Pages UCL - Université catholique de Louvain
Transcription
Pages UCL - Université catholique de Louvain
LOUVAIN Mensuel p402035 Belgique – Belgïe P.P. - P.B. Bruxelles X BC9442 LOUVAIN156 UCL Université catholique de Louvain – Alumni et Amis de l’UCL Juin 2005 Les collections universitaires : Revue mensuelle - Ne paraît pas en janvier-février et en juillet-août. Adresse d’expédition : Place de l’Université 1, 1348 Louvain-la-Neuve. Bureau de dépôt : Bruxelles X. Un patrimoine à valoriser UCL • Médecine : le numerus clausus réinstauré • L'UCL se mobilise en faveur d'Aung San Suu Kyi ALUMNI DEL Diffusion Villers présente Une intrigue puissante dans laquelle passions et pouvoir se mêlent jusqu’à l’irréparable Un drame d’OSCAR WILDE Mise en scène: RICHARD KALISZ Avec PASCAL RACAN (Hérode) / CARMELA LOCANTORE (Hérodias) / FATOU TRAORE (Salomé) / SAID BAHAID (Iokanaan) et MOHAMMED BARI / LUC BRUMAGNE / DENIS CARPENTIER / ARNAUD CREVECOEUR / CLAUDIO DOS SANTOS / FLORIAN FAWINABES / MARCEL GONZALEZ JERRY HENNING / SYLVAIN HONOREZ / HAKIM LOUK’MAN / LAONE LOPES / JEANFRANÇOIS ROSSION Mise en scène: RICHARD KALISZ / Scénographie et costumes: LIONEL LESIRE / Chorégraphie: CLAUDIO BERNARDO / Maquillages: JEANPIERRE FINOTTO Eclairages: CHRISTIAN STENUIT / Musiciens: MALIK CHOUKRANE / GRÉGORY DURET / LAURENT TAQUIN / Assistante à la mise en scène: FRANCE GILMONT Produit par PATRICK de LONGRÉE et RINUS VANELSLANDER ABBAYE DE VILLERSLAVILLE A PARTIR DU JUILLET / RÉSERVATIONS: / L Une coproduction de DEL Diffusion Villers et du Théâtre Jacques Gueux avec l'aide du Ministère de la Culture de la Communauté française de la Région Wallonne et de la Province du Brabant wallon avec l'appui de HECHT RENT A CAR et FOURCROY www deldiffusion be UCL D.R. Les poupées russes de la formation UCL Le numerus clausus réinstauré 4 Un homme de dialogue 5 Hommage à André Molitor 6 Les hommes, les femmes, l’université 7 La médecine aiguë a le vent en poupe 8 Les surdoués n’ont pas que des facilités 9 Un patron de presse à l’EJL 10 THÈME Un patrimoine à valoriser 11 ALUMNI L’UCL se mobilise en faveur d’Aung San Suu Kyi 28 Destin d’ancien : Christiane Vienne 31 Palmarès 32 Bibliographie 33 UCL / Frédéric Deleuze Sommaire Imaginons l’univers de la formation à l’UCL comme un jeu de poupées russes. Au cœur de l’ensemble, on trouve bien évidemment l’étudiant. Celui qui entoure l’étudiant, c’est l’enseignant, lui-même faisant partie d’une équipe. Cette équipe œuvre avec d’autres dans un programme d’études, les programmes constituant l’offre de formation de l’université. Celle-ci collabore avec d’autres institutions au sein de l’Académie ‘ Louvain ‘, qui s’insère dans un réseau européen, lui-même un élément du maillage mondial… L’UCL a choisi de mettre l’étudiant en projet en l’aidant à construire son parcours de formation de manière progressive et personnelle. Accompagné d’un conseiller aux études et à travers la polyvalence des cours en première année du baccalauréat, le choix d’une mineure en 2e et en 3e année, et l’accès possible à plusieurs masters à partir d’un même baccalauréat, l’étudiant parcourt et affine son projet d’études, donc définit une partie importante de son projet de vie. Mais comment amener l’étudiant à penser son projet si les enseignants ne pensent pas, eux aussi, en termes de projet ? Chaque enseignant est donc invité à définir, tous les cinq ans et pour cinq ans, ses priorités personnelles concernant l’enseignement, la recherche et le service. Sur le plan de la formation, il lui est demandé de préciser sa conception des enseignements, les responsabilités pédagogiques prises en charge, les innovations pédagogiques envisagées, sa participation à des formations pédagogiques, sa contribution à la formation d’autres enseignants, etc. Tout cela constitue le « Projet académique individuel » (PAI), que chaque enseignant de l’UCL est invité à concevoir. Pris individuellement, les PAI ne peuvent garantir la cohérence des programmes de formation. Une véritable communauté de pratiques ne se développe que sur la base d’un projet académique collectif (PAC), qui conduit l’équipe d’enseignants à œuvrer