Pratiques langagières éducatives efficientes

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Pratiques langagières éducatives efficientes
AsFoReL
Association de Formation et de Recherche sur le Langage
Association Loi 1901 – Organisme de formation (loi du 7 juillet 1971) n° 41 54 02843 54
Association éducative complémentaire de l’enseignement public
99 rue de Metz 54 000 Nancy. Tél. : 06 16 79 52 61 – Courriel : [email protected] - Site internet : www.asforel.org
PRATIQUES LANGAGIERES EDUCATIVES EFFICIENTES
DANS LE DIALOGUE ENTRE ADULTE ET ENFANT
L’enfant a besoin d’apprendre, et, en premier lieu, d’apprendre à parler pour échanger et
vivre en société. Ce sont les adultes de l’entourage de l’enfant qui peuvent accompagner
au mieux cet apprentissage du langage, en dialoguant régulièrement avec l’enfant et en
l’aidant à exprimer sa pensée de façon explicite et structurée.

L’adulte établit la communication avec l’enfant dès sa naissance en saisissant
toutes les occasions pour s’exprimer : chanter, rire, mimer, regarder… Mais
AUSSI et SURTOUT parler, expliquer, raconter, nommer, échanger.

L’objectif est d’inciter l’enfant à parler pour qu’il accède à une parole audible,
structurée et compréhensible par tous, tout en y prenant du plaisir.

Un autre objectif est d’avoir une certaine conscience des formes linguistiques
que l’on adresse à l’enfant en rapport avec celles qu’il verbalise. Et ce dans toutes
les situations possibles de la vie quotidienne, qu’elles soient collectives ou
individuelles.
MODALITES DES ECHANGES
1. Pour aider l’enfant à apprendre à parler, l’adulte doit essayer :
 de prendre le temps de communiquer avec l’enfant et lui laisser le temps de
s’exprimer (verbalement ou non) ;
 de profiter des moments les plus calmes pour avoir des échanges verbaux
avec chaque enfant, même avec les tout-petits en répondant aux mimiques et aux
regards ;
 de profiter de toutes les situations où il peut parler avec un enfant (jeux,
repas, habillage, activités manuelles…) ;
 de verbaliser le plus possible ce que l’enfant est en train de faire ;
 d’encourager et valoriser toutes les tentatives de verbalisation des
enfants ;
 d’inviter le plus souvent possible chaque enfant à prendre la parole ;
 de parler avec chacun des situations connues/vécues ou en train de se vivre ;

