Histoire du tigre et autres histoires

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Histoire du tigre et autres histoires
Dossier Diffusion
« Histoire du Tigre et autres histoires »
Le spectacle
S
eul en scène, Hervé Guerrisi jongle avec les mots et l’imaginaire.
Un soldat chinois, un déluge, une grotte, une tigresse. Ce sont les points de
départ d’un récit haut en couleurs et en rebondissements. Notre héros, tantôt
conteur, tantôt dans le vif de l’action nous fait revivre sa vie de soldat qui
descend des confins de la Mandchourie pour entamer la Longue Marche.
Choisissez ensuite vous-même l’histoire que vous voulez entendre et
embarquez pour un enchevêtrement de cascades, farces, aventures au fond
historique ou mythologique… sur un ton humoristique emprunt de gravité et de
vérités.
Véritable performance que d’incarner une trentaine de personnages, le jeu de
l’acteur est axé sur l’expression corporelle. La dimension gestuelle est
appuyée et orchestrée par Jean-Louis Danvoye.
Le comédien
Sorti du Conservatoire de Bruxelles en 2004, Hervé
Guerrisi multiplie les expériences sur les scènes belges
du Théâtre du Parc, de la Samaritaine en passant par le
Théâtre Le public, le Théâtre Jean Vilar ou le Passage
44.
Membre de la Ligue d’improvisation belge, il défend les
couleurs nationales lors du mondial d’impro de Montréal
en 2005 et participe à plusieurs rencontres
internationales en France, en Suisse et en Belgique.
Il enseigne l’art dramatique à l’Académie d’Anderlecht
depuis 2003 et centre sa pédagogie sur le jeu choral et visuel de la Commedia
dell’arte à travers Molière, Shakespeare ou Goldoni.
La collaboration avec Jean-Louis Danvoye
Avec Histoire du tigre et autres histoires, Hervé Guerrisi signe son premier
seul en scène qui explore la dimension visuelle du jeu théâtral. Dès lors, c’est
avec Jean-Louis Danvoye qu’il travaille la recherche du mouvement et des
personnages au moyen de l’expression corporelle et de la technique du mime.
De renommée internationale, Jean-Louis Danvoye est professeur de
mouvement scénique au Conservatoire de Bruxelles et anime plusieurs
ateliers tant en Belgique qu’à l’étranger. Fondateur des « Founambules », le
mime Danvoy ‘ tourne actuellement avec « Foto », son dernier spectacle en
solo.
Dario Fo
Né en en 1926 à San Giano, dans une famille
prolétaire de tradition démocratique et antifasciste,
Dario Fo découvre très jeune le théâtre populaire et
la tradition orale, par l'intermédiaire de son grandpère, fabulatore connu.
En 1952, il écrit pour la radio ses premiers
monologues comiques, intitulés Poer nano, "Pauvre
nain". Il découvre le Piccolo Teatro de Giorgio
Strehler, fait ses débuts d'acteur et monte des
revues de satire sociale et politique.
En 1954, il épouse Franca Rame, fille d'une grande famille de comédiens
populaires, qui devient son inséparable partenaire. Ensemble ils reprennent à
leur façon des farces traditionnelles et écrivent de grandes comédies où ils
fustigent les institutions et les classes dirigeantes tout en déployant une
fantaisie débridée.
En 1968, ils fondent l'association Nuova Scena avec l'aide du Parti
Communiste Italien, "au service des forces révolutionnaires" et s'éloignent
des circuits traditionnels du théâtre.
En 1970, Dario Fo rompt avec le parti communiste et crée un autre collectif
théâtral : La Comune. Ces années sont celles des grands succès : " Mystère
Bouffe", épopée des opprimés inspirée de la culture médiévale, apporte à
Dario Fo une renommée mondiale.
Son anticonformisme ainsi que son engagement
politique et social l'entraînent dans d'innombrables
procès et controverses en Italie, avec l'Etat, la police, la
télévision, le pape. Il invente, dans la veine de "Mystère
Bouffe", des histoires désopilantes et graves, comme
"Histoire du tigre et autres histoires".
En 1997, Fo obtient le prix Nobel de littérature, pour
avoir, "dans la tradition des bateleurs médiévaux,
fustigé les pouvoirs et restauré la dignité des humiliés".
