La pathologie mécanique du genou

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La pathologie mécanique du genou
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
La pathologie mécanique du genou
Professeur Dominique SARAGAGLIA
Mars 2003
Pré-Requis :
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anatomie descriptive et fonctionnelle du genou
imagerie du genou
sémiologie clinique du genou.
Résumé :
La pathologie mécanique du genou regroupe toutes les affections acquises ou
congénitales à l'origine d'un dysfonctionnement susceptible d'être traité chirurgicalement.
On éliminera ainsi la pathologie inflammatoire, infectieuse et métabolique. La
symptomatologie douloureuse est souvent déclenchée ou aggravée par l'effort, cédant
volontiers au repos. Les principaux cadres nosologiques sont représentés par : le genou
méniscal, le genou ligamentaire, le genou rotulien et le genou arthrosique. La clinique,
par un interrogatoire précis et par un examen méthodique, doit permettre d’orienter le
diagnostic et prescrire les examens complémentaires adaptés : clichés radiographiques
systématiques (Face debout en extension et en schuss, profil strict à 30° de flexion,
défilés à 30°), Arthro-scanner, IRM ou pangonométrie à la demande, en fonction des
pathologies suspectées par la clinique. Le traitement est habituellement chirurgical sauf
gêne modérée ou insignifiante : méniscectomie sous arthroscopie en cas de lésion
méniscale, ligamentoplastie en cas de lésion du LCA, recentrage de la rotule en cas
d’instabilité rotulienne, ostéotomie ou prothèse en cas de gonarthrose latéralisée.
Mots-clés :
Ménisques, genou, arthroscopie, ligament croisé antérieur, rupture, ligamentoplastie,
rotule, instabilité, dysplasie de la trochlée, genu varum, gonarthrose, genu valgum,
ostéotomie tibiale, ostéotomie fémorale, prothèse unicompartimentaire (ou
unicompartimentale)
1. Les lésions méniscales
La pathologie méniscale du genou est le motif de consultation le plus fréquent en chirurgie du
genou. Le ménisque interne est le plus fréquemment lésé (4 à 5 ménisques internes pour 1
ménisque externe). Apanage de l’adulte jeune, les lésions méniscales peuvent se voir
également chez l’enfant et l’homme d’âge mûr. Ces lésions se voient essentiellement chez le
sportif ou chez le travailleur manuel qui travaille accroupi (carreleur, charpentier, etc…).
1.1. Clinique
1.1.1. Symptômes
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le blocage méniscal est le symptôme le plus classique mais il est loin d’être le plus
fréquent.
la douleur de l’interligne interne (pour le MI) ou externe (pour le ME) est en fait le
symptôme le plus fréquent.
l’hydarthrose peut être un motif de consultation.
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un kyste poplité peut être le mode de découverte d’une lésion méniscale
1.1.2. Examen
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Le point douloureux méniscal (interne ou externe) est le maître symptôme.
tous les autres tests n’ont aucun intérêt.
l’examen clinique se termine par la recherche des laxités éventuelles associées.
1.1.3. Imagerie (+++)
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les radiographies standards sont indispensables surtout pour éliminer une autre
pathologie (corps étranger, gonarthrose +++, ostéochondrite)
l’arthro-scanner spiralé est utile chez l’adulte vieillissant car il permet de montrer les
lésions méniscales et de dresser une cartographie fine des lésions cartilagineuses.
l’IRM est un examen intéressant surtout chez l’adulte jeune.
1.2. Traitement
Le traitement habituel est la méniscectomie partielle par arthroscopie.
Dans certains cas exceptionnels, on peut envisager une suture méniscale (désinsertion
périphérique des ménisques) ; en fait ces sutures se font essentiellement dans le cadre des
laxités du genou en association avec la réparation du LCA.
2. Les laxités chroniques antérieures du genou
Les ruptures du ligament croisé antérieur (LCA) évoluent très souvent vers la laxité chronique
du genou (+ de 50% des cas) empêchant toute activité sportive où le genou est sollicité en
rotation (football, ski, tennis, hand-ball etc...). Certains sports sont possibles tels que le vélo,
la natation, la marche ou le jogging en terrain non accidenté. L'instabilité qui en découle , va
être à l'origine de dérobements répétés, ce qui aura pour conséquence d'entraîner des lésions
méniscales et cartilagineuses qui feront le lit de l'arthrose.
Les laxités postérieures (rupture du LCP) sont très rares (2 à 3%) et nous ne les traiterons pas,
volontairement.