d’accompagner le plus possible l’action, le jeu et la vie quotidienne dans sa
diversité par un langage explicite et structuré.
Exemple
Un enfant se lave les mains
Adulte : voilà on se frotte bien entre les doigts autour du
gros pouce (fait semblant de se laver les mains) le poignet la
paume la paume de la main le dessus de la main et
maintenant on rince
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2. Pour assurer une bonne intercompréhension entre lui et l’enfant, l’adulte doit
essayer :
 de parler lentement en regardant l’enfant et en se mettant à sa hauteur ;
 d’amener l’enfant à s’exprimer en passant du non-verbal au verbal ;
 d’utiliser des phrases affirmatives plutôt que des questions ;
 de ne pas hésiter à dire et redire les choses sous de multiples formes ;
 de répéter ce que verbalise l’enfant ;
 de doubler ses gestes non-verbaux avec l’utilisation des phrases et des
mots correspondants ;
 d’utiliser un langage le plus explicite possible, qui ne s’appuie pas sur la
situation immédiate, c’est-à-dire en évitant d’utiliser les « ça » et les « là » et en
privilégiant l’utilisation des mots appropriés ;
Exemples
 Formulation à éviter :
Adulte : ah mais le crayon ça se tient pas comme ça (en replaçant le
crayon dans la main de l’enfant) comme ça comme un crayon regarde
L’adulte remet le crayon en place dans la main de l’enfant sans lui avoir
expliqué comment le tenir.
 Formulation à privilégier :
Adulte : allez tu repasses sur les lettres du mot tiens bien ton crayon !
regarde je te montre on pince puis on passe le doigt les deux là ils se
touchent ils s’embrassent le pouce et l’index s’embrassent le majeur il est
en dessous, tu essaies (l’adulte positionne les doigts de l’enfant)
L’adulte explique avec des mots correspondant à ce qu’il montre.
Exemples
 Formulation à éviter :
Une petite fille essaie de remonter son collant
Adulte : le collant il est dedans tu vois il faut tirer comme ça (remontant le
collant de l’enfant) déjà une main comme ça là tu tires cette jambe et puis
ensuite l’autre d’accord ?
L’enfant finit de remonter son collant
Adulte : tu peux aussi remonter un petit peu comme ça
L’action est montrée mais n’est pas expliquée avec des mots
appropriés/précis
 Formulation à privilégier :
Adulte : pas d’écharpe dans la cour pose l’écharpe à ton crochet on la
mettra quand tu repartiras chez maman tout à l’heure, Maîtresse ne veut
pas d’écharpe dans la cour c’est trop dangereux
L’adulte explique ici à l’enfant ce qu’il doit faire et pourquoi, en utilisant des
mots explicites.
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3. Pour aider l’enfant à s’approprier des constructions de la langue, l’adulte doit
essayer :
 de proposer à l’enfant des mots et des phrases qu’il ne maitrise pas
encore mais qu’il serait éventuellement en capacité de produire ;
Exemple
Un enfant est en train de mettre ses chaussures.
Enfant : parce que les noires elles sont vite en fait
Adulte : elles sont ?
Enfant : elles sont vite
Adulte : ça va vite à les enfiler ?
Enfant : oui
 de reformuler le plus possible, c’est-à-dire s’appuyer sur ce que dit ou tente de
dire l’enfant pour lui proposer des formulations légèrement plus complexes
(enrichissement du vocabulaire et de la syntaxe) ;
 d’habituer l’enfant à formuler des « phrases » complètes.
Exemples
 Reformulations à éviter
Enfant
Adulte
Enfant
Adulte
:
:
:
:
des ronds
bah oui et pas des patates
c’est les mamans et papas il fait les patates
en cuisine oui
Enfant : moi j’en ai déjà chez moi mais sans du chocolat
Adulte : de quoi ? du lait ?
Enfant : oui du lait je le renverse sur mon cacao
Adulte : ah ben oui
Enfant : après je le bois
L’adulte ne propose rien à l’enfant qui pourrait amener l’enfant à produire
des verbalisations qui vont au-delà de ce qu’il sait déjà dire.
 Reformulations à privilégier
A met un bonnet à E.
Enfant : maman
Adulte : c’est maman qui a acheté le bonnet ?
Enfant : oui
En activité pâte à sel
Enfant : o i co
Adulte : ah ça colle ça colle (lentement et distinctement)
Enfant : ben oui ça colle
Adulte : oui ça colle parce que la pâte est un peu mouillée
Enfant – eh bah tu sais elle est chaude ma veste
Adulte – elle est chaude ta veste c’est bien parce que dehors il fait froid
aujourd’hui
L’adulte offre à l’enfant l’expérience d’un langage légèrement au-dessus de
ce qu’il est capable de produire mais suffisamment à sa portée pour qu’il
puisse tenter de le reprendre
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ABORDER LA QUESTION DU LANGAGE AVEC DES PARENTS
Pour beaucoup de parents, la question du langage ne se pose qu’au moment de l’entrée à
l’école maternelle, voire plus tard, ils ne connaissent pas l’importance de parler avec un
petit, ne s’autorisent pas à le faire ou n’en perçoivent pas l’intérêt.
