Réduction de modèle de grande dimension, application à un avion

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Réduction de modèle de grande dimension, application à un avion
Réduction de modèle de grande dimension,
application à un avion souple de transport
civil
Pierre Vuillemin ∗ Charles Poussot-Vassal ∗∗ Daniel Alazard ∗
∗
ISAE, Onera - The French Aerospace Lab, F-31055 Toulouse, France
(e-mail : [email protected]).
∗∗
Onera - The French Aerospace Lab, F-31055 Toulouse, France
Résumé : Les méthodes de réduction basées sur l’interpolation rationnelle ou tangentielle
offrent une alternative très intéressante à la troncation équilibrée, souvent considérée comme la
référence des méthodes de réduction pour les systèmes Linéaire à Temps Invariants (LTI). Dans
cet article nous proposons (i) d’appliquer certaines des plus récentes méthodes d’approximation
(Gugercin et al. (2004); Van Dooren et al. (2010); Poussot-Vassal (2011a)) sur un modèle
complexe d’avion aéroélastique multivariables, utilisé dans l’industrie pour l’analyse et la
synthèse de loi, ainsi qu’une (ii) étude qualitative de l’impact de certains des paramètres de
ces méthodes de réduction (i.e. le choix les points d’interpolation initiaux) sur les performances
des algorithmes.
Mots-clés : Réduction de modèle, modèle d’avion souple, méthode SVD-Krylov
1. INTRODUCTION
1.1 Motivations
L’amélioration des techniques de modélisation et l’utilisation de logiciels de conception rendent les modèles
dynamiques de plus en plus complexes. Si d’un point de
vue théorique cela peut sembler intéressant, en pratique
en revanche, les modèles de grande dimension rendent la
simulation, l’analyse de performances et la synthèse de
contrôleurs problématiques.
C’est notamment le cas en aéronautique où les modèles
fournis par les partenaires industriels peuvent difficilement
être utilisés en l’état. Il est nécessaire d’en réduire la taille
afin de pouvoir appliquer des techniques d’analyse et de
synthèse classiques basées sur l’optimisation.
1.2 Positionnement du problème de réduction
En fonction de la classe de systèmes considérée, de nombreuses techniques de réduction existent. Dans cet article,
seuls les systèmes linéaires, invariant dans le temps, stables
et strictement propres seront considérés. De fait, le problème est le suivant :
Problème 1 : Étant donné le système dynamique Σ d’ordre
n ayant nu entrées et ny sorties, représenté dans le domaine
temporel par
ẋ(t) = Ax(t) + Bu(t)
Σ :=
(1)
y(t) = Cx(t)
ou dans le domaine fréquentiel par sa fonction de transfert
H(s) := C(sIn − A)−1 B ∈ Cny ×nu
(2)
Le problème de réduction consiste à trouver les matrices
 ∈ Rr×r , B̂ ∈ Rr×nu et Ĉ ∈ Rny ×r (r n) telles que le
système réduit Σ̂ :
Σ̂ :=
˙
x̂(t)
= Âx̂(t) + B̂u(t)
ŷ(t) = Ĉ x̂(t)
(3)
dont la fonction de transfert est :
Ĥ(s) := Ĉ(sIr − Â)−1 B̂ ∈ Cny ×nu
(4)
ait un comportement entrées/sorties proche de celui du
système original Σ.
Les méthodes de réduction des modèles de grande dimension se divisent principalement en deux familles, les
méthodes qui n’utilisent pas la projection et celles qui
l’utilisent. Seule la seconde famille de méthodes est considérée ici car elle répond mieux aux exigences numériques
liées aux systèmes de grande dimension. Le problème de
réduction par projection s’exprime comme suit.