Aujourd’hui, à 80 ans Dario Fo vit à Milan où il maintient
une activité littéraire et politique intense. Il est l’un des
dramaturges vivants les plus représentés dans le
monde.
Les thématiques phares
Dans l’espace sans limite des ressources du rire, Dario Fo use d’un humour
corrosif pour développer différentes thématiques graves et actuelles : « Tout régime
totalitaire est basé sur la peur. Le rire désamorce la peur… ». Et une fois la peur
désamorcée, la morale de la fable résonne aux oreilles du spectateur et permet une
réflexion approfondie.
Approche historique : La Longue Marche
Le
héros de l’Histoire du
tigre est un soldat chinois
blessé lors de la Longue
Marche
(Chang
Zheng),
parfois appelée La Marche
des dix mille li ou de vingtcinq mille li. Il s’agit d’un
périple de plus d'un an, mené
par
l'armée
communiste
chinoise pour échapper à
l'armée
nationaliste
du
Kuomintang
(KMT),
de
Tchang
Kaï-chek.
C'est
Mao Zedong durant la Longue Marche
durant cette marche que Mao
Zedong s'affirme comme le chef des communistes chinois. Commencée en octobre
1934, la Longue marche pris fin le 19 octobre 1935 et coûta la vie de 90.000 à
100.000 hommes, rien qu'au sein des hommes de Mao Zedong.
... Et autres Histoires
L’interactivité du vote
Histoire du tigre et autres histoires se veut être un spectacle accessible et proche
du spectateur. Renouant avec la tradition médiévale populaire, le conteur s’adresse
donc au public et lui propose de choisir l’histoire qu’il veut entendre. Ainsi faisait le
bouffon qui au Moyen Âge parcourait le pays et adaptait ses histoires au fil du
chemin et des rencontres. Le public a le choix entre un thème biblique ou
mythologique, il se retrouve « acteur » de la représentation, on peut parler de
« spect-acteur ».
Approche Mythologique : Dédale et Icare
«Icare, criait le père, où es-tu?
En quel endroit me faut-il te chercher?
Icare », répétait-il...
Dédale était cet architecte qui construisit, en
Crète, le Labyrinthe de Cnossos. Cet ouvrage
d’envergure placé devant l’entrée du palais de
Minos devait servir à empêcher l’accès aux
ennemis venus de l’extérieur. Il fût finalement
utilisé comme prison et on y enferma les
Athéniens, ennemis jurés de la Crête. En
apprenant que ces derniers avaient trouvé le
moyen de s'en échapper, le roi Minos fut aussitôt
convaincu qu'ils n'auraient pu y parvenir sans
l'aide de Dédale. En conséquence, il emprisonna
l'architecte et son fils dans ce même labyrinthe, ce
Herbert Draper - Lamentations pour Icare
qui tendrait à prouver l'excellence du plan de cet
enclos, puisque sans indication, même son auteur ne pouvait en découvrir l'issue.
Mais le grand inventeur n'était pas en peine pour si peu…
La version de Dario Fo s’inspire d’une retranscription de ce Mythe par Lucien de
Samosate (1er siècle après JC) qui s’appuie sur la légende de Pasiphaé et du
Taureau Sacré.
« Dédale, inventeur de machines
merveilleuses se mit tout de suite
au travail pour satisfaire au désir
érotico-sentimental de la reine et
construisit une grande vache en
bois, toute vide. C’est dans cette
vache que la reine allait prendre
place. Je ne vais pas vous faire un
dessin de la posture que le désir
allait faire prendre à Pasiphaé, un
peu d’imagination porno-gymnique
tout de même…Mais n’allez pas
trop loin dans vos fantasmes de
contorsion, nous parlons d’une
grande dame ! »
Giulio Romano - Pasiphaé
(Extrait du spectacle)
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Approche biblique : Le sacrifice d’Isaac
Dieu mit Abraham à
l'épreuve, et lui dit : "Abraham
!" Et il répondit : "Me voici !"
Dieu dit : "Prends ton fils, ton
unique, celui que tu aimes,
Isaac; va t'en au pays de
Morija, et là offre-le en
holocauste sur l'une des
montagnes que je te dirai."