La rupture du LCA est extrèmement fréquente, et se voit surtout chez l'adolescent et l'adulte
jeune pratiquant un sport avec pivot (football+++, ski++ ...).
Les mécanismes habituels sont soit une rotation interne forcée de la jambe, pied bloqué au
sol, genou en flexion à 30°, soit une hyper-extension (shoot dans le vide) soit enfin un
mécanisme en valgus rotation externe (atteinte du LLI associée). La rupture "isolée" du LCA
(sans atteinte des formations périphériques) représente 70% des étiologies.
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2.1. Clinique
2.1.1. Symptômes
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L'instabilité est le maître symptôme. Elle est provoquée par des dérobements du genou
qui s'accompagnent ou non de chute.
L'hydarthrose accompagne volontiers un épisode d'instabilité.
Les blocages et les douleurs sont souvent la conséquence d'une lésion du ménisque
interne et/ou du ménisque externe.
2.1.2. Examen
Recherchera deux signes fondamentaux qui sont pathognomoniques de la rupture du L.C.A. :
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le test de Lachman ou tiroir antérieur près de l'extension
le ressaut par la recherche des tests dynamiques (test de Lemaire, Jerk-test, pivotshift).
Les autres tests ont une importance moindre car ils sont souvent négatifs et difficiles à
quantifier (tiroir en flexion, laxité interne, laxité externe,etc...).
2.1.3. Imagerie
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Les radiographies standards sont indispensables, ne serait-ce que pour éliminer une
pathologie associée.
L'IRM non seulement permet de visualiser les lésions méniscales mais aussi le LCA
rompu.
L’ARTHRO-SCANNER spiralé permet de voir parfaitement les lésions méniscales (+
de 50 % des cas) mais ne permet pas de voir le LCA rompu.
2.2. Traitement
Chez un sujet jeune et sportif (-40 ans) qui désire continuer à pratiquer des sports à risque, il
faut envisager une réparation du LCA à l'aide de l'appareil extenseur (Mac Intosh, KennethJones ...) ou des tendons de la patte d'oie (DI-DT).
Chez les plus âgés ou les sédentaires, cette réparation n'est pas obligatoire.
Les réparations en urgence du LCA donnent volontiers des raideurs et des algodystrophies (15
à 25%). Il est préférable chaque fois que cela est possible (absence de lésions ligamentaires
périphériques) de les opérer à distance de l'accident initial (2 à 3 mois).
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3. L'instabilite rotulienne
Il s'agit d'une pathologie relativement fréquente qui se voie volontiers dès l'adolescence et qui
se prolonge à l'âge adulte. Les facteurs essentiels de cette instabilité sont : la dysplasie de la
trochlée fémorale, la dysplasie du vaste interne, une hauteur souvent exagérée de la rotule,
une hyper-latéralisation de la tubérosité tibiale antérieure (permanente ou intermittente). Tous
ces facteurs plus ou moins réunis, vont avoir tendance à faire "déjanter" la rotule de la poulie
trochléenne et provoquer, soit une luxation récidivante, soit une subluxation récidivante, soit
un syndrome douloureux pur sans véritable instabilité rotulienne. L'incongruence fémoropatellaire et les différents épisodes d'instabilité vont entraîner des lésions cartilagineuses qui
vont faire le lit de l'arthrose.
3.1. Clinique
3.1.1. Symptômes : 3 tableaux
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la luxation récidivante de la rotule : le diagnostic est facile, le genou peut être normal
entre chaque épisode de luxation. En fait, souvent dérobements, hydarthroses, fond
douloureux plus ou moins permanent sont les principales doléances.
la subluxation récidivante : le diagnostic est plus difficile car le sujet a du mal à
analyser ce qui se passe dans son genou. Les symptômes entre chaque épisode de subluxation sont les mêmes que précédemment. Il existe très souvent des pseudo-blocages
fugaces près de l'extension.
le syndrome douloureux pur : il s'agit volontiers d'une douleur antérieure du genou,
survenant à la montée ou à la descente d'un plan incliné.
3.1.2. L’examen recherche 4 signes
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la bascule externe de la rotule genou en flexion à 20°
le signe de l'appréhension de Smillie
l'hypermobilité rotulienne (rotule luxable)
la présence d'une baïonnette de l'appareil extenseur.
Certains signes sont moins spécifiques de l'instabilité rotulienne : le signe du rabot, la douleur
des facettes rotuliennes, le signe de Zohlen.