collégialement pour développer le contenu des matières et affiner la pédagogie. Au niveau suivant, les différentes équipes doivent faire de même pour le programme d’études tout entier. L’Académie offre encore une occasion de mener des projets en commun, cette fois entre institutions. Cette imbrication de tous les acteurs de l’université tente de répondre à notre volonté de construire une université humaniste faite de service, de développement personnel et collectif, d’innovation, de passion et de curiosité. Mais, bien sûr, le lecteur se plaira peut-être à imaginer une poupée russe dont la sœur aînée serait l’étudiant, qui nous encadre, qui nous met en projet. Pr Cécile Vander Borght, prorecteur à la formation et à l’enseignement Louvain [numéro 156| juin 2005 3 UCL Le numerus clausus réinstauré Médecine Le 13 mai dernier, le gouvernement de la Communauté française a approuvé un projet de décret réinstaurant un numerus clausus en médecine et en dentisterie : la sélection se fera au terme de la première année d’études. J. Delorme Le gouvernement de la Communauté française a approuvé le 13 mai dernier un projet de décret réinstaurant un numerus clausus en médecine et en dentisterie. En 2003, sous la pression des étudiants, la ministre Françoise Dupuis avait supprimé le filtre en fin de 3e année, en vigueur depuis 1996. Proposé par la ministre Marie-Dominique Simonet, il sera d’application à la prochaine rentrée. La sélection se fera au terme de la première année d’études, sur la base des résultats obtenus aux examens. Les étudiants qui ne seront pas retenus pourront toutefois faire valoir les crédits accumulés s’ils se réorientent vers des études comme les sciences biomédicales, la pharmacie, etc. Chaque université est responsable de la mise en œuvre des critères de classement. À l’UCL, cinq crédits seront par exemple attribués pour Le numerus clausus concerne aussi les études de dentisterie. la préparation d’un examen permettant aux étudiants de démontrer leur vision globale des matières abordées pendant l’année. Le numerus clausus a été établi afin de répondre aux quotas d’accès à ces professions, instaurés par le gouvernement fédéral. Celui-ci invoque notamment une pléthore de médecins en Belgique, qui serait préjudiciable aux revenus de chacun d’eux et aux finances de la sécurité sociale. Cette décision fait toutefois l’objet de contestations au motif, d’une part, que le lien entre le nombre de médecins et le coût de la santé ne serait pas clairement établi et, d’autre part, que si l’on abandonne le critère financier pour adopter celui de la santé, les quotas actuels entraîneraient une pénurie de médecins d’ici quelques années. Les prémices s’en feraient déjà ressentir, notamment au sein des hôpitaux. Selon le Pr Jean-Jacques Rombouts, doyen de la Faculté de médecine de l’UCL, la réduction du nombre de médecins s’avère « une solution simpliste qui risque d’induire une carence et de nuire sinon à la santé au moins au bien-être de la population. » Il propose d’autres solutions afin de maîtriser les dépenses, notamment la réduction d’examens coûteux aux cas où ils sont vraiment nécessaires. Il précise que « la médecine clinique pratiquée avec conscience et empathie coûte moins cher et est plus efficace que la technologie. » (Axelle Thiry) Chercheurs cherchent partenaires Administration de la recherche de l’UCL Téléphone : 010 47 24 97 Site Web : www.adre.ucl.ac.be 4 Faire de la recherche de haut niveau, c’est bien ; le faire savoir à ceux qui peuvent en tirer profit, c’est mieux. Depuis l’année dernière, l’Administration de la recherche de l’UCL développe une collection de publications dont l’objectif est d’informer les partenaires potentiels de la recherche (les universités, les entreprises, les services publics, etc.) des domaines de compétence de l’UCL. Deux types de publication ont ainsi vu le jour : les brochures sectorielles et les plaquettes promotionnelles. Organisées par grands domaines de compétence, les brochures sectorielles sont clairement destinées à un public « averti », type chercheur universitaire ou responsable en recherche et développement d’entreprise. Quatre