Une nuit avec le Roi-1er

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Une nuit avec le Roi-1er
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HADASSAH (ESTHER)
Une Nuit
avec le
Roi
par
Tommy Tenney
et
Mark Andrew Olsen
EDITIONS ROI DES ROIS
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Chapitre 1
L E M U S É E D ’ I S R A Ë L , J É RU S A L E M , D E N O S J O U R S .
P
«
ère, où m’emmènes-tu ? »
Le vieil homme, s’appuyant sur sa canne, se tourna en tremblant,
marqua un temps d’arrêt sur la dernière marche et regarda sa fille tout en
cherchant à reprendre son souffle. Malgré les rides qui s’étaient frayé
récemment un chemin sur son visage, elle pouvait encore reconnaître ce
sourire espiègle qui signalait qu’il s’apprêtait à la taquiner.
« Pourquoi, Hadassah ? C’est le Sanctuaire du Livre. Tu y es déjà allée une
douzaine de fois. »
« Bien sûr, papa. Je le sais. »
Comme pour souligner ce fait, elle lança un regard en direction du
monument. Ses yeux s’élevèrent vers le ciel bleu cobalt de Judée, dans
lequel le célèbre dôme du Sanctuaire imposait son étrange pointe blanche.
Elle nota à nouveau sa forme fluide qui symbolisait les couvercles anciens
des bocaux dans lesquels avaient été trouvés les parchemins si précieux qui
étaient à présent gardés à l’intérieur. Un peu plus loin, son regard s’arrêta
brièvement sur le mur de basalte noir, fameuse opposition architecturale
des Ténèbres contre la Lumière. « Structure idéologique », comme l’avait
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nommé son professeur de quatrième il y a bien des années, et peu avant
qu’elle utilise elle-même ce terme lors d’un contrôle.
Structure idéologique : concevoir un bâtiment ayant à la fois un but
symbolique et fonctionnel…
« Mais pourquoi aujourd’hui ? »
Hadassah continua la conversation en hébreu moderne, la langue dans
laquelle elle avait grandi bien qu’elle parlât également couramment
l’anglais.
« Le mariage n’est qu’à quelques jours ! Papa, ce n’est pas le moment
de faire du tourisme. »
Il sourit à nouveau, cette fois avec indulgence, et fit un geste de la
main.
« Mon enfant, m’as-tu déjà vu te faire perdre ton temps ? »
C’était une question bien étrange, posée avec désinvolture, mais elle y
réfléchit tandis qu’elle montait les marches derrière lui. En fait, il avait
toujours été un père posé aux manières douces, et après réflexion, elle
devait admettre qu’il n’était pas de ceux à l’entraîner vers des
entreprises futiles.
Elle arriva à sa hauteur, et il mit son bras sur ses épaules.
« Suis-moi, tout simplement », dit-il avec un sourire qui grandissait
et qui devenait plus indéfinissable à mesure que les secondes passaient.
Pensifs, ils entrèrent dans le hall où les touristes faisaient la queue pour
voir les célèbres manuscrits de la mer Morte. Pour la première fois, son
père s’approcha du guichet non pour obtenir un ticket, mais pour
saluer tout simplement de la main le caissier, qui en retour lui fit un
signe de tête solennel.
Ils empruntèrent le couloir d’entrée aux murs arrondis et lisses, censé
imiter la grotte de Qumrân, lieu de la découverte des rouleaux. Puis,
pareils au jeune berger qui les découvrit 500 ans auparavant, ils
émergèrent dans un espace voûté et frais : la salle principale.
Note de l’éditeur : le contraste entre le dôme blanc, qui symbolise les couvercles des bocaux dans
lesquels certains des parchemins ont été trouvés, et le mur noir en face de l’immeuble, fait allusion à la
tension entre le monde spirituel du «Fils de la Lumière » et celui des « fils des Ténèbres » relatée dans
les rouleaux.
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Bien que familière de ce lieu, perplexe, Hadassah ne put s’empêcher de
jeter un coup d’œil autour d’elle. L’une des merveilles de cette
architecture moderne, la salle centrale du Sanctuaire du Livre,
lumineuse, ne manquait jamais d’attiser son imagination. En haut, la
structure courbée du dôme scintillait. Chacune de ses innombrables
rainures horizontales prenait une teinte différente dans la lumière du
soleil filtrée par une fenêtre située à son sommet. Juste à l’entrée, un
immense parchemin s’élevait du sol, comme si quelqu’un avait enterré
intentionnellement, à moitié, une Torah géante.
