Fièvre et signes inflammatoires chez l`opéré

Transcription

Fièvre et signes inflammatoires chez l`opéré
curriculum
Fièvre et signes inflammatoires chez l’opéré
Martin Eggera, Daniel Geissmannb
Regionalspital Emmental, Burgdorf
a Medizinische Klinik
b Chirurgische Klinik
Quintessence
P Fièvre et signes inflammatoires chez un patient surtout au cours des
3 à 5 premiers jours postopératoires ont des causes aussi bien infectieuses que non infectieuses.
P Au cours des premiers jours postopératoires, chez un patient stable
sans étiologie clinique ni anamnestique expliquant sa fièvre, l’expectative
est la plupart du temps une stratégie meilleure que poser un diagnostic
incertain et ordonner un traitement non ciblé.
P Prescrire des antibiotiques en cas de fièvre postopératoire sans arguments concrets en faveur d’une infection doit absolument être évité.
P Chez un patient opéré fébrile, il faut interrompre les médicaments
dont l’indication n’est pas capitale et extraire les corps étrangers qui ne
sont plus indispensables dans les plus brefs délais car ce sont des sources
potentielles de fièvre ou d’infections fébriles.
Introduction
La fièvre en postopératoire est un problème fréquent,
non seulement pour les chirurgiens et les consultants
des services de chirurgie, mais aussi et toujours plus
pour les médecins de famille en raison des durées
d’hospitalisation de plus en plus brèves. Les erreurs de
diagnostic en rapport avec la fièvre postopératoire [1]
peuvent donner lieu à des mesures diagnostiques et
thérapeutiques précipitées, occasionner des coûts additionnels et menacer la santé du patient. Les examens de
laboratoire à large échelle et parfois sans sélection critique même chez les patients afébriles peuvent mettre
en branle de mêmes mécanismes si les leucocytes, la
protéine C-réactive (CRP) et la procalcitonine (PCT) sont
augmentés en postopératoire.
Termes et concepts
Martin Egger
Les auteurs n’ont
déclaré aucune
obligation
financière ni
personnelle en
rapport avec
l’article soumis.
La fièvre est une ascension de la température corporelle dépassant les normes circadiennes sous l’effet de
pyrogènes [2]. Le percentile 99 de température corporelle tôt le matin est à un minimum de 37,2 °C et atteint
tôt dans la soirée un maximum de 37,7 °C. Par convention, les températures supérieures à 37,7 °C (ou par
souci de simplification en général plus de 38 °C) sont
considérées comme étant de la fièvre [3].
Les infections sont une cause fréquente de fièvre, mais
de loin pas la seule. Dans notre pratique quotidienne, la
plupart des états fébriles sont dus à des infections (la
plupart du temps bénignes et autolimitées). La transposition de cette expérience à la période postopératoire
est cause d’erreurs d’appréciation: les étiologies non infectieuses de la fièvre sont beaucoup plus fréquentes et
les infectieuses sont moins bénignes que dans la vie
courante ou dans les cabinets de médecins de famille.
Par signes inflammatoires, il faut entendre une augmentation du nombre de leucocytes dans le sang périphérique et une ascension de la CRP et de la PCT dans
le sérum. L’appellation irréfléchie de ces résultats de laboratoire comme «paramètres infectieux» est un sérieux malentendu. La raison d’une augmentation de ces
paramètres est un stimulus inflammatoire de nature
non infectieuse, encore plus souvent qu’avec un état fébrile. Malgré que la plupart des médecins connaissent
cet état de fait, leur utilisation à mauvais escient de
«paramètres infectieux» a assez souvent une influence
sur leurs actes cliniques.
Des trois paramètres inflammatoires cités, les leucocytes sont les plus rapides à réagir mais leur spécificité
est la plus faible: un important stress psychique, un effort physique intense et un abus marqué de nicotine
peuvent faire augmenter le nombre de leucocytes [4].
