Est-il possible de dépister l`autisme au cours de la première année ?

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Enfance
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Est-il possible de dépister l’autisme au cours de la
première année ?
Pr. C. Bursztejn
Enfance / Volume 2009 / Issue 01 / March 2009, pp 55 - 66
DOI: 10.4074/S0013754509001062, Published online: 16 April 2009
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Pr. C. Bursztejn (2009). Est-il possible de dépister l’autisme au cours de la première
année ?. Enfance, 2009, pp 55-66 doi:10.4074/S0013754509001062
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Est-il possible de dépister l’autisme au cours
de la première année ?
Pr. C. Bursztejn1
RÉSUMÉ
La connaissance de la clinique précoce de l’autisme a fait d’importants
progrès au cours de ces 10 dernières années, grâce notamment aux
recherches sur les vidéos familiales et plus récemment au suivi de
bébés à « haut risque d’autisme » (frères et sœurs puînés d’enfants
présentant des troubles autistiques). Ces travaux ont montré que c’est
surtout au cours de la deuxième année que les symptômes caractéristiques du syndrome autistique commencent à se manifester.
Cependant, au moins dans une partie des cas, des anomalies discrètes
ont été signalées dès la première année. Cet article rapporte les
données de ces recherches qui montrent que certains indices (absence ou rareté du sourire social, du contact par le regard, de
l’orientation à l’appel du prénom) peuvent faire prévoir dès l’age de
douze mois, un diagnostic ultérieur d’autisme ou de « trouble du spectre autistique ».
MOTS-CLÉS : AUTISME, TROUBLE DU SPECTRE AUTISTIQUE, SYMPTÔMES PRÉCOCES,
DÉVELOPPEMENT SOCIO-COMMUNICATIF
ABSTRACT
Is it possible to detect autism during the first year of life?
The knowledge on early symptoms observed in autistic children has
improved during the last decade. This is due particularly to studies
of home videos and more recently to prospective studies on highrisk infants (siblings of children already diagnosed autistic). These researches have shown that the symptoms which characterize the autistic disorder first appear mainly during the second year of life. However,
at least in some cases, subtle abnormalities have been reported since
the first year. This paper reviews the data from these researches: they
show that, as early as 12 months, some items (the rarity or defect of
social smile, eye to eye contact and orientation to name) can predict a
later diagnosis of autism or Autism Spectrum Disorder.
KEY-WORDS: AUTISM, AUTISM SPECTRUM DISORDER, EARLY SYMPTOMS, SOCIOCOMMUNICATIVE DEVELOPMENT
1 Hôpitaux Universitaires de Strasbourg - Centre de Ressources Autisme
d’Alsace.
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Pr. C. BURSZTEJN
Depuis les années 1990 des recherches sur la clinique précoce de
l’autisme se sont multipliées. Elles ont un double intérêt :
– d’une part, elles contribuent à la compréhension de l’autisme dans
la mesure où on peut espérer identifier des signes qui, traduisant
directement les perturbations du développement neuropsychique
sous-jacent à l’autisme avant que n’interfèrent d’autres symptômes,
pourraient être la conséquence secondaire de ces « symptômes primaires »,
– mais surtout, la meilleure connaissance de cette clinique précoce doit
permettre de repérer les premiers signes de manifestant un trouble autistique, condition de la mise en place d’une prise en charge
aussi tôt que possible. La plupart des auteurs s’accordent en effet
sur l’idée que la précocité des interventions est un facteur important
du pronostic évolutif.
À
QUEL AGE PEUT- ON DÉPISTER L ’ AUTISME
?
La première question soulevée par ces recherches est celle de l’âge de
début des troubles autistiques Pendant longtemps cette question n’a
guère été envisagée puisque Kanner lui-même avait posé dans ses descriptions princeps que l’autisme existait « depuis le début de la vie »
(Kanner, 1968).
