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LETTRE DE PROVINCE PANORAMA Le Soir sur Internet : h t t p : w w w. l e s o i r d a l g e r i e . c o m E-mail : [email protected] Foot et fric : 10 ans de gabegie ’on savait depuis longtemps que le foot et le fric s’accommodaient parfaitement en dépit de toutes les péripéties qui continuent à émailler leur cohabitation. A ce sujet, il y a toujours une part de mensonge pieux dans les aveux d’intersaison des dirigeants et de la cachotterie compréhensible dans les déclarations des athlètes et des entraîneurs. Les premiers ont une sainte horreur de la transparence financière et les seconds craignent par-dessus tout que l’on sache ce que rapporte leur fructueux nomadisme d’un club à l’autre. En somme, le grand tabou autour duquel des consensus s’organisent et se soudent des alliances d’intérêt, s’appellent : la valeur réelle d’un transfert ; la durée exacte des contrats ; et accessoirement les avantages en termes de dessous de table quand il s’agit de «troc». Les lecteurs des pages sportives sont eux habitués à ces litanies de l’été, quand les dirigeants excellent dans les constats de «faillite» au cours des AG. C’est notamment le cas des clubs dits de l’élite, lesquels sont devenus budgétivores depuis au moins dix saisons. Aucun d’eux n’affiche de santé financière ou tout au moins des bilans équilibrés. Tous ou presque présentent des soldes négatifs. Leurs créances sont alors renvoyées d’exercice en exercice et la pratique financière de la «dette du cavalier» est devenue une norme de gestion. Celle-ci, comme on le sait, consiste à utiliser l’argent frais des subventions pour éponger des débits anciens. Ce procédé hautement douteux est de surcroît répréhensible quand il concerne l’usage de l’argent public. Cette carambouille financière n’est évidemment pas conforme à l’orthodoxie de la comptabilité publique et pourtant elle se pratique, L non seulement par omission de contrôle, mais encore avec la bénédiction des pouvoirs publics. Des clubs qui font de l’assainissement financier une vertu existent sûrement ; mais ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Pour se faire une idée de l’étendue de ce dérapage dans la gestion des clubs, il suffit de parcourir la gazette des transferts et de comparer cette valse des joueurs et entraîneurs d’une saison à une autre. Un mouvement de ruche qui est cependant caractérisé par une opacité totale préjudiciable à la gestion contractuelle des relations de travail. Pour la seule saison 2004-2005, pas moins de six clubs furent épinglés pour escroquerie vis-à-vis des athlètes et falsification de contrats. Parmi eux, il faut citer Annaba et le MOC, coupables de non-respect des clauses et de faux en écriture. Pour peu que la puissance publique se donne la peine d’éplucher les comptes et de remonter dans les procédures des transferts, elle découvrira que le cas de ces deux clubs n’est pas isolé et qu’il constitue un standard national sur la base duquel tous «travaillent». C’est-à-dire traficotent. Même si les puristes d’une autre époque peuvent sursauter et les dirigeants de mauvaise foi crier au martyre, la nature maffieuse qui caractérise la gestion du sport est aujourd’hui une donnée notoire. Quand bien même le qualificatif serait excessif, il n’y a cependant pas d’autre pour décrire le cheminement de l’argent et les voies tortueuses pour s’attacher les services d’un athlète en vue. La récente affaire du joueur Maouche que convoitent l’USMA et le MCA est bien là pour rappeler que d’un côté comme de l’autre, l’on s’est départi de ce minimum d’éthique, laquelle n’est pas seulement sportive. Dans ce marché au noir où les athlètes changent d’employeurs et les techniciens «voyagent» d’une ville à une autre, les négriers sont assurément les dirigeants, dès lors qu’ils contribuent à la précarité des joueurs et entraîneurs. Car si ces derniers monnayent, qui son talent, qui son savoir-faire, cela aurait dû se faire dans les règles usuelles du code du travail, même si des jobs de cette nature ont une spécificité avérée. Ceci, tout le monde l’admet et il n’y a rien de répréhensible à ce que ces «contrats à durée déterminée» soient hautement rémunérateurs, sauf que la nature de ces relations de travail n’est jamais rendue publique, les honoraires vaguement exprimés et surtout, surtout soustraits au fisc par on ne sait quelle exceptionnelle dérogation. Or, cela tombe sous le sens qu’en matière fiscale, tout revenu est soumis à retenue. L’égalité devant l’impôt étant la règle, c’est donc aux seuls pouvoirs publics d’envisager des allégements au regard aux particularités de ces courtes carrières et jamais par la dissimulation des dirigeants. Le fait de se soumettre au droit commun aurait permis non seulement aux techniciens et joueurs d’exercer leur profession en toute dignité à l’abri de l’instabilité mais également de taire la malveillante accusation de «chasseurs de primes». D’autre