Vu sa sensibilité et sa spécificité faibles pour une infection, le pourcentage de bâtonnets (déviation gauche) ne
contribue que peu à faire la distinction entre étiologies
infectieuses et non infectieuses de la fièvre [5]. La plupart des cliniciens sont bien familiarisés avec la CRP;
avec réserve et compte tenu de sa dynamique, elle est
la plus utile en période postopératoire dans l’analyse
des situations peu claires. Des nombreuses études, surtout en chirurgie cardiaque et thoracique, ont montré
que la PCT en postopératoire permet de faire une meilleure différenciation que la CRP entre complications infectieuses et non infectieuses [6]. Les études sur d’autres
interventions n’ont cependant pas pu confirmer l’intérêt de la PCT [7]. Comme la plupart de ces études
étaient petites et hétérogènes pour la période examinée, les interventions et les «cutoffs» utilisés [8] la PCT,
environ 8 fois plus chère que la CRP, ne peut actuellement pas être recommandée de routine en postopératoire. La dynamique variable de la CRP et de la PCT à la
phase postopératoire est représentée à l’exemple d’importantes interventions abdominales à la figure 1 x.
La demi-vie de la CRP est d’env. 19 heures et celle de la
PCT d’env. 28 heures.
Le tableau 1 p donne un aperçu des diagnostics différentiels les plus importants de la fièvre avec/sans
signes inflammatoires chez un patient opéré. Contrairement à ce qui disent d’autres sources plus anciennes,
Forum Med Suisse 2011;11(40):701–706
701
curriculum
Percentile 97.5
4.0µg/l
Moyenne
Norme supérieure
200mg/l
CRP
100mg/l
PCT
1.0µg/l
1
2
3
4
5
6
7
Jours après l'opération
Figure 1
Courbes de la CRP et de la procalcitonine (PCT) après importantes interventions
abdominales [9].
Tableau 1. Causes de fièvre et signes inflammatoires.
Traumatismes, lésions tissulaires ischémiques et chimiques
(y c. aspiration)
Hématomes
Tumeurs, destruction de cellules (y c. hémolyse)
dans tous les programmes de surveillance sérieux
(tab. 2 p). Les pays anglosaxons utilisent pour les infections de plaies postopératoires l’expression plus globale de «Surgical Site Infection». L’expression allemande «Wundinfektion» n’implique que les infections
à proximité de l’abord chirurgical, bien que les abcès
intrapéritonéaux après interventions sur le côlon ou les
infections tardives à bas bruit des prothèses orthopédiques soient des infections secondaires à l’intervention. Il vaut alors mieux parler d’infections du site opératoire.
Les critères épidémiologiques d’infections du site opératoire nous apprennent que toute confirmation de pus
dans ce champ, les cultures d’un germe pathogène prélevées dans des conditions aseptiques, les arguments
radiologiques indubitables, le status clinique ou histopathologique lors d’une révision permettent de poser le
diagnostic. Ce n’est qu’en relation avec des déhiscences
cutanées spontanées ou une réouverture intentionnelle
de la plaie que les signes inflammatoires locaux ou la
fièvre deviennent des critères d’infection; les signes inflammatoires humoraux sont totalement absents dans
ces critères. Ce qui est en accord avec le fait que les infections du site opératoire sont certes la plupart du
temps accompagnées d’ascensions des signes humoraux, mais ne font souvent pas de fièvre, alors qu’à l’inverse la fièvre postopératoire a fréquemment d’autres
causes qu’une infection du site opératoire (fig. 2 x).
Infections
Médicaments
Réactions d’hypersensibilité et d’intolérance (y c. transfusions)
Sevrage de drogues
Délires
Arthrites cristallines
Arthrite rhumatoïde et arthrites réactionnelles
Collagénoses
Insuffisance surrénalienne
Rares syndromes fébriles (fièvre méditerranéenne familiale,
syndrome PFAPA, etc.)
de très récentes études montrent que l’atélectasie n’est
pas à l’origine d’un état fébrile à la phase postopératoire précoce [10].