thématiques ont Louvain [numéro 156| juin 2005] à ce jour été traitées : les biotechnologies, l’environnement et le développement durable, le génie biomédical et la cancérologie. Les brochures existent également sous forme de CD-Rom, et leur contenu est disponible sur le Web 1. Les plaquettes promotionnelles ont, elles, une orientation recherche appliquée. Elles visent essentiellement l’établissement de collaborations et de partenariats avec les entreprises. Elles sont centrées sur des domaines de recherche limités : les nanotechnologies, l’agronomie de base, la microélectronique, etc. Brochures comme plaquettes mettent résolument l’accent sur les voies d’avenir de la recherche, en particulier la multidisciplinarité et le croisement des compétences. (P.E.) 1. http://www.ucl.ac.be/recherche/resultats.html UCL Un homme de dialogue Portrait Sociologue du travail, spécialiste des organisations et de la gestion des ressources humaines, doyen de faculté, membre de plusieurs commissions internes à l’UCL, etc. À la lecture de son curriculum vitae, on ne peut s’empêcher de penser qu’Armand Spineux sera à sa place dans sa nouvelle fonction de vice-recteur aux Affaires académiques. Après une heure d’entretien, on en est définitivement convaincu : l’homme a une vision très claire de la responsabilité qu’il va assumer à partir du 1er septembre. « Le rôle de l’autorité, commence-t-il par dire, c’est de montrer la direction, pas d’imposer. C’est aussi de susciter l’adhésion, puis de laisser au changement le temps de s’accomplir. » Changement : le terme est déjà lâché. Un hasard ? Non. « Bien plus qu’avant, l’organisation est soumise à la nécessité de changer », affirme ce spécialiste des relations professionnelles. « Et l’université n’y échappe pas. » Mais, reconnaît-il, le changement n’est pas naturel. Ni donc facile: « Il existe toujours une tension entre la volonté des autorités d’aller vite et le rythme des personnes qui n’ont pas une conscience aussi aiguë de la nécessité de changer. » Cette tension ne peut se résoudre que par une prise en compte authentique du point de vue de l’autre. un lieu d’enseignement. « Nous avons d’abord un devoir de service envers l’étudiant. La recherche est notre deuxième mission ; elle donne à notre enseignement sa spécificité. » L’université, c’est aussi pour Armand Spineux un milieu qui gagnerait à être décloisonné. « Ce sera une partie importante de ma mission : donner l’occasion à ceux qui le veulent de travailler ensemble. » Le futur vice-recteur insiste beaucoup sur la dimension collective des projets. « Il n’est pas de projet qui aboutisse sans être partagé, approprié. » Ce qui veut aussi dire que chacun doit trouver sa place dans le projet et s’y sentir valorisé. On le voit, Armand Spineux est un homme de conviction. Mais ce Liégeois de souche, très attaché à sa terre, est aussi un pragmatique. « Il n’y a pas de recettes toutes faites », conclut-il. « Il y a une analyse préalable et des solutions qui trouvent leur cohérence par rapport à cette analyse. Une fois les solutions mises en place, on les évalue et on voit si elles répondent aux objectifs visés. » (Pierre Escoyez) UCL / Frédéric Deleuze Le 1er septembre, le Pr Armand Spineux succédera au Pr Michel Molitor au vice-rectorat aux Affaires académiques. Il s’est assigné une mission : changer l’université dans un esprit de dialogue et de respect. Pour Armand Spineux, il est temps de réaliser le changement dont l’université a besoin. Négocier Une vie pour le Tiers Monde L’UCL a perdu beaucoup trop tôt un de ses professeurs les plus engagés dans l’aide au Tiers Monde. Après avoir travaillé plusieurs années en Afrique centrale comme responsable de différents projets de santé publique, René Tonglet était arrivé à la Faculté de médecine en 1992. Il y assurait les cours d’épidémiologie, de santé publique et d’éthique. Il était l’auteur de nombreux articles consacrés aux politiques de santé publique et à l’aide humanitaire. Il concrétisait aussi son engagement au sein de l’ONG Louvain Développement. La maladie l’a emporté le 5 juin alors qu’il venait d’avoir 53 ans. (P.E.) Louvain [numéro 156| juin 2005] D.R. En disant cela, celui auquel ses proches reconnaissent effectivement une grande faculté d’écoute réaffirme la grande importance qu’il accorde à la négociation. « Négocier est une nécessité fondamentale. Pour susciter l’adhésion à un projet, il est capital de comprendre la logique de l’autre. » Une compréhension qui amène à une autre notion-clé – sans doute la valeur cardinale d’Armand Spineux : le respect. Respect de l’autre, de ses idées, de ses capacités – le rythme du changement doit en tenir compte – et de l’accord conclu. Un point sur lequel Armand Spineux insiste particulièrement, car, dit-il, « à l’université, on a un peu trop facilement tendance à remettre en question les décisions que l’on vient de prendre ». Voilà pour la méthode. Mais l’université ellemême, comment la conçoit-il? Avant tout comme 5 UCL Un grand témoin de notre temps Hommage à André Molitor Raoul Delcorde, aujourd’hui ambassadeur de Belgique à Stockholm, a bien connu André Molitor, décédé le 4 juin dernier. Il rend hommage à celui qui fut pendant seize ans le chef de cabinet du Roi Baudouin, et dont il fut l’étudiant avant d’être l’ami. Si la postérité retiendra d’André Molitor qu’il fut notre éminent spécialiste de la « fonction royale » – la connaissant fort bien grâce aux longues années passées au Palais comme chef de cabinet du Roi Baudouin –, on connaît peut-être moins d’autres facettes de sa personnalité: ses liens avec l’Iran, son enseignement à l’UCL, sa remarquable réflexion sur le politique. Philippe Molitor Une enfance persane Titre et intertitres sont de la rédaction. 6 André Molitor est né à Kermanshah, dans ce qui s’appelait alors la Perse. Il était le fils d’un fonctionnaire des Douanes qui partit en 1901 en Perse dans le cadre d’une mission de modernisation des douanes et des finances de ce pays qui ne contrôlait pas encore la totalité de son vaste territoire. Ces fonctionnaires belges en Perse firent un travail d’assistance technique avant la lettre dans des conditions auxquelles ils n’étaient pas préparés. Ils établirent le système douanier iranien tel qu’il existe encore aujourd’hui. André Molitor a toujours gardé en lui le souvenir de cette « enfance persane » qui apportait à sa réflexion et à son univers personnel une dimension supplémentaire, une « référence orientale » comme il dit dans ses Mémoires. Ce n’était pas seulement l’exotisme des années passées dans la Perse lointaine, où résonnait le monde de Kipling, mais aussi cette dimension mystique et poétique du chiisme iranien, cette spiritualité vibrante que Molitor décrit comme « la route persane vers Dieu » et qui le conduisait à un approfondissement de sa foi chrétienne. Il aimait m’en parler car nous avions en commun ce vif intérêt pour l’Iran où mon grand-père avait, lui aussi, contribué à la mise en place de l’administration iranienne des douanes. Des générations d’étudiants ont connu le célèbre professeur d’administration publique à l’UCL. Son cours était admirablement construit et imprégné de toute l’expérience du praticien Louvain [numéro 156| juin 2005] de l’administration publique belge. Même si le personnage pouvait intimider un peu, il était, en fait, très accessible, maniant, à l’occasion, l’ «understatement » et les traits d’humour. Il y a dans son ouvrage Feuilles de route une page admirable (datée du 19 juillet 1974) sur la proclamation des résultats à la fin d’une session d’examens où il décrit le frémissement qui se dégage d’un rassemblement d’étudiants tendus dans l’expectative. André Molitor y évoque un moment unique, « comme un grand verger de jeunes arbres qui portent leurs premiers fruits ». Il a su en faire éclore beaucoup, par son enseignement et ses conseils personnels ; je suis de ceux chez qui il fit naître une vocation pour le service de l’État, qu’il encouragea en maintenant un dialogue régulier à chaque étape de ma carrière de diplomate. Le politique : un médiateur André Molitor avait développé une réflexion très originale sur le politique. Il a, notamment, analysé le lien entre la fonction politique (la gestion des affaires publiques) et la fonction prophétique (la capacité de proposer un ordre utopique, en avance sur son temps). Le politique a pour tâche d’assurer la médiation entre les prophètes et les gestionnaires : rôle indispensable si l’on veut résister à ce qu’on appelle aujourd’hui les technostructures déshumanisantes et remettre l’homme au centre de la cité. En cela, il se situe, me semble-t-il, dans la lignée du personnalisme d’Emmanuel Mounier qui connut un grand rayonnement chez les intellectuels chrétiens en Belgique. Au soir de sa vie, dans son appartement de la place Brugmann aux superbes tapis persans, il distillait à ses amis une philosophie qui était véritablement celle d’un grand témoin de notre temps. On pourrait, à son propos, citer un poète qu’il aimait, René Char : « Épouse et n’épouse pas ta maison »; il faut s’appuyer contre une maison car c’est une garantie d’authenticité, mais il faut en même temps rester disponible en évitant de se tenir dans les médiocrités de l’entre-deux. (Raoul Delcorde, ambassadeur de Belgique à Stockholm) UCL Les hommes, les femmes, l’université Ne dites pas études féministes, dites études de genre. Même si, historiquement, les deux sont liées, les études de genre s’intéressent plutôt à la façon dont les femmes prennent la parole. Quel lien avec l’université ? Qu’elle le veuille ou non, le genre y fait son entrée, par plusieurs portes. Les étudiants savent-ils de quoi il retourne lorsqu’on parle de « genre » ? Pas sûr, même si, témoigne le Pr Nathalie Frogneux, ils manifestent une grande sensibilité à la question. Dès septembre, ceux qui sont inscrits en 2e année de baccalauréat pourront suivre, à côté de leur programme de cours principal (majeure), un cursus secondaire (mineure) en études de genre. Une première en Communauté française, où, bien que la recherche s’y intéresse, le genre se déploie timidement dans les auditoires, sous la forme de cours plutôt que de programmes complets. Même si elle est arrimée à la Faculté des sciences économiques, sociales et politiques, la mineure créée à l’UCL est avant tout interdisciplinaire et puise en droit, en romanes, en sociologie, en psychologie, en philosophie et même en sciences. Des cours seront consacrés au genre dans une discipline tandis que d’autres s’attacheront à mettre en relief les différences entre un enseignement traditionnel et celui qui prend le point de vue du genre. La mineure montrera comment cette approche renouvelle les disciplines scientifiques. Elle interrogera les valeurs, les conceptions, les convictions et les pratiques sociales qui entendent légitimer un point de vue prétendument neutre. En fin de 3e année de baccalauréat, elle facilite le passage vers le master en science de la famille et de la sexualité. cadre d’une recherche consacrée aux technologies de l’information risquerait d’entraîner des bévues et d’accentuer les inégalités entre hommes et femmes. Ces contraintes n’ont plus de secret pour l’Administration de la recherche de l’UCL. Ailleurs au sein de l’université, au Conseil d’entreprise, un groupe nommé « Actions positives » se préoccupe aussi de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes au quotidien. Ce groupe, animé par Bernard Nyssen, directeur du Service du personnel à l’UCL, examine la mise en place de projets concrets, comme par exemple l’accueil des enfants en bas âge des étudiants et des membres du personnel. Le genre n’est l’apanage de personne au sein de l’université. Enseignement, recherche, personnel ou étudiants sont concernés d’une façon ou d’une autre. Que les pionniers qui décideront de suivre la mineure en études de genre se rassurent : les professeurs seront des femmes… et des hommes. (Dominique Hoebeke) L’aiguillon européen Même si c’est surtout la recherche qui, dans ce cas, est concernée, l’intérêt de l’université pour les questions liées au genre est aussi amplifié par l’aiguillon européen. Cette dimension fait ainsi partie intégrante de l’évaluation des projets européens. C’est le cas notamment pour l’attribution de crédits dans le 6e programme-cadre européen. La Commission européenne établit une relation étroite entre femmes et science : elle souligne que