Problème 2 : Etant donné le système Σ à réduire, il s’agit
de trouver deux matrices de projection V , W ∈ Rn×r
(r n) biorthogonales (W T V = Ir ) telles que les matrices
du modèle réduit Σ̂ s’écrivent :
 = W T AV , B̂ = W T B et Ĉ = CV
(5)
1.3 Structure de l’article
Cet article est organisé de la façon suivante. Dans la partie
2 sont présentés quelques résultats préliminaires. La partie
3 est consacrée à la présentation (i) des méthodes de
réduction basées sur l’interpolation et (ii) d’une politique
de sélection des points d’interpolation initiaux qui constitue notre contribution. Dans la partie 4, les méthodes de
réduction sont appliquées à un modèle d’avion flexible de
grande dimension et une étude qualitative sur la sélection
des points d’interpolation initiaux est présentée. Enfin la
partie 5 conclue cet article.
3. MÉTHODES D’INTERPOLATION POUR LA
RÉDUCTION DE MODÈLES
2. RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES
2.1 Approximation optimale au sens de la norme H2
3.1 Moments et interpolation
Pour juger de la qualité de l’approximant dans le Problème
1, la norme H2 de l’erreur est considérée :
Ĥ(s)k2H2
JH2 (Ĥ(s)) = kH(s) −
Le problème suivant apparaît alors naturellement.
(6)
Problème 3 : Le problème de minimisation de la norme H2
de l’erreur consiste à trouver le modèle réduit Σ̂ de fonction
de transfert Ĥ(s) tel que
!
Ĥ(s) = arg
min
H̃(s) stable
JH2 (H̃(s))
(7)
Le principe de l’interpolation repose sur l’égalisation d’un
certain nombre de moments (voir Définition 1) du modèle
initial et est exprimé par le Problème 4.
Définition 1 : Soit le système Σ décrit par (2), la fonction de
transfert H(s) peut être décomposée en séries de Laurent
autour d’un point σ ∈ C :
∞
X
(s − σ)i
H(s)|σ =
ηi
(10)
i!
i=0
où les ηi ∈ Cny ×nu , i ∈ N sont appelés moments d’ordre i
en σ associés au système. Ils sont définis par :
Ce problème n’étant pas convexe, le minimum global
ne peut pas être déterminé facilement. L’approche la
plus répandue dans la littérature consiste à exprimer les
conditions nécessaires d’optimalité du premier ordre. Ces
conditions ont été formulées par Meier and Luenberger
(1967) dans le cadre de l’interpolation rationnelle (voir
Théorème 1 pour le cas SISO), par Wilson (1974) dans
un cadre basé sur les équations de Lyapunov et plus
récemment par Van Dooren et al. (2008) pour le cas de
l’interpolation tangentielle.
Théorème 1 : Soient les systèmes SISO Σ et Σ̂ ayant H(s)
et Ĥ(s) pour fonctions de transfert. Si Ĥ(s) minimise JH2 ,
alors Ĥ(s) interpole H(s) et ses premières dérivées en
l’opposé des valeurs propres λ̂k de Ĥ(s), c’est à dire
Ĥ(−λ̂k ) = H(−λ̂k )
et Ĥ 0 (−λ̂k ) = H 0 (−λ̂k ) k = 1, . . . , r
(8)
ηi |σ = C(σIn − A)−(i+1) B = (−1)i
di
H(s)|s=σ
dsi
(11)
Problème 4 : Le problème de réduction par interpolation
consiste à trouver un modèle réduit Ĥ(s) d’ordre r égalisant différents moments en un point σ ∈ C, i.e. :
ηi |σ = η̂i |σ
∀i ∈ 0, . . . , q − 1
(12)
où q est le nombre de moments égalisés en σ.
Du fait de l’intervention des puissances successives de A
dans la formulation des moments, ceux-ci sont généralement mal conditionnés et donc difficiles à calculer explicitement. L’égalisation se fait plutôt de manière implicite
au travers des espaces de Krylov Kq défini comme suit :
Kq (A, v) = span v, Av, . . . , Aq−1 v
(13)
Cette utilisation des espaces de Krylov a été proposée par
Grimme (1997) et se traduit par le Théorème 2.
