quelles perspectives pour le deuxième porte

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quelles perspectives pour le deuxième porte
QUELLES PERSPECTIVES POUR LE
DEUXIÈME PORTE-AVIONS FRANÇAIS ?
© L'Harmattan, 2000
ISBN : 2-7384-9621-0
Sous la direction de
Pierre PASCALLON
QUELLES PERSPECTIVES
POUR LE DEUXIÈME
PORTE-AVIONS
FRANÇAIS ?
L'Harmattan
L'Harmattan Inc.
L'Harmattan Hongrie
L'Harmattan Unira
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75005 Paris
FRANCE
Collection « Défende »
• Le moment n'est hélas pas venu - peut-il d'ailleurs venir ? - où la
force militaire pourrait être reléguée dans le « linceul de pourpre
où dorment les Dieux morts», chers à André MALRAUX.
Le monde est en effet constitué de longtemps sinon de toujours
« d'Etats-Nations » dont le nombre ne cesse de progresser et
progressera sans doute encore au XXIème siècle s'il faut en
croire la prophétie du Père Serge BONNET : « Le XXIème siècle
sera plus encore que le XXème siècle le siècle des Nations».
• Se pose à ces « Etats-Nations » le problème de leur défense,
c'est-à-dire la fonction vitale d'assurer leur sécurité, leur paix,
leur indépendance, l'obligation de préserver et de pérenniser les
signes forts d'une identité nationale à travers les accidents de
l'Histoire, à savoir : un territoire et la communauté consciente des
hommes qui l'habitent. On peut convenir en effet d'appeler
« politique de Défense» l'ensemble des mesures et dispositions
de tous ordres prises par le Pouvoir pour assurer la sécurité et
l'intégrité du territoire national dont il a la charge et, par
ricochet, la paix du peuple qui y vit. Pour utiliser les termes très
voisins retenus par l'ordonnance du 7 janvier 1959, la Défense « a
pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et
contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du
territoire ainsi que la vie de la population».
• Cette collection entend accueillir les réflexions qui touchent le
domaine de la Défense ainsi défini, domaine global, multiforme, en
constante évolution, en privilégiant bien sûr le cas de la France et
de l'Europe dans un contexte qui est désormais, ici aussi, de plus
en plus d'emblée « mondialisé ».
Pierre PA5CALLON
Ce recueil reprend les
communications présentées par
les principaux intervenants lors
de la table ronde organisée par
le Professeur Pierre Pascallon,
le 28 juin 2000 à l'Assemblée
nationale, à Paris.
SOMMAIRE
♦ Sommaire
9
♦ Le porte-avions dans la politique
extérieure passée de la France
par Philippe WODKA-GALLIEN, journaliste à
Air-Zone
11
♦ Le problème du second porte-avions :
contexte et questions
par André BOYER, Sénateur, Membre de la
Commission des Affaires Etrangères, de la
Défense et des Forces Armées
19
♦ Pourquoi le deuxième porte-avions ?
par l'Amiral Philippe DURTESTE, ancien sousChef d'Etat-Major Plans, Etat-Major des Armées
29
♦ La défense française et les porteavions : quelle perspective pour le
deuxième porte-avions ?
par le Capitaine de Vaisseau Jacques
BRIDELANCE, adjoint des programmes
aéronautiques, Etat-Major de la Marine
♦ Bibliographie
37
61
Le porte-avions
dans la politique extérieure
passée de la France
Par
Philippe WODKA-GALLIEN
journaliste à AIR ZONE
-
A ce jour, la permanence du groupe aéronaval,
principe de notre politique de défense depuis 40 ans, ne
pourra être maintenue dans la décennie qui s'annonce.
