L`étrange apparition de Tecla Osorio

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L`étrange apparition de Tecla Osorio
L'étrange apparition de Tecla Osorio
GENCOD : 9782361660246
PASSAGE CHOISI
Tecla Osorio est apparue une après-midi, vers dix-sept heures trente, un 14 avril 2009 à
l'arrêt du car qui relie Medina del Campo à Buitrago, le 314.
Elle n'habitait pas Medina del Campo, ni Buitrago, où elle avait l'intention de se rendre, onze
ans plus tôt, le jour de sa disparition.
Personne n'avait pu dire avec exactitude si elle était montée dans le car. Tous les
témoignages, à l'époque, avaient été contradictoires.
Oui, elle était montée à Medina del Campo, à l'arrêt, à la sortie de la ville. Non, plutôt à celui
de Medinaceli. Elle portait un cabas en paille orange avec une inscription dessus. Non, une
publicité. Pour une boisson, Orangina, Fanta. Il n'était pas en paille mais en tissu, épais, de
ceux que l'on voit sur les plages, avec les serviettes de bain et les affaires des enfants. Il
pleuvait à verse, et quelqu'un s'était fait la réflexion que la jeune femme n'était pas vêtue
pour un mois d'avril. Comme dit le dicton : en avril, ne te découvre pas d'un fil. D'autres
avaient assuré qu'il faisait un temps radieux, bien trop chaud pour la saison, ce qui n'augure
rien de bon pour l'été à venir. Les saisons qui se bousculent ce n'est jamais une bonne
chose. Tecla Osorio pouvait, onze ans plus tôt, être considérée comme une jeune femme.
En ce 14 avril, à dix-sept heures passées, Tecla Osorio n'est plus une jeune femme, elle a
changé, mais pas suffisamment pour qu'Aparicio Ramirez, qui l'a connue enfant, ne croie, au
volant de sa voiture, la reconnaître après toutes ces années. «Tiens, on dirait Tecla Osorio».
La femme l'a regardé et a détourné la tête. Si la ligne Medina del Campo-Buitrago existe
toujours, rares sont ceux qui l'empruntent, aujourd'hui, et la présence de cette femme le
laisse perplexe. Il a dû se tromper.
Il a fallu qu'il rentre chez lui, qu'il ôte son manteau, ses chaussures, pour y penser à nouveau.
Dernièrement il a mal aux pieds, les cors du début du grand âge, avait coutume de dire sa
mère, paix à son âme, avant de rire de bon coeur. Et ce rire balayait peut-être son angoisse
face à la maladie, au temps qui passe, qui s'égrène, invisible derrière les aiguilles de la vieille
pendule de la salle à manger, qui se tapit derrière les portes que l'on n'ouvre plus ou si
rarement, car les occupants des chambres ont, un à un, disparu, éparpillés par la vie,
emmenés par la mort, va savoir.
Maintenant, chaque fois qu'Aparicio rentre chez lui, il change de chaussures pour ménager
ses pieds endoloris. C'est en se baissant pour défaire ses lacets qu'il y pense. «Tiens, on
aurait dit Tecla. Tecla Osorio».
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