La Bible, Ancien Testament,
Genèse, chap. 22
Au moyen de cette histoire,
Dario Fo aborde le thème
sensible du « fidelisme borné ». Par amour pour son Dieu, Abraham en vient à
justifier un acte de pure barbarie, l’infanticide. Une histoire qui résonne encore
aujourd’hui au vu de l’actualité internationale.
Le carnage - Le sacrifice d'Isaac
Le jeu visuel de la Commedia dell’arte
La
Commedia dell'arte remonterait au
Moyen Âge, à l'époque où l'on jouait des
farces dans les divers dialectes des régions
d'Italie. Des troupes professionnelles,
composées de ménestrels et d'acrobates
ambulants, perfectionnèrent une forme de
divertissement adaptée au grand public.
Rompant avec la tradition du texte écrit et
sans autre support qu'un canevas, les
troupes, composées de six à douze acteurs,
improvisaient des comédies mêlées de
chants, de danses et d'acrobaties, sur des
scènes de fortune, en plein air ou dans des
théâtres
aménagés.
Les
comédies
reposaient sur des personnages stéréotypés
et des situations burlesques, accompagnées
de pitreries. Au 20ème siècle, et notamment
© Gianni Candido
sous l’impulsion de Dario Fo, ce genre
théâtral revient au goût du jour et les thématiques sont étudiées et dépoussiérées. Le
Mistero Buffo de Fo est un bel exemple de cet intérêt pour la tradition populaire.
Véritable conférence-spectacle, il y explique et interprète les histoires d’antan sur le
mode d’antan.
Dans "Histoire du tigre et autres histoires", l’approche visuelle permet l’interprétation
des nombreux personnages et du conteur.
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Hervé Guerrisi
Mots clés : rigueur, passion et enthousiasme
Ces derniers temps, j’ai eu l’occasion de te voir à plusieurs reprises dans différents
registres et j’aimerais te faire connaître aux lecteurs de comedien.be.
Je t’ai vu dans un one-man-show : Histoire du Tigre et Autres Histoires de
Dario Fo, dans un spectacle de chansons improvisées Des Mots, des Notes, je
t’ai vu comme jouteur à la Ligue d’Impro et maintenant dans le rôle de Boyet
dans Peines d’Amour Perdues de Shakespeare… Chaque fois tu m’épates par
ton talent. Marionnettiste pour Toone, tu pars en tournée à Lyon… À peine
nouvelle recrue à la Ligue d’Impro, on t’envoie défendre les couleurs de la
Belgique au Québec… En plus j’apprends que tu donnes cours à l’Académie
d’Anderlecht… que tu as créé la Compagnie DeZir avec Stéphanie Blanchoud,
Tu es aussi guitariste, saxophoniste… Joli parcours !
Interview : Comment tout cela a-t-il commencé ? Qu’est-ce qui t’a motivé ?
Ça a commencé quand j’avais 9 ans, mes parents m’ont inscrit à un
casting : on cherchait des enfants pour une comédie musicale Mon P’tit
Loup et j’en ai fait partie pendant 2 ans. Ce spectacle a tourné en
Belgique. Il y avait des cours d’interprétation, des cours de chant, des
cours de danse dans tous les sens : classique, contemporaine – la
totale ! Évidemment, quand on commence à 9 ans, soit on a un rejet
total, soit quand on y a touché, on a une super grande envie de
continuer la scène - ce qui fut mon cas -.
Interview : Est-ce toi ou tes parents qui ont eu cette idée ?