Infections chez l’opéré
Malgré qu’après la plupart des interventions les infections nosocomiales hors du site opératoire soient plus
fréquentes que les infections de plaies, ces dernières
sont au centre de l’intérêt ou des craintes car elles sont
des complications directes de l’opération.
Du fait qu’il n’y a aucun critère clinique unanimement
accepté pour définir une infection de plaie postopératoire, il vaut la peine de jeter un œil sur ceux utilisés en
surveillance. Ces critères ont été publiés en 1988 par
les «Centers for Disease Control and Prevention» [11]
et sont maintenant appliqués pratiquement tels quels
Fièvre postopératoire et infection
13 à 73% des patients feront de la fièvre en postopératoire [13]. Ces larges marges dépendent il est vrai aussi
de la définition et de la période suivie, mais surtout du
type et de l’importance de l’opération du fait que le traumatisme tissulaire chirurgical est l’une des causes les
plus fréquentes de fièvre à la phase postopératoire précoce. Les grandes interventions sont en plus associées à
de nombreux autres risques de fièvre: plus de corps
étrangers utilisés, plus d’hématomes, plus de transfusions, plus grande exposition aux médicaments et plus
grand risque de thrombo-embolie.
Un tiers des patients au maximum [13], moins de 10% selon d’autres sources [14] ayant une fièvre postopératoire
ont une infection – la plupart pas dans le site opératoire
(tab. 3 p).
Fièvre postopératoire et temps
La fièvre postopératoire précoce (au cours des 2 premiers jours après l’intervention) a presque toujours une
cause non infectieuse. A cette phase, c’est l’intervention
elle-même qui en est la cause la plus fréquente (traumatisme tissulaire, hématomes). La figure 3 x montre la
chronologie des sources de fièvre sans tenir compte de
leur importance quantitative. Les infections sont rares
à la phase postopératoire précoce. Dans les quelques
jours suivant une intervention élective peuvent très rarement se manifester des maladies infectieuses qui
étaient en période d’incubation lors de l’admission ou
Forum Med Suisse 2011;11(40):701–706
702
curriculum
Tableau 2. Critères diagnostiques d’une infection du champ opératoire
(modifié d’après [12]).
Infection superficielle de l’abord chirurgical (peau, tissu sous-cutané)
Sécrétion purulente de la plaie
Culture d’un germe dans un prélèvement aseptique de liquide ou de tissu
(par révision en salle d’opération ou par ponction)
Au moins l’un des signes suivants:
douleur, tuméfaction, érythème ou hyperthermie
et
réouverture de la plaie par le chirurgien
Infection profonde de l’abord chirurgical (fascias, muscles)
Sécrétion purulente de la plaie
Déhiscence spontanée ou réouverture de la plaie par le chirurgien
et
soit fièvre >38 °C soit douleur et/ou douleur à la pression localisées
Abcès ou infection profonde manifeste, documentés par révision, histopathologie
ou radiologie
Infection d’organes creux ou de cavités (par ex. cavité péritonéale, espace pleural,
articulation, organe parenchymateux, cavité utérine, etc.)
Drainage de pus de l’organe ou de la cavité
Culture d’un germe dans un prélèvement aseptique de liquide ou de tissu
(par révision en salle d’opération ou par ponction)
Abcès ou infection manifeste d’un organe/d’une cavité, documentés par révision,
histopathologie ou radiologie
Signes inflammatoires
Infection
Fièvre
de l’opération; les identifier est un défi et impose une
anamnèse très méticuleuse. Le dépistage d’infections
avant une opération urgente est très important: si un
patient âgé ayant une pneumonie fait une chute et est
victime d’une fracture pertrochantérienne de son fémur, la pneumonie peut parfaitement se manifester par
de la fièvre le jour suivant l’opération.
