Caractérisation de matériaux argileux du site d`azaguie

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Caractérisation de matériaux argileux du site d`azaguie
J. Soc. Ouest-Afr. Chim. (2006) 21 ; 35-43
CARACTERISATION DE MATERIAUX ARGILEUX DU SITE D’AZAGUIE-BLIDA
(ANYAMA, COTE D’IVOIRE) ET DETERMINATION DES PROPRIETES
MECANIQUES DE PRODUITS CERAMIQUES.
Koffi Léon KONAN 1,2, Joseph SEI1, Nibambin Siaka SORO1, Samuel OYETOLA1, Jean-Marie GAILLARD2,
Jean-Pierre BONNET2 et Gabrielle KRA1.
1
Laboratoire de Chimie des Matériaux Inorganiques, Université de Cocody-Abidjan, UFR SSMT, 22 BP 582
Abidjan 22 (Côte d’Ivoire)
2
Groupe d'Etude des Matériaux Hétérogène (GEMH-ENSCI) Limoges, 47-73 avenue Albert Thomas, 87065
Limoges cedex (France)
(Reçu le 07/12/2004 – Accepté après corrections le 27/12/2005)
__________________________________________________________________________________________
Summary: Three samples of clay deposits at Azaguié-Blida (Anyama, Côte d’Ivoire) were studied by chemical
analysis, x-ray diffraction and thermal analysis.
Main crystalline phases identified are kaolinite, muscovite, quartz and minor phases are maghemite, goethite and
anatase. Mineralogical compositions were also evaluated.
Ceramic products (floor or wall tile, dimension 120 x 50 x 4,5 mm) heated at temperature ≤ 1150°C were
manufactured and their mechanical properties were studied.
It is pointed out that the addition of talc powder and sodium feldspar to the studied clays increase the mechanical
resistance and decrease the porosity of the fired tile compositions.
Key words: Clays of Côte d’Ivoire, characterisation, ceramic tile, mechanical properties.
__________________________________________________________________________________________
I - INTRODUCTION
Les travaux d’exploration entrepris par la
Société pour le Développement Minier de
la Côte d’Ivoire (SODEMI) ont relevé que
la Côte d’Ivoire dispose de nombreux sites
argileux [1]. Ces gisements sont exploités
de façon empirique par des artisans ou des
entreprises locales, tous confrontés à des
difficultés
dues
essentiellement
à
l’insuffisance d’informations relatives aux
caractéristiques des argiles contenues dans
les sites répertoriés.
En vue d'appréhender les potentialités de
ces produits pour la réalisation de carreaux
de sol ou de mur, trois échantillons de
matériaux argileux provenant du gisement
d’Azaguié-Blida (Anyama, Côte-d’Ivoire)
ont été caractérisés et leurs comportements
pendant un traitement thermique réalisé
avec et sans ajout d’un produit fondant ont
été étudiés.
II – MATERIEL ET METHODE
2.1- Origine des argiles étudiées
Les matériaux étudiés proviennent du site
d’Azaguié Blida (Anyama, Côte d’Ivoire),
précisément des rives du marigot "Gbo",
(coordonnées géographiques 05°31,292 N
et 04°05,407 O). Ce site se situe à 15 km
d’Abidjan dans un bassin sédimentaire qui
contient
des
formations
argileuses
notamment kaolinitique résultant d’une
altération de type ferralitique sous climat
tropical humide, des résidus de sable
ferrugineux
et
des
oxydes
ou
oxyhydroxydes de fer. Les trois
échantillons dont les caractéristiques sont
consignées dans le Tableau I, ont été
prélevés dans trois puits distants de 250
mètres. Ils sont onctueux et peu plastiques
au touché, avec une coloration variant du
jaune clair au rouge pâle. Toutes les
caractérisations ont été réalisées sur les
produits tamisés à 100 µm.