Jusque dans les années 1980 les cliniciens cherchaient à retrouver rétrospectivement, à travers des récits anamnestiques des parents, l’expression chez le bébé de manifestations analogues à celles
qu’ils observaient chez l’enfant plus âgé. On avait ainsi signalé le
défaut d’émergence des premières interactions sociales, l’absence de
vocalisation, de sollicitations par ce bébé « trop sage ». Certains cliniciens avaient aussi attiré l’attention sur des désordres graves de
l’alimentation, telles que certaines anorexies sévères, ou sur des troubles du sommeil particuliers par leur intensité ou par leurs caractères
inhabituels comme « l’insomnie calme ». On avait relevé aussi des
anomalies du tonus ou l’absence de gestes d’anticipation. On pensait
que ces manifestations étaient présentes chez tous les enfants dès les
premiers mois. Les travaux ultérieurs sont venus remettre en question
cette notion (Mazet, 1990).
Les recherches sur les signes précoces de l’autisme
Quatre types de recherches ont été réalisés :
– des enquêtes rétrospectives systématiques ;
– l’analyse de vidéos et films familiaux ;
– les études prospectives pour la validation d’instruments de
dépistage ;
– plus récemment les études prospectives sur les groupes « à haut
risque ».
Est-il possible de dépister l’autisme au cours de la première année ?
Enquêtes rétrospectives systématiques
Les enquêtes menées systématiquement auprès des parents d’enfants
avec autisme ont montré que ces signes si certains d’entre eux
rapportaient des anomalies dès les premières semaines ou mois,
dans la plupart des cas les premières manifestations du trouble du
développement étaient plus tardives (Sauvage, 1984).
Ainsi, dans une méta-analyse de 8 études regroupant 1 512 patients
(Rogers & DiLalla, 1990)
– 38 % des parents déclarent, avoir remarqué dès les premiers mois
- plus souvent vers la fin de la première année - quelque chose
d’anormal dans le comportement de leur bébé ;
– 41 % situent le début des troubles seulement au cours de la deuxième
année ;
– 16 %, entre deux et trois ans ;
– 5 %, plus tard encore.
Ces résultats ont été confirmés par des enquêtes ultérieures portant sur des groupes de parents importants (Fombonne & de Giacomo,
2000 ; Howlin & Asgharian, 1999). Dans ces enquêtes, les premières
anomalies relevées par les parents sont le retard d’apparition du
langage et, dans une moindre proportion, des anomalies des réactions
sociales.
Une enquête menée auprès de 81 parents d’enfants autistes - âge
moyen : 7,9 a ± 3,7 (Young et al., 2003) a montré que les signes caractéristiques de l’autisme sont repérés à des âges différents pour les
trois domaines du syndrome. Dans une autre recherche, à laquelle ont
participé 39 mères d’enfants autistes, une régression de la communication verbale et non verbale est rapportée dans près de la moitié des cas
(47,5 %). Cette régression est située en moyenne à vingt-quatre mois
(Davidovitch et al., 2000).
Ces données ont conduit à formuler de manière relative le critère
d’âge de début, dans les classifications : « un retard ou une anomalie
du fonctionnement dans au moins un des domaines de la triade du
syndrome autistique doit avoir débuté avant l’âge de trois ans » (APA,
2000).
Étude des vidéos et films familiaux
Les recherches menées à partir de vidéos et films tournés par les parents eux-mêmes au cours des premières années de leur enfant ont
apporté d’autres données intéressantes, et ont contribué à changer la
représentation que nous avions des débuts de l’autisme (Adrien et al.,
1993 ; Mazet, 1990 ; Malvy et al. 1997 ; Maestro et al.1999-2005 ; Mars
et al., 1998 ; Osterling. & Dawson, 1994 ; Palomo, 2006 ; Werner &
Dawson, 2005).
Ces recherches doivent être interprétées avec prudence car il ne
s’agit pas de documents recueillis dans des conditions standardisées.
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De plus, il faut rappeler que filmer son propre enfant engage la
subjectivité de celui qui tient la camera ; les séquences enregistrées, les
angles de prise de vue impliquent inévitablement des choix conscients
ou inconscients. Compte tenu de ces réserves la comparaison des
vidéos d’enfants ayant reçu ultérieurement un diagnostic d’autisme
avec celles d’enfants ayant eu un développement typique, par des observateurs ne connaissant pas le diagnostic final, a, néanmoins, apporté des données intéressantes.
