Chirurgie et traitement esthétiques – Test Santé – Août - Test

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Chirurgie et traitement esthétiques – Test Santé – Août - Test
CHIRURGIE ET TRAITEMENTS ESTHÉTIQUES
NOTRE ENQUÊTE
Le bistouri ne fait
pas le bonheur
Près de 16 % des femmes et
8 % des hommes font appel,
chez nous, à la technique pour
changer leur apparence. Dans
quelles conditions et pour quel
résultat ?
Phénomène de mode, changement des mentalités, pression des
médias et de la publicité ? Probablement un peu tout ça. Toujours
est-il que le nombre d’interventions en chirurgie esthétique est
en constante augmentation dans
notre pays. De 78 000 opérations
recensées en 1995, on est passé à
110 000 en 2006 (remboursées par
Pour cette enquête, nous avons
collaboré avec des associations
de consommateurs en Espagne,
en Italie et au Portugal. Entre
septembre et novembre 2008,
nous avons recueilli les témoignages de 5 000 personnes
âgées de 18 à 64 ans. Parmi
celles-ci, une partie avait eu
recours à un(e) intervention/
traitement esthétique, l’autre
jamais. Sauf indication contraire, les chiffres cités dans cet
article se réfèrent aux réponses
données par les répondants
belges.
Les participants à cette enquête constituent un échantillon
représentatif de la population
belge pour ce qui est de l’âge,
du sexe, de la région et du niveau d’éducation.
Nous n’avons considéré que les
actes de chirurgie plastique et
les traitements esthétiques ne
s’imposant pas pour des raisons médicales. Il n’est donc
jamais question de chirurgie
reconstructrice.
.
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5 000 personnes
interrogées
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CHIRURGIE ET TRAITEMENTS ESTHÉTIQUES
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BIEN CHOISIR SON CHIRURGIEN
RÈGLES
INCONTOURNABLES
1 Parlez-en à votre généraliste. Il connaît votre
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8
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10
histoire médicale et pourra vous conseiller.
Bonne source : le bouche à oreille de personnes opérées que vous connaissez.
Méfiance vis-à-vis des publicités/promotions
sur certains sites racoleurs. Elles ne garantissent pas la qualité des soins.
Choisissez de préférence votre chirurgien
plastique (enregistré) au sein de la liste publiée par la Société royale belge de chirurgie
plastique reconstructrice et esthétique (RBSPS) sur son site (www.bspras.org.).
Le code INAMI des chirurgiens plastiques se
termine par 210. Vérifiez-le sur ses attestations.
Prenez la peine de consulter un second chirurgien. Vous pourrez comparer les approches.
Exigez que la consultation se fasse avec le chirurgien qui pratiquera l’opération.
Ce médecin doit prendre le temps de répondre à toutes vos questions.
Vérifiez que le lieu où pratique le chirurgien
assure une présence médicale permanente
ou qu’il vous donne les coordonnées d’un service de garde avec un chirurgien plasticien.
Prenez un délai de réflexion avant de vous
engager. Au minimum deux semaines.
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l’INAMI). Et encore, ces statistiques ne sont-elles que partielles,
un nombre important d’interventions – pratiquées notamment
en cliniques et cabinets privés –
n’étant pas enregistré et donc pas
comptabilisé.
La législation, très lacunaire en ce
qui concerne ce volet de la médecine, ne s’est toujours pas adaptée
à cette explosion de la demande.
Résultat, le meilleur peut côtoyer
le pire et c’est le patient qui risque
d’en faire les frais. D’où l’importance de savoir comment éviter les
pièges et à qui s’adresser. Car, une
fois le «bon» choix fait, le résultat
Traitements et interventions
esthétiques les plus demandés (en %)*
Traitement au laser
18,8
25,6
Correction nasale
17
11,8
Correction du menton
Correction des paupières
inférieures et supérieures
14,8
9,6
Correction des oreilles
décollées
Injections anti-rides
avec produits résorbables
10,9
8,2
Correction paupières
inférieures (graisse)
Réduction mammaire
10,3
7,8
Peeling chimique
Augmentation mammaire
8,1
5,8
Mésothérapie
4,5
Implants capillaires
4,3
Traitement au laser
Injections anti-rides
(avec propre graisse)
Liposuccion
Injections de Botox
6
Mésothérapie
5,3
Microdermabrasion
5,2
5,2
4
4
Correction nasale
Injections de Botox
* Parmi les personnes ayant eu recours à un traitement ou à une intervention.