Un silence s’abattit sur le couple tandis qu’ils pénétraient dans la
pièce ; son acoustique et la solennité de son contenu décourageaient
tout bruit. Mais aujourd’hui, son père n’était pas là pour lire les
parchemins posés sur des tables et délicatement éclairés. Il traversa la
pièce et s’engagea immédiatement dans un escalier caché qui
conduisait dans la pénombre.
« Papa ? » appela-t-elle.
Elle ne vit que le dos de sa main qui lui indiquait de le suivre, puis il
disparut dans les ténèbres. Hadassah secoua la tête, fronça les sourcils
puis le suivit. Une porte s’ouvrit sur une douce lumière. Elle le suivit
en empruntant la porte et se retrouva dans un couloir aux murs tapissés
qui donnait sur trois autres corridors.
Arrivée là, elle esquissa un sourire…
« Tante Rose ? Que fais-tu là ? » demanda Hadassah, surprise.
Tante Rose vivait aux États-Unis. Cela faisait quatre ans qu’elles ne
s’étaient pas vues. Rose était bien évidemment venue pour le mariage,
mais Hadassah était persuadée qu’elle ne serait pas là avant quelques
jours.
Rose se pencha vers elle avec un sourire entendu et la serra dans ses
bras. Et c’est à cet instant qu’elle vit par-dessus les épaules amples de
sa tante les autres femmes. Grand-mère Grossman, grande tante
Pauline, tante Connie, et deux autres matrones d’un certain âge qui se
tenaient, étrangement calmes, debout dans un coin. Hadassah se
rappelait vaguement ces dernières. Cependant, toutes la regardaient
fixement avec des yeux brillants.
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Dès que Hadassah se dégagea des bras de tante Rose, les femmes
convergèrent en masse sur leur plus jeune descendante en pleurant
doucement, et créant un tumulte de salutations et de félicitations.
Bien qu’elle répondît avec plaisir et surprise, ce rassemblement en ce
jour, en ce lieu, la remplit d’une curiosité intense et même d’un
sentiment d’inquiétude.
« Mais qu’est-ce qui se passe ici ? » Elle s’éloigna du groupe et lança
un regard interrogatif en direction de son père.
« Ma chère, je t’ai emmenée ici afin de perpétuer une ancienne
tradition », dit-il, comme s’il avait lu dans son esprit. Il se tourna vers
le groupe tandis qu’il agitait son pouce avec négligence dans sa
direction.
« Mesdemoiselles, cette jeune fille ici présente ne voulait même pas
venir aujourd’hui, j’ai pratiquement dû la traîner jusqu’ici, j’ai même
cru qu’elle allait appeler une maison de retraite pour se débarrasser de
moi avant que je puisse l’emmener ici. »
Toutes les femmes rirent de connivence, ce qui mit la future mariée
encore plus mal à l’aise. Son père lui fit face à nouveau, et cette fois,
son expression avait complètement changé ; elle pouvait apercevoir des
larmes scintiller dans ses yeux.
« Ta mère t’aurait emmenée elle-même ici si elle avait été encore parmi
nous », dit-il d’une voix rauque ; puis il se tut un instant. « Et bien
sûr, je me demandais si je vivrais assez longtemps pour te voir trouver
ton bien-aimé. »
C’était vrai. Elle avait été très difficile à satisfaire et avait pris son
temps pour trouver celui avec lequel elle voudrait se réveiller chaque
matin pour le reste de sa vie.
À présent, son père était à nouveau incontrôlable, clopinant avec sa
canne au milieu du couloir, la troupe de vieilles femmes à sa suite.