Théorème 2 : Étant donnés les systèmes Σ et Σ̂ définis
précédemment et un point d’interpolation σ ∈ C tel que
Aσ = (σIn − A) soit inversible, si,
2.2 Troncation équilibrée
Parmi les méthodes de réduction par projection, la plus
connue est la troncation équilibrée (voir Moore (1981) ou
Gugercin and Antoulas (2004) pour plus de détails). Cette
méthode préserve la stabilité du modèle initial et offre une
borne calculable a priori sur la norme H∞ de l’erreur. De
plus, de bons résultats sont en général obtenus en norme
H2 et H∞ , ce qui fait de cette méthode la référence dans
son domaine.
Malgré tout, la troncation équilibrée n’est optimale au sens
d’aucune norme usuelle et il est donc possible de trouver un
meilleur approximant. De plus elle repose sur le calcul des
grammiens, une tâche qui peut s’avérer difficile en grande
dimension. En effet, les grammiens de commandabilité
P et d’observabilité Q sont obtenus par résolution des
équations de Lyapunov suivantes :
T
T
AP + PA + BB = 0
AT Q + QA + C T C = 0
(9)
Or la résolution de ces équations est un problème mal
conditionné et les solveurs numériques fournissent parfois
des solutions très approximatives. C’est le cas pour le
modèle présenté dans la partie 4 où la solution issue d’un
solveur classique ne vérifie pas les équations (9).
−1
Kqb (A−1
σ , Aσ B) ⊆ V = span(V )
(14)
alors les moments de Σ et Σ̂, obtenus par projection (c.f.
équation (5) avec V = W ) satisfont :
ηi |σ = η̂i |σ
i = 0, . . . , qb − 1
(15)
Ce théorème montre que pour égaliser des moments d’un
système, il suffit de construire une base pour un certain
espace de Krylov.
Pour égaliser plus de moments, il est possible d’utiliser un
projecteur à gauche différent de celui à droite, c’est à dire
W 6= V . Ce projecteur forme en fait une base pour l’espace
de Krylov dual de celui déjà utilisé, à savoir :
−∗ T
Kqc (A−∗
σ , Aσ C ) ⊆ W = span(W )
(16)
Après projection, le modèle réduit égalise les qc + qb
premiers moments en σ ∈ C.
Remarque 1 : Dans le Théorème 2, le modèle réduit obtenu
est d’ordre r = nu qb . Si l’espace dual (16) est utilisé, alors
 ∈ Rny qc ×nu qb et les ordres des espaces de Krylov qb et
qc doivent être ajustés pour obtenir un système carré.
En l’état, l’égalisation des moments n’est effectuée qu’en
un point σ, mais en pratique, plusieurs points d’interpolation constituent un choix plus judicieux pour reproduire le
comportement du modèle initial en différentes fréquences.
3.2 Interpolation rationnelle en plusieurs points
Pour interpoler un système en différents points, le principe
reste le même mais il faut considérer les espaces de Krylov
généralisés, présentés dans la Définition 2.
Définition 2 : Soient les ensembles {qb,1 , . . . , qb,K } ∈ NK ,
{qc,1 , . . . , qc,K } ∈ NK et σ = {σ1 , . . . , σK } ∈ CK tels que
Aσi = (σi In − A) soient inversibles, alors,
K
[
Kqb (A, B, σ) :=
T
−1
Kqb,i A−1
σi , Aσi B
i=1
K
[
T
Kqc (A , C , σ̄) :=
(17)
Kqc,i
−∗ T
A−∗
σi , Aσi C
i=1
sont les espaces de Krylov généralisés d’ordre qb (resp. qc ).
Le Théorème 3, proposé par Grimme (1997), est le pendant
du Théorème 2 dans le cas de multiples points d’interpolation.