COMPLICATIONS POSSIBLES suite aux
interventions chirurgicales les plus courantes
Réduction
mammaire
Nombre de
jours avant
la reprise du
travail
Effets secondaires/complications
15 à 30
26 %/21 %
Infection, nécrose des
mamelons et de la peau,
lâchage des sutures
Types de complications
Augmentation
mammaire
5 à 15
23 %/23 %
Durcissement autour
de l’implant, asymétrie,
infection, rejet de
l’implant, nécrose de
la peau
Liposuccion
3 à 10
37,5 %/12,5 %
Nécrose de la peau,
lâchage des sutures,
infection et irrégularités
Abdominoplastie
20 à 30
23 %/17 %
Perte de sensations,
cicatrices, irrégularité,
enflure prolongée,
douleur continue (plus
de 6 mois)
Correction
des paupières
inférieures et/ou
supérieures
4 à 15
50 %/18 %
Infection, lâchage des
sutures, larmoiement
excessif
Correction nasale
8 à 15
17 %/4 %
Perte de sensibilité de la
pointe du nez
Quels étaient vos motifs principaux ? (en %)
Très
satisfait
Pour changer quelque
chose que je n’aimais pas
dans mon apparence
42,7
42,8
15,7
Pour des raisons
fonctionnelles
34,4
19,4
18
Pour me sentir mieux
8,3
Pour paraître plus jeune
Pour paraître moins
fatigué(e)
Etes-vous satisfait
du résultat esthétique ? (en %)
4,8
5,9
0
femmes
hommes
Pas
satisfait
Augmentation mammaire
87,2
4,3
Injections de Botox
82,1
10,7
Correction nasale
70
10,7
Abdominoplastie
70
10,7
Correction des paupières
68,4
15,8
Réduction mammaire
66,7
8,3
Liposuccion
56,7
13,8
Traitement au laser
49,3
20,5
Injections anti-rides
avec produits résorbables
48
24
Peeling chimique
40
20
Mésothérapie
34,4
29,5
Prix indicatifs des
opérations les plus
courantes (en €)
Réduction
mammaire
2 400 - 4 800
Augmentation
mammaire
1 900 - 5 200
Liposuccion
1 000 - 1 900
Abdominoplastie
1 980 - 4 025
Correction
des paupières
inférieures et/ou
supérieures
1 200 - 2 000
Correction nasale
900 - 3 850
semble, selon notre enquête, suffisamment bon pour que 61 % des
femmes et 24 % des hommes ayant
déjà eu recours à un traitement
esthétique ou à une intervention
chirurgicale de ce type se déclarent prêts à remettre le couvert.
Les diktats du moment
Il n’étonnera personne d’apprendre que les femmes sont plus exigeantes avec leur corps que les
hommes. Même si ceux-ci, contrairement aux idées bien ancrées,
sont également très soucieux de
leur apparence.
En premier rang des préoccupations : les signes de l’âge et le
surpoids. Surtout au-delà de 35 ans.
Au moment de notre enquête, 59 %
des femmes (38 % des hommes) se
disaient continuellement préoccupés par leur poids et 41 % des femmes (19 % des hommes) essayaient
de perdre des kilos.
Autre signe des temps, associer
beauté et bistouri n’est plus forcé-
Dans près
de 50 %
des cas, le
chirurgien ne
propose pas
d’alternative
à l’opération
ment tabou. Heureusement d’une
certaine façon, car la source d’information la plus courante et sans
doute la plus fiable semble être le
bouche à oreille. Seuls 28 % des
opérés avaient obtenu les coordonnées d’un praticien de la bouche d’un professionnel de la santé.
Les amis, partenaires et membres
de la famille jouent donc un rôle
important dans le choix et sont les
premiers confidents une fois que
le pas est fait.
En général d’ailleurs, c’est relativement bien reçu dans l’entourage.