Après le retrait du Clemenceau et du Foch, notre seul
porte-avions sera le Charles-de-Gaulle. Alors pourquoi
faut-il un deuxième porte-avions ? Au stade actuel du
débat, pour tenter de répondre à cette question, il est
intéressant d'observer l'emploi que la France a fait de ses
deux porte-avions modernes, le Clemenceau et le Foch,
dans sa politique extérieure. Leur souplesse d'emploi est
le premier enseignement à tirer. En service tout au long
d'une période caractérisée par la décolonisation, la guerre
froide, les crises périphériques, puis après la chute du mur
de Berlin par la multiplication des conflits régionaux, ils
ont à maintes reprises démontré qu'ils étaient la clé de
voûte de l'engagement diplomatique et militaire de la
France.
La permanence du groupe aéronaval, conditionnée
par l'entrée en service d'un deuxième porte-avions aux
côtés du Charles-de-Gaulle trouve sa légitimité dans
l'emploi intensif par la France de ses porte-avions. Depuis
leur entrée en service, en effet, il y a plus de 40 ans, force
est de constater que le Foch et le Clemenceau ont été des
pièces essentielles de la politique extérieure française. Au
premier chef, ils ont été largement utilisés au profit de la
dissuasion nucléaire en mettant en oeuvre les armes
nucléaires AN52 et ASMP. Ce que nous allons voir dans
cette étude c'est qu'ils ont été constamment employés
lorsqu'une crise éclatait et dans laquelle la France
souhaitait peser. En résumé, les principales zones
d'intervention ont été le Moyen-Orient, l'Afrique puis les
Balkans.
Le Moyen-Orient et l'Afrique
Le 21 juillet 1961, le porte-avions Arromanche,
13
appuyé par le croiseur Colbert et les escorteurs Bouvier et
Chevalier Paul, reprenait le contrôle de la rade de Bizerte.
En 1963, le La Fayette a couvert l'évacuation de la
base.
En septembre 1974, le Clemenceau se rend dans
l'Océan Indien pour protéger Djibouti dans le but de
contrer les ambitions de la Somalie, une mission de
protection qui s'installera pour six mois. Du 15 avril au 15
juin 1977, le Clemenceau reviendra sur zone pour prévenir
un éventuel coup de main de la Somalie sur Djibouti qui
doit accéder alors à l'indépendance. Le Clemenceau sera
relevé par le Foch qui restera sur zone jusque fin
novembre.
De 1978 à 1983, les porte-avions français sont
constamment envoyés au large des côtes libanaises pour
les opérations Olifant. Le 9 septembre 1983, l'ambassade
de France est bombardée faisant cinq tués et quatorze
blessés. Les Super Frelon évacuent les victimes sous la
protection des avions Super-Etendard qui cherchent à
localiser les batteries. Le 22 septembre 1983, les avions du
Foch bombardent une batterie syrienne. Le 23 octobre,
c'est l'attentat du Drakkar. Le 17 novembre, c'est le tour
du Clemenceau d'envoyer ses avions contre le camp
palestinien de Baalbeck. Mai 1984 marque la fin des
interventions militaires directes au Liban. Entre le 6
octobre 1983 et le 2 mai 1984, le Clemenceau est resté 277
jours en mer, parcourant 40.000 miles et il a assuré le
transport de 8.500 militaires par hélicoptères. L'année
1989 est une nouvelle année de tension au Liban. Les
hélicoptères du Foch soutenus par le Cassard assurent
l'évacuation de nombreux ressortissants.
En 1980, la France met en action sa Marine pour
soutenir la Tunisie qui se voyait alors menacée par la
Libye. Le carénage du Clemenceau est alors repoussé pour
permettre son intervention. A l'époque, le Foch était
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démobilisé pour cause de grand carénage.
La guerre Iran-Irak durant les années 80 constitue un
autre des moments forts pour les deux bâtiments. Lors du
conflit, Foch et Clemenceau se relaient dans le Golfe
Arabo-Persique et la mer d'Oman pour protéger la liberté
de navigation. Sur les 14 mois de l'opération Prométhée,
4.700 sorties seront effectuées durant 230 jours de mer.
Durant ce déploiement, la Marine française a un rôle
particulièrement actif aux côtés l'US Navy qui fera se
succéder quatre groupes de porte-avions.
