Les précautions à prendre
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Les précautions à prendre
❙ Décryptages ❙ Gestion patrimoniale Loger gratuitement un enfant Les précautions à prendre Aider un enfant en le logeant gratuitement part d’un bon sentiment. Il faut néanmoins être vigilant sur les conséquences d’une telle mise à disposition gratuite. Des difficultés peuvent en effet surgir par la suite, soit parce que les parents ont du mal à récupérer le logement prêté, soit parce que, au décès du prêteur, les autres enfants demandent une compensation au bénéficiaire du prêt pour l’avantage qui lui a été consenti. Il existe cependant des parades à ces situations conflictuelles. Signer un contrat de prêt à usage Sans document écrit établi au moment du prêt, les parents qui ont besoin de reprendre le logement prêté et qui se heurtent au refus des occupants de libérer les lieux auront du mal à faire valoir leurs droits sur le bien. Il ne s’agit malheureusement pas d’une hypothèse d’école. Ainsi, la Cour de cassation a-telle eu à se prononcer dans une affaire où des parents ont dû entreprendre une action judiciaire pour reprendre un logement prêté à leur fils : à la suite du divorce de ce dernier, la jouissance du logement prêté, qui constituait le logement familial du couple, avait été attribuée à l’ex-épouse et aux enfants qui refusaient de quitter les lieux. L’une des solutions pour éviter cet écueil consiste à formaliser le prêt par la signature d’un prêt à usage (aussi appelé « commodat ») qui fixera les droits et devoirs de chacune des parties, prêteur et emprunteur (on peut, pour cela, se procurer dans le commerce des imprimés de contrat de prêt à titre gratuit). L’emprunteur est tenu de deux obligations principales : conserver le bien prêté et respecter l’usage convenu. De ces deux obligations découle celle de restituer le bien à la fin du contrat. ❙ Frais d’usage et conservation du bien L’emprunteur doit, d’une part, assurer les frais d’usage, c’est-à-dire ceux qui sont nécessaires pour l’utilisation du bien (eau, électricité…). D’autre part, il a la charge des dépenses requises pour la conservation du bien, son entretien : il s’agit des dépenses ordinaires. Si, pendant la durée du prêt, l’emprun- 28 - Le Propriétaire immobilier - Septembre 2011 teur est obligé, pour la conservation de la chose, à une dépense extraordinaire, nécessaire et tellement urgente qu’il n’ait pu en prévenir le prêteur, celui-ci sera tenu de le rembourser. Les trois conditions sont cumulatives. En revanche, si la dépense est ordinaire, ou non nécessaire, ou encore non urgente, elle reste à la charge définitive de l’emprunteur. Attention, toutefois, à ce que les travaux à la charge de l’emprunteur ne dépassent pas une certaine importance au regard du service rendu (valeur locative du bien) car, alors, le prêt à usage perdrait son caractère gratuit et serait susceptible d’être requalifié en bail. Tenu de conserver le bien, l’emprunteur répond des dégradations que subit par sa faute le logement prêté. Il est fortement conseillé au prêteur d’exiger de l’emprunteur la souscription d’une assurance responsabilité civile couvrant les dommages aux biens. ❙ Usage du bien L’emprunteur doit utiliser le bien conformément à l’usage convenu et notamment à son usage personnel (interdiction de louer). À défaut, le prêteur est en droit de poursuivre la résiliation judiciaire du prêt. S’agissant des obligations du prêteur, elles sont le corollaire de celles de l’emprunteur, notamment celles de rembourser les dépenses extraordinaires, nécessaires et urgentes. ❙ Le terme du prêt à usage Comme nous l’avons indiqué plus haut, cette question est primordiale, nombre de litiges survenant lorsque le prêteur souhaite reprendre l’usage de son bien, reprise à laquelle l’emprunteur s’oppose en restant dans les lieux. Le prêt à usage peut être soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. ❙ Prêt à usage à durée déterminée Il prend fin automatiquement au terme convenu qui est soit une date précise (par exemple, le 31 décembre 2012), soit la cessation des besoins de l’emprunteur (par exemple la fin des études de l’enfant). Dans les deux cas, un contrat écrit est indispensable pour formaliser ce terme. Toutefois, si pendant la durée convenue ou avant que le besoin de l’emprunteur ait cessé, il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu du logement, le juge peut, en fonction des circonstances, obliger l’emprunteur à la lui rendre. Dans un prêt à usage à durée déterminée, le prêteur est donc lié jusqu’au terme sauf s’il démontre une situation d’infortune ou des problèmes de santé qui n’existaient pas lors de la conclusion du contrat. ❙ Prêt à usage à durée indéterminée Le prêt peut être à durée indéterminée, soit que le prêteur n’ait pas souhaité fixer de terme dans le contrat de