ces dernières doivent être associées à toutes les étapes d’un projet, que le genre doit faire partie des objectifs mais aussi de la méthodologie et que la recherche doit rencontrer les besoins et les intérêts des femmes et des hommes. Théorie, tout cela ? Un seul exemple : on sait que hommes et femmes ne sont pas égaux devant les technologies de l’information, que ce soit sur le plan de l’utilisation privée ou de l’insertion professionnelle. Faire abstraction de ces différences dans le 7 UCL La médecine aiguë a le vent en poupe Formation J. Delorme La Faculté de médecine propose à partir d’octobre un diplôme d’études spécialisées (DES) en médecine aiguë. 1. Le DES en médecine aiguë permet cependant d’obtenir le DES en médecine d’urgence moyennant une formation complémentaire de 3 ans. Depuis le 1er janvier 2005, le Service d’anesthésiologie des Cliniques universitaires St-Luc a quitté le Département de chirurgie et les services associés pour rejoindre les urgences et les soins intensifs au sein d’un nouveau Département de médecine aiguë (terme utilisé pour traduire l’expression anglaise « critical care medicine »). Ce changement s’inscrit à la fois dans un plan de réorganisation des soins et dans la mise en place de départements hospitalofacultaires. Parallèlement à la naissance de ce département et en réponse à un arrêté ministériel, la Faculté de médecine proposera à partir d’octobre prochain un diplôme d’études spécialisées (DES) en médecine aiguë. Si son nom est identique à celui du nouveau département, il n’a pas pour autant le même sens : dans ce cas, le terme « médecine aiguë » renvoie à un problème vécu comme aigu par le patient, qui s’adresse au service des urgences pour un avis médical rapide. Cette spécialité se différencie également du DES en médecine d’urgence, qui peut être obtenu en suivant diverses filières et qui s’échelonne sur une période de 6 ans 1. Le but de ce DES en médecine aiguë est de former des médecins de « première ligne », qui assurent l’accueil, le tri et éventuellement le traitement initial des patients, avant de les envoyer vers des spécialistes. La formation, répartie sur trois ans, est partagée, pour une moitié, entre des stages en salle d’urgences et des cours théoriques et, pour l’autre moitié, en des stages orientés vers les aspects « urgents » de différentes spécialités (pédiatrie, médecine interne, chirurgie, anesthésie, soins intensifs). Ces stages permettront aux candidats spécialistes d’apprendre dans chacun des domaines les bonnes démarches diagnostiques et les premiers gestes nécessaires en salle d’urgences. (Alice Thelen) Centenaire, la stomatologie innove toujours D.R. Grâce à ce nouveau dispositif, le chirurgien peut visualiser les mâchoires du patient en trois dimensions et contrôler avec précision les gestes à effectuer. Les langues ne se sont déliées qu’au dernier moment- brevets obligent. Les responsables du programme de recherche HEROL n’ont dévoilé leurs résultats qu’à la présentation du projet lors de la Journée scientifique du 28 mai, organisée pour le 100e anniversaire du service de stomatologie et le 25e de chirurgie maxillo-faciale. Quelle est donc cette invention ? En quelques mots : c’est un robot qui permet de simuler, en 8 Louvain [numéro 156| juin 2005] trois dimensions, à partir de modèles en plâtre, des déplacements des mâchoires et ainsi de guider le chirurgien lors de son intervention. Utilisé pour repositionner des mâchoires déplacées, dans un but esthétique ou fonctionnel (par exemple pour un menton en galoche, suite à un traumatisme, une déformation génétique, etc.), cet outil aidera les chirurgiens à planifier leurs interventions et à vérifier leurs gestes. Une petite révolution en matière de chirurgie maxillofaciale : alors qu’avant les chirurgiens se basaient sur des radios en « 2D » des mâchoires, ils peuvent aujourd’hui les visualiser en « 3D » et contrôler avec une parfaite précision leurs mouvements. Pour le côté « technique » du projet, le service de stomatologie s’est associé à des ingénieurs issus de deux unités de l’UCL : le laboratoire de télécommunications et télédétection, et l’unité