J’étais une grande gueule, un vrai petit caïd, alors les parents se disent ˝Ah, il parle
fort, il fait son cinéma, on va l’inscrire au théâtre„. Et pour moi, enfant turbulent, ça a
surtout permis de canaliser mes énergies : aux cours de théâtre ou de danse, j’étais
vraiment studieux. Par la suite, au Conservatoire [1], il y a beaucoup de rencontres
qui se font. Cela m’a permis de tisser des liens, notamment avec Stéphanie
Blanchoud avec qui j’ai créé la Compagnie DéZir. Cela part de l’envie très forte de
continuer le chemin après le Conservatoire – qui après tout n’est qu’un tremplin…
Après on doit voler de ses propres ailes et surtout trouver ses armes et les
différentes cordes de son arc. Donc voilà, on les a multipliées, avec Stéphanie via la
chanson, et en ce qui me concerne via la musique. Et puis on a aussi joué ensemble
au théâtre. On essaye de multiplier les choses, surtout de ne pas attendre qu’on
vienne nous chercher, foncer dedans parce qu’on a des choses à dire et qu’on a eu
la chance au Conservatoire d’avoir les moyens techniques de dire ces choses :
Qu’est-ce que j’ai envie de dire à mon âge ? Quel est le message que j’ai envie
d’apporter avec les moyens qui me sont donnés ? Voilà les vraies questions…
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Interview : Pour revenir au cours d’art dramatique que tu donnes à l’Académie
d’Anderlecht, depuis 3 ans, qu’attends-tu de tes élèves ? Quel est ton rapport
avec eux ? Quels sont les conseils que tu leur donnes ?
C’est d’aller au théâtre, au cinéma aussi ! D’aller voir un maximum de choses, parce
que souvent ils viennent avec une idée du théâtre qui est complètement fausse, en
tout cas fausse par rapport à tous les autres types de théâtre qui peuvent exister. Ils
ont souvent une idée très académique, très classique. Donc je les encourage à aller
voir d’autres choses. Par la suite, par rapport au cours même, j’essaye de mettre est
essentiellement l’accent sur l’écoute. Sur le fait d’être disponible aussi bien par
rapport à ce que je leur demande que par rapport à ce que leur partenaire envoie ou
reçoit. Et ce que j’attends d’eux ? Ben, rien vraiment… Par contre, sans attendre
quoi que ce soit d’eux, ils m’apportent beaucoup…
Interview : Tu peux donner un exemple ?
Par exemple, quand je demande à un élève d’être plus rigoureux par rapport au
texte, et que je vois que, la semaine suivante, il arrive avec un texte au rasoir etc., je
me dis : ˝Ah oui, je ferais peut-être bien ça aussi moi„. Ce que je leur demande, c’est
ce que je dois exiger de moi dans le boulot, et c’est pour cela que j’essaye toujours
de mettre en corrélation les disciplines ou les auteurs que je découvre dans le milieu
professionnel, avec l’enseignement. Par exemple, là je découvre tout ce qui est
l’univers de la Commedia, donc j’ai décidé de travailler Goldoni avec eux, et de voir
ce qu’il en a fait, parce que c’est un des premiers qui a retranscrit. Donc on a des
outils très clairs. Et cela nourrit aussi ma recherche :on est dans un processus
d’échange permanent.
Interview : Quelle différence fais-tu entre un one-man-show et une grosse
production avec 17 comédiens comme Peines d’Amour Perdues ?
Par rapport au travail même de recherche et de rigueur, il n’y a pas de différence.
J’essaye – je dis bien j’essaye – d’être autant impliqué dans une création
personnelle que dans une création à 17 dans laquelle j’ai peut-être moins de
responsabilités. Par rapport au travail du comédien, je crois qu’il est le même. On a
souvent le réflexe quand on reçoit une brochure d’une pièce dans laquelle il y a 17
rôles, de foncer pour voir ce que mon personnage dit, s’il y a eu des coupures ?
(mon dieu, j’espère qu’il n’a pas été trop coupé !) Ça commence peut-être par là. Et
puis, il y a le Pourquoi je me tais ? C’est ce que je découvre avec Peines d’Amour
Perdues. Je réfléchis non seulement à pourquoi mon personnage dit ça, pourquoi il
prend la parole, mais aussi à tous ces moments où il est là et où il ne dit rien.
Pourquoi je me tais, pourquoi je décide de ne pas l’ouvrir, de rester en observation
de laisser ceux qui parlent rester les protagonistes ?… et ça, c’est un boulot plus
particulier avec une création avec 17 comédiens car forcément, il y a plus souvent
d’occasions de se taire.
Peut-être que quand je suis seul en scène, je mets beaucoup plus l’accent sur
l’écoute du public. Peut-être ? Parce qu’il est mon seul partenaire. Quand on est 17,
il y en a 16 à gérer, plus un énorme qui est le public. Maintenant, je cherche à
répondre à ta question, mais ce n’est pas du béton...
