UNIQLO à la conquête du monde

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UNIQLO à la conquête du monde
TOPIC
Avril 2010
www.hec.fr/eurasia
UNIQLO à la conquête du monde
UNIQLO, la
marque de prêt-àporter japonaise,
a le vent en
poupe.
UNIQLO a le vent en poupe. Après avoir inauguré en grande fanfare
ses magasins pilotes de 2.150 m2 avenue de l’Opéra à Paris et de 1.200 m2 à
Moscou, l’entreprise nippone de prêt-à-porter s’apprête à ouvrir celui de
Shanghai (3.600 m2), tout en annonçant la création sur la 5e Avenue newyorkaise d’un deuxième enseigne américaine. Son magasin de Paris-Opéra
affichait déjà, fin 2009, le plus gros chiffre d’affaires du groupe dans le
monde ! Bref, UNIQLO étonne et détonne dans un paysage de la fast fashion
déjà saturée par les H&M, ZARA et autre GAP. Le groupe fait aujourd’hui
près de 7 milliards d’Euros de chiffres d’affaires, en progression annuelle de
+22%, et avec une marge net enviable de 17%. Comment la marque nippone
parvient-elle à se démarquer de ses concurrents?
La marque « Unique Clothing Warehouse » - alias UNIQLO – puise
ses racines dans la province japonaise de Yamaguchi, à l’extrémité Ouest de
l’archipel nippon. Au départ, il y a un petit magasin familial du nom de
Ogoori Shouji : il ouvre ses portes en 1949 et distribue des costumes et
vêtements destinés aux hommes. De fil en aiguille, après plusieurs décennies,
le petit magasin finit par devenir un groupe provincial qui compte.
À l’origine,
UNIQLO était un
simple
distributeur
provincial…
…qui a
progressivement
développé des
articles originaux
sous sa propre
marque.
En 1984, deux évènements majeurs marquent la vie du groupe :
l’inauguration du premier magasin sous l’enseigne UNIQLO à Hiroshima, et
l’arrivée de Tadashi Yanai à la tête du groupe familial – qu’il rebaptise Fast
Retailing (FR). Après des tâtonnements et hésitations, l’enseigne trouve un
premier modèle de développement : concevoir, produire et distribuer un petit
nombre d’articles simples, fonctionnels, à bas prix, en respectant un bon
rapport qualité-prix. Dans cette première phase d’expansion, les points de
vente UNIQLO se trouvent généralement dans les banlieues industrielles des
villes de province, et les produits y sont exposés en libre-service, sans aucun
apprêt.
Dans les années 1990, alors que le Japon doit faire face à une période
de stagnation économique, le style épuré et les bas prix pratiqués par
UNIQLO finissent par rencontrer un vif succès auprès des consommateurs
japonais. Pourtant habitués aux maisons de luxe et aux grandes signatures du
prêt-à-porter, les Japonais se laissent séduire par les produits estampillés
UNIQLO. Les polaires « fleece », disponibles en toutes sortes de coloris et
sous différents aspects, s’arrachent comme des petits pains. 26 millions
d’unités sont ainsi vendues pour la seule année 2000.
Mais son premier
modèle de
développement
s’est essoufflé au
début des années
2000.
À partir de 2005,
le positionnement
de la maison
UNIQLO est
modifié…
…et l’accent est
mis sur le style et
l’innovation.
La politique d’approvisionnement d’UNIQLO se sophistique, en
faisant appel systématiquement à des usines chinoises, avec un contrôle de la
qualité et de la chaîne logistique qui est un cas d’école. C’est en fait la
première fois qu’une entreprise japonaise fait ainsi systématiquement
fabriquer ses modèles en Chine.
Mais les années 2000 à 2005 sont marquées par un essoufflement du
succès des produits UNIQLO. Ses concurrents se sont alignés tant bien que
mal sur ses prix et sur son offre de produits, et le marché est saturé.
L’emblématique Tadashi Yanai, PDG de Fast Retailing, décide de passer la
main à un nouveau Directeur général, Genichi Tamatsuka.
Pourtant, l’entreprise de prêt-à-porter nippone continue à battre de
l’aile : les nouveaux produits-phare conçus ne reçoivent pas l’accueil
escompté, la diversification du modèle UNIQLO à d’autres secteurs d’activité
(comme l’agroalimentaire) est un échec, et les premiers pas de la marque à
l’étranger (Royaume-Uni et Chine) s’avèrent mitigés.
En 2005, Yanai décide de reprendre les rênes et de modifier le
positionnement de la maison. Il s’agit pour lui de transformer l’entreprise en
une marque à part entière suivant trois clés : prix, qualité et style. Pour ce
faire, le nombre de références, jusque-là limitée à 200, est élargi. Les
consommateurs peuvent dorénavant s’habiller de la tête aux pieds dans les
produits de la marque et à un prix minime.