de production mécanique et machine pour la robotique. Par sa précision et sa fiabilité, ce nouveau robot a impressionné les quelque 180 personnalités du monde médical et dentaire participant à la journée scientifique du Service de stomatologie. (A.T.) UCL Les surdoués n’ont pas que des facilités Recherche Si certains enfants à haut potentiel s’épanouissent, d’autres ont des difficultés relationnelles, scolaires, familiales. Deux chercheuses de l’UCL, au sein d’un groupe de travail interuniversitaire, planchent depuis plus de quatre ans sur ces questions. de l’enfant ou son mode de fonctionnement en classe. Nous nous basons plus volontiers sur un modèle d’intelligence multiple. » Des milliers d’entretiens Les premières années du projet de rechercheaction interuniversitaire rassemblant les cinq universités de la Communauté française ont servi à définir le sujet et à faire un état des lieux de la littérature. Ensuite, en 2002, a été créé un réseau d’écoute et d’accompagnement des enfants, des parents et des professionnels confrontés à cette problématique. Aujourd’hui, après plusieurs milliers d’entretiens (500 enfants et adolescents rencontrés), une masse d’informations a été récoltée; il reste à la traiter. « Un de nos objectifs futurs sera de clarifier la notion de haut potentiel et de voir quels sont les recoupements possibles avec la conception d’intelligence multiple », explique Catherine Lecocq, la deuxième chercheuse de l’UCL impliquée dans le projet. « Les enseignants sont souvent demandeurs d’une grille d’identification des enfants à haut potentiel. C’est un des outils à construire. Et, à un autre niveau, stabiliser le réseau d’écoute et d’accompagnement, mis en place depuis déjà trois ans, dans un cadre légal et juridique est essentiel pour pérenniser notre action » termine-t-elle. (Alice Thelen) Informations et contact : 010 47 82 67, [email protected], http://www.enseignement.be/jhp L’enfant à « haut potentiel » peut perturber le cours par des comportements que l’enseignant ne comprend pas, et être ainsi taxé de « mauvais élève ». J. Delorme Qu’ils soient qualifiés de surdoués ou de « grosses têtes », les enfants à haut potentiel fascinent autant qu’ils intriguent. Ils comprennent vite, ont des capacités d’abstraction surprenantes pour leur âge, de même que des centres d’intérêt qualitativement différents de ceux des autres enfants. Et pourtant, enfant à haut potentiel ne veut pas dire « premier de classe ». Ils ont une soif d’apprendre que souvent l’école n’apaise pas. Ennui, décrochage scolaire, échec ou troubles du comportement: si certains jeunes s’épanouissent, d’autres vivent l’angoisse, l’exclusion, l’incompréhension. Face à ces situations, les enseignants et les parents sont, semble-t-il, bien mal armés. Quand le repas familial se transforme en une suite de questions auxquelles il est difficile de répondre, quand la classe devient chantier parce qu’un enfant discute sans arrêt les consignes, comment réagir ? Si les enfants de tous les milieux sont concernés, les milieux modestes ont en général plus de difficultés à appréhender cette différence. L’optique en Communauté française est d’intégrer ces enfants dans l’enseignement ordinaire, tout en respectant leurs besoins spécifiques. L’information et la sensibilisation des parents et des écoles sont une des missions d’un réseau interuniversitaire, constitué en 1999 sous l’impulsion de l’ancien ministre de l’Enseignement secondaire et spécial Pierre Hazette. Deux chercheuses de l’UCL, travaillant dans l’Unité de psychologie de l’éducation et du développement humain, sous la responsabilité du Pr Jacques Grégoire, en font partie. Le haut potentiel concernerait 5 % de la population. « En réalité, ce pourcentage dépend des critères utilisés pour définir la notion de haut potentiel », explique Florence Defresne, une des deux chercheuses. « On peut baser son évaluation uniquement sur les résultats de l’enfant au test de QI, mais l’intelligence peut être envisagée de manière beaucoup plus large, en tenant compte d’autres critères, comme le développement Louvain [numéro 156| juin 2005] 9 UCL Un patron de presse