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Interview : Comment et pourquoi avoir commencé l’improvisation ? Qu’est-ce
que ça t’a apporté ensuite ?
Quand j’étais à l’école, on faisait des sorties de classe et on allait voir des matches
au Mirano. Cela m’impressionnait beaucoup. Comme dans un coin de ma tête je
savais déjà que plus tard j’avais envie d’être comédien, j’étais d’autant plus
impressionné par la virtuosité de ceux que je voyais : c’étaient des grands noms, des
espèces de stars dont on se souviendra pendant bien des années. Et puis, en
dernière année au Conservatoire, on a fait un examen public au Théâtre National et
Victor Scheffer est venu nous voir et a pris le nom de certains en nous demandant si
on voulait faire un stage d’entrée mais aussi de recrutement. Évidemment j’ai dit oui,
parce qu’en début de carrière, il ne faut pas refuser ce genre d’opportunités. J’estime
qu’il faut y aller et découvrir par soi-même… Parce que c’est une discipline dont on
nous a dit plein de choses, souvent négatives du genre La Ligue c’est dangereux
parce que ce n’est que des bagarres, que du match etc. Mais des côtés positifs on
n’en parlait pas du tout. Et il y en a tellement. Donc, j’ai été faire ce stage d’entrée en
septembre 2004 : 3 jours à l’Espace Catastrophe et c’était très gai. Déjà, c’était une
manière de rencontrer ceux qui étaient sortis la même année, mais dans toutes les
écoles : Ah tiens, les voilà, ceux de la promotion 2004… il y a Liège, l’IAD, l’INSAS,
Mons, Bruxelles… Et c’est comique parce qu’on ne le connaissait pas avant… Et
puis voilà, j’ai été choisi pour intégrer l’équipe de Jean-Marc [2]. Et j’ai appris
énormément. Déjà je me suis beaucoup amusé, parce que ça reste un jeu, et un jeu
très drôle, très gai à faire… Et en termes d’acteur - on parlait d’écoute tout à l’heure pour moi l’impro, c’est un training d’acteur phénoménal : ça permet de gérer une
histoire de A à Z, de savoir quelle est sa place, quelle est la place qu’on a dans une
histoire… On parlait de l’intégration d’une équipe de 17 comédiens, voilà : il faut être
conscient du tout et pas seulement du petit point qu’on est dans la masse. Il faut être
à l’écoute en permanence et donc les entraînements poussent à ça. C’est une
découverte géniale, d’une ouverture totale à ce qu’on raconte. Ça permet de lâcher
tout son imaginaire, de ne pas censurer ou en tout cas de cadrer son imaginaire et
de l’offrir. Et ça permet aussi de rencontrer des gens passionnés. C’est un bonheur,
vraiment c’est un bonheur. Donc quand à la fin de la saison Jean-Marc m’a dit ˝Allez
viens, on va au Québec„ (gros éclat de rire) Alors là, je n’en revenais pas !
Évidemment j’ai dit oui, évidemment je n’allais pas dire non, mais attends, qu’est-ce
que c’est que ce truc, c’est le Mondial [3], ça fait peur ! Alors là, on arrive dans le
pays de l’impro, tout le monde connaît l’impro, ils sont nés dedans : il y a la
télévision, le grand show à l’Américaine… Enfin c’était une expérience inoubliable
dans laquelle j’ai appris encore… Je crois qu’en 4 matches que j’ai fait au Québec,
j’ai appris … oui … un dictionnaire. C’était énorme. J’ai appris en les observant car je
m’estimais encore incapable de rivaliser ou de jouer sur le même terrain que les
Québécois. C’est vraiment hallucinant. Donc j’étais spectateur. J’ai vécu 10 jours làbas sublimes !
Pourquoi avoir créé une compagnie ? J’ai l’impression que dès qu’on est 2 ou
3, on forme une compagnie, qu’on est noyé sous les compagnies.
Dans un premier temps, c’est quelque chose qui va nous obliger à aller de l’avant.