Les manifestations cliniques de la fasciite nécrosante,
potentiellement fatale, sont très rares mais importantes
à reconnaître (si infection de plaie à souches particulièrement virulentes de streptocoques du groupe A; symptômes majeurs: douleurs locales intenses et instabilité
cardiovasculaire) et les myonécroses à clostridies ou
gangrène gazeuse (si infection à souches de Clostridium
perfringens productrices de toxines; symptômes majeurs: septicémie fulminante et production de gaz dans
les tissus). Ces infections catastrophiques peuvent déjà
se déclarer dans les 1–2 jours postopératoires.
La période typique de manifestation des infections postopératoire est 5–10 jours après l’intervention, et les
infections du site opératoire se manifestent un peu plus
tard que les autres infections nosocomiales. En cas de
complications postopératoires avec réinterventions et
utilisation prolongée de corps étrangers endoluminaux
(canule trachéale si ventilation assistée, cathéters veineux et sondes vésicales, drains), la période pendant
laquelle ces nouvelles infections nosocomiales sont à
prévoir est prolongée en conséquence.
Les infections d’implants ont leur propre dynamique:
après une phase initiale avec manifestation d’infections
par germes hypervirulents des infections à bas bruit
peuvent apparaître plusieurs mois encore après l’intervention; par convention, les infections du site opératoire dues à des implants métalliques sont considérées comme nosocomiales jusqu’à un an après
l’intervention [12]. La fièvre est très rarement un symptôme de telles infections d’implants tardives et les
signes inflammatoires humoraux ne sont souvent que
légèrement augmentés.
Fièvre postopératoire et intervention
Figure 2
Relation entre signes inflammatoires, fièvre et infection
chez un patient récemment opéré.
Tableau 3. Infections postopératoires les plus importantes
ne concernant pas le champ opératoire.
Type d’infection
Facteurs de risque
Infection urinaire
Sonde à demeure, sonde sus-pubienne,
résidu vésical
Pneumonie
Ventilation mécanique prolongée,
immobilité, importantes interventions
abdominales, troubles de la déglutition
Bactériémie
sur cathéter
Cathéter veineux central, cathétérisme
en situation d’urgence, alimentation
parentérale
Diarrhée
à Clostridium difficile
Antibiothérapie, précédentes diarrhées
à Clostridium difficile, sonde gastrique,
inhibiteurs de la pompe à protons [15]
Le type et l’importance de l’intervention ne déterminent pas seulement l’incidence de la fièvre secondaire au traumatisme tissulaire et des complications
postopératoires qui peuvent causer une fièvre non infectieuse; ce sont également les déterminants les plus
importants du risque d’infection du site opératoire. Le
tableau 4 p présente les risques infectieux approximatifs de certaines opérations; les chiffres entre parenthèses indiquent les marges dans différents systèmes
de surveillance [16–19].
La figure 4 x montre à quel point l’appréciation de la
cause de la fièvre 5 jours après telle ou telle intervention peut être différente: alors qu’après l’implantation
d’une prothèse totale de hanche les causes non infectieuses prédominent, que la thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire sont importantes dans
le diagnostic différentiel, après une intervention sur
le côlon c’est l’infection du site opératoire qui est la
cause la plus probable de la fièvre.
Forum Med Suisse 2011;11(40):701–706
703
curriculum
infectieux
Infection de plaie
Infections diverses
Fuite anastomotique
Thromboembolie
non infectieux
Arthrite cristalline
Hématome
Aspiration
Fièvre médicamenteuse
Traumatisme
1er
2e
3e
4e
5e
6e
7e
8e
9e
10e
11e
12e
jour postopératoire
Figure 3
Chronologie des causes de fièvre chez un patient opéré.
Tableau 4. Incidence cumulée des infections du champ opératoire en fonction
du type d’intervention*.
