction des bases V et W incluent maintenant les directions tangentielles, c’est à dire : (i) V = [(σ1 In − A)−1 Br̂1 , . . . , (σr(i) In − A)−1 Br̂r ] (i) W = [(σ̄1 In − AT )−1 C T ˆl1∗ , . . . , (σ̄r(i) In − AT )−1 C T ˆlr∗ ] (24) – À chaque itération, les nouvelles directions tangentielles sont calculées comme dans les équations (20) et (21). L’interpolation tangentielle s’applique bien aux systèmes MIMO, mais elle possède les mêmes inconvénients que l’interpolation rationnelle, à savoir l’absence de garantie sur la stabilité du modèle réduit et l’absence de borne sur la norme de l’erreur. Pour pallier cela, des travaux ont été effectués pour combiner les approches de réduction basées sur l’interpolation et des approches basées sur les équations de Lyapunov (comme la troncation équilibrée) afin d’en extraire les avantages. Il s’agit des méthodes mixtes ou méthodes SVD-Krylov (voir e.g. Gugercin (2005)). 3.4 Méthodes mixtes De nombreuses procédures tentent de coupler les avantages de la troncation équilibrée avec ceux des méthodes basées sur les espaces de Krylov (voir Antoulas (2005)), mais ici, seules celles qui découlent directement des méthodes d’interpolation sont évoquées. Elles se basent sur l’utilisation d’un des grammiens (P ou Q) pour la construction d’un des projecteurs. L’autre étant généré de la même façon que précédemment, c’est à dire par un espace de Krylov généralisé. Le premier algorithme utilisant cette approche a été proposé par Gugercin (2005) et reprend la forme de l’algorithme IRKA, il est appelé Iterative SVD-Rational Krylov Algorithm (ISRKA). La seule différence avec IRKA réside dans la construction d’un des projecteurs. Par exemple, si le grammien d’observabilité Q est utilisé, le projecteur W est construit de la façon suivante : W = QV (V T QV )−1 (25) L’utilisation d’un grammien permet de garantir la stabilité du modèle réduit et aussi de rendre l’algorithme directement applicable aux systèmes MISO et SIMO selon le grammien utilisé. Pour les systèmes MIMO en revanche, il est préférable d’utiliser l’interpolation tangentielle pour générer le premier projecteur, c’est en cette fin que l’algorithme Iterative SVD Tangential Interpolation Algorithm (ISTIA) a été proposé par Poussot-Vassal (2011a) (voir Algorithme 2). Du fait de l’utilisation d’un grammien pour former le second projecteur, seule une partie des conditions d’optimalité du premier ordre peut être satisfaite. Ainsi, les méthodes SVD-Krylov sont en théorie moins performantes que les méthodes se basant uniquement sur l’interpolation, mais elles garantissent la stabilité du modèle réduit et sont plus robustes par rapport au choix des points d’interpolation initiaux σ (0) . Algorithme 2 : Iterative SVD Tangential Interpolation Algorithm (ISTIA) Arguments : A ∈ Rn×n , B ∈ Rn×nu , C ∈ Rny ×n , σ (0) = (0) (0) {σ1 , . . . , σr } ∈ Cr et r̂(0) = {r̂1 , . . . , r̂r } ∈ Cn×r . 1 : Calculer le grammien d’observabilité Q (0) (0) 2 : V = [(σ1 In − A)−1 Br̂1 , . . . , (σr In − A)−1 Br̂r ] T −1 3 : Poser W = QV (V QV ) 4 : Tant que l’algorithme n’a pas convergé 5:  = W T AV, B̂ = W T B, Ĉ = CV 6: i←i+1 7: Calculer les vecteurs et valeurs propres x̂j , λ̂j de  (i) 8: σk = −λ̂k (Â), r̂(i) = X̂ −1 B̂ où X̂ = [x̂1 , . . . , x̂r ] (i) (i) 9: V = [(σ1 In − A)−1 Br̂1 , . . . , (σr In − A)−1 Br̂r ] 10 : Poser W = QV (V T QV )−1 11 : Fin tant que En sortie :  = W T AV , B̂ = W T B, Ĉ = CV 3.5 À propos de la sélection des points d’interpolation initiaux Qu’il s’agisse d’interpolation tangentielle ou des méthodes mixtes, il est nécessaire de fournir des points d’interpolation initiaux σ (0) aux algorithmes de réduction. Le choix de ces paramètres n’est pas anodin dans la mesure où il influe sur la qualité de l’approximant. De nombreuses politiques de sélection de ces points ont été envisagées mais aucune ne s’est avérée être optimale indépendamment du modèle à réduire et de l’ordre de réduction. Une méthode systématique de sélection de ces points d’interpolation à la fois simple et efficace a toutefois été retenue. Il s’agit de calculer la réponse fréquentielle du modèle initial aux alentours de chacun de ses pôles et les points d’interpolation initiaux σ (0) sont ensuite choisi comme étant l’opposé des pôles pour lesquels l’entité : Im(λi ) M (λi ) = kH(λi + δ)k2 . (26) Re(λi ) est maximale. L’idée est de prendre comme points d’interpolation initiaux les pôles ayant le plus grand impact sur l’ensemble des transferts entrée/sortie tout en privilégiant les modes fortement oscillant. Il s’agit en fait de sélectionner les modes qui engendrent des pics dans les réponses fréquentielles. Étant donné que cette politique de sélection nécessite de calculer les pôles et d’évaluer les transferts en certains points, elle n’est applicable que pour des systèmes de dimension modérée (i.e. n < 1000). 