PAGE 24 - Newpress

Transcription

PAGE 24 - Newpress
LETTRE DE PROVINCE
PANORAMA
Le Soir sur Internet :
h t t p : w w w. l e s o i r d a l g e r i e . c o m
E-mail : [email protected]
Foot et fric : 10 ans de gabegie
’on savait depuis longtemps que
le foot et le fric s’accommodaient
parfaitement en dépit de toutes
les péripéties qui continuent à
émailler leur cohabitation. A ce sujet,
il y a toujours une part de mensonge
pieux dans les aveux d’intersaison
des dirigeants et de la cachotterie
compréhensible dans les déclarations des athlètes et des entraîneurs.
Les premiers ont une sainte horreur
de la transparence financière et les
seconds craignent par-dessus tout
que l’on sache ce que rapporte leur
fructueux nomadisme d’un club à
l’autre. En somme, le grand tabou
autour duquel des consensus s’organisent et se soudent des alliances
d’intérêt, s’appellent : la valeur réelle
d’un transfert ; la durée exacte des
contrats ; et accessoirement les avantages en termes de dessous de table
quand il s’agit de «troc». Les lecteurs
des pages sportives sont eux habitués à ces litanies de l’été, quand les
dirigeants excellent dans les constats
de «faillite» au cours des AG. C’est
notamment le cas des clubs dits de
l’élite, lesquels sont devenus budgétivores depuis au moins dix saisons.
Aucun d’eux n’affiche de santé financière ou tout au moins des bilans
équilibrés. Tous ou presque présentent des soldes négatifs. Leurs
créances sont alors renvoyées
d’exercice en exercice et la pratique
financière de la «dette du cavalier»
est devenue une norme de gestion.
Celle-ci, comme on le sait, consiste à
utiliser l’argent frais des subventions
pour éponger des débits anciens. Ce
procédé hautement douteux est de
surcroît répréhensible quand il
concerne l’usage de l’argent public.
Cette carambouille financière
n’est évidemment pas conforme à
l’orthodoxie de la comptabilité
publique et pourtant elle se pratique,
L
non seulement par omission de
contrôle, mais encore avec la bénédiction des pouvoirs publics.
Des clubs qui font de l’assainissement financier une vertu existent
sûrement ; mais ils se comptent sur
les doigts d’une seule main.
Pour se faire une idée de l’étendue de ce dérapage dans la gestion
des clubs, il suffit de parcourir la
gazette des transferts et de comparer
cette valse des joueurs et entraîneurs
d’une saison à une autre. Un mouvement de ruche qui est cependant
caractérisé par une opacité totale préjudiciable à la gestion contractuelle
des relations de travail. Pour la seule
saison 2004-2005, pas moins de six
clubs furent épinglés pour escroquerie vis-à-vis des athlètes et falsification de contrats. Parmi eux, il faut
citer Annaba et le MOC, coupables de
non-respect des clauses et de faux en
écriture. Pour peu que la puissance
publique se donne la peine d’éplucher
les comptes et de remonter dans les
procédures des transferts, elle découvrira que le cas de ces deux clubs
n’est pas isolé et qu’il constitue un
standard national sur la base duquel
tous «travaillent». C’est-à-dire traficotent.
Même si les puristes d’une autre
époque peuvent sursauter et les dirigeants de mauvaise foi crier au martyre, la nature maffieuse qui caractérise la gestion du sport est aujourd’hui
une donnée notoire. Quand bien
même le qualificatif serait excessif, il
n’y a cependant pas d’autre pour
décrire le cheminement de l’argent et
les voies tortueuses pour s’attacher
les services d’un athlète en vue. La
récente affaire du joueur Maouche
que convoitent l’USMA et le MCA est
bien là pour rappeler que d’un côté
comme de l’autre, l’on s’est départi de
ce minimum d’éthique, laquelle n’est
pas seulement sportive.