Hadassah haussa les épaules et les suivit. Il s’arrêta devant une
immense porte de métal encastrée dans le mur, puis d’une lenteur
exaspérante, il extirpa tout d’abord un morceau de papier plié de sa
poche, puis ses lunettes pour le lire. Il leva les yeux, appuya sur l’un
des boutons du clavier mural puis regarda à nouveau son papier pour
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le numéro suivant. Le tout prit plusieurs minutes. La porte s’ouvrit
finalement avec un bruit d’air comprimé. Les membres du groupe
entrèrent sans marquer de halte, comme s’ils s’y étaient déjà rendus de
nombreuses fois auparavant.
Une salle immense, souterraine, s’étalait devant eux. Une lumière
tamisée émanait des tables vitrées disposées en rang. Une femme
corpulente, d’environ cinquante ans, vêtue de l’uniforme du musée et
arborant un sourire peu encourageant se tenait devant eux, ses mains
jointes devant elle.
Hadassah avait toujours su que la majeure partie des rouages du
sanctuaire étaient souterrains. Elle savait également que les rouleaux
de la mer Morte étaient périodiquement déplacés de l’exposition
publique à des salles de stockage spéciales afin de réduire leur
exposition à la lumière. Mais elle n’avait jamais entendu parler de cette
pièce ni d’une raison particulière au rassemblement des membres de sa
famille dans ce lieu.
« Êtes-vous des membres de la famille ? » demanda l’hôtesse en
uniforme d’une voix douce.
« Oui, nous le sommes », répondit son père d’une voix forte.
« Et qui est la future mariée ? »
Son père se tourna vers elle et dit : « Hadassah. »
La femme sourit d’un air entendu. « Un nom adéquat. » Puis elle
marcha en direction de Hadassah, lui fit un autre sourire bienveillant
et lui serra la main avant de la diriger vers l’une des tables.
« Hadassah, pourriez-vous s’il vous plaît avancer et signer. »
« Que dois-je signer ? » demanda-t-elle.
L’employée du musée lança un regard sévère à son père. « Vous ne lui
avez donc rien dit ! » Bien que cela semblât être une constatation,
c’était en fait une question grave.
Au lieu de répondre à cette femme, son père se tourna vers Hadassah.
« Ma chère, je m’excuse pour tous ces secrets et ces petits
désagréments. Mais il faut que tu comprennes que depuis plus de trois
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mille ans, les mères de notre famille gardent ces pages secrètes jusqu’à
la semaine de préparation du mariage de la future mariée. »
« Quelles pages ? »
Il la fixa lourdement comme il le faisait toujours lorsqu’elle
manifestait de l’impatience, et balança son bras vers les tables.
« Ces tables contiennent les restes du parchemin privé de la famille. Il
y a peu de temps, le gouvernement a eu la délicatesse d’accepter de le
garder en sécurité ici pour nous, en raison de sa grande valeur
historique. Cependant, il appartient à la famille, il est confidentiel et
réservé à notre utilisation personnelle. C’est l’unique lettre manuscrite
que nous avons en notre possession, qui, en quelque sorte, t’est
exclusivement adressée. Ton aïeul l’a reçue d’une personne très
spéciale. Et ce manuscrit a déjà été déplacé près d’une centaine de
fois. »
« D’accord. Qui lui a donné ? »
« La reine Esther. »
« La reine Esther, du Tanakh ? »
« Non, la reine Esther de la boulangerie du coin. » Il s’approcha d’elle
et toucha ses mains pour lui montrer qu’il n’avait pas voulu l’offenser.
« Oui. L’Esther de l’Ancien Testament. Ce sont ses mémoires qu’elle
écrivit à un âge déjà avancé, pour une jeune fille juive qui fut comme
elle également choisie pour être reine de Perse. Ses dernières volontés
furent que ses écrits ne soient jamais exposés au public, dans un
quelconque grand musée. Mais que ce message soit exclusivement
destiné à toutes les futures mariées de rang royal, de la descendance de
sa première destinataire, et cela, pour toujours. »
Il mordit sa lèvre inférieure, une grosse larme coula sur sa joue qu’il
essuya rapidement.
« À présent, tu connais la raison pour laquelle ta mère insistait si
lourdement pour que tu apprennes à lire l’hébreu couramment. »
Note de l’éditeur : Le livre d’Estherest un livre de la Bible hébraïque,ou Tanakh, repris parmi les livres
historiques de l’Ancien Testament.Dans la tradition juive, il se présente sous la forme d’un rouleau
deparchemin (Meguilat Esther) et est lu tous les ans lors de la fête de Pourim.