Prothèse totale de genou
1% (0,9–2,7%)
Prothèse totale de hanche
1,5% (1,2–2,7%)
Pontage aortocoronarien sans prélèvement veineux
1,5% (1,6%)
Ostéosynthèse de fractures
1,5% (1,7%)
Hernies (inguinale, fémorale, épigastrique)
2% (1,8–4%)
Cholécystectomie
2% (0,6–4%)
Hystérectomie abdominale
2% (1,6–2,3%)
Chirurgie mammaire
3% (2,3–6,2%)
Pontage aortocoronarien avec prélèvement veineux
4% (3,8%)
Révision d’une PT de hanche
6% (6,3%)
Appendicectomie
6% (1,4–8,6%)
Intervention colique
10% (5,6–18,9%)
Résection rectale antérieure
12% (7,4–13,0%)
Pontage artériel périphérique
15% (6,7–18,6%)
* Moyennes; entre parenthèses dispersion des chiffres d’après [16–19].
Fièvre postopératoire et médecin
Les médicaments peuvent être en cause dans la fièvre
médicamenteuse postopératoire – les corps étrangers
endoluminaux augmentent le risque de fièvre infectieuse en favorisant les infections postopératoires
(tab. 3).
Bien que l’infection urinaire postopératoire soit la
cause la plus fréquente d’une fièvre infectieuse en dehors du site opératoire, c’est également la cause de
fièvre le plus souvent diagnostiquée à tort: la prévalence de la bactériurie asymptomatique (n’imposant
aucun traitement) chez les patients porteurs d’une
sonde vésicale est élevée (env. 5% par jour de sonde)
[20]; chez les porteurs de sonde par ailleurs, la fièvre
est souvent le seul symptôme d’une infection urinaire.
Si donc d’autres causes de fièvre ne sont pas consciencieusement exclues le faux diagnostic d’infection uri-
naire sera posé et des antibiotiques seront utilisés sans
justification.
Dans les infections des cathéters veineux centraux
aussi, la fièvre est souvent le seul symptôme car leur
voie d’accès ne montre que rarement une inflammation
locale; un dysfonctionnement du cathéter est parfois un
indice indirect d’infection et facilite la décision de son
retrait.
Les thrombophlébites sur canules veineuses périphériques sont fréquemment à l’origine de signes inflammatoires et d’une fièvre postopératoire. La plupart des
phlébites superficielles sont des inflammations stériles
à évolution autolimitée; il est rare qu’une thrombophlébite septique impose une antibiothérapie et éventuellement une phlébectomie.
Une alimentation parentérale postopératoire provoque
occasionnellement et avec d’autres facteurs de risque la
complication fébrile d’une cholécystite alithiasique.
La fièvre due à des médicaments administrés en postopératoire peut être accompagnée de signes inflammatoires humoraux et se manifester par des accès ou en
continu. Les antibiotiques sont parmi les plus fréquents
déclencheurs d’une fièvre médicamenteuse [21].
De très rares formes de fièvre médicamenteuse sont les
syndromes neuroleptiques malins et sérotoninergique
sous antidépresseurs, dont la clinique est semblable
avec confusion, rigidité, instabilité autonome et hyperthermie. L’hyperthermie maligne est aussi rare que
dangereuse, qui peut se manifester chez des personnes
génétiquement prédisposées dans les heures suivant
l’opération après anesthésie par inhalation ou administration de myorelaxants.
Fièvre postopératoire et patient
Alors que les réflexions ci-dessus permettent d’estimer
les risques de différentes causes de fièvre, la clé du
diagnostic est souvent chez le patient lui-même.
Une anamnèse médicamenteuse détaillée permet de savoir si un médicament a été interrompu en périopératoire et n’a pas été repris par erreur en postopératoire:
une fièvre peut se manifester dans le cadre d’un délire
de sevrage des benzodiazépines ou d’une insuffisance
surrénalienne par abandon de la corticothérapie indispensable.
L’anamnèse donne aussi des indices d’un sevrage de
drogues telles qu’alcool ou opiacés inconnu jusqu’alors,
qui peut être la cause d’une fièvre avec ou sans délire.
Finalement, l’examen clinique consciencieux peut également révéler d’importants arguments sur la cause de la
fièvre (tab. 5 p).