Dans ce marché au noir où les
athlètes changent d’employeurs et les
techniciens «voyagent» d’une ville à
une autre, les négriers sont assurément les dirigeants, dès lors qu’ils
contribuent à la précarité des joueurs
et entraîneurs. Car si ces derniers
monnayent, qui son talent, qui son
savoir-faire, cela aurait dû se faire
dans les règles usuelles du code du
travail, même si des jobs de cette
nature ont une spécificité avérée.
Ceci, tout le monde l’admet et il n’y a
rien de répréhensible à ce que ces
«contrats à durée déterminée» soient
hautement rémunérateurs, sauf que la
nature de ces relations de travail n’est
jamais rendue publique, les honoraires vaguement exprimés et surtout,
surtout soustraits au fisc par on ne
sait quelle exceptionnelle dérogation.
Or, cela tombe sous le sens qu’en
matière fiscale, tout revenu est soumis à retenue. L’égalité devant l’impôt
étant la règle, c’est donc aux seuls
pouvoirs publics d’envisager des allégements au regard aux particularités
de ces courtes carrières et jamais par
la dissimulation des dirigeants.
Le fait de se soumettre au droit
commun aurait permis non seulement
aux techniciens et joueurs d’exercer
leur profession en toute dignité à
l’abri de l’instabilité mais également
de taire la malveillante accusation de
«chasseurs de primes».
D’autre part, les dirigeants
auraient pu gagner en crédit et en respect populaire en rendant transparente leur gestion et pas seulement au
moment des bilans «moraux et financiers», mais tout au long de leur mandat. Accédant progressivement au
statut de managers, comme il en existe dans le sport professionnel, ils cesseraient de recourir aux peu glorieuses procédures dans les écritures
REPORTER-PHOTOGRAPHE EMERITE ET CO-FONDATEUR
DE LÕAGENCE NEW PRESS
Nabil Belghoul n’est plus
Ce vendredi 22 juillet 2005 restera l’un des plus tristes dans
l’histoire de la presse algérienne. La nouvelle froide et malheureusement vite confirmée tombe aux alentours de 13h. “Nabil est
mort, Nabil est mort !”, criera Ouahab affolé, abattu, les yeux rougis par les larmes. “Non ! ce n’est pas vrai !” tentera-t-il de se
consoler. Hélas, la nouvelle est têtue. Nabil vient de succomber à
une crise cardiaque vendredi matin à l’hôpital de Baïnem (sur la
côte ouest d’Alger). Une nouvelle qui attriste en un temps éclair
toute la maison de la presse Tahar-Djaout à Alger, lieu habituel de
Nabil. Et pour cause, la veille même, beaucoup d’entre nous l’ont
vu, ont discuté avec lui. Il était, mercredi et jeudi derniers, égal à
lui-même : bien portant, très chaleureux avec ses amis bien que
paraissant réservé pour tous ceux qui ne le connaissaient pas.
Nabil Belghoul en quelques mots ? C’est simple : il est l’un des
plus grands reporters-photographes de presse algériens. A 31
ans à peine, il aura laissé derrière lui un parcours et une œuvre
que peu d’entre ses confrères peuvent prétendre lui égaler. C’est
à l’âge de 17 ans qu’il entame sa carrière de photographe au quotidien Le Matin. Et, de suite, l’épreuve de feu et de sang que le terrorisme impose au pays forgera vite ce frêle adolescent. Durant
cette période noire, Nabil est partout pour faire montrer au monde
entier toute la sauvagerie de l’intégrisme. Au péril de sa vie et
dans des conditions peu amènes, Nabil a fait balayer par son
zoom toute l’Algérie. L’Algérie des massacres, des assassinats,
de la misère, de la délinquance, mais pas uniquement. Nabil a
aussi immortalisé la beauté : l’Algérie qui résiste, qui vit. La silhouette de Nabil est très familière à la classe politique, sportive,
artistique, etc. Ses qualités professionnelles et son souci permanent l’ont amené, quasi naturellement, à fonder, avec Ouhab
Habat, son complice et ami de toujours, l’agence de photos de
presse New Press en 1998. En parallèle, il est sollicité de partout
: il travaillera dans plusieurs journaux nationaux et étrangers. Il est
également photographe attitré de prestigieuses agence de photos
internationales telles que CIPA et AP. L’agence américaine AP
aura d’ailleurs été le dernier combat de Nabil. Pour avoir sa nouvelle accréditation, Nabil attendra longtemps, vainement. Sur instructions “venues d’en haut”, c’est-à-dire de la présidence, le
ministère de la Communication s’y oppose, pour cause, avec
acharnement. Repose en paix, l’ami...