Théorème 3 : Avec les mêmes notations que précédemment,
si,
Kqb (A, B, σ) ⊆ V = span(V )
(18)
Kqc (AT , C T , σ̄) ⊆ W = span(W )
alors les moments de Σ et Σ̂, obtenus par projection (5),
satisfont, pour k = 1, . . . , K :
ηi |σk = η̂i |σk , i = 0, . . . , qb,k + qc,k − 1
(19)
La question est alors de savoir comment choisir les points
d’interpolation σk de façon à avoir un bon approximant du
modèle initial. Ce problème a été en partie résolu par Gugercin et al. (2006) qui proposent une procédure itérative
permettant d’atteindre un modèle réduit satisfaisant les
conditions d’optimalité du premier ordre présentées dans le
Théorème 1. L’idée est d’égaliser deux moments en chaque
point d’interpolation, i.e. qb,i = qc,i = 1, ∀i = 1, . . . , K,
et de sélectionner les points d’interpolation comme étant
les images miroirs des pôles du modèle réduit à l’itération
précédente (voir Algorithme 1, étape 7). La procédure est
présentée dans l’Algorithme 1 pour les systèmes SISO où
qb = qc = K = r.
Algorithme 1 : Iterative Rational Krylov Algorithm
(IRKA)
Arguments : A ∈ Rn×n , B ∈ Rn , C ∈ Rn , σ (0) =
(0)
(0)
{σ1 , . . . , σr } ∈ Cr une sélection initiale de points d’interpolation.
(0)
(0)
1 : Construire W = [(σ̄1 In − AT )−1 C T , . . . , (σ̄r In − AT )−1 C T ]
(0)
(0)
2 : Construire V = [(σ1 In − A)−1 B, . . . , (σr In − A)−1 B]
T
−T
3 : Poser W = W (W V )
4 : Tant que l’algorithme n’a pas convergé
5 : Â = W T AV
6: i←i+1
(i)
7 : σj = −λj (Â)
Remarque 2 : À propos de l’Algorithme 1 :
– Les matrices V et W doivent être construites d’une façon
numériquement stable (étapes 1, 2, 8 et 9), c’est à dire
que chaque nouvelle colonne doit être orthogonalisée par
rapport aux précédentes.
– Les étapes 3 et 10 servent à rendre W et V biorthogonales, i.e. W T V = Ir .
– Un critère d’arrêt possible peut être la stagnation des
(i)
points d’interpolation σj .
Même s’il est extrêmement rare d’obtenir des modèles
instables, cette technique ne garantit pas la stabilité du
modèle réduit, et aucune borne sur l’erreur d’approximation n’a encore été proposée.
Bien que la théorie de l’interpolation rationnelle s’applique
indifféremment aux cas des systèmes SISO et MIMO, ces
derniers posent des problèmes en pratique dans la mesure
où la construction des matrices de projection V et W doit
se faire par bloc et d’une manière numériquement stable.
Cela s’avère très complexe en pratique où des pertes de
rangs sont observées, il est alors préférable de considérer
le cadre de l’interpolation tangentielle qui est plus adaptée
au cas des systèmes MIMO.
3.3 Interpolation tangentielle
La difficulté d’application de l’interpolation rationnelle
aux cas des systèmes MIMO vient du fait que les conditions
d’interpolation ne sont pas assez restrictives. Avec l’interpolation tangentielle, en plus des points d’interpolation,
des directions d’interpolation sont fournies pour éviter ce
problème.
Les conditions d’optimalité du premier ordre s’expriment
ici au travers du Théorème 4. Elles ont été formulées par
Van Dooren et al. (2008).
