Le théâtre

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Le théâtre
Reg’ARTS croisés : Coup de théâtre au Château de Tiffauges
Les arts vivants au Moyen Âge
Le théâtre
L’historiographie distingue généralement deux types de théâtre médiéval : le théâtre religieux,
parfois appelé « sérieux » et le théâtre profane, souvent qualifié de « comique », mais l’homme
médiéval développe un théâtre différent, à la croisée de ces deux genres.
1 Origines et évolutions
Les hommes aiment conter et raconter des histoires. Dès l’Antiquité, les grecs organisent des
concours de théâtre, de poésie et de chant en parallèle des jeux olympiques.
Deux genres théâtraux émergent sous cette même période : la comédie, qui tend à dénoncer les
travers de la société par les caricatures de personnages ; et la tragédie, utilisée pour mettre en
garde contre les excès des passions humaines.
Aristote, maître d’Alexandre le Grand et élève de Platon, définira ces deux genres dans ses
Poétiques (v.335-323 av.J.-C.).
La tradition théâtrale française de la Renaissance et des siècles suivants s’inspire bien des deux
genres dramatiques, mais les hommes du Moyen Âge, qui ne connaissent pas vraiment les écrits de
la Grèce et de la Rome antiques, vont développer un théâtre différent.
2 Emergence d’un théâtre médiéval
Un théâtre né dans les églises
L’Eglise utilise à partir du Xe siècle, le drame liturgique. Né de l’office religieux, il s’agit d’une
illustration vivante de scènes bibliques et de la liturgie, afin d’étendre son influence auprès des
populations illettrées. Créé pour être joué en latin par des hommes voués à la vie religieuse, ce
théâtre intègre pourtant rire, dérision, bouffonnerie, tout en exaltant les valeurs chrétiennes.
Ainsi, différentes tonalités se mêlent en faveur des deux genres que sont le théâtre religieux et le
théâtre profane, qui souvent se côtoient au sein d’une même représentation.
A partir de la seconde moitié du XIIe siècle, émerge un théâtre écrit et joué en langue dite
« vulgaire », c’est-à-dire en français. Ainsi, le Jeu d’Adam (anonyme, v.1165), écrit en 943 vers,
constitue le premier drame connu en langue française.
La cité médiévale du XIIIe siècle, est un espace de commerce et d’échanges important, mais aussi
de circulation de savoirs et un centre religieux. Les jours de foires et de fêtes, la population se
concentre dans les villes et assiste aux représentations des jongleurs, qui content, narrent et
relaient les légendes sur les places de marchés. Cette même population constituant une masse à
éduquer religieusement, le théâtre religieux va alors sortir sur la place publique.
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Reg’ARTS croisés : Coup de théâtre au Château de Tiffauges
Un théâtre sur la place publique
Du XIIIe au XIVe siècles, des pièces appelées miracles, louant la vie des saints ou leurs interventions
salvatrices, rencontrent un vif succès auprès de la population. Le Miracle de Théophile, composé vers
1260 par le poète Rutebeuf et mettant en scène une Vierge Marie combattant le diable, est sans doute
le plus connu.
Ce genre cède ensuite sa place à celui des mystères (voir « L’art du théâtre religieux : les mystères
médiévaux »).
A la fin du XIIe siècle, un théâtre parallèle au théâtre religieux se développe. Des pièces plus longues,
appelées « jeu », constituées d’un milliers de vers (contre une centaine auparavant), dont Le Jeu de
Saint Nicolas de Jean Bodel ou encore Courtois d’Arras (anonyme) représentent les premiers exemples
connus.
Ces créations se développent à Arras, notamment
autour de la « Confré
Confrérie * des Jongleurs et Bourgeois
d’Arras », sorte d’académie encourageant la création
artistique. Elles marquent un point intermédiaire entre
le théâtre religieux et le théâtre profane, et annoncent
des œuvres dénuées de toutes références aux valeurs
chrétiennes.
Ainsi, le Jeu de la feuillée écrite en 1276 par Adam de
La Halle, un trouvè
trouvère * arrageois, constitue la première
pièce française de théâtre profane qui nous soit
parvenue.