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« Pourriez-vous donc signer ici, tout en bas ? » répéta l’employée du
musée avec une légère pointe d’insistance. Elle indiqua le côté gauche
du document, comme Hadassah l’avait deviné puisque celui-ci était
écrit en hébreu, de droite à gauche.
Puis elle réalisa ce qu’on lui demandait de faire et hésita.
« Vous voulez dire par là que je dois signer au bas de ce document ? »
La femme hocha la tête et esquissa un sourire. « Ceci est un témoin
vivant de l’histoire et vous en êtes sa dernière pièce. »
Hadassah expira fortement. Elle sentit son esprit basculer dans un
déploiement d’antiquités soudainement bien plus colorées et vibrantes
que tout ce qu’elle avait déjà contemplé auparavant. De penser qu’elle,
Hadassah, femme moderne, occupée et désordonnée, avait une vie liée
à une saga qui remontait à près de trois mille ans… que son quotidien
était à présent relié à une histoire qu’elle connaissait uniquement sur
papier ou à travers les légendes rabbiniques des parchemins de la
synagogue… Cela fit battre son cœur à toute allure. Elle s’apprêtait à
faire réellement partie de son histoire.
Se sentant encore un peu étourdie, elle suivit l’employée jusqu’à
l’extrémité de la longue table sur laquelle reposait un bout de l’antique
parchemin, qui faisait un étonnant contraste avec ce qui l’entourait.
Un stylo-plume en or était posé à côté du manuscrit, attendant. Elle
marqua un temps d’arrêt.
Juste au-dessus de l’espace qui restait, à l’extrémité du parchemin,
s’étalait une longue liste de signatures exécutées dans divers styles
d’écriture féminine. Certaines étaient fluides, d’autres
méticuleusement encadrées, d’autres épaisses et grosses, et d’autres,
fines et légères, à l’encre fanée par les attaques du temps.
Elle se pencha et scruta les noms. Le premier l’assaillit à cause de son
actualité, car c’était la signature de sa mère. Bizarrement, la vue de cette
écriture familière, dans ce lieu, l’effraya, fit battre son cœur plus fort et
lui mit les larmes aux yeux. Pendant un instant, il sembla que sa mère
n’était pas morte et enterrée dans une tombe lointaine, mais debout à
côté d’elle, se maintenant en équilibre à l’aide de sa main fragile qu’elle
avait posée sur les épaules de Hadassah tant de fois ces dernières années.
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L’employée du musée s’éclaircit la gorge et se balança d’un pied sur
l’autre.
Hadassah l’ignora, essuya ses yeux et commença à lire les noms qui
étaient au-dessus de celui de sa mère. « Ruth Sarason », le nom de
jeune fille de sa grand-mère. « Elisabeth Prensky », son arrière-grandmère, et ainsi de suite : tantes, cousines. Des noms qu’elle ne
connaissait pas, mais qui semblaient vaguement familiers. Elle refoula
les larmes et regarda plus loin, le parchemin était à présent rempli de
noms incroyablement anciens et effacés. Elle fut submergée par le
sentiment d’être une intruse impertinente sur le point de dégrader un
objet très ancien d’une valeur inestimable.
Son regard alla encore plus loin et elle vit où les signatures
commençaient et où le texte prenait fin, un écrit fané, à peine
perceptible, en hébreu ancien, rédigé d’une main ferme et gracieuse.
« Nous t’avons emmenée ici pour perpétuer la tradition », dit sa
grand-mère, brisant le charme par sa voix tremblante. « Mais nous
avons également une traduction en hébreu moderne de cette lettre sous
forme de livre pour toi, afin que tu l’emmènes à la maison. »
Son père s’était penché, et à présent, il luttait pour garder en main un
livre épais recouvert d’un magnifique cuir.
« Dois-je le lire maintenant ? »
Toutes les femmes se mirent à rire.
« Non, chérie », répondit son père, qui berçait le livre dans ses
bras. « Apporte-le tout simplement à la maison et lis-le dans quelques
jours, comme tu le ferais pour un bon livre. Comme l’ont fait toutes
celles qui ont signé. »
Elle resta pensive un long moment puis se tourna vers le groupe ; sa
voix recouverte par ses larmes parut petite et faible.