Sur le même théâtre, le 2 août 1989, l'Irak de Saddam
Hussein envahit le Koweit. Les porte-avions français ont
alors un rôle effacé, et ce pour des raisons politiques. Le
13 août, l'opération Salamandre est déclenchée. Laissant
en France ses flottilles d'avions de combat, à l'allure jugée
trop offensive, le Clémenceau transporte les hélicoptères
et les camions du 5" Régiment d'Hélicoptères de
Combat de l'ALAT. Il fait route vers le Levant pour ne
débarquer le tout que le 28 septembre. Entre temps le 22
août, le 5' RHC effectue des manoeuvres dites
" d'accoutumance " à Djibouti.
Les porte-avions français dans les
crises des Balkans
Dans les années 90, ce sont les crises de Balkans qui
occupent nos porte-avions. En 1992, l'ONU décide la
création de la FORPRONU, force terrestre multinationale
qui prend pied en Bosnie. Les porte-avions alliés,
américains, anglais et français, prennent position dans
l'Adriatique pour des missions de reconnaissance, d'appui,
d'interception ou de sauvetage. Remarquons au passage,
que ces bâtiments sont placés sous leur commandement
national et non sous un commandement onusien. Les deux
porte-avions se succèdent sur zone. Un épisode est
intéressant au regard de ce débat. Le 15 octobre 1994, le
15
Clemenceau revient sur Toulon en raison d'une avarie de
turbine. Le Foch le remplace à partir de décembre.
En juillet 1997, le Clemenceau après 38 ans de
service actif est désarmé. Le Foch assure alors seul la
continuité avant l'arrivée du Charles-de-Gaulle, dont
l'entrée en service est constamment repoussée, tant pour
des raisons budgétaires que techniques. Le retard
aujourd'hui de cinq ans, fait que ce programme aura duré
15 ans !
La crise du Kosovo de 1999 constitue l'opération
offensive la plus probante pour l'aéronavale embarquée
française, l'occasion ne lui ayant pas été donnée dix ans
plus tôt lors de la guerre du Golfe. Quelques données
résument alors la place du porte-avions français et de son
groupe aérien dans l'Opération Force Alliée : 878
missions, réparties en 400 missions offensives, 69 de
reconnaissance, 246 de ravitaillement, soit 24% de la
totalité des missions conduites par la France. Pour
l'Aéronavale française, Force Alliée marque l'emploi avec
une très grande efficacité d'armes guidées laser (BGL et
AS-30 Laser) et du pod Atlis par les Super-Etendard. A
travers le Foch, la France réalise un travail très apprécié :
les Super-Etendard effectuant des missions d'appui-feu
combinées avec les A-10 de l'US Air Force en mission de
contrôle aérien. Leur présence à quelques minutes de la
zone d'intervention est alors particulièrement précieuse
pour réagir vite pour traiter les cibles détectées par les
avions américains.
Durant ces trente dernières années, la France a
toujours pu détacher un bâtiment à l'occasion de chaque
crise majeure. Avec un seul bâtiment, surtout parce qu'il
est nucléaire, nous ne disposons plus de cette capacité.
Dans les faits, il s'agit d'un affaiblissement de notre
posture diplomatique.
La question du deuxième porte-avions pose
16
clairement la question de l'intérêt de disposer en
permanence d'un dispositif naval offensif. L'avenir de ce
deuxième bâtiment destiné à remplacer le Foch réside dans
la définition des priorités de notre politique d'équipement
en matière d'armement. Sur un théâtre extérieur, on peut
gérer des crises sans chars Leclerc ; on ne peut le faire
sans porte-avions. Reste à savoir si l'on veut gérer les
crises.
17
Références bibliographiques
Le problème du porte-avions
Hervé Coutau-Bégarie. Ed Economica / CREST Ecole
Polytechnique, 1990.
Histoire succincte de l'Aéronautique navale (1910 1998)
Vice Amiral Roger Verken. Ed ARDAN, octobre 1998.
Les premiers enseignements de l'Opération Force Alliée
Sénat. Xavier de Villepin, Rapport d'information N°464,
30 juin 1999.