J’ai besoin d’avoir un ultimatum. Ça nous entraîne dans une dynamique créatrice. Ça
nous maintient en éveil par rapport à cette question qui est toujours : Qu’est-ce qu’on
veut dire ? Ça fait partie des outils qui nous sont donnés pour pouvoir dire des
choses. Évidemment, il y a aussi un atout administratif : le fait de passer par une
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compagnie facilite toute la paperasserie, les contrats, les finances etc. Et puis, on est
en quelque sorte protégé par le fait que tout passe par l’asbl (la compagnie). Même
si ce n’est qu’une façade, ça a un côté rassurant. Ça permet par exemple de
réinjecter dans l’asbl une partie de ce qu’elle gagne pour financer une attachée de
presse, une promo ou une affiche. Quant au côté artistique - je parlais des
différentes cordes à nos arcs - une compagnie permet de rassembler tout ça. Il y a
Stéphanie qui perce dans la chanson, qui écrit beaucoup pour le théâtre et pour la
chanson, moi qui l’accompagnais au saxophone pendant tout un temps et puis qui
maintenant ai ma propre création : Histoire du Tigre. Toutes ces créations-là sont
rassemblées autour d’un même nom qui devient porteur.
Quel appui reçoit-on de Marion en tant que compagnie ?
Marion fait « salon » au XXIème siècle comme ça se faisait au XVIIème : elle a ses
fidèles habitués et elle leur propose son petit marché théâtral. Il y a un réel échange
avec ses spectateurs… Et en tant que compagnie, on a la chance de faire partie de
sa programmation et de jouer devant un public qu’on n’aurait pas pu rencontrer
autrement. Et puis, elle nous donne simplement la chance de jouer et c’est ce qu’on
demande. Elle nous donne un lieu génial, avec un technicien. Elle est là pour nous
soutenir et on sent qu’elle est derrière les jeunes compagnies qu’elle va chercher.
Elle va voir des petites créations, elle va à la Soupape, elle va à la Samaritaine, elle
va partout... Des responsables de programmation, moi, dans des tout petits lieux
comme ça, j’en ai rarement vus. Elle est des premières heures d’une compagnie et
elle peut se targuer d’avoir lancé plus d’un sur le marché de l’emploi, avec un grand
M. D’ailleurs toutes ces personnes, Michel à la Soupape, Huguette à la Samaritaine
et Marion au Botanique sont vraiment très précieuses pour la jeune création parce
qu’ils y croient. Ils viennent nous chercher dans de petits lieux pour nous dire Allez
hop, un petit coup de pouce, un petit tremplin… C’est merveilleux ! Moi si je n’avais
pas créé l’Histoire du tigre, à la Soupape je ne serais pas à Chénée… C’est vraiment
le début de la boule de neige.
Parle-nous de tes projets ?
Tout part toujours de cette même interrogation : Je suis sorti en 2004 avec un
premier prix et aussi une licence, (et il faut mettre des guillemets à licence parce que
ça ne veut pas encore dire grand chose sur le marché de l’emploi)… et maintenant
qu’est-ce que j’ai envie de dire ? Alors, en travaillant avec Daniela Bisconti au
Conservatoire, j’ai eu la chance de découvrir Dario Fo et cela avait résonné en moi.