« Suis-je une future mariée de rang royal ? »
Tante Rose répondit : « Tu l’es, mon cœur. Nous sommes toutes
tombées d’accord, dit-elle doucement. Tu es une mariée faite pour un
roi. »
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Hadassah se détourna, plus pour cacher ses larmes que pour toute autre
chose. Elle traversa la pièce et se dirigea vers l’extrémité du document
qui se trouvait sous une glace de protection.
« Des hommes de notre famille sont morts pour préserver ce
document », dit son père qui se trouvait à ses côtés, d’une voix remplie
d’émotion. « Mon père a manqué son bateau pour l’Amérique afin de
prendre le temps de le mettre à l’abri, dans un sous-sol à Amsterdam. »
Elle l’embrassa sur la joue en se rappelant la mort de son grand-père
au camp nazi de Treblinka, puis elle baissa les yeux sur la première
ligne du parchemin.
« Tu as juste à signer », dit-il avec douceur. Son visage tremblait sans
honte. Il donna une tape sur la couverture du livre. « Puis tu pourras
le lire entièrement. »
Elle fit un signe de la tête, se mit à l’extrémité de la table vitrifiée et
s’assit devant le document fané. Elle leva le stylo-plume avec des
doigts tremblants, se pencha sur le verre, prit une profonde respiration
et signa.
Hadassah Kesselman.
Chère candidate au rang d’épouse du roi,
Je suis sûre que cette lettre sera une grande surprise pour vous étant
donné que je ne vous ai en fait jamais parlé. Nous n’avons jamais eu de
conversation privée au cours de laquelle je vous aurais donné des
conseils. Cependant, le fait est que j’ai des informations de la plus
haute importance à partager avec vous.
S’il vous plaît, ne parlez à personne de cette lettre. Et très certainement
pas aux autres filles ; la seule personne en qui vous pouvez avoir
confiance dans le harem est celle qui vous l’a donnée : l’eunuque du roi.
Vous le connaissez en tant que chambellan. Si vous ne savez pas lire, il
la lira pour vous et il est digne de confiance. J’aurais dû le savoir.
Mais je vous écris, ma chère fille, à la veille de votre propre marche
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dans l’histoire, ayant des informations vitales à vous transmettre.
J’ai vu quelque chose en vous dès le jour de votre arrivée dans le harem,
une chose que les autres ont dû voir en moi il y a plus de trente ans.
Même au sein de la foule de jeunes femmes, j’ai remarqué cet éclat
particulier dans vos yeux, un port de tête royal, une posture fière, une
aisance et un sang-froid hors du commun.
À présent, je sais que ces qualités ne sont que l’une des caractéristiques
de l’apparence, elles peuvent aussi bien être de simples habitudes
naturelles. Mais ce qu’elles reflétaient sur vous et votre caractère était
bien plus profond. Je pense avoir discerné en vous une intégrité, une
profondeur qui vous distinguent des autres jeunes filles magnifiques
amenées des différentes provinces pour le roi.
Le plus important est qu’hier matin, je vous ai aperçue en train de prier
dans le verger du palais, et d’ailleurs, cela m’a incroyablement rappelé
moi-même, cela a confirmé une chose en moi. Par votre façon de prier,
je suis convaincue que vous êtes sans le moindre doute une servante de
YAHVÉ, comme moi. Le fait que vous êtes juive et que vous suivez le
Dieu vivant est le facteur primordial dans ma décision de vous
contacter de cette manière (vous remarquerez que tout au long ce
mémoire, j’utilise l’abréviation traditionnelle hébraïque G-d, qui
désigne le Divin, en respect envers le Tout-Puissant).
Ce que j’ai à vous dire peut s’introduire de la manière suivante. Il y a
bien des années, j’étais exactement à votre place. J’étais également une
concubine royale en préparation. Je possédais également certaines
qualités qui me firent gagner les faveurs des autorités en place.
Cependant, vous ne semblez pas détenir ce que j’avais : un mentor
saint, ni pouvoir compter fermement dessus.
Je le serai pour vous, si vous tenez compte de mes mots.