prêt à usage, soit en l’absence d’écrit, le prêt étant alors réputé à durée indéterminée. Le droit français interdisant les engagements perpétuels, le prêteur peut mettre fin au prêt à tout moment, sans motif précis, mais à condition de respecter un délai de préavis suffisant. Un délai de six mois a été jugé convenable pour qu’une mère récupère, en vue de sa vente, l’usage d’un appartement prêté à sa fille situé à Saint-Tropez. © CandyBoxPhoto - fotolia.com Soulignons que pour éviter toute discussion ultérieure, le prêteur a tout intérêt à préciser dans le contrat : la durée du prêt et que le prêt est intuitu personae, c’est-à-dire consenti au regard de la personne de l’emprunteur. Précisons aussi que rien n’interdit au prêteur de consentir un prêt à usage d’une durée déterminée relativement courte (2 ans par ex.), puis de le renouveler autant de fois que nécessaire. Anticiper les conséquences successorales du prêt ❙ Beaucoup de parents ignorent que loger gratuitement un enfant a des incidences au moment de l’ouverture de leur succession. En effet, le fait d’être logé gratuitement est assimilé à une donation ou à un avantage indirect visà-vis des cohéritiers du bénéficiaire du prêt (les frères et sœurs de celui-ci). Encore faut-il distinguer le cas de l’enfant hébergé au domicile de ses parents de celui de l’enfant logé dans un logement qui n’est pas le domicile des parents. ❙ Enfant logé au domicile de ses parents La Cour de cassation assimile l’hébergement d’un enfant au domicile de ses parents à l’exécution d’une obligation d’entretien (Cass. civ., 1re, 3 mars 2010). Par conséquent, sauf volonté contraire des parents, il n’y a pas lieu à rapport successoral, l’avantage ainsi consenti ne constituant pas une donation. ❙ Logement situé hors du domicile des parents Il en va tout autrement lorsque le logement prêté à un enfant est situé hors du domicile de ses parents. Dans ce cas, la mise à disposition gratuite du logement est assimilée à une donation de fruits et revenus, rapportable à la succession pour le montant des loyers non payés. L’enfant logé gratuitement est ainsi considéré comme ayant reçu une avance successorale par rapport à ses frères et sœurs. Si le prêt a duré de nombreuses années, le montant cumulé de l’avantage peut être considérable. ❙ Pour éviter cette difficulté, des possibilités s’offrent aux parents prêteurs. ❙ Tout d’abord, ils peuvent rédiger un testament indiquant que la mise à disposition gratuite du logement constitue un avantage préciputaire (c’est-à-dire hors part successorale), comme l’autorise l’alinéa 2 de l’article 851 du Code civil. ❙ Ils peuvent également consentir une donation d’usufruit viager ou tempo- ❙❙Loger gratuitement un enfant a des incidences au moment de l’ouverture de la succession des parents. raire. La donation d’usufruit viager permet à l’enfant usufruitier de disposer du logement la vie durant du donateur. L’usufruit temporaire est par définition constitué pour une durée déterminée par l’acte de donation. Il peut s’agir d’un terme certain (par exemple, 3 ans) ou encore d’un événement incertain (durée des études). Rappelons que la donation temporaire d’usufruit présente l’avantage pour le donateur de diminuer son ISF puisque, pendant la durée de la donation, c’est à l’usufruitier de déclarer dans son patrimoine le bien pour sa valeur en pleine propriété. Le terme de la donation étant défini, les parents pourront reprendre leur bien à l’issue de celui-ci sans avoir besoin de faire valoir leurs droits. En matière successorale, la donation d’usufruit constitue une donation de droit réel immobilier, rapportable à la succession pour sa valeur à la date du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Cela signifie que si l’usufruit est éteint au jour du décès du parent donateur, notamment parce qu’il est arrivé à son terme avant le décès, il n’y aura pas de rapport à la succession puisque la valeur de l’usufruit sera nulle. Par contre, si l’usufruit n’est pas encore éteint au jour du décès, la valeur de celui-ci à l’époque du partage devra être rapportée. Pour éviter cette situation, le donateur peut préciser dans l’acte de donation le caractère préciputaire de la donation et par conséquent la dispense de rapport. ❙ Autre possibilité : signer un bail, ce qui permettra au parent prêteur de disposer du droit de reprise du bailleur prévu par la loi du 6 juillet 1989 pour récupérer son logement au terme du bail. Évidemment, dans cette situation, il ne s’agit pas d’une mise à disposition gratuite du logement puisqu’un loyer proche des valeurs du marché doit être stipulé dans le contrat. Si le loyer est trop éloigné de ces valeurs, ou si, fixé au niveau de ces valeurs, il n’est pas perçu par le parent bailleur, il y a avantage indirect rapportable à la succession. Le Propriétaire immobilier - Septembre 2011 - 29