On a pu, ainsi, mettre en évidence dans les vidéos familiales de
bébés devenus autistes :
– la rareté du sourire social et des contacts visuels, la pauvreté des
expressions émotionnelles ;
– moins de regards envers autrui, peu de présentations d’objets ;
– des anomalies de l’orientation vers un stimulus visuel, ainsi que des
réponses retardées – ou pas de réponse du tout – lorsqu’on appelle
l’enfant par son prénom ;
– enfin des anomalies apparaissant dans les déplacements (passage de
la position allongée sur le dos à la position allongée sur le ventre,
ramper, marche) et une hypotonie.
Mais 2 points sont à noter :
– d’une part, les différences relevées sont, dans la plupart des cas, relatives : elles n’apparaissent qu’à une analyse minutieuse des enregistrements, s’appuyant sur des grilles d’évaluation préétablies.
On est loin des conditions d’observation d’un examen pédiatrique
habituel, et les signes relevés dans le cadre de ces recherches ne
sont souvent par repérés lors des examens standards de surveillance
(Johnson et al., 1992) ;
– d’autre part les différences les plus nombreuses apparaissent sur les
documents enregistrés au cours de la deuxième année (Mazet, 1990 ;
Adrien et al., 1993 ; Baranek et al., 1999 ; Malvy et al., 1997) ; cependant au cours la première année les observateurs repèrent un petit nombre d’indices différenciant les enfants devenus autistes des
témoins normaux.
Par ailleurs, les études dans lesquelles plusieurs enregistrements du
même enfant ont pu être analysés confirment l’existence de plusieurs
modalités d’installation des symptômes autistiques.
C’est ce que montrent, en particulier, les travaux de Maestro et al.
(1999-2005).
– Dans environ la moitié (10/26) qu’ils ont étudiée, on remarque,
dès le deuxième trimestre, un manque de vitalité et peu ou pas
d’échanges interactifs : le bébé paraît apathique, indifférent. Les
anomalies de la communication sociale s’accentuent progressivement.
– Mais dans 11 autres cas c’est, vers dix-huit mois, qu’on observe
une disparition des réactions à l’environnement, une diminution des
Est-il possible de dépister l’autisme au cours de la première année ?
gestes communicatifs et l’enfant semble s’enfoncer progressivement
dans l’isolement autistique.
– Enfin, dans des cas plus rares (2/26), on peut observer, entre six
et dix-huit mois, des fluctuations entre des moments où l’enfant
semble interagir normalement et d’autres où il présente des signes
évocateurs d’autisme.
ÉTUDES PROSPECTIVES POUR LA
D ’ INSTRUMENTS DE DÉPISTAGE
VALIDATION
Les données issues des recherches évoquées ci-dessus ont montré que
si la symptomatologie classique, caractéristique du syndrome autistique était rarement présente au complet avant la troisième année,
il pouvait exister plus précocement des signes discrets ne faisant
pas partie du registre symptomatique classique, annonciateurs d’une
évolution vers l’autisme.
Plusieurs recherches prospectives ont été entreprises pour valider
des instruments permettant de dépister « l’autisme avant l’autisme ».
Les questionnaires publiés jusqu’ici - CHAT (Baron-Cohen et al.,
1992, 1996 ; Baird et al., 2000), M-CHAT (Robins et al., 2001 ; Robins &
Dumont-Mathieu, 2006), ESAT (Dietz et al., 2006 ; Swinkels, et al., 2006)
- ont été validés au cours de la deuxième année, le plus précoce (ESAT)
a été étudié à l’age de treize mois. Ils sortent donc du cadre de cet article.
Un nouveau questionnaire comportant 63 items observés au cours
de la première année (First year inventory) n’est encore qu’en début de
validation (Watson et al 2007 ; Reznick et al 2007).
