Tannerie - Historisches Lexikon der Schweiz

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Tannerie - Historisches Lexikon der Schweiz
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19/02/2014 |
Tannerie
Dès les temps les plus anciens, les peaux de bêtes furent travaillées pour produire des cuirs aux usages
variés. En Suisse, la tannerie est attestée par l'archéologie depuis l'époque romaine, à Augusta Raurica et
Vitudurum par exemple. Au Moyen Age, les tanneurs s'installèrent surtout en ville; jusqu'au XIXe s., ils furent
soumis à concession (Banalités). A cet artisanat succéda une industrie du cuir très spécialisée (Cuirs), qui
toutefois ne compte plus, au début du XXIe s., que quelques entreprises.
1 - Diversité des méthodes et des métiers
Selon les procédés de production, on distinguait au Moyen Age trois métiers différents. Les tanneurs au rouge
ou au tan s'occupaient des peaux de gros bétail, qu'ils tannaient avec des écorces de chêne ou d'épicéa,
produisant des cuirs pour la cordonnerie et la sellerie. Les mégissiers travaillaient les peaux de veau, de
chèvre et de mouton avec des sels minéraux, notamment l'alun, et obtenaient des cuirs blancs fins pour les
vêtements. Enfin, les chamoiseurs, en foulant des peaux de mouton ou de chèvre avec de l'huile de poisson,
fabriquaient des cuirs imperméables. Les trois étapes importantes étaient la préparation des peaux ou toisons
(trempage à l'eau et nettoyage), le tannage proprement dit (au tan, à l'alun ou à l'huile) et le corroyage ou
apprêt des peaux tannées.
Les tanneurs au rouge nettoyaient les peaux, assouplies dans l'eau, posées sur un chevalet ou un tronc avec
le couteau à écharner, signe distinctif de leur corporation, raclant la chair et les restes de graisse; après un
bain de chaux ou de cendres, les poils étaient ôtés par un mordant (urine par exemple) ou par exposition à la
fumée. Pour le tannage proprement dit, les peaux restaient dans des fosses pendant un à deux ans. Elles
étaient ensuite rincées, égouttées et séchées, puis corroyées (le cuir était lissé, égalisé au drayoir et
refendu). Le travail des mégissiers était plus bref: nettoyer, étendre, fouler et mordre les peaux, les tanner
dans une cuve d'alun pendant trois mois au maximum, les sécher, les assouplir, étendre les cuirs sur des
cadres. La teinture faisait aussi partie de la tannerie.
Tanneurs et mégissiers produisaient les cuirs les plus courants. Les cuirs de luxe, comme le maroquin (cuir de
chevreau, de mouton ou de chèvres teint), le cordouan (cuir de chèvre souple) ou d'autres cuirs fins teints en
rouge, étaient préparés en Suisse surtout par les mégissiers, mais provenaient principalement de l'étranger
(Europe centrale et méridionale). Les parcheminiers ne tannaient pas les peaux de veau qu'ils utilisaient,
mais les trempaient dans un bain de chaux; ils se firent rares lorsque le papier l'emporta sur le parchemin,
aux XVe et XVIe s. Le métier de fourreur, quoique proche de la tannerie, était indépendant.
Auteur(e): Anne-Marie Dubler / LH
2 - Localisation des ateliers et rang social des tanneurs
Ayant besoin d'eau courante, les tanneries cherchaient à s'installer au bord de rivières ou de ruisseaux; mais,
polluantes et puantes, elles se voyaient repoussées en bordure des villes ou dans les faubourgs (au
Niederdorf à Zurich, à la Ledergasse à Lucerne). Les villes incitaient financièrement les tanneurs à se
déplacer; Berne les envoya en 1314 vers le cours inférieur du Stadtbach, en 1326 dans le fossé auquel ils
donnèrent leur nom (Gerberngraben) et, en 1471, à la Matte, au bord de l'Aar. Le voisinage des ateliers (rues
des Tanneurs), l'usage d'équipements communs (comme le bâtiment du Lohhof à Bâle) ou le regroupement
des comptoirs de vente, soit dans une halle municipale, soit dans une halle aux cuirs spécialisée, imposèrent
l'organisation du métier, qui se donna des règles particulières dès le XIVe s. Les tanneurs formèrent
précocement des corporations à leur nom (Berne, Fribourg, Lucerne, Zurich, Schaffhouse) ou adhérèrent avec
les autres métiers du cuir à celle des Cordonniers (Bâle, Saint-Gall, Coire). Les tanneurs au rouge et les
mégissiers étaient soit réunis (Zurich), soit séparés (Berne). Les fourreurs avaient leurs propres maîtrises; la
première apparut en 1226 à Bâle.
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Comme dans toute l'Europe centrale, les tanneurs des villes suisses médiévales étaient prospères et
considérés, bien que leurs exploitations soient tenues à l'écart. Tanneurs et fourreurs firent fortune grâce au
commerce des peaux, des cuirs et des fourrures. Les commerçants livraient, par bateau ou par voiture, peaux
ou cuirs dans les foires indigènes ou étrangères. La marchandise était aussi entreposée dans des dépôts
permanents, comme ceux de Zurzach (principal centre de Suisse et d'Allemagne du Sud pour le commerce du
cuir jusqu'en 1800). Avec la métallurgie et la draperie, la tannerie était la branche d'exportation la plus
importante des villes médiévales. Elle bénéficiait de la proximité des matières premières (peaux, toisons,
écorces) et aussi du goût de l'époque pour les habits en cuir ou doublés de fourrure. Les tanneurs au rouge
tout particulièrement avaient cependant besoin de gros capitaux, vu la lenteur de la production et
l'importance des installations (lavoirs, fosses, hangars et séchoirs). Werner von Gundoldingen à Lucerne,
Jakob Glentner à Zurich, les Mossu à Fribourg, puis les Mercier à Lausanne aux XVIIIe et XIXe s. comptèrent
parmi les tanneurs et les marchands de cuir les plus riches.