Le langage représente un aspect plus diffus dans le développement de l’enfant. En effet,
il ne constitue pas un danger immédiat mettant en péril la santé ou le bien-être
de l’enfant. Le plus souvent, les parents ne perçoivent pas complètement le rôle qu’ils
peuvent jouer dans l’apprentissage du langage de leur enfant. Il s’agit donc de leur faire
prendre conscience que parler avec leur enfant est fondamental pour son
développement, et aussi pour son entrée dans l’écrit et donc pour sa future
réussite scolaire.
1. Susciter l’intérêt des parents pour le langage
Le langage renvoyant directement aux relations affectives, ce sujet peut vite amener
certains parents à se sentir jugés sur leur éducation. Pour susciter l’intérêt du parent à la
question du langage, il est donc tout d’abord important de prendre le temps d’observer
attentivement le type d’échanges entre le parent et son enfant, en tenant compte de tous
les modes de communication (regards, mimiques, sourires, gestes et langage). On peut
ensuite instaurer des moments de discussions, comme on le ferait pour les repas, la
propreté ou des apprentissages spécifiques, en rapportant les différents
comportements de l’enfant dans ses dialogues avec l’adulte :
- « votre enfant m’a raconté ce qu’il a fait hier soir »
- « votre enfant raconte beaucoup de choses au moment de la récréation »
- « votre enfant parle peu en groupe mais il me parle quand je suis seule avec lui »
- « votre enfant est capable d’expliquer à quoi il est en train de jouer/ ce qu’il fait/ ce
qu’il veut… »
Ce qu’il ne faut pas dire aux parents :
- « Faites de belles phrases quand vous parlez à votre enfant »
- « Expliquez à votre enfant ce que vous faites »
- « Parlez à votre enfant en faisant des phrases complètes »…
Ce qu’il faut plutôt dire aux parents :
- « Votre enfant arrive à pointer les choses pour demander leur nom »
- « Votre enfant arrive à nommer beaucoup de choses »
- « Votre enfant arrive à mettre plusieurs mots à la suite pour se faire
comprendre »…
Ne pas stigmatiser les parents dans leur façon de dialoguer avec leur enfant et les
associer à la description des réactions de leur enfant quand on lui parle et de son
évolution a plus de chances d’être efficace.
L’objectif est donc d’essayer de faire ressortir auprès des parents :
- ce dont est capable leur enfant du point de vue langagier ;
- que leur enfant peut être un véritable partenaire de conversation ;
- la différence légitime entre les façons dont ils s’expriment dans le cadre familial et les
objectifs spécifiques visés par l’enseignant dans le cadre scolaire.
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2. Entraîner des modifications dans les pratiques langagières des parents
Dialoguer avec l’enfant devant son parent, par exemple en reformulant ce qu’il dit, en
explicitant sa pensée, peut être un moyen de montrer au parent le niveau de compétence
(souvent sous estimé) de son enfant et aussi de donner à voir des façons d’interagir
différentes.
Cependant, le fait de parler avec les parents du langage de leur enfant ou de dialoguer
avec l’enfant devant ses parents n’est pas forcément suffisant pour entrainer des
modifications dans leur façon de parler avec leur enfant (si tel est l’objectif) :
 Les parents recueillent des informations supplémentaires sur le développement de
leur enfant, éventuellement ils sont davantage sensibilisés à l’importance du
langage, sans pour autant se sentir réellement concernés par ce rôle
éducatif.
 Les parents peuvent percevoir des différences dans les façons de dire mais ce
rôle éducatif peut néanmoins être perçu comme étant celui réservé au
professionnel, distinct de celui de l’environnement familial.
 La seule façon d’impliquer les parents est de les mettre en situation et de
les faire participer régulièrement à des moments organisés au sein d’une
structure (moments de lectures partagées, ateliers autour de jeux, ateliers
cuisine, …).
 Cela permet aux parents :
o de voir comment les professionnels procèdent quand ils parlent avec les
enfants et éventuellement de s’en inspirer ;
o d’observer comment leurs enfants peuvent dialoguer avec un adulte en
dehors des conversations de la vie quotidienne : raconter des histoires,
expliquer une règle de jeu… ;
o d’être invités par leurs enfants à échanger, à dialoguer avec eux au
cours de ces activités spécifiques non forcément présentes dans le
cadre familial.
La mise en place de ces moments d’échange spécifiques peut prendre du temps et les
modifications du comportement des parents dans le dialogue avec leur enfant
s’inscrivent sur du long terme. La participation des parents se fait progressivement, il
s’agit de d’instaurer une dynamique avec laquelle les parents peuvent se familiariser.
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