Notre contribution à ces recherches a consisté à tester, dans les
conditions des examens de santé systématique du neuvième mois,
la fiabilité de 26 indices du développement socio-communicatif dont
l’absence pourrait être considérée comme un signe d’alerte d’un risque
d’autisme (Bursztejn et al., 2007).
Pour 8 de ces indices, il a été possible d’affirmer qu’ils étaient
présents chez 95 % des 2 336 enfants examinés2 , pourcentage que
nous avons considéré comme un seuil minimum de fiabilité. Même
s’il a une valeur prédictive de l’autisme, un item présent seulement
dans un pourcentage de cas inférieur entraînerait un risque inacceptable de « faux positifs » posant des problèmes techniques (nombre
d’examens de 2e niveau) et surtout éthiques (inquiétude indue des
parents). Ainsi bien que l’attention conjointe soit une acquisition
clé pour le développement socio-communicatif et pour l’évolution
du langage (Charman et al., 1997, 2003), et que son défaut ait une
valeur démontrée à dix-huit mois pour le dépistage de l’autisme a
2 Aucun cas suspect de trouble autistique n’a été identifié dans cette
recherche
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été (Baron-Cohen et al., 1996 ; Baird et al., 2000), l’absence pointage
proto-déclaratif ne peut être considérée comme un indice fiable à
neuf mois car il n’est acquis que chez 34 % des enfants examinés
à cet âge.
Les 8 items ainsi sélectionnés sont les suivants :
–
–
–
–
–
–
–
–
contact œil à œil facile ;
absence d’anomalie du regard ;
expression appropriée des émotions ;
regarde les objets qu’on lui tend ;
prend les objets qu’on lui tend ;
sourit à sa mère ou à autre personne ;
réagit quand on lui parle ;
réactions posturales normales.
Ils ont été repris dans le cadre de la vaste enquête entreprise par le
groupe Préaut : cette équipe s’intéresse à des signes très précoces qui
concernent des initiatives relationnelles de l’enfant dès quatre mois. Le
protocole de recherche prévoit de tester ces signes à douze mois.
Études prospectives sur les bébés « à haut risque »
Un nouveau type de recherche a été publié très récemment : des études
prospectives portant sur les bébés « à haut risque » (Bryson et al.
2007, Loh et al. 2007, Merin et al. 2007, Nadig et al. 2007, Zwaigenbaum et al. 2005, Zwaigenbaum et al. 2007). Il s’agit de frères et sœurs
puînés d’enfants autistes, pour lesquels le risque de survenue d’un
trouble autistique est statistiquement plus élevé que dans la population générale : de l’ordre de 2 % à 8 %, soit 3 à 10 fois la prévalence
dans la population générale.
Zwaigenbaum et al. (2005) ont rapporté les premiers résultats de
l’étude d’une de ces cohortes. Sur 65 enfants à « haut risque », suivis
jusqu’à vingt quatre mois au moins, 7 ont reçu le diagnostic d’autisme
et 12 celui de « trouble du spectre autistique ». Les auteurs ne trouvent pas d’indices prédictifs de l’autisme à six mois, mais ils soulignent la petite taille de leur échantillon. Par contre à douze mois, des
anomalies du sourire social, du regard (exploration, désengagement
de l’attention, et contact visuels), de l’orientation à l’appel du nom,
des comportements d’orientation sensorielle, de la réactivité et de
l’imitation apparaissent prédictifs de l’autisme. Ces indices sont inclus
dans une échelle d’observation en cours de validation par ces mêmes
auteurs (Bryson et al. 2008).
Le même groupe de recherche (Bryson et al. 2007) a rapporté les
observations détaillées de 9 enfants à haut risque qui ont été suivis
depuis l’age de six mois et pour lesquels le diagnostic d’autisme a été
vérifié à trente six mois. Les auteurs décrivent 2 sous groupes :
– chez 5 enfants des signes d’autisme (diminution des comportements socio-communicatifs, une tendance marquée à la fixation
du regard sur des objets, et d’autres comportements sensoriels et
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moteurs atypiques et répétitifs) ainsi qu’un comportement irritable,
se manifestent à partir de douze mois et s’accentuent à dix-huit mois.