De nouvelles gammes de produits, au style plus net et renouvelées
fréquemment, apparaissent dans les rayons toujours à des prix bas. UNIQLO
lance même des gammes « supérieures ». Celles-ci prennent la forme de
séries limitées réalisées par des créateurs de mode ou encore d’une ligne +J,
lancé en 2009 en collaboration avec la styliste allemande Jil Sander.
L’objectif de Yanai est de dynamiser les ventes en incitant les clients
à revenir régulièrement dans les magasins. Pour cela, des promotions-éclairs
sur les produits basiques et le lancement de nouvelles gammes innovantes à
bas prix servent de produits d’appel. Une fois sur place, les clients piochent
aussi dans les séries limitées de stylistes, et qui sont elles à des prix plus
élevés.
Un autre atout de la marque nippone est sa capacité d’innovation,
aussi bien dans le textile que dans le marketing. Par exemple, l’entreprise
propose depuis 2004 une gamme de sous-vêtements thermiques - sorte de
Damart japonais - développée en partenariat avec le groupe Toray, spécialisé
dans la production de textiles de haute technologie.
Aujourd’hui,
UNIQLO est
Le concept des magasins UNIQLO, autrefois tous similaires, a
devenu une
marque japonaise également évolué : chacun d’entre eux, en particulier dans les grandes
métropoles internationales (New York, Londres, Paris, Tokyo) a adopté une
d’envergure
disposition et une mise en rayons personnalisée. L’aménagement intérieur du
mondiale.
magasin amiral de Soho (New York) et de celui de Paris-Opéra a été confié
au grand designer Katayama Masamichi, et rompent avec l’aspect épuré du
début.
L’entreprise
nippone doit son
organisation, son
esprit et son style
à son fondateur et
PDG, Tadashi
Yanai.
Bref, en moins de trois décennies, la chrysalide s’est transformée :
UNIQLO est passé du stade de simple distributeur provincial à une marque
japonaise d’envergure mondiale. Cette réussite est incarnée par le
charismatique Tadashi Yanai, fondateur et PDG. Plus de vingt-cinq ans après
son arrivée, il reste le chef d’orchestre incontesté du groupe. C’est à lui
qu’UNIQLO doit son organisation, son esprit, son style. Sous son impulsion
et son intuition, UNIQLO a développé une chaîne logistique et un
management original tout à fait à contre-courant de la culture traditionnelle
japonaise. Yanai a introduit le système SPA (Specialty Retailer of Private
Label Apparel) qui permet à l’entreprise de fonctionner en intégration
verticale, de la confection à la distribution d’un produit. Au Japon, c’est
révolutionnaire.
Le PDG d’UNIQLO est aussi un adepte des principes issus du
toyotisme, qui consistent notamment à éliminer trois formes de gaspillage :
Muri (surcharge), Mura (variabilité) et Muda (gaspillages) (pour en savoir
plus, lire notre étude « Toyota peut-il sauver le Japon ? »). À titre d’exemple,
les réunions au Siège sont organisées sans chaise, debout, pour éviter de
s’attarder et aller directement à l’essentiel ; les lumières s’éteignent à 18
heures car les heures supplémentaires ne sont pas de mise. Ce mode de
management original va complètement à l’encontre de celui des organisations
traditionnelles nippones.
Mais l’avenir
d’UNIQLO est en
L’expansion internationale d’UNIQLO défraie la chronique. Le petit
suspens : qui
saura prendre la provincial japonais bon marché est devenu la référence du marché mondial.
L’avenir d’UNIQLO est en suspens : Tadashi Yanai est aujourd’hui la pierre
relève après
angulaire de l’entreprise. Qu’adviendra-t-il lorsqu’il prendra sa retraite,
Tadashi Yanai ?
prévue pour 2014 ?
L’originalité de ce succès est une leçon de management déjà présente
dans l’ancienne discipline du Sumo : pour gagner, il faut soit être le plus
puissant en expédiant le concurrent au tapis, soit le plus habile en expulsant
l’autre en dehors du cercle. Ce qu’on appelle changer de paradigme.
H.B. & N.A.
Pour aller plus loin : une nouvelle étude de fond d’HEC Eurasia Institute sur
UNIQLO est en cours de parution.
A NOTER SUR VOTRE AGENDA :
CHINE : LE GRAND SEMINAIRE
29 & 30 juin 2010, sur le campus d’HEC
Un séminaire compact, original, mené par cinq experts en leur domaine.
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Votre contact : Muriel Dubois – [email protected] – tél : 01 39 67 71 08
UNIQLO a le vent en poupe sur les marchés étrangers
Source : Fast Retailing, Rapport Annuel 2009
L’intégration verticale au sein d’UNIQLO: l’application du système SPA (Specialty Retailer of Private Label Apparel)