Attitude en face d’une fièvre postopératoire
Les étapes suivantes doivent être franchies dans l’évaluation d’un patient opéré fébrile:
1. Renoncer à demander trop tôt des mesures diagnostiques et thérapeutiques (qui font courir de nouveaux risques au patient); et surtout pas d’antibiotiques sans indication confirmée:
Forum Med Suisse 2011;11(40):701–706
704
curriculum
*Fuite anastomotique après problème technique
Traumatisme chirurgical
Autres causes non infectieuses de fièvre
Infection du champ op
Autres infections postopératoires
Intervention sur le côlon
Prothèse totale de hanche
*
1
5
10
1
5
10
Jours après l'op
Jours après l'op
Figure 4
Courbes semiquantitatives des causes de fièvre après intervention à haut risque intrinsèque d‘infection (opération sur le côlon) et après intervention à faible risque
d’infection mais haut risque de thromboembolie (implantation de prothèse totale de hanche).
Tableau 5. Arguments cliniques pour causes d’une fièvre postopératoire.
Tableau 5. Arguments cliniques pour causes d’une fièvre postopératoire.
Où
Quoi
Pourquoi
Où
Quoi
Pourquoi
Thorax
Tachypnée
Embolie, pneumonie
Thorax
Tachypnée
Embolie, pneumonie
Râles
Pneumonie; valables surtout si unilatéraux
car
non spécifique
chez
un patient
alité
Râles
Pneumonie;
valables
surtout
si unilatéraux
car non spécifique chez un patient alité
Cicatrice
Signes inflammatoires, Infection du champ opératoire
opératoire
sécrétion,
déhiscence
Cicatrice
Signes inflammatoires,
Infection du champ opératoire
opératoire
sécrétion, déhiscence
Té guments
Exanthème
Facultatif si fièvre médicamenteuse;
rarement
exanthémaTé guments
Exanthème
Facultatif maladie
si fièvre infectieuse
médicamenteuse;
teuse
intercurrente
(rougeole,exanthémarubéole…)
rarement
maladie infectieuse
teuse intercurrente (rougeole, rubéole…)
Voies d’accès
Thrombophlébite avec canules veineuses
de
périphériques;
signes
Voiscathéters
d’accès
Thrombophlébite
avecinflammatoires
canules veineuses
avec
cathéters signes
veineuxinflammatoires
centraux
de cathéters
périphériques;
avec
(rarement
présentscentraux
même si(rarement
bactériémie
cathéters veineux
sur
cathéter)
présents
même si bactériémie sur cathéter)
Ganglions
lymphatiques
Lymphadénite
Une seule station dans la zone de drainage
d’une infection
infection de
de plaie;
plaie; polylymphadénopapolylymphadénopathie si hypersensibilité aux antiépileptiques
Articulations
Arthrite
Goutte: articulation
articulationmétatarso-phalangienne
métatarso-phalangienne
du gros orteil, cheville; pseudogoutte:
genou, autres articulations de moyenne
grandeur
Musculature
Tremor, rigor, myocloni
Délire, hyperthermie maligne (premières
heures postopératoires), syndrome malin
des neuroleptiques, syndrome
sérotoninergique
Tronc
Douleur à la percussion
des loges rénales
Pyélonéphrite
Membres
(inférieurs)
Tuméfaction, œdème,
douleur à la pression
Thrombose veineuse profonde
2.
3.
4.
5.
– Les infections ne sont pas la cause la plus fréquente de fièvre postopératoire.
– Les antibiotiques compliquent le diagnostic microbiologique.
– Les antibiotiques sont une cause fréquente de
fièvre médicamenteuse.
– Les infections postopératoires ne peuvent souvent
pas être traitées que par antibiotiques; elles imposent la plupart du temps un concept thérapeutique global.
Noter le délai après l’opération.
Réflexions et informations sur
– Intervention: risque intrinsèque d’infection, intervention en urgence ou élective (plus grands
risques d’infection pour la première), primo- ou
réintervention (plus grands risques d’infection
pour la dernière), problèmes lors de l’intervention.
– Patients: médicaments arrêtés ou nouveaux, indicateurs de maladies de base (goutte, maladies
rhumatismales, collagénoses, etc.), dépendances.