42,7 % des personnes interrogées
connaissaient quelqu’un ayant eu
recours à la chirurgie plastique et
les deux tiers (67 %) trouvaient ce
choix acceptable dans certaines
situations.
Une loi à la traîne
Faute d’une législation spécifique,
la chirurgie esthétique est encore,
chez nous, accessible à tout titulaire d’un diplôme légal de mé-
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Le taux de satisfaction diminue fortement quand on aborde
les traitements esthétiques, dont l’effet est temporaire.
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CHIRURGIE ET TRAITEMENTS ESTHÉTIQUES
Interview
Dr Albert De Mey
Aucun traitement
n’est anodin
Homme du
terrain, il défend
une profession
souvent
méconnue et mal
considérée.
test santé 92 août/septembre 2009
Vous défendez l’idée d’une législation spécifique. Par protectionnisme professionnel ?
Non, mais parce que je crois
que seul un praticien expérimenté peut déterminer la
bonne indication d’une intervention en fonction du cas
qu’il a sous les yeux. Pratiquer
une augmentation mammaire,
par exemple, n’est pas un acte
compliqué en soi. C’est le choix
de la technique utilisée qui
l’est : quel type de prothèse ?
Placer l’implant sur ou sous les
muscles ? Et c’est valable pour
tous les types d’interventions,
y compris les «simples» traitements esthétiques. Ces derniers
n’ont rien d’anodin. Quand on
injecte du Botox ou que l’on
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traite au laser, il faut également
savoir adapter la technique au
cas et pouvoir traiter toutes les
réactions possibles.
Les cliniques privées devraient
donc répondre aux mêmes
obligations que les hôpitaux ?
Actuellement, il n’y a pas de réglementation pour les centres
de chirurgie extra-hospitaliers.
Il s’y pratique des interventions en ambulatoire pour ne
pas tomber sous la législation
concernant les hôpitaux. Si le
chirurgien est compétent, l’indication bien posée et les locaux équipés correctement,
c’est une excellente pratique.
Cette chirurgie extra hospitalière
a toutes les chances de se développer dans l’avenir vu la réduction des lits hospitaliers, et donc
de l’offre de place pour des pathologies pouvant être traitées en
ambulatoire, comme beaucoup
d’interventions esthétiques mais
aussi ophtalmologiques, ORL ou
stomatologiques.
Le Dr De Mey est professeur de chirurgie
plastique à l’ULB et membre de la Société
royale belge de chirurgie plastique,
reconstructrice et esthétique.
Les
traitements
esthétiques
devraient être
pratiqués au
minimum par
des dermatologues
Que pensez-vous des sites proposant des interventions “clé
sur porte”, photos à l’appui ?
Ces sites sont commerciaux
avant d’être médicaux et l’on
n’y montre que des résultats
exceptionnels. Toute personne
qui prend des renseignements
est considérée comme une
opérée potentielle. Le risque de
pratiquer des interventions qui
ne sont pas indiquées est donc
grand. Un exemple : la liposuccion abdominale. Elle ne règle
pas forcément un problème de
«gros ventre». Il faut voir l’état de
la peau, de la paroi musculaire...
De plus, chez les hommes, si la
graisse peut être superficielle,
au niveau du pli cutané, elle
se loge souvent plus profondément dans l’abdomen.
>
decine. Or, nombre de prestations
d’ordre esthétique peuvent être
considérées comme des interventions lourdes requérant une
réelle spécialisation, la maîtrise
des techniques utilisées et la capacité à faire face aux complications
éventuelles.
La proposition de loi déposée en
février 2007 classe les interven-
tions en catégories, déterminées
en fonction des compétences requises, et spécifie des obligations
pour le médecin (information,
délai de réflexion, etc.) allant audelà de la loi sur les droits des patients. Mais pour l’instant, rien ne
bouge.
Par ailleurs, cliniques et cabinets
privés ne sont toujours pas sou-
mis aux mêmes critères (d’encadrement, de sécurité, d’installations...) que les hôpitaux. Tout
repose donc sur le respect ou non
du code de déontologie par le praticien. Or, 25 % des personnes que
nous avons interrogées et qui ont
subi une opération ont choisi cette
filière; 48 % pour les traitements
esthétiques.