Kamel Amarni
POUSSE AVEC EUX !
Par Hakim Laâlam
[email protected]
[email protected]
des dépenses et aux louvoiements
avec l’opinion sportive. Hélas, ils
demeurent dans leurs ensembles
attachés à un «professionnalisme» de
la rente qui génère plus de dégâts
dans la pratique sportive elle-même
qu’il n’améliore les performances.
Après dix années d’une expérience
boiteuse et que l’on voulait transitoire
vers l’émergence des entreprises de
spectacles sportifs, la transparence
n’est pas au rendez-vous. Par un
simple exercice comparatif, il apparaît
que les clubs de l’élite «renouvellent»
saisonnièrement un tiers de leurs
effectifs, soit entre quatre et six
joueurs. De plus, ils ne gardent dans
le meilleur des cas un entraîneur
qu’une saison. La permissivité d’une
réglementation faite sur mesure pour
des dirigeants-maquignons suppose
toujours des tours de table financiers
qui n’apparaissent pas clairement
dans les bilans, sauf d’une façon globale. Les exemples sont légion au
sein de la tribu du football où, par
exemple, tel club dont les subventions additionnées, avoisinant les
cinq milliards de centimes, déclare y
avoir consacré la moitié de la somme
aux recrutements !
Quand on sait que la presquetotalité des équipes de l’élite sont
dépendantes à 70 % de la manne
publique (fonds national ; APC ; APW)
et que la part du sponsoring demeure
modeste tout autant que les recettes
aux guichets, l’on conclut que les dirigeants s’octroient des standings de
fonctionnement en total décalage
avec leurs moyens. L’aide publique à
la pratique sportive qui ne doit ni tarir,
ni exclusivement bénéficier à l’élite
d’une seule discipline a-t-elle été
détournée de ses objectifs ? On peut
le croire, il suffit au ministère de tutelle de révéler les sommes colossales
qui depuis dix années ont irrigué le
football. Pourtant il est clairement dit
que les «les subventions sont destinées à la promotion et aux dépenses
courantes de la compétition. Excluant
de fait les «primes de signature», cet
euphémisme cachant un si juteux
maquignonnage sportif, comment un
ministère, des walis et des élus
locaux ont-ils pu laisser se dévelop-
Par Boubakeur Hamidechi
per cette gangrène avec l’argent du
contribuable ?
Qu’aujourd’hui
une
tutelle
publique multiplie les effets d’annonce sur le sujet et semble même préoccupée sincèrement par une aussi
ancienne dérive ne lui confère pas
l’arsenal juridique pour sanctionner
des lustres de gabegie. Prescrire
d’autres règles lorsqu’on bute sur la
prescription légale qui blanchit les
magouilles du passé est évidemment
la voie étroite pour rattraper ce qui
peut encore l’être dans la planète
football L’on nous dit que les instances concernées (FAF et ligues) et
les institutions de l’Etat (MJS, wilayas
et assemblées locales) seraient favorables à une refonte de la modalité
d’octroi des subventions et notamment des procédures de leur affectation. Ainsi c’est aux clubs dorénavant
de trouver d’autres ressources pour
financer le talent exceptionnel ou le
savoir-faire technique qui leur
seraient nécessaires. De plus, ils
seraient tenus par obligation légale
de faire état des transactions financières relatives aux contrats des
joueurs et entraîneurs. Les clubs ne
peuvent plus continuer à vivre sur un
grand pied avec «l’argent de la
vieille». La «vieille», on le devine,
c’est la masse des contribuables qui
concède par délégation des aides
dont elle ne serait pas mécontente
d’en connaître le bon usage sportif.