Examen clinique:
– Signes vitaux pour évaluer la stabilité de la situation: des mesures diagnostiques et thérapeutiques
d’urgence ne sont indiquées que chez un patient
fébrile instable.
– Indices spécifiques de causes potentielles de fièvre
(tab. 5).
Renoncer à l’inutile: retirer les corps étrangers superflus (sondes vésicales, cathéters veineux centraux, canules veineuses périphériques, drainages),
arrêter les médicaments donnés en périopératoire
Forum Med Suisse 2011;11(40):701–706
705
curriculum
qui ne sont plus indispensables; reprendre ce qui a
été oublié: médicaments à potentiel de dépendance,
corticostéroïdes.
6. Diagnostic restrictif et ensuite ciblé si nécessaire:
chez un patient stable, surtout à la phase postopératoire précoce et après intervention à faible risque,
l’expectative est souvent la meilleure stratégie [22, 23].
7. Mesures ciblées en fonction des résultats du diagnostic.
Le contrôle de la fièvre postopératoire doit donc être
compris comme un processus complexe comportant
plusieurs étapes et ne convient pas pour les décisions
ad hoc dans le cadre d’une visite chirurgicale limitée
dans le temps. Un échange interdisciplinaire complet
d’informations (opérateur, anesthésiste, médecins précédents et futurs, consultants), un examen consciencieux du patient, renoncer à l’inutile et un diagnostic ciblé parfaitement motivé viendront certainement au
bout du problème et épargneront les ressources.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Markus Bieri, Langnau i.E., d’avoir bien
voulu lire le manuscrit et leur avoir fait part de ses précieuses critiques
et suggestions.
Correspondance:
Dr Martin Egger, MPH
Stv. Chefarzt
Medizinische Klinik
Regionalspital Emmental
Oberburgstrasse 54
CH-3400 Burgdorf
[email protected]
Références recommandées
– Mackowiak PA. Concepts of fever. Arch Intern Med. 1998;158:
1870–81.
– Barone JE. Fever: fact and fiction. J Trauma. 2009;67:406–9.
– Pile JC. Evaluating postoperative fever: a focused approach. Cleve
Clin J Med. 2006;73 Suppl 1:S62–6.
La liste complète des références numérotées se trouve sous
www.medicalforum.ch.
CME www.smf-cme.ch
1. Laquelle des affirmations suivantes sur la fièvre et
les signes inflammatoires chez un patient opéré est correcte?
A Les patients récemment opérés ayant de la fièvre ont
généralement besoin d’un diagnostic de laboratoire
et radiologique à large échelle.
B Les cathéters veineux centraux ont intérêt à rester en
place chez un patient opéré fébrile car ils sont utiles
pour le diagnostic et le traitement.
C La fièvre dans les premiers jours postopératoires a
plus souvent une cause non infectieuse qu’infectieuse.
D Les infections du champ opératoire se manifestent
généralement par de la fièvre.
E La procalcitonine en postopératoire permet généralement de mieux faire la distinction entre causes de
fièvre infectieuses et non infectieuses que la protéine
C-réactive.
2. Lequel des problèmes ci-dessous est le plus probablement la cause d’une ascension de la température
à 38,5 °C au 5e jour après implantation d’une prothèse
totale de hanche?
A Thromboembolie veineuse.
B Infection de prothèse à bas bruit.
C Hyperthermie maligne.
D Atélectasie.
E Sevrage d’alcool.
Forum Med Suisse 2011;11(40):701–706
706
Fieber und Entzündungszeichen beim operierten Patienten /
Fièvre et signes inflammatoires chez l’opéré
Weiterführende Literatur (Online-Version) / Références complémentaires (online version)
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
Barone JE. Fever: fact and fiction. J Trauma 2009;67:406–9.