Auteur(e): Anne-Marie Dubler / LH
3 - Tannerie et régime corporatif
Les tanneurs tendaient à être de gros entrepreneurs; ils occupaient plus de compagnons que les autres
artisans et conclurent tôt des communautés d'achat et de vente. Ils purent partiellement se soustraire à la
gêne que causa dès le XVe s. le régime corporatif. La petite entreprise et l'interdiction du commerce pour les
maîtres ne s'imposèrent pas dans leur branche, au contraire de l'interdiction de la communauté d'affaires et
des restrictions à la production. Le commerce des cuirs et des peaux, quoique réglementé (obligation
d'acheter des peaux aux bouchers indigènes), resta profitable. Les tanneurs réussirent à imposer leur
monopole à l'externe comme à l'interne. C'est ainsi que les selliers, cordonniers, fabricants de ceintures et de
sacs, qui avaient autrefois tanné et qui, comme les bouchers, avaient fait commerce de peaux et de cuirs, ne
purent, dès le XVIe s., tanner ou acheter des cuirs que pour leurs propres besoins. Des règlements internes
(taxe d'admission plus élevée, moins d'apprentis autorisés) et la mode changeante firent baisser le nombre
d'entreprises dès la fin du XVe s.
Après 1500, les maîtrises urbaines cherchèrent à étendre leur monopole à la campagne et à empêcher de
nouvelles concessions. Mais les tanneries campagnardes s'appuyèrent sur des droits personnels ou
travaillèrent sans concession; elles prospérèrent, tandis que les tanneries citadines stagnèrent jusqu'en 1800.
Toutes souffrirent aux XVIIe et XVIIIe s. de la pénurie de matières premières; les interdictions étatiques
d'exporter peaux, toisons ou écorces restèrent sans effet.
Auteur(e): Anne-Marie Dubler / LH
4 - La tannerie après 1800
Après l'abolition des restrictions corporatives, la tannerie reprit son essor. Comme aux XVIIe et XVIIIe s., les
nouvelles entreprises furent fondées surtout à la campagne, si bien que la branche, dominée par les petits
établissements de bourgades et de villages, perdit son image d'artisanat urbain et prospère. Persévérant
dans les méthodes traditionnelles, elle ne tint pas compte du développement de la tannerie industrielle après
1830. Celle-ci introduisit, en Amérique, puis en Europe, de nouvelles substances tannantes comme l'écorce du
bois de quebracho, le tannage au chrome dès 1893, les colorants à l'aniline et la mécanisation, qui
accélérèrent les opérations. Trop longtemps attentiste, la tannerie indigène perdit des parts dans le marché
national qui s'ouvrit à une offre massive et diversifiée (coloris variés, cuirs estampés, imprimés, cuirs velours
ou suédés, laqués, peaux de reptiles, etc.) provenant d'Amérique (cuirs épais pour semelles), de France (cuirs
fins), de Russie (cuirs de Russie traités à l'écorce de bouleau) et surtout d'Allemagne.
Sous la pression de la concurrence, le changement se fit enfin dans les années 1870 et 1880 et une industrie
nationale se construisit rapidement. En 1885, on comptait dix-huit usines dans l'ouest et le nord-est de la
Suisse. Mais un tiers des établissements artisanaux disparut avant 1905. Lors des deux conflits mondiaux, la
branche se releva, devenant une industrie clé pour l'économie de guerre. Elle était alors limitée aux peaux
indigènes, mais protégée des importations de l'étranger. L'Union des tanneries suisses vit le jour en 1915.
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Tanneries et employés (1882-2001)
Année
Entreprises
Employés
Employés par entreprise (moyenne)
1882
356
2 100-2 400
5,9-6,7
1905
230
1 486
6,5
1929
113
1 681
14,8
1955
77
1 859
24,1
1975
37
548
14,8
1985
20
349
17,5
1991
19
187
9,8
2001
9
100
11,1
Sources:Volkswirtschafts-Lexikon der Schweiz, 1, 1887, 203; recensements fédéraux des entreprises; Das
Gewerbe in der Schweiz, 1979, 158
La concurrence étrangère à moindre coût força la tannerie indigène à se spécialiser dans des productions
hautement techniques et gourmandes en capitaux, ce qui amena une diminution régulière du nombre des
fabriques et des travailleurs de la branche. En 2001, neuf tanneries subsistaient, toutes en mains familiales,
qui trouvaient des débouchés grâce à des produits de niche de qualité, destinés à l'industrie de la chaussure
et à celle des meubles en cuir, en Suisse et à l'étranger.
Auteur(e): Anne-Marie Dubler / LH
Références bibliographiques
Bibliographie
– Volkswirtschafts-Lexikon der Schweiz, 1, 1887, 702-703
– HWSVw, 2, 901-905
– A. Kurz, Die schweizerische Gerberei, 1948
– HSVw, 1, 503-505
– M. Fonjallaz, La tannerie, 1968
– Das Gewerbe in der Schweiz, 1979, 157-158
– LexMA, 4, 1299
– R. Reith, Lexikon des alten Handwerks, 1990, 84-91
– J. Demeulemeester, Aux origines d'une tannerie lausannoise, mém. lic. Lausanne, 2000
Auteur(e): Anne-Marie Dubler / LH
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