à l’École de journalisme de Louvain Interview Jean-Marie Colombani, président du directoire du Monde, était l’invité de l’École de journalisme de Louvain le 3 mai dernier. Avec les étudiants en journalisme et des professionnels de la presse belge, il a fait le bilan de la situation de la presse écrite en France. La Quinzaine Le sujet pour lequel vous prenez la parole porte sur les « nouvelles voies de rentabilisation d’un quotidien ». Imaginait-on, il y a 20 ou 30 ans, le directeur d’un journal comme Le Monde donner un séminaire sur ce thème ? À une époque, on aurait pu penser « horreurmalheur », il ne faut pas que les journaux gagnent de l’argent. Aujourd’hui, un journal qui n’équilibre pas ses comptes est un journal menacé. Le prix de la liberté reste la rentabilité. En France, ce n’est pas un hasard si, dans les mêmes semaines, Dassault rachetait l’ensemble du groupe Sud Presse et Le Figaro et si Édouard de Rothschild devenait l’actionnaire majoritaire de Libération. Le Monde, lui aussi, a été obligé de se recapitaliser. Je pense que cela s’explique par un phénomène général de crise de confiance entre les médias et le client. Aujourd’hui, les acheteurs de la presse quotidienne ne sont plus nécessairement les lecteurs. Pour Le Monde, il y 380 000 acheteurs quotidiens, mais il y a 2 millions de lecteurs, à travers le Web notamment. En outre, dans Paris, chaque matin, 800 000 exemplaires gratuits sont distribués (Métro et 20 minutes). Alors que si on totalise les acheteurs des cinq principaux journaux payants (Le Monde, Libération, Le Figaro, La Tribune et Les Échos), ils ne représentent même pas 200 000 exemplaires quotidiens vendus. Mais, avec le Web, cela ne veut pas dire qu’il y a moins de lecteurs de journaux payants. On sait que le modèle économique d’aujourd’hui est obsolète et qu’il faudrait donner naissance à un autre modèle de fonctionnement. Jean-Marie Colombani, directeur-gérant du quotidien Le Monde, prédit pour la presse écrite de qualité l’arrivée d’un « nouveau modèle » économique, structurel et technologique. Ce « nouveau modèle », comment le voyezvous ? Plate-forme de sélection, de tri et de production d’informations, acheminées ensuite sur dif10 Louvain [numéro 156| juin 2005] férents supports, le journal et sa rédaction ne seront plus seulement organisé pour produire un journal une fois par jour. Aujourd’hui déjà, il y a le quotidien une fois par jour, le Web en continu et d’autres déclinaisons du quotidien (différents types de suppléments, par exemple un hebdomadaire). Le Financial Times, journal comparable au Monde en terme d’influence, reposera apparemment d’ici 2010 pour une moitié sur les activités de l’Internet. Je ne pense cependant pas que Le Monde se dirigera vers ce partage-là. Expertises L’université et la presse ont de plus en plus de contacts. La presse se nourrit de ce qui se passe à l’université et, en même temps, elle attend de l’université une certaine expertise. Comment percevez-vous leurs rapports ? Tout d’abord, notre journal tente d’être présent dans les universités. Le public étudiant est pour nous un public essentiel ; c’est par eux que passe la construction de l’avenir. Ensuite, dans l’idéal, un journal doit permettre de donner la parole à de jeunes chercheurs, à une certaine qualité de vie intellectuelle. Néanmoins, les lecteurs demandent d’abord l’expertise d’un journal avant celle d’un expert extérieur. Les dérives journalistiques de ce genre sont de plus en plus fréquentes: pour traiter un sujet, le journaliste retranscrit les points de vue de tel et tel expert. Où est alors l’apport journalistique propre ? Comment jugez-vous la formation des journalistes telle qu’elle est donnée à l’université ? Aujourd’hui, le mode de recrutement écarte la diversité. Le monopole est pratiquement celui des écoles à quelques rares exceptions, alors qu’avant, on pouvait avoir fait tout autre chose, puis devenir journaliste. Aujourd’hui, il y a des cursus établis qui donnent, je pense, plus de savoir-faire que précédemment, mais peuvent générer un certain conformisme. (Propos recueillis par Pierre Escoyez, Dominique Hoebeke, Alice Thelen)