Théorème 4 : Soient λ̂i , dˆi et ĝi , i = 1, . . . , r, respectivement les valeurs propres, les vecteurs propres à droite et à
gauche du modèle réduit Σ̂ :
Âdi = λ̂i dˆi ĝ ∗ Â = λ̂i ĝ ∗
(20)
i
i
Des directions tangentielles à gauche et à droite ˆli et rˆi
peuvent alors être définies :
ˆli = Ĉ dˆi r̂∗ = ĝ ∗ B̂
(21)
i
i
Si Ĥ(s) n’a que des pôles simples et minimise JH2 , alors
les équations suivantes sont satisfaites :
ˆl∗ H(−λ̂i ) = ˆl∗ Ĥ(−λ̂i )
i
i
(22)
H(−λ̂i )r̂i = Ĥ(−λ̂i )r̂i
ˆl∗ H 0 (−λ̂i )r̂i = ˆl∗ Ĥ 0 (−λ̂i )r̂i
i
i
Comme dans le cas de l’interpolation rationnelle, il suffit
de construire des bases pour certains espaces de Krylov
pour pouvoir satisfaire ces conditions d’optimalité, voir
Théorème 5.
Théorème 5 : Soient σi ∈ C, ˆli ∈ Cny et r̂i ∈ Cnu
(i = 1, . . . , r) des ensembles de points d’interpolation et
(i)
(i)
Construire W = [(σ̄1 In − AT )−1 C T , . . . , (σ̄r In − AT )−1 C T ]
de directions tangentielles à gauche et à droite. Les σi sont
(i)
(i)
−1
−1
Construire V = [(σ1 In − A) B, . . . , (σr In − A) B]
tels
que (A − σi In ) est inversible. Si, pour i = 1, . . . , r
T
−T
8:
9:
10 : Poser W = W (W V )
11 : Fin tant que
En sortie : Â = W T AV , B̂ = W T B, Ĉ = CV
(σi In − A)−1 Br̂i ⊆ span(V )
(σ̄i In − AT )−1 C T ˆli∗ ⊆ span(W )
(23)
alors le modèle réduit Σ̂ obtenu par projection (5) satisfait
les conditions d’interpolation tangentielle du Théorème 4.
En pratique, l’interpolation tangentielle se traduit par
l’algorithme Iterative Tangential Interpolation Algorithm
(ITIA) non explicité, mais suggéré par Van Dooren et al.
(2010). Il reprend la structure de l’Algorithme 1 à quelques
points près :
– Les étapes 1,2, 8 et 9 de construction des bases V et W
incluent maintenant les directions tangentielles, c’est à
dire :
(i)
V = [(σ1 In − A)−1 Br̂1 , . . . , (σr(i) In − A)−1 Br̂r ]
(i)
W = [(σ̄1 In − AT )−1 C T ˆl1∗ , . . . , (σ̄r(i) In − AT )−1 C T ˆlr∗ ]
(24)
– À chaque itération, les nouvelles directions tangentielles
sont calculées comme dans les équations (20) et (21).
L’interpolation tangentielle s’applique bien aux systèmes
MIMO, mais elle possède les mêmes inconvénients que
l’interpolation rationnelle, à savoir l’absence de garantie
sur la stabilité du modèle réduit et l’absence de borne sur
la norme de l’erreur. Pour pallier cela, des travaux ont été
effectués pour combiner les approches de réduction basées
sur l’interpolation et des approches basées sur les équations de Lyapunov (comme la troncation équilibrée) afin
d’en extraire les avantages. Il s’agit des méthodes mixtes
ou méthodes SVD-Krylov (voir e.g. Gugercin (2005)).
3.4 Méthodes mixtes
De nombreuses procédures tentent de coupler les avantages
de la troncation équilibrée avec ceux des méthodes basées
sur les espaces de Krylov (voir Antoulas (2005)), mais
ici, seules celles qui découlent directement des méthodes
d’interpolation sont évoquées.
Elles se basent sur l’utilisation d’un des grammiens (P
ou Q) pour la construction d’un des projecteurs. L’autre
étant généré de la même façon que précédemment, c’est
à dire par un espace de Krylov généralisé. Le premier
algorithme utilisant cette approche a été proposé par
Gugercin (2005) et reprend la forme de l’algorithme IRKA,
il est appelé Iterative SVD-Rational Krylov Algorithm
(ISRKA). La seule différence avec IRKA réside dans
la construction d’un des projecteurs. Par exemple, si le
grammien d’observabilité Q est utilisé, le projecteur W
est construit de la façon suivante :
W = QV (V T QV )−1
(25)
L’utilisation d’un grammien permet de garantir la stabilité
du modèle réduit et aussi de rendre l’algorithme directement applicable aux systèmes MISO et SIMO selon le
grammien utilisé. Pour les systèmes MIMO en revanche,
il est préférable d’utiliser l’interpolation tangentielle pour
générer le premier projecteur, c’est en cette fin que l’algorithme Iterative SVD Tangential Interpolation Algorithm
(ISTIA) a été proposé par Poussot-Vassal (2011a) (voir
Algorithme 2).