Ce sous-groupe est aussi caractérisé par une baisse importante (19 à
41 points) du QI – qui était dans les limites de la normale à douze
mois ;
– dans l’autre sous-groupe l’évolution est plus variable, les
symptômes autistiques et les manifestations d’irritabilité apparaissent plus tardivement dans le cours de la deuxième année et on
n’observe pas de baisse des résultats des tests cognitifs.
Toujours dans le cadre de la même recherche Loh et al. (2007) ont
montré que des comportements moteurs stéréotypés et des anomalies
de la posture pouvaient être repérés dès l’age de douze mois.
Un autre groupe (Landa & Garrett-Mayer, 2006) a examiné 60 frères
et sœurs d’enfants autistes et 27 témoins, à six, quatorze et vingt quatre mois, à l’aide d’un test standardisé évaluant la motricité globale et
fine, la perception visuelle et le langage. Ils ont comparé les résultats
obtenus selon le diagnostic porté à vingt quatre mois : trouble du spectre autistique (TSA, n = 24), retard de langage (RL, n = 11), non affecté
(NA, n = 52). Ils n’ont pas observé de différences significatives entre
ces 3 groupes diagnostiques à six mois ; par contre, à quatorze mois,
le groupe ASD a de moins bonnes performances que le groupe NA et
dans l’ensemble son développement se ralentit entre quatorze et vingt
quatre mois.
Enfin, le MIND Institute a publié les premiers résultats de son étude
prospective (Ozonoff, 2008). Chez les 9 enfants, pour lesquels un diagnostic de trouble du spectre autistique a été porté, on observe à
douze mois significativement plus d’anomalies des comportements
d’exploration des objets et d’avantage d’activité répétitive comparativement à 10 enfants présentant d’autres retards de développement et
47 ne présentant pas de trouble du développement. La même équipe
de recherche confirme la valeur prédictive, à l’age de douze mois,
du défaut de réponse à l’appel du nom : 3 des 4 des enfants chez
lesquels cette réponse est absente se confirment présenter un trouble
du développement à vingt quatre mois (spécificité : 0,89 pour les troubles du spectre autistique, 0,94 pour un retard de développement),
mais ce signe est inconstant : il peut manquer chez des enfants recevant ultérieurement un diagnostic de trouble du spectre autistique
(sensibilité : 0,50).
CONCLUSION
Les travaux dont nous avons fait la revue, et notamment les études
prospectives, construisent progressivement la clinique très précoce des
troubles autistiques.
S’il ne paraît pas possible aujourd’hui d’affirmer la possibilité
de dépister l’autisme avant le premier anniversaire, on progresse
dans cette direction. Cependant, compte tenu des données montrant
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différentes modalités de début – dans l’autisme et plus encore dans
l’ensemble des « troubles du spectre autistique » plusieurs temps de
dépistage sont probablement à prévoir si on veut se situer au plus près
de l’émergence des premières manifestations.
Au vu de l’ensemble des données publiées, on peut aujourd’hui
considérer comme fortement probable ou démontrée, la valeur
prédictive dès douze mois de l’absence ou de la rareté :
– du sourire social,
– du contact par le regard,
– de l’orientation à l’appel du prénom.
D’autres indices comportementaux doivent être encore étudiés afin
de préciser leur valeur prédictive, l’absence ou la rareté :
– des expressions émotionnelles et sociales ou seulement après fortes
stimulations,
– des initiatives interactives,
– de l’attention conjointe (suivi du regard et du pointage), ainsi que
des anomalies
– de l’adaptation corporelle, des réactions posturales et gestes anticipatoires,
– de l’attention préférentielle aux objets/personnes,
– de l’exploration des objets, du désengagement de l’attention visuelle.
Enfin les études prospectives signalent l’apparition de comportements répétitifs, stéréotypés dès douze mois chez les enfants évoluant
vers l’autisme.
Il est important que les professionnels de la petite enfance soient
formés au repérage de ces indices : c’est de leur vigilance que
dépendent des progrès dans la détection aussi précoce que possible
des troubles autistiques.
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