4. APPLICATION À UN MODÈLE D’AVION FLEXIBLE 4.1 Présentation du modèle Le modèle d’avion considéré est un modèle de 277 états. Ses 3 entrées correspondent à la commande des ailerons, celles des gouvernes de profondeur et enfin une perturbation sous forme d’un vent vertical. Les 4 sorties représentent le facteur de charge (Nz ), le moment de flexion des ailes (W RM x), le moment de flexion au niveau de l’empennage horizontal (wrmx), et la vitesse de tangage (q). Norme H2 de l’erreur relative Troncation equilibree Min/Max ISTIA ISTIA+sel. aleatoire ISTIA+sel. particuliere −1 10 16 18 20 22 24 Ordre du modele reduit 26 28 30 Figure 1. Comparaison de la troncation équilibrée et de l’algorithme ISTIA sur un modèle d’avion souple pour différents ordres du modèle réduit et différents paramètres initiaux. Ce modèle est utilisé dans l’industrie pour l’analyse des performances, la synthèse des contrôleurs et intervient lors de l’interpolation de plusieurs modèles correspondant à différents points de vols (Poussot-Vassal (2011b)). À noter également que ce modèle est assez mal conditionné, la réduction est de fait une tâche complexe. 4.2 Réduction du modèle L’algorithme ITIA est en théorie plus performant que l’algorithme ISTIA car il satisfait toutes les conditions d’optimalité, mais il est également plus sensible au choix des points d’interpolation initiaux et aux problèmes numériques. Sur cet exemple industriel, il fonctionne moins bien, c’est pourquoi seuls les résultats concernant la troncation équilibrée et l’algorithme ISTIA sont présentés. Pour comparer ces méthodes de réduction, le modèle initial est réduit à différents ordres (de 16 à 30) et la norme H2 de l’erreur relative est calculée : kΣ − Σ̂kH2 = (27) kΣkH2 L’impact des points d’interpolation initiaux σ (0) dans l’algorithme ISTIA est testé en évaluant l’algorithme 501 fois avec des paramètres différents : – Dans 250 cas, les σ (0) sont réels et aléatoirement répartis entre 0 et 50. – Dans 250 autres cas, ce sont des couples d’imaginaires purs complexes conjugués tel que 0 < |σ (0) | < 50. – Dans le dernier cas, la politique de sélection des points décrite dans la partie 3.5 est appliquée pour les pôles λi de module inférieur à 50. Les comportements du modèle au delà de 50Hz ont une signification moins importante, c’est pourquoi seuls des points d’interpolation dont le module est inférieur à 50 sont utilisés. Les résultats sont présentés sur la Figure 1. La courbe bleu représente les résultats obtenus avec la troncation équilibrée, les courbes vertes forment l’enveloppe des résultats obtenus avec l’algorithme ISTIA initialisé de façon aléatoire. La courbe rouge correspond aux résultats obtenus avec ISTIA pour la politique de sélection des points d’interpolation initiaux décrite précédemment. La première remarque qui peut être faite sur cette figure est que dans (presque) tous les cas, l’algorithme ISTIA donne un meilleur approximant que la troncation équilibrée. De plus, l’erreur d’approximation obtenue dans le pire cas avec ISTIA est strictement décroissante, ce qui n’est pas le cas de la troncation équilibrée pour laquelle l’erreur augmente entre l’ordre 20 et 22 (ceci est probablement dû à des problèmes numériques). La Figure 1 illustre aussi l’importance des points d’interpolation initiaux. En effet selon le choix qui est fait, l’approximant est plus ou moins bon. Différentes pistes ont été suivies dans le but de déterminer les points d’interpolation initiaux les plus efficaces, mais les résultats sont très variables selon les modèles considérés. La politique de sélection des points d’interpolation retenue n’est pas optimale mais donne de bons résultats dans tous les cas. De fait, cette dernière est une proposition intéressante pour initialiser