B. H.
CONDOLEANCES DU “SOIR D’ALGERIE”
A la suite du décès de notre cher collègue et ami Nabil Belghoul,
reporter-photographe à l’agence New Press, la direction, la rédaction
ainsi que l’ensemble du personnel du Soir d’Algérie présentent à la
famille du défunt leurs plus sincères condoléances et s’associent à sa
douleur en cette pénible circonstance. Que Dieu Le Tout-Puissant
accueille le défunt en Son Vaste Paradis.
SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES
CONDOLEANCES
Suite à la disparition tragique de leur confrère et ami, Belghoul Nabil,
reporter-photographe, survenue hier vendredi, le Syndicat national des
journalistes présente ses condoléances les plus attristées à la famille
du défunt ainsi qu’à Ouahab Hebbat et les assure, en cette pénible
épreuve, de sa profonde sympathie. Que Dieu Le Tout-Puissant
accueille le défunt en Son Vaste Paradis.
VICTIME DU TERRORISME !
«Deux diplomates algériens ont été enlevés à Baghdad.»
Encore une action héroïque
de la résistance irakienne ?
Nabil a cassé sa pipe. De manière rageuse. Sans préavis,
sans bande annonce. Et ne me dites surtout pas que l’un des
plus talentueux reporters photo de sa génération a été victime d’un malaise cardiaque ou d’une quelconque défaillance
physique qui l’aura terrassé. Nabil est de cette race de journalistes que le discours officiel et les fetwas présidentielles
préfèrent, dans le meilleur des cas, noyer dans le magma
informe de cette «profession qui a tant donné au pays», dans
le pire des cas, accuser d’user d’une plume et d’un appareil
photo, armes plus dangereuses que le sabre des terroristes.
Désolé, mais Nabil ne peut pas être classé comme on range
des dossiers dans une armoire répertoire. Et re-désolé, Nabil
n’est pas mort d’un malaise en 2005. Nabil comme d’autres
grands reporters de la presse algérienne a commencé à mourir il y a de cela dix ans. Lorsque le «destin traficoté» de
l’Algérie l’a amené dans les villages massacrés, dans les
faux barrages encore fumants et dans les marchés tachés de
sang et creusés de cratères. Nabil a commencé à mourir
lorsque, dans son viseur, se sont sournoisement invitées les
images de corps déchiquetés, de parents éplorés et d’orphelins aux yeux hagards et fuyants. Nabil a commencé à mourir au contact quotidien de la mort. Il est victime d’un acte terroriste commis en permanence depuis l’agrément du FIS, et
bien avant encore. Nabil est une victime du terrorisme. Car,
dans la liste des journalistes victimes des tangos, les noms
à venir me semblent encore nombreux. On ne sort jamais
indemne d’avoir «fixé» la mort une décennie durant, sans
préparation, dans l’urgence de l’horreur, dans le souci de saisir l’instant pour que le monde incrédule découvre et comprenne le sens de cette guerre presque sans images. Que
celles et ceux de mes confrères qui, aujourd’hui, pensent
avoir survécu au «Grand Massacre» tempèrent leur enthousiasme légitime de survivants. On ne sort jamais vraiment
vivant d’un tel merdier. Nabil n’est pas mort en 2005. Il a juste
enclenché le retardateur pour guetter le meilleur moment,
pour happer l’instant ultime. Et de cet instant ultime, il parlait
de temps à autre. Avec ses mots à lui, lorsqu’il lançait d’une
voix où se mêlaient incrédulité et profond dégoût : «Yak kho,
tu verras. Viendra le jour où nous raserons les murs devant
eux !» Plutôt que de raser les murs, Nabil s’est envolé. Je
fume du thé et je reste éveillé, car, décidément, le cauchemar
continue.
H. L.