part, les dirigeants auraient pu gagner en crédit et en respect populaire en rendant transparente leur gestion et pas seulement au moment des bilans «moraux et financiers», mais tout au long de leur mandat. Accédant progressivement au statut de managers, comme il en existe dans le sport professionnel, ils cesseraient de recourir aux peu glorieuses procédures dans les écritures REPORTER-PHOTOGRAPHE EMERITE ET CO-FONDATEUR DE LÕAGENCE NEW PRESS Nabil Belghoul n’est plus Ce vendredi 22 juillet 2005 restera l’un des plus tristes dans l’histoire de la presse algérienne. La nouvelle froide et malheureusement vite confirmée tombe aux alentours de 13h. “Nabil est mort, Nabil est mort !”, criera Ouahab affolé, abattu, les yeux rougis par les larmes. “Non ! ce n’est pas vrai !” tentera-t-il de se consoler. Hélas, la nouvelle est têtue. Nabil vient de succomber à une crise cardiaque vendredi matin à l’hôpital de Baïnem (sur la côte ouest d’Alger). Une nouvelle qui attriste en un temps éclair toute la maison de la presse Tahar-Djaout à Alger, lieu habituel de Nabil. Et pour cause, la veille même, beaucoup d’entre nous l’ont vu, ont discuté avec lui. Il était, mercredi et jeudi derniers, égal à lui-même : bien portant, très chaleureux avec ses amis bien que paraissant réservé pour tous ceux qui ne le connaissaient pas. Nabil Belghoul en quelques mots ? C’est simple : il est l’un des plus grands reporters-photographes de presse algériens. A 31 ans à peine, il aura laissé derrière lui un parcours et une œuvre que peu d’entre ses confrères peuvent prétendre lui égaler. C’est à l’âge de 17 ans qu’il entame sa carrière de photographe au quotidien Le Matin. Et, de suite, l’épreuve de feu et de sang que le terrorisme impose au pays forgera vite ce frêle adolescent. Durant cette période noire, Nabil est partout pour faire montrer au monde entier toute la sauvagerie de l’intégrisme. Au péril de sa vie et dans des conditions peu amènes, Nabil a fait balayer par son zoom toute l’Algérie. L’Algérie des massacres, des assassinats, de la misère, de la délinquance, mais pas uniquement. Nabil a aussi immortalisé la beauté : l’Algérie qui résiste, qui vit. La silhouette de Nabil est très familière à la classe politique, sportive, artistique, etc. Ses qualités professionnelles et son souci permanent l’ont amené, quasi naturellement, à fonder, avec Ouhab Habat, son complice et ami de toujours, l’agence de photos de presse New Press en 1998. En parallèle, il est sollicité de partout : il travaillera dans plusieurs journaux nationaux et étrangers. Il est également photographe attitré de prestigieuses agence de photos internationales telles que CIPA et AP. L’agence américaine AP aura d’ailleurs été le dernier combat de Nabil. Pour avoir sa nouvelle accréditation, Nabil attendra longtemps, vainement. Sur instructions “venues d’en haut”, c’est-à-dire de la présidence, le ministère de la Communication s’y oppose, pour cause, avec acharnement. Repose en paix, l’ami... Kamel Amarni POUSSE AVEC EUX ! Par Hakim Laâlam [email protected] [email protected] des dépenses et aux louvoiements avec l’opinion sportive. Hélas, ils demeurent dans leurs ensembles attachés à un «professionnalisme» de la rente qui génère plus de dégâts dans la pratique sportive elle-même qu’il n’améliore les performances. Après dix années d’une expérience boiteuse et que l’on voulait transitoire vers l’émergence des entreprises de spectacles sportifs, la transparence n’est pas au rendez-vous. Par un simple exercice comparatif, il apparaît que les clubs de l’élite «renouvellent» saisonnièrement un tiers de leurs effectifs, soit entre quatre et six joueurs. De plus, ils ne gardent dans le meilleur des cas un entraîneur qu’une saison. La permissivité d’une réglementation faite sur mesure pour des dirigeants-maquignons suppose toujours des tours de table financiers qui n’apparaissent pas clairement dans les bilans, sauf d’une façon globale. Les exemples sont légion au sein de la tribu du football où, par exemple, tel club dont les subventions additionnées, avoisinant les cinq milliards de centimes, déclare y avoir consacré la moitié de la somme aux recrutements ! Quand on sait que la presquetotalité des équipes de l’élite sont dépendantes à 70 % de la manne publique (fonds national ; APC ; APW) et que la part du sponsoring demeure modeste tout autant que les recettes aux guichets, l’on conclut que les dirigeants s’octroient des standings de fonctionnement en total décalage avec leurs moyens. L’aide publique à la pratique sportive qui ne doit ni tarir, ni exclusivement bénéficier à l’élite d’une seule discipline a-t-elle été détournée de ses objectifs ? On peut le croire, il suffit au ministère de tutelle de révéler les sommes colossales qui depuis dix années ont irrigué le football. Pourtant il est clairement dit que les «les subventions sont destinées à la promotion et aux dépenses courantes de la compétition. Excluant de fait les «primes de signature», cet euphémisme cachant un si juteux maquignonnage sportif, comment un ministère, des walis et des élus locaux ont-ils pu laisser se dévelop- Par Boubakeur Hamidechi per cette gangrène avec l’argent du contribuable ? Qu’aujourd’hui une tutelle publique multiplie les effets d’annonce sur le sujet et semble même préoccupée sincèrement par une aussi ancienne dérive ne lui confère pas l’arsenal juridique pour sanctionner des lustres de gabegie. Prescrire d’autres règles lorsqu’on bute sur la prescription légale qui blanchit les magouilles du passé est évidemment la voie étroite pour rattraper ce qui peut encore l’être dans la planète football L’on nous dit que les instances concernées (FAF et ligues) et les institutions de l’Etat (MJS, wilayas et assemblées locales) seraient favorables à une refonte de la modalité d’octroi des subventions et notamment des procédures de leur affectation. Ainsi c’est aux clubs dorénavant de trouver d’autres ressources pour financer le talent exceptionnel ou le savoir-faire technique qui leur seraient nécessaires. De plus, ils seraient tenus par obligation légale de faire état des transactions financières relatives aux contrats des joueurs et entraîneurs. Les clubs ne peuvent plus continuer à vivre sur un grand pied avec «l’argent de la vieille». La «vieille», on le devine, c’est la masse des contribuables qui concède par délégation des aides dont elle ne serait pas mécontente d’en connaître le bon usage sportif. B. H. CONDOLEANCES DU “SOIR D’ALGERIE” A la suite du décès de notre cher collègue et ami Nabil Belghoul, reporter-photographe à l’agence New Press, la direction, la rédaction ainsi que l’ensemble du personnel du Soir d’Algérie présentent à la famille du défunt leurs plus sincères condoléances et s’associent à sa douleur en cette pénible circonstance. Que Dieu Le Tout-Puissant accueille le défunt en Son Vaste Paradis. SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES CONDOLEANCES Suite à la disparition tragique de leur confrère et ami, Belghoul Nabil, reporter-photographe, survenue hier vendredi, le Syndicat national des journalistes présente ses condoléances les plus attristées à la famille du défunt ainsi qu’à Ouahab Hebbat et les assure, en cette pénible épreuve, de sa profonde sympathie. Que Dieu Le Tout-Puissant accueille le défunt en Son Vaste Paradis. VICTIME DU TERRORISME ! «Deux diplomates algériens ont été enlevés à Baghdad.» Encore une action héroïque de la résistance irakienne ? Nabil a cassé sa pipe. De manière rageuse. Sans préavis, sans bande annonce. Et ne me dites surtout pas que l’un des plus talentueux reporters photo de sa génération a été victime d’un malaise cardiaque ou d’une quelconque défaillance physique qui l’aura terrassé. Nabil est de cette race de journalistes que le discours officiel et les fetwas présidentielles préfèrent, dans le meilleur des cas, noyer dans le magma informe de cette «profession qui a tant donné au pays», dans le pire des cas, accuser d’user d’une plume et d’un appareil photo, armes plus dangereuses que le sabre des terroristes. Désolé, mais Nabil ne peut pas être classé comme on range des dossiers dans une armoire répertoire. Et re-désolé, Nabil n’est pas mort d’un malaise en 2005. Nabil comme d’autres grands reporters de la presse algérienne a commencé à mourir il y a de cela dix ans. Lorsque le «destin traficoté» de l’Algérie l’a amené dans les villages massacrés, dans les faux barrages encore fumants et dans les marchés tachés de sang et creusés de cratères. Nabil a commencé à mourir lorsque, dans son viseur, se sont sournoisement invitées les images de corps déchiquetés, de parents éplorés et d’orphelins aux yeux hagards et fuyants. Nabil a commencé à mourir au contact quotidien de la mort. Il est victime d’un acte terroriste commis en permanence depuis l’agrément du FIS, et bien avant encore. Nabil est une victime du terrorisme. Car, dans la liste des journalistes victimes des tangos, les noms à venir me semblent encore nombreux. On ne sort jamais indemne d’avoir «fixé» la mort une décennie durant, sans préparation, dans l’urgence de l’horreur, dans le souci de saisir l’instant pour que le monde incrédule découvre et comprenne le sens de cette guerre presque sans images. Que celles et ceux de mes confrères qui, aujourd’hui, pensent avoir survécu au «Grand Massacre» tempèrent leur enthousiasme légitime de survivants. On ne sort jamais vraiment vivant d’un tel merdier. Nabil n’est pas mort en 2005. Il a juste enclenché le retardateur pour guetter le meilleur moment, pour happer l’instant ultime. Et de cet instant ultime, il parlait de temps à autre. Avec ses mots à lui, lorsqu’il lançait d’une voix où se mêlaient incrédulité et profond dégoût : «Yak kho, tu verras. Viendra le jour où nous raserons les murs devant eux !» Plutôt que de raser les murs, Nabil s’est envolé. Je fume du thé et je reste éveillé, car, décidément, le cauchemar continue. H. L.