Je débuterais en vous disant ceci : dans très peu de temps, vous serez
introduite dans la chambre du roi, et probablement dans sa vie. Selon
toute probabilité, vous n’aurez jamais plus une telle occasion d’être
aussi proche de cette sorte de pouvoir et d’influence. Vous devrez
considérer cet instant passé en sa compagnie comme les heures les plus
précieuses et les plus cruciales que vous aurez à passer avec lui. Vous
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n’avez pas la moindre idée de ce que peut engendrer cette seule nuit.
Moi-même, bien que j’eusse passé un an à me préparer pour celle-ci,
j’eus tendance à minimiser ce moment, le voyant plus comme une
compétition. Et je n’avais pas compris à cette époque que mon succès
ou mon échec pouvait changer le cours de l’histoire.
Le danger rôde bien souvent là où le destin nous sourit. C’est la raison
pour laquelle la bonne approche exige bien plus que de la prudence ou
de la solennité. Celle-ci est l’onction divine et une sainte dose de
sagesse glanée dans les textes sacrés. En effet, il y a un protocole
spécifique à suivre en présence du roi. La plupart de ceux qui vont vers
lui ne le savent pas et cette ignorance transforme ce temps précieux en
sa compagnie en quelque chose d’insignifiant.
Je vous enseignerai ce protocole, car il est simple, il est une grande
source d’inspiration et une bénédiction. Par ailleurs, je veux que vous
deveniez reine. Je souhaite que mon ancienne place d’influence soit
occupée par un autre enfant de YAHVÉ, quelqu’un qui s’appuiera sur
la fidélité et la miséricorde dans l’Empire lorsque les temps le
demanderont. Je veux que votre nuit avec le roi soit aussi réussie et
providentielle que le fut la mienne.
Je n’ai pas la moindre idée de ce que vous connaissez de mon histoire
ou des événements qui l’entourent. J’espère que vous connaissez bien
plus que cette personnalité légèrement courbée qui a salué votre
groupe le matin de votre arrivée dans le harem. Si vous avez été bénie
en bénéficiant d’une scolarité ou si vous venez d’une famille juive
conservatrice, comme je le suppose, alors vous me connaissez peut-être
comme la légendaire reine du passé. Je fus autrefois l’une des figures
les plus puissantes à la cour.
Mais connaissez-vous mon histoire ? Toute mon histoire ? Le compte
rendu intégral, époustouflant, de ce que le Dieu de mes pères à fait à
travers les événements qui se sont produits dans ma vie ?
Je ne vous fais pas cette demande à cause d’une quelconque nostalgie
de vieille femme à vouloir raconter son histoire ou à rechercher de la
reconnaissance. Je vous pose cette question parce que le fait de vous
raconter mon histoire est peut-être bien le seul moyen de vous faire
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comprendre l’importance des enjeux qui se présentent au-devant de
vous.
Il y a des épisodes dans mon histoire dont je n’avais pas connaissance
à l’époque où ceux-ci se produisirent. Les faits historiques par lesquels
débute mon récit sont basés sur les textes sacrés. Cela me prit des
années pour reconstituer tous ces événements. J’eus également le
privilège d’avoir de nombreuses conversations avec ceux qui étaient
présents lors de ces faits ou avec ceux qui connaissaient quelqu’un qui
était présent à cette époque.
Des morts horribles eurent lieu tandis que mon histoire se déroulait.
Notre peuple aurait pu être effacé totalement de la surface de la terre
si je n’avais pas écouté la voix de Dieu et de ceux qu’Il avait envoyés
pour me conseiller lors de ma préparation pour la nuit avec le roi. En
fait, vous-même n’auriez pas été en vie si je n’avais pas tenu compte du
sage conseil de mon mentor en complément de la voix de l’Esprit de
Dieu.
Je ne sais absolument pas si votre nuit avec le roi impliquera autant
d’intrigues et d’enjeux importants que la mienne. J’espère pour votre
bien qu’elle sera plus paisible.
Mais je connais une vérité avec certitude.
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Haman, fils de Hammedatha
ESTHER 3:10
« Le roi ôta son anneau de la main,
et le remit à Haman, fils d’Hammedatha,
l’Agaguite, ennemi des Juifs. »

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