ce type d’algorithme. Pour limiter l’impact du choix des points d’interpolation initiaux, des procédures numériques peuvent être mises en place comme par exemple le redémarrage de l’algorithme avec une perturbation des points initiaux. Pour pouvoir atteindre moins de 5% d’erreur, et donc avoir un approximant très acceptable, il faut ici un modèle réduit d’ordre 28. Pour cet ordre de réduction, la représentation en fréquence de l’erreur d’approximation ainsi que les pôles des différents modèles sont présentés sur la Figure 2b. La représentation fréquentielle de l’erreur permet de constater que l’algorithme ISTIA est globalement plus performant que la troncation équilibrée sur tous les transferts. Ces diagrammes illustrent également le fait que certains transferts sont mieux reproduits que d’autres. Ainsi des ailerons vers la vitesse de tangage, l’erreur est très faible quelque soit la fréquence tandis que des ailerons vers le facteur de charge, l’erreur est en moyenne bien plus élevée. Sur la Figure 2, il est également intéressant d’observer les pôles des différents modèles. En effet, il apparaît que certains modes sont reproduits quelque soit la méthode de réduction utilisée tandis que d’autres semblent moins dominants. De manière générale, l’algorithme ISTIA reproduit plus fidèlement le spectre du modèle initial que la troncation équilibrée. Les pôles ne préfigurent pas forcément de la qualité de l’approximation mais sont particulièrement utiles lors de l’interpolation de différents modèles correspondant à différents points de vols (se référer à Poussot-Vassal and Roos (2011) pour plus de détails sur cette problématique). Une méthode de réduction préservant certains modes caractéristiques de l’avion est donc particulièrement adaptée à ce genre de problème. 5. CONCLUSION Dans cet article, le problème de réduction d’un modèle de grande dimension avec un objectif de minimisation de la norme H2 de l’erreur a été considéré. Pour résoudre ce problème, trois approches ont été évoquées : (i) la troncation équilibrée, (ii) les méthodes d’interpolation et (iii) les méthodes mixtes. Chacune de ces approches a des avantages et des inconvénients différents. Pour les méthodes d’interpolation ou les méthodes mixtes, l’un des problème concerne le choix des points d’interpolation initiaux. En effet, comme cela a été illustré dans la partie Bode Diagram Ailerons Gouvernes Vent 0.1 Troncation equilibree min. ISTIA Nz 0.08 0.14 0.04 0.02 WRMx 0.03 60 50 50 0.08 0.06 40 40 0.04 0.28 Im(p) 0.02 0 0.1 0.08 wrnx 0.06 0.2 0 0.1 Magnitude (abs) 0.095 Systeme initial Troncation equilibree min. ISTIA 60 0.06 30 30 0.06 0.42 0.04 20 20 0.02 0 0.1 0.08 10 0.7 10 q 0.06 0.04 0.02 0 0 10 20 30 40 50 10 20 30 40 50 10 20 Frequency (rad/s) (a) Représentation fréquentielle de l’erreur d’approximation 30 40 50 −10 −8 −6 −4 Re(p) −2 0 (b) Pôles des différents modèles Figure 2. Résultats pour la réduction du modèle d’avion à l’ordre 28 : (a) Erreur d’approximation et (b) Pôles des différents modèles. 4 pour les méthodes mixtes, les points d’interpolation initiaux ont un impact non négligeable sur le résultat de l’algorithme. C’est d’autant plus vrai avec les méthodes d’interpolation qui n’utilisent pas de grammien et qui y sont encore plus sensibles. Il convient donc de choisir judicieusement ces points. C’est dans cet optique que nous avons proposée une politique de sélection des points d’interpolation initiaux σ (0) . Si elle n’est pas optimale, elle permet néanmoins de déterminer de manière systématique un ensemble de points qui permet en moyenne d’obtenir de meilleurs résultats qu’avec une initialisation aléatoire. RÉFÉRENCES Antoulas, A.C. (2005). Approximation of Large-Scale Dynamical Systems. Advanced Design and Control. SIAM, Philadelphia. Grimme, E.J. (1997). Krylov Projection Methods for Model Reduction. Ph.D. thesis, University of Illinois. Gugercin, S. and Antoulas, A.C. (2004). A survey of model reduction by balanced truncation and some new results. International Journal of Control, 77(8), 748–766. Gugercin, S. (2005). An iterative SVD-Krylov based method for model reduction of large-scale dynamical systems. In Proceedings of the 44th IEEE Conference on Decinsion and Control, 5905–5910. 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