J. Soc. Ouest-Afr. Chim. (2006) 21 ; 35-43
Tableau I : Caractéristiques des échantillons
prélevés : N. : Nord ; O. : Ouest
Puits de
prélèvement
Puits 1
(Echantillon
P1)
Puits 2
(Echantillon
P2)
Puits 3
(Echantillon
P 3)
Coordonnées
géographiques
N. 05°31,144
O. 04°05,308
Profondeur
Coloration
de
(Munsell
prélèvement
color [2])
(m)
3
Jaune clair
(10YR8/6)
2,6
Rouge pâle
(10YR6/2)
3,9
Jaune clair
(10YR8/6)
N. 05°31,234
O. 04°05,245
N. 05°31,103
O. 04°05,216
2.2 – Analyse chimique des argiles
étudiées
L’analyse chimique des poudres a été
réalisée par fluorescence des rayons X à
l’aide d’un générateur de type PHILIPS
équipé d’une anticathode Ag et d’un
analyseur de cristal LiF (2 0 0).
2.3- Diffraction des rayons X
Les diagrammes de diffraction des rayons
X ont été obtenus à l'aide d'un
diffractomètre comportant un montage
Debye-Scherrer, fonctionnant en réflexion,
équipé d'un détecteur courbe INEL CPS
120 et d'une source de rayons X utilisant la
radiation Kα du cuivre et opérant sous 40
kV et 30 mA. Le diffractogramme final de
l’intensité en fonction de l’angle de Bragg
est obtenu après calibration du détecteur
dans le domaine angulaire 2θ d’environ
120°. Dans notre cas, le composé
Na2Ca3Al2F14 est utilisé comme standard
interne.
2-4- Analyse Thermiques Différentielle
et Thermogravimétrique
Le comportement thermique des matériaux
argileux P1, P2 et P3 a été caractérisé entre
30 et 1200°C par analyses thermique
différentielle
(ATD)
et
thermogravimétrique (ATG) réalisées de
façon simultanée à l’aide d’un appareil de
type Setsy 24 SETARAM.
2-5-Préparation des échantillons frittés
L’étude du comportement à la cuisson a été
réalisée sur des carreaux de dimensions
120 x 50 x 4,5 mm3 traités à 1150°C. Le
matériau, mis en suspension dans l’eau
(masse d’eau/masse argile = 0,8) est
finement broyé pendant 4 heures dans une
jarre contenant des billes en alumine. La
suspension ainsi obtenue est séchée dans
une étuve à 105 - 110 °C, puis concassée à
sec avant pressage dans un moule en acier.
Après un premier pressage sous une
pression uniaxiale de 5 MPa, les carreaux
sont pressés à nouveau sous 20 MPa. Les
carreaux crus sont ensuite frittés dans un
four électrique dans les conditions
suivantes :
vitesse de montée = 3°C/min
température maximale = 1150 °C
temps de palier = 2 heures
vitesse de descente = 10°C/min
atmosphère = air statique.
III. RESULTATS ET DISCUSSION
3.1 Analyse chimique Composition des
argiles étudiées
La composition chimique des différents
échantillons, exprimée en % massique
d'oxydes constitutifs, est donnée dans le
Tableau II. Les principaux oxydes
constitutifs sont SiO2 et Al2O3. Les oxydes
de fer et de potassium y sont également
présents en quantités importantes. Du
titane et du magnésium ont été décelés,
mais en quantité beaucoup plus faible. Le
vanadium se trouve sous forme de trace
dans certains échantillons.
Tableau II : Composition chimique des différents
échantillons exprimée en % massique d'oxydes
constitutifs
SiO2
Echantillon 58
P1
Echantillon 57,3
P2
Echantillon 48,8
P3
Al2O3
25,9
Fe2O3
4,6
K2O
3
TiO2
1
MgO V2O5
0,2
0,1
Na2O
-
24,7
7,2
3,8
0,6
0,3
0,1
-
6,4
100,4
23,8
12,8
4
0,7
0,3
-
-
8,8
99,2
36
P.F.