Du fait de l’utilisation d’un grammien pour former le
second projecteur, seule une partie des conditions d’optimalité du premier ordre peut être satisfaite. Ainsi, les
méthodes SVD-Krylov sont en théorie moins performantes
que les méthodes se basant uniquement sur l’interpolation,
mais elles garantissent la stabilité du modèle réduit et sont
plus robustes par rapport au choix des points d’interpolation initiaux σ (0) .
Algorithme 2 : Iterative SVD Tangential Interpolation Algorithm (ISTIA)
Arguments : A ∈ Rn×n , B ∈ Rn×nu , C ∈ Rny ×n , σ (0) =
(0)
(0)
{σ1 , . . . , σr } ∈ Cr et r̂(0) = {r̂1 , . . . , r̂r } ∈ Cn×r .
1 : Calculer le grammien d’observabilité Q
(0)
(0)
2 : V = [(σ1 In − A)−1 Br̂1 , . . . , (σr In − A)−1 Br̂r ]
T
−1
3 : Poser W = QV (V QV )
4 : Tant que l’algorithme n’a pas convergé
5:
 = W T AV, B̂ = W T B, Ĉ = CV
6:
i←i+1
7:
Calculer les vecteurs et valeurs propres x̂j , λ̂j de Â
(i)
8:
σk = −λ̂k (Â), r̂(i) = X̂ −1 B̂ où X̂ = [x̂1 , . . . , x̂r ]
(i)
(i)
9:
V = [(σ1 In − A)−1 Br̂1 , . . . , (σr In − A)−1 Br̂r ]
10 :
Poser W = QV (V T QV )−1
11 : Fin tant que
En sortie : Â = W T AV , B̂ = W T B, Ĉ = CV
3.5 À propos de la sélection des points d’interpolation
initiaux
Qu’il s’agisse d’interpolation tangentielle ou des méthodes
mixtes, il est nécessaire de fournir des points d’interpolation initiaux σ (0) aux algorithmes de réduction. Le choix de
ces paramètres n’est pas anodin dans la mesure où il influe
sur la qualité de l’approximant. De nombreuses politiques
de sélection de ces points ont été envisagées mais aucune
ne s’est avérée être optimale indépendamment du modèle
à réduire et de l’ordre de réduction.
Une méthode systématique de sélection de ces points
d’interpolation à la fois simple et efficace a toutefois été
retenue. Il s’agit de calculer la réponse fréquentielle du
modèle initial aux alentours de chacun de ses pôles et
les points d’interpolation initiaux σ (0) sont ensuite choisi
comme étant l’opposé des pôles pour lesquels l’entité :
Im(λi ) M (λi ) = kH(λi + δ)k2 . (26)
Re(λi ) est maximale. L’idée est de prendre comme points d’interpolation initiaux les pôles ayant le plus grand impact sur
l’ensemble des transferts entrée/sortie tout en privilégiant
les modes fortement oscillant. Il s’agit en fait de sélectionner les modes qui engendrent des pics dans les réponses
fréquentielles.
Étant donné que cette politique de sélection nécessite de
calculer les pôles et d’évaluer les transferts en certains
points, elle n’est applicable que pour des systèmes de
dimension modérée (i.e. n < 1000).
4. APPLICATION À UN MODÈLE D’AVION
FLEXIBLE
4.1 Présentation du modèle
Le modèle d’avion considéré est un modèle de 277 états.