Kosovo : une guerre d'exception
Assemblée Nationale. Paul Quiles et François Lamy
Rapport d'Information N°2022, 15 décembre 1999.
Kosovo : le prix de la paix
Assemblée Nationale. Jean-Michel Boucheron Rapport
d'Information N° 1775, nuillet 1999.
« La Chasse embarquée française dans l'opération Allied
Force »
Jean-Michel Guhl. Air Zone Magazine N°27. SeptembreOctobre 1999.
-
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Le problème du second
porte-avions :
contexte et questions
par
André BOYER
Sénateur
Membre de la Commission des Affaires Etrangères,
de la Défense et des Forces Armées
Depuis plusieurs années, lors de l'examen de la
dernière loi de programmation ou au moment du vote du
budget de la Marine, les mêmes questions reviennent sur
notre groupe aéronaval, sur le renouvellement de la flotte
et sur l'éventuelle mise en chantier d'un second porteavions.
C'est justement pour éclairer ces questions que la
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées du Sénat m'a confié, il y a quelques mois, la
rédaction d'un rapport sur l'avenir du groupe aéronaval et
tout particulièrement sur l'éventuelle construction d'un
second porte-avions ; rapport qui fera l'objet d'une
prochaine publication.
Je ne développerai pas ici, bien entendu, l'ensemble
des questions qui y sont évoquées ou qui ont été abordées
devant vous par l'Amiral Durteste et par le Capitaine de
Vaisseau Bridelance. Je centrerai mon propos sur trois
éléments du contexte et trois questions :
le contexte international tout d'abord : comment
évoluent les capacités aéronavales dans le monde ?
le contexte européen ensuite : comment la
construction de l'Europe de la défense influe-t-elle
sur le besoin d'un second porte-avions ?
le contexte budgétaire français enfin : à quelles
conditions financières pourra-t-on construire un
second porte-avions ?
I- En matière de capacités aéronavales, force est de
constater que le contexte international se caractérise par la
montée en puissance des capacités militaires. Dans ce
domaine - comme dans d'autres qui ont été abordés - je
crois que la France doit faire face à une certaine reprise de
la course aux armements.
Les Etats Unis maintiennent un niveau important
-
d'armement pour être présents sur tous les océans : 12
porte-avions lourds de près de 100.000 tonnes et 12 portehélicoptères d'assaut de 40.000 tonnes.
Les Russes, malgré leurs très grandes difficultés,
veulent maintenir leurs capacités dans ce domaine.
Notons, que la présence d'un porte-avions russe en
Méditerranée au moment de la crise du Kosovo aurait pu,
on l'imagine bien, influer sensiblement sur l'évolution de
la situation diplomatico-militaire en marquant par exemple
la volonté de la Russie de soutenir Milosevic ou d'avoir un
rôle actif dans le règlement final.
En Europe, le Royaume Uni, mais également
l'Espagne et l'Italie, disposent de porte-aéronefs. Le
-
Royaume-Uni souhaite d'ici 2015 se doter de deux porteavions de 40.000 tonnes. L'Italie voudrait de son côté
acquérir un porte-aéronefs d'un déplacement supérieur à
celui du Garibaldi.
En Amérique du sud, le Brésil semble désireux
d'acquérir le Foch.
C'est en Asie que l'évolution est la plus rapide.
L'Inde souhaiterait acquérir un second porte-avions
auprès des Russes pour disposer d'une permanence et
poursuit un programme de construction nationale de porteavions. L'Inde veut éviter, lors d'une prochaine crise, de
se retrouver sans porte-avions disponible en raison
d'entretien ou de réparation, comme ce fut le cas dans de
la crise du Cachemire. Elle souhaite également affirmer sa
présence dans l'Océan indien.
La Chine, elle, n'en dispose pas encore, mais la
possession à plus ou moins long terme d'un porte-avions
est un élément essentiel de sa stratégie de reconquête des
îles de la mer de Chine et de Taïwan. Le Japon
développe, de son côté, par précaution et pour des raisons
stratégiques propres évidentes, des moyens aéronavals
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