Peut-être à cause de mon sang italien ou de mes origines d’immigré. Finalement, je
suis de la 3ème génération, petit-fils de mineur italien ; ça fait un peu misérabiliste,
mais c’est vrai. Donc, j’ai un peu fouillé dans cet univers de Dario Fo. Je me suis
documenté : Internet, les livres, les traductions, les pas traductions, sa biographie,
l’ouvrage théorique qu’il a écrit et chaque fois ça résonnait de manière positive. Au fil
du temps, il est devenu une espèce de mentor, pour le moment incontesté et
incontestable et je le défendrai toujours pour le moment (et je dis bien pour le
moment, parce que c’est une recherche qui doit suivre son cours). J’ai découvert
l’Histoire du Tigre, une de ses plus célèbres jongleries, comme il appelle ça, dans
laquelle il parle de ce soldat chinois qui faisait partie de la « longue marche », une
histoire qu’il a entendu raconter en Chine. Et nouveau coup de foudre, je me suis dit
˝on y va„. Maintenant j’ai envie de dire ce que cet homme dit, non seulement
théâtralement, mais aussi ce qu’il dit, le message qu’il veut faire passer à travers
cette conférence théâtrale : ˝Voilà, j’ai fait un travail sur les jongleries du Moyen-Âge,
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je vous le transmets et je vous le joue„. Il y a un côté ludique, mais aussi un côté
didactique, pédagogique : Dario Fo transmet des choses. J’ai eu envie de les
transmettre à mon tour. Et j’ai ajouté d’autres histoires, tout simplement par plaisir
d’acteur, car j’avais fort envie de jouer La Résurrection de Lazare, un morceau assez
court dans lequel j’ai pris un pied dingue parce qu’il y a 13 personnages qui parlent
tous en même temps et c’est très chouette à faire, car visuellement et techniquement
il faut pouvoir les distinguer. Donc j’ai fait appel à Jean-Louis Danvoy, mon prof de
formation corporelle au Conservatoire, un homme d’exception, plein d’humilité (une
des valeurs les plus admirables dans le milieu). Je trouve cela tellement beau et
touchant. Et cet homme est beau et touchant et en plus, il a un imaginaire
magnifique. Je lui ai dit : J’ai peur d’un metteur en scène qui s’approprie le texte et
dit ses mots à lui. ˝J’ai envie de dire tel quel ce que Dario Fo dit, je n’ai pas envie
d’interpréter ou de réinterpréter ses termes„ et il a dit ˝d’accord„ et on a travaillé
ensemble dès qu’on pouvait, parce qu’il est fort occupé avec son spectacle photos
To See or Not To See qui tourne actuellement. Donc entre un voyage à Munich et un
au Portugal, on travaillait ici ou à la Soupape sur ce spectacle que j’espère jouer
encore longtemps car il reflète bien les choses que je veux dire.
Tu m’as dit que tu allais rencontrer Dario Fo ?
Oui, je pars le 4 avril pour Milan. C’est mon amoureuse qui m’a poussé à le faire.
Elle m’a dit : ˝écoute Hervé, cesse d’en parler, maintenant vas-y„ et ça a fait tilt :
Alors Internet, Ryan Air, famille d’accueil à Milan et cours intensifs d’italien… et puis
enfin découvrir vraiment la Commedia dell’Arte et le Piccolo Teatro chez Feruccio
Soleri (encore toujours l’Arlequin dans Arlequin, Serviteur de Deux Maîtres dans la
mise en scène originale de Giorgio Strehler.) Par ailleurs, Soleri donne cours au
Piccolo. Le contact avec Dario Fo avait déjà été pris lors de la création du Tigre pour
laquelle on l’avait invité… Il avait même pris la peine de répondre qu’il ne pourrait
pas se libérer. Il faut dire qu’il préparait les élections municipales de janvier car il
s’était inscrit sur les listes à Milan. Entre parenthèses, il a quand même recueilli 30%
des voix contre 60% à l’extrême droite, ce qui reste très inquiétant. Enfin, cette fois,
j’espère bien le rencontrer !
Ciao Hervé… Grazie mille, Buon viaggio, e n’ bocca al lupo !
Interview : Nadine Pochez Photos : Gianni Candido
Vous pourrez voir Hervé Guerrisi en 2006 dans … • Peines d’Amour Perdues de W.
Shakespeare au théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve jusqu’au 30 mars • Dans tes
Bras de Stéphanie Blanchoud au Botanique (lundi théâtre – Marion) lundi 27 mars •
Histoire du Tigre… de Dario Fo à la Soupape les 21 et 22 avril au Centre Culturel de
Chênée le 19 mai à la Samaritaine du 13 au 24 juin au Festival du Théâtre à Spa du
16 au 18 août
[1] Conservatoire de Bruxelles
[2] Jean-Marc Cuvelier, le plus ancien jouteur à la Ligue d’Impro, y joue depuis les
débuts en mars 1984
[3] Mondial d’Impro dans le cadre du Festival Juste pour Rire à Montréal en juillet
2005.
Interview dans Comédiens.be le 15 mars 2006
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Ce qu’en dit la presse
Le Soir
Edition du 16 juin
2006
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La Capitale
Edition du 19 juin
2006
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Détails pratiques
Spectacle accessible à partir de 9 ans
Contact : 7avril Production
[email protected]
+32 (0) 496 210 555
Sites internet :
http://www.histoiredutigre.com
http://www.7avrilproduction.com
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