Plaeyerwater (détail), Pieter Balten, vers 1540-1598,
Theater Instituut, Amsterdam
3 Le Théâtre profane
Mise en scène de la population et critique de la société
La cité médiévale accueille des populations diverses : marchands, artisans, nobles, paysans, marginaux,
jongleurs, saltimbanques et clercs se côtoient. Dans ces pièces, les villes où elles sont jouées prennent
souvent toute leur dimension, tant par le fait qu’elles servent de décor, que par l’implication active de
leurs habitants, souvent acteurs de leur propre rôle ou bien mis en scène par les comédiens.
Ainsi, le personnage du « vilain » (paysan), à cause d’un mode de vie jugé simple, voire rustre, fait
souvent l’objet de moquerie par la noblesse et d’escroquerie par la bourgeoisie citadine, mais peut aussi
représenter la candeur pastorale, préservée des travers de la ville (Jeu de Robin et Marion). Le
personnage du bourgeois de la ville et ses préoccupations pécuniaires, sont eux aussi parfois moqués
(Jeu de la Feuillée), tout comme le moine vendeur de reliques, le médecin charlatan, le noble chevalier
courtois, les compagnons de taverne, ou encore la femme infidèle.
Tous sont montrés de manière satirique, parfois à l’aune d’un autre personnage : le fou ou « dervé »,
symbole d’un contre-pouvoir pourvu d’une marotte, faux sceptre surmonté d’une tête burlesque.
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Théâtre du rire
Ainsi, dans le théâtre médiéval, la folie est souvent utilisée comme le révélateur des travers de la
société médiévale, s’illustrant dans des scènes carnavalesques et grotesques, ou tournant en
dérision les codes des autres personnages (l’amour courtois dans le Jeu de Robin et Marion, par
exemple).
Le jeu de scène passe également par une exagération des mouvements, des mimiques et des
caricatures de personnages, comme celui du « badin » (naïf), récurrent et souvent représenté par un
« vilain ».
Enfin, les farces *,
* les sotties *,
* les sermons joyeux, sont les pièces profanes qui marquent la fin du
Moyen Âge et annoncent la comédie moliéresque.
Théâtre d’images
L’origine grecque du mot « théâtre » (regarder, contempler), fait écho aux représentations médiévales
exacerbant le visuel. En effet, l’homme médiéval « apprécie vivement les tableaux vivants »1 et
assiste régulièrement dans la rue aux représentations spectaculaires des jongleurs.
Alors que les costumes et les accessoires sont en général contemporains, certains effets visuels
peuvent être utilisés : pyrotechnie, reconstitution de scènes bibliques (vols des anges, ouverture de la
gueule de l’enfer, ascension du Christ), engendrant parfois des accidents (crucifixion, diable sur les
charbons ardents, …).
Les décors peuvent allier des symboles allégoriques (toile de tissus rouge fendue en deux pour
symboliser le passage de Moïse dans la Mer rouge) au réalisme (représentation d’une taverne).
Théâtre musical
La principale difficulté pour appréhender la mise en scène du théâtre
médiéval tient à l’oralité des créations et de leur transmission. La mise
en écrit, parfois tardive, ne concerne qu’une partie des pièces jouées
entre les XIIe et XVe siècles, et semble occulter l’ambiance de jeu, au
profit d’un formatage textuel.
Ainsi, on peut penser que la tradition orale a pu induire la versification
des textes afin de permettre leur mémorisation. Mais la question se
pose quant à la musicalité des paroles, aux modes et rythmes de
prononciations, à la performance de jeu ou encore aux improvisations
liées à la présence de certains personnages (diable, fou). Parfois, des
didascalies agrémentent certains manuscrits, permettant d’éclairer sur la
mise en scène du texte.
De plus, les jeux théâtraux du XIIIe siècle mettent en scène les
divertissements chantés et dansés, pratiqués dans les milieux
populaires et bourgeois. Le Jeu de Robin et Marion, une pastourelle *
en octosyllabes écrite par Adam de la Halle, était accompagné de
musique et est parfois mentionné comme le premier opéra lyrique,
entièrement chanté, exécuté avec décors et costumes.
1: citation de Jean VERDON, Les Loisirs au Moyen Age
Jeu de Robin et Marion, Adam de la
Halle, folio 1, Bibliothèque Méjanes
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