Ses 3 entrées correspondent à la commande des ailerons,
celles des gouvernes de profondeur et enfin une perturbation sous forme d’un vent vertical. Les 4 sorties représentent le facteur de charge (Nz ), le moment de flexion
des ailes (W RM x), le moment de flexion au niveau de
l’empennage horizontal (wrmx), et la vitesse de tangage
(q).
Norme H2 de l’erreur relative
Troncation equilibree
Min/Max ISTIA
ISTIA+sel. aleatoire
ISTIA+sel. particuliere
−1
10
16
18
20
22
24
Ordre du modele reduit
26
28
30
Figure 1. Comparaison de la troncation équilibrée et
de l’algorithme ISTIA sur un modèle d’avion souple
pour différents ordres du modèle réduit et différents
paramètres initiaux.
Ce modèle est utilisé dans l’industrie pour l’analyse des
performances, la synthèse des contrôleurs et intervient lors
de l’interpolation de plusieurs modèles correspondant à
différents points de vols (Poussot-Vassal (2011b)). À noter
également que ce modèle est assez mal conditionné, la
réduction est de fait une tâche complexe.
4.2 Réduction du modèle
L’algorithme ITIA est en théorie plus performant que
l’algorithme ISTIA car il satisfait toutes les conditions
d’optimalité, mais il est également plus sensible au choix
des points d’interpolation initiaux et aux problèmes numériques. Sur cet exemple industriel, il fonctionne moins bien,
c’est pourquoi seuls les résultats concernant la troncation
équilibrée et l’algorithme ISTIA sont présentés.
Pour comparer ces méthodes de réduction, le modèle initial
est réduit à différents ordres (de 16 à 30) et la norme H2
de l’erreur relative est calculée :
kΣ − Σ̂kH2
=
(27)
kΣkH2
L’impact des points d’interpolation initiaux σ (0) dans
l’algorithme ISTIA est testé en évaluant l’algorithme 501
fois avec des paramètres différents :
– Dans 250 cas, les σ (0) sont réels et aléatoirement répartis
entre 0 et 50.
– Dans 250 autres cas, ce sont des couples d’imaginaires
purs complexes conjugués tel que 0 < |σ (0) | < 50.
– Dans le dernier cas, la politique de sélection des points
décrite dans la partie 3.5 est appliquée pour les pôles λi
de module inférieur à 50.
Les comportements du modèle au delà de 50Hz ont une
signification moins importante, c’est pourquoi seuls des
points d’interpolation dont le module est inférieur à 50
sont utilisés.
Les résultats sont présentés sur la Figure 1. La courbe
bleu représente les résultats obtenus avec la troncation
équilibrée, les courbes vertes forment l’enveloppe des résultats obtenus avec l’algorithme ISTIA initialisé de façon
aléatoire. La courbe rouge correspond aux résultats obtenus avec ISTIA pour la politique de sélection des points
d’interpolation initiaux décrite précédemment.
La première remarque qui peut être faite sur cette figure
est que dans (presque) tous les cas, l’algorithme ISTIA
donne un meilleur approximant que la troncation équilibrée. De plus, l’erreur d’approximation obtenue dans le
pire cas avec ISTIA est strictement décroissante, ce qui
n’est pas le cas de la troncation équilibrée pour laquelle
l’erreur augmente entre l’ordre 20 et 22 (ceci est probablement dû à des problèmes numériques).
La Figure 1 illustre aussi l’importance des points d’interpolation initiaux. En effet selon le choix qui est fait,
l’approximant est plus ou moins bon. Différentes pistes
ont été suivies dans le but de déterminer les points d’interpolation initiaux les plus efficaces, mais les résultats sont
très variables selon les modèles considérés. La politique
de sélection des points d’interpolation retenue n’est pas
optimale mais donne de bons résultats dans tous les cas.