INAMI
LES POSSIBILITÉS
DE REMBOURSEMENT
L’INAMI et les mutuelles réfléchissent en terme de « nécessité
médicale », mais ce principe s’entend de différentes manières
selon les circonstances.
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Les actes liés à une reconstruction (après accident, malformation congénitale…) sont toujours remboursés.
Les interventions à but esthétique (liposuccion, lifting du
visage, augmentation mammaire...) ne sont, a priori, pas
remboursées, mais la correction des oreilles décollées, par
ex., est remboursée. Et c’est l’INAMI qui détermine si un acte
entre dans la catégorie «esthétique» ou non.
Dans les cas d’hypertrophie mammaire et de déformation
nasale, le remboursement ne se fait qu’après accord du
médecin conseil de la mutuelle sur «l’inconfort». Malheureusement, aucune directive ne détermine cette notion, la
décision peut donc varier d’une mutuelle à l’autre.
Dans certains cas, ce sont les examens complémentaires qui
justifient une prise en charge (diastasis musculaire pour une
abdominoplastie, par ex.).
Les complications découlant d’interventions chirurgicales
plastiques, comme les hémorragies, sont en général couvertes par les mutuelles.
Les assurances privées n’interviennent
qu’après avis de leur médecin
conseil et le remboursement
est consécutif à la prise
en charge par la mutuelle.
Dans plus de
80 % des cas,
l’estimation
du prix par
le médecin
s’est révélée
correcte
ou au laser comporte toujours
une part de risques. L’anesthésie,
quand il y en a une, peut être mal
supportée, la peau mal réagir, une
infection s’installer, des complications survenir...
Même le meilleur des chirurgiens
ne peut garantir un résultat parfait.
Faire le pas mérite donc un délai
de réflexion suffisant et, vu les
espoirs placés dans ce genre d’interventions, mieux vaut être bien
informé des résultats possibles,
mais aussi des effets secondaires
normaux (douleur passagère, hématomes, cicatrices, par ex.) et des
complications éventuelles.
E. Deltenre et P. Kupers
NOUS EXIGEONS
Une législation spécifique
Une loi devrait définir précisément le degré
de formation obligatoire ainsi que les compétences requises pour chaque type d’intervention, de
manière à assurer aux patients les meilleures
garanties de qualité et de sécurité. La proposition des parlementaires T. Giet et C. Burgeon va
en ce sens, mais attend toujours d’être examinée.
´
Les cliniques privées et cabinets médicaux
devraient être soumis à des normes minimum
de qualité et de sécurité ainsi qu’à des contrôles
officiels et à des sanctions le cas échéant tout
comme les hôpitaux.
´
Vouloir changer son apparence ne répond pas qu’au seul
besoin esthétique. S ‘y ajoute
une composante psychologique
non négligeable. Plus les gens se
sont sentis mal – dans l’enfance
et l’adolescence – dans leurs
relations familiales et sociales,
moins ils ont développé une
bonne image de leur corps et
plus la tentation de faire modifier
ce qui leur déplaît est grande. Or,
selon notre enquête, 21,5 % des
femmes et 18 % des hommes se
disent gênés par leur apparence
dans leurs relations avec les
autres, y compris au travail (respectivement 20 et 12,5 %).
Alors un nouveau nez apporte-til le bonheur ? Rien ne permet de
l’affirmer. Les personnes ayant eu
recours à la chirurgie disent avoir
une meilleure qualité de vie, mais
à peine supérieure à ceux qui souhaiteraient se faire opérer, mais ne
l’ont pas encore fait. Elles sont, par
contre, clairement plus satisfaites
de leur apparence.
Tout cela ne doit, cependant, jamais faire oublier qu’offrir une
partie de son corps au bistouri
Les instituts de beauté devraient se limiter
à des actes non médicaux. Certaines techniques
(traitement laser, injections...), exigent, en effet, un minimum de compétences médicales
(ce que n’ont pas les esthéticiennes) et un suivi
adéquat.
´
Le corps médical concerné devrait, en outre,
être tenu d’informer correctement les patients
sur les effets secondaires et complications possibles. Nous sommes complètement opposés à
toute publicité tapageuse et exagérément positive pour ce genre d’interventions.
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Un besoin d’estime
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