3.1.3. Imagerie
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La radiographie standard est fondamentale et tout particulièrement le profil strict du
genou (+++). Cela permet de diagnostiquer la dysplasie de la trochlée (signe du
croisement), d'apprécier la hauteur de la rotule et la bascule externe éventuelle (faux
profil et faux profil dépassé) de la rotule.
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Photo : Radiographie de profil du genou : dysplasie proximale de la trochlée
(remarquer le signe du croisement)
(D. Saragaglia)
Photo : Radiographie de profil du genou : profil de genou normal
(D. Saragaglia)
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Le scanner n'est utile que pour mesurer la distance TA-GT ce qui apprécie la
latéralisation de la tubérosité tibiale antérieure.
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3.2. Traitement
Si la musculation du vaste interne peut améliorer, voire guérir certaines instabilités
rotuliennes modérées (dysplasie modérée de la trochlée, bascule externe quasi nulle), elle est
toujours insuffisante dans la dysplasie majeure avec luxation ou sub-luxation récidivante. Il
faut proposer alors un traitement chirurgical qui comportera plusieurs gestes effectués à la
demande en fonction des lésions constatées : recentrage de la rotule par transposition de la
TTA, section de l'aileron rotulien externe, plastie du vaste interne, abaissement de la rotule,
trochléo-plastie.
4. Les gonarthroses sur vice architectural
Il s'agit essentiellement du genu valgum et du genu varum, affections volontiers
idiopathiques, constitutionnelles, et familiales. Dans de rares cas, il s'agit de lésions posttraumatiques. Ces anomalies vont entraîner une usure prématurée du compartiment fémorotibial interne pour le genu varum ou du compartiment fémoro-tibial externe pour le genu
valgum. La gonarthrose apparait volontiers au delà de 40-50 ans, et peut se manifester, au
début, comme un syndrome méniscal banal.
Schéma : Morphotypes des membres inférieurs
(D’après G. Bousquet)
4.1. Le genu varum
Il correspond cliniquement à une exagération de l'écart intercondylien. Il faut cependant se
méfier des obèses qui paraissent normo-axés mais qui ont en fait un genu varum radiologique.
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4.1.1. Imagerie
La radiographie de face debout en position Schuss et en extension est fondamentale pour
apprécier le pincement fémoro-tibial interne. Elle doit conduire à demander une
pangonométrie qui appréciera l'importance de la déviation axiale dans le plan frontal (l'axe
normal va du centre de la tête fémorale au centre de la cheville en passant par le milieu du
genou).
4.1.2. Traitement
Il est essentiellement chirurgical au stade d'arthrose avancée. Avant 65 ans, il est tout à fait
logique de proposer une ostéotomie de valgisation, au delà, il est préférable d'envisager la
mise en place d'une prothèse partielle à glissement (PUC).
4.2. Le genu valgum
Il correspond cliniquement à une exagération de l'écart intermalléolaire. Il faut se méfier chez
les obèses de faux genu valgum cliniques, qui sont en fait des genoux normo-axés ou en varus
(intérêt de la pangonométrie).
4.2.1. Imagerie
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La radiographie standard en position Schuss est fondamentale pour apprécier le
pincement fémoro-tibial externe.
La pangonométrie est indispensable pour apprécier l'importance de la déformation
axiale dans le plan frontal.
4.2.2. Traitement
Au stade d'arthrose avancée, le traitement chirurgical est parfaitement indiqué. Avant 60 ans,
on peut proposer une ostéotomie de varisation, au delà, il est préférable de s'orienter vers la
mise en place d'une prothèse partielle externe (PUC externe).
Références :
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BONNEL (F.) JAEGER (JH), MANSAT (Ch). Les laxités chroniques du genou.
Masson Edit, 1984, 212 pages.
DEJEAN (O.). Orthopédie. Collection Med-line - Editions Estem et Med-line, 1994,
pages 179-197.
LOCKER (B), HULET (C), VIELPEAU (C). Lésions traumatiques des ménisques du
genou. Editions Techniques - E.M.C., Appareil locomoteur, 14084A10 ,1992, 12
pages.
MALDAGUE (B), MALGHEM (J). Apport du cliché de profil du genou dans le
dépistage des instabilités rotuliennes. Rev. Chir. Orthop., 1985, Tome 71, suppl.
n°II, pages 5-13.
SARAGAGLIA (D), CARPENTIER (E). Les indications chirurgicales dans la
gonarthrose
Rhumatologie, 1985, n°6,- Tome 37, page 187-192.
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