Mackowiak PA. Concepts of fever. Arch Intern Med 1998;158:1870–81.
th
Mandell, Douglas, and Bennett’s Principles and Practice of Infectious Diseases, 6 Ed., Philadelphia PA: Elsevier Inc;
2005
Abramson N, Melton B. Leukocytosis: basics of clinical assessment. Am Fam Physician 2000;62:2053–60.
Cornbleet PJ. Clinical utility of the band count. Clin Lab Med 2002;22:101–36.
Sponholz C, Sakr Y, Reinhart K, Brunkhorst F. Diagnostic value and prognostic implications of serum procalcitonin
after cardiac surgery: a systematic review of the literature. Critical Care 2006, 10:R145 (doi:10.1186/cc5067).
Uckay I, Garzoni C, Ferry T, Harbarth S, Stern R, Assal M et al. Postoperative serum pro-calcitonin and C-reactive
protein levels in patients with orthopaedic infections. Swiss Med Wkly 2010;140:w13124.
Kindberg Boysen A, Madsen JS, Jörgensen PE. Procalcitonin as a marker of postoperative complications. Scand J
Clin Lab Invest 2005;65:387–94.
Lindberg M, Hole A, Johnsen H, Aasberg A, Rydning A, Myrvold HE, Bjerve KS. Reference intervals for procalcitonin
and C-reactive protein after major abdominal surgery. Scand J Clin Lab Invest 2002;62:189–94.
Mavros MN, Velmahos GC, Falagas ME. Atelectasis as a cause of postoperative fever: Where is the clinical
evidence? Chest 2011; DOI 10.1378/chest.11–0127.
Garner JS, Jarvis WR, Emori TG, Horan TC, Hughes JM. CDC definitions for nosocomial infections, 1988. Am J Infect
Control 1988;16:128–40.
http://www.cdc.gov/nhsn/PDFs/pscManual/9pscSSIcurrent.pdf, Zugriff am 14. Juni 2011.
Perlino CA. Postoperative fever. Med Clin North Am 2001;85:1141–9.
Pile JC. Evaluating postoperative fever: a focused approach. Cleve Clin J Med 2006;73 Suppl 1:S62–6.
Starr J. Clostridium difficile associated diarrhoea: diagnosis and treatment. BMJ 2005;331:498–501.
Mannien J, Wille JC, Snoeren RLLM, van den Hof S. Impact of postdischarge surveillance on surgical site infection
rates for several surgical procedures: results from the nosocomial surveillance network in the Netherlands. Infect
Control Hosp Epidemiol 2006;27:809–16.
Daten aus dem Surveillance-Netzwerk des Zentralinstituts der Walliser Spitäler von 1998–2009 (23 Spitäler in der
Romandie, dem Tessin und der Deutschschweiz); Zahlen erhältlich beim Autor.
Edwards JR, Peterson KD, Mu Y, Banerjee S, Allen-Bridson K, Morrell G, et al. National Healthcare Safety Network
(NHSN) report: data summary for 2006 through 2008, issued December 2009. Am J Infect Control 2009;37:783–805.
Petrosillo N, Drapeau CMJ, Nicastri E, Martini L, Ippolito G, Moro ML, and ANIPIO. Surgical site infections in Italian
hospitals: a prospective multicenter study. BMC Infectious Diseases 2008;8:34. doi:10.1186/1471–2334–8–34.
Hooton TM, Bradley SF, Cardenas DD, Colgan R, Geerlings SE, Rice JC et al. Diagnosis, prevention, and treatment
of catheter-associated urinary tract infection in adults: 2009 international clinical practice guidelines from the
Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2010;50:625–63.
Patel RA, Gallagher JC. Drug fever. Pharmacotherapy 2010;30:57–69.
Kendrick JE, Numnum TM, Estes JM, Kimball KJ, Leath CA, Straughn Jr JM. Conservative management of
postoperative fever in gynecologic patients undergoing major abdominal or vaginal operations. J Am Coll Surg
2008;207:393–7.
De la Torre S, Mandel L, Goff BA. Evaluation of postoperative fever: Usefullness and cost-effectiveness of routine
workup. Am J Obstet Gynecol 2003;188:1642–7.