De fait, cette dernière est une proposition intéressante
pour initialiser ce type d’algorithme. Pour limiter l’impact
du choix des points d’interpolation initiaux, des procédures numériques peuvent être mises en place comme par
exemple le redémarrage de l’algorithme avec une perturbation des points initiaux.
Pour pouvoir atteindre moins de 5% d’erreur, et donc
avoir un approximant très acceptable, il faut ici un modèle
réduit d’ordre 28. Pour cet ordre de réduction, la représentation en fréquence de l’erreur d’approximation ainsi que
les pôles des différents modèles sont présentés sur la Figure
2b.
La représentation fréquentielle de l’erreur permet de
constater que l’algorithme ISTIA est globalement plus performant que la troncation équilibrée sur tous les transferts.
Ces diagrammes illustrent également le fait que certains
transferts sont mieux reproduits que d’autres. Ainsi des
ailerons vers la vitesse de tangage, l’erreur est très faible
quelque soit la fréquence tandis que des ailerons vers le
facteur de charge, l’erreur est en moyenne bien plus élevée.
Sur la Figure 2, il est également intéressant d’observer
les pôles des différents modèles. En effet, il apparaît que
certains modes sont reproduits quelque soit la méthode
de réduction utilisée tandis que d’autres semblent moins
dominants. De manière générale, l’algorithme ISTIA reproduit plus fidèlement le spectre du modèle initial que la
troncation équilibrée. Les pôles ne préfigurent pas forcément de la qualité de l’approximation mais sont particulièrement utiles lors de l’interpolation de différents modèles
correspondant à différents points de vols (se référer à
Poussot-Vassal and Roos (2011) pour plus de détails sur
cette problématique). Une méthode de réduction préservant certains modes caractéristiques de l’avion est donc
particulièrement adaptée à ce genre de problème.
5. CONCLUSION
Dans cet article, le problème de réduction d’un modèle
de grande dimension avec un objectif de minimisation de
la norme H2 de l’erreur a été considéré. Pour résoudre
ce problème, trois approches ont été évoquées : (i) la
troncation équilibrée, (ii) les méthodes d’interpolation et
(iii) les méthodes mixtes. Chacune de ces approches a
des avantages et des inconvénients différents. Pour les
méthodes d’interpolation ou les méthodes mixtes, l’un
des problème concerne le choix des points d’interpolation
initiaux. En effet, comme cela a été illustré dans la partie
Bode Diagram
Ailerons
Gouvernes
Vent
0.1
Troncation equilibree
min. ISTIA
Nz
0.08
0.14
0.04
0.02
WRMx
0.03
60
50
50
0.08
0.06
40
40
0.04
0.28
Im(p)
0.02
0
0.1
0.08
wrnx
0.06
0.2
0
0.1
Magnitude (abs)
0.095
Systeme initial
Troncation equilibree
min. ISTIA
60
0.06
30
30
0.06
0.42
0.04
20
20
0.02
0
0.1
0.08
10
0.7
10
q
0.06
0.04
0.02
0
0
10
20
30
40
50
10
20
30
40
50
10
20
Frequency (rad/s)
(a) Représentation fréquentielle de l’erreur d’approximation
30
40
50
−10
−8
−6
−4
Re(p)
−2
0
(b) Pôles des différents modèles
Figure 2. Résultats pour la réduction du modèle d’avion à l’ordre 28 : (a) Erreur d’approximation et (b) Pôles des
différents modèles.
4 pour les méthodes mixtes, les points d’interpolation
initiaux ont un impact non négligeable sur le résultat de
l’algorithme. C’est d’autant plus vrai avec les méthodes
d’interpolation qui n’utilisent pas de grammien et qui
y sont encore plus sensibles. Il convient donc de choisir
judicieusement ces points. C’est dans cet optique que
nous avons proposée une politique de sélection des points
d’interpolation initiaux σ (0) . Si elle n’est pas optimale, elle
permet néanmoins de déterminer de manière systématique
un ensemble de points qui permet en moyenne d’obtenir
de meilleurs résultats qu’avec une initialisation aléatoire.
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