7,6
Total
100,4
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3.2 Diffraction des rayons X
Les diffractogrammes obtenus pour les
trois échantillons de poudre tamisée à 100
µm (préparations non orientées) (figure 1)
sont très voisins. Il ressort de
l’identification des raies que trois phases
minérales cristallisées riches en silice sont
présentes dans les trois matériaux :
- une phase micacée, caractérisée
notamment par les pics observés pour les
angles 2θ = 8,77°, 17,65° et 19,76°
correspondant respectivement à d(001) =
10,07 Å ; d(002) = 5,02 Å et d(020) = 4,49 Å.
La très faible largeur à mi-hauteur du pic
observé pour l’angle 2θ = 8,77°, bien
qu’étant aux petits angles, permet de
penser qu’il s’agit de muscovite [3, 4, 5]. En
effet, pour l’illite, la largeur du pic à mihauteur est plus importante, surtout aux
petits angles, ce qui n’est pas le cas ici.
- la kaolinite, caractérisée notamment
par les pics observés pour les angles
2θ = 12,42° et 24,71° correspondant
respectivement à d(001) =7,12 Å et
d(002) = 3,60 Å ;
- le quartz, caractérisé par les pics
observés pour les angles 2θ = 20,69° et
26,67° correspondant respectivement à
d(100) = 4,26 Å et d(101) = 3,34 Å.
Les pics observés dans tous les
3.3 Analyses thermiques différentielle et
thermogravimétrique
Les thermogrammes obtenus sous air pour
100 mg de poudre tamisée au cours de
montée en température à 5°C/min sont
représentés sur la figure 2.
Le pic endothermique de faible intensité
observé vers 100 °C est associé à une perte
de masse faible (≤ 1,5%). Il correspond au
départ de l'eau hygroscopique.
Entre 280 et 300°C, une bosse
exothermique
apparaît.
Elle
est
concomitante à une perte de masse
significative dans le cas de l’échantillon P3
qui présente la bosse exothermique la plus
marquée. Afin d’identifier le phénomène à
l’origine de cet effet, un échantillon P3
calciné 15 min à 300 °C avec une vitesse
de montée de 5°C/min, a été caractérisé.
L’influence de cette calcination est
illustrée sur les courbes ATD et ATG
(figure 3) et sur le diagramme de
diffraction des rayons X (figure 4). Après
calcination à 300°C, le pic exothermique à
298 °C n’est plus observé et la perte de
masse entre 270 et 350°C est réduite de 1,5
à 0,75% de la masse initiale sans que la
nature des phases cristallisées n’ait été
affectée.
échantillons pour les angles 2θ = 27,95° et
35,71° correspondant respectivement à
d(205) = 3,19 Å et d(119) =2,51 Å,
caractérisent la présence de maghémite
(Fe2O3γ). Le pic caractéristique de
l’anatase (2θ = 25,32° correspondant à
d(101) = 3,51 Å) est aussi observé dans tous
les échantillons.
Les échantillons P1 et P3 contiennent
également de la goethite (FeOOHα) dont
les pics caractéristiques sont observés pour
les angles 2θ = 21,12°, 36,57° et 33,12°,
correspondant respectivement à d(110) =
4,20 Å, d(111) = 2,45 Å et d(130) = 2,70 Å.
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▼
■
●
▼
●
■ ■
*
♦ ■ ■■ ●
P1
● ● ● ■
●
●
●
P2
▼
▼
■
●
■ ■
● ♦ ■ ■ ■ ● ● ●● ●
*
■
●
●
▼
P3
▼
■
●
10
■ ■ * ●I ♦ ■ ■■ ● ● ● ● ■
*●
*
20
30
40
Angle (°2θ)
●
50
●
60
Figure 1 : Diagrammes de diffraction des rayons X des échantillons d’argile :
■ Muscovite ; ● kaolinite ; ▼ Quartz ; ♦ Maghémite ; * Goethite ; I Anatase.
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ATG
P1
ATD
-2
518
984
-8
0
P2
0
577
-6
296
952
-6
4
2
P3
0
0
-2
-8
Température (°C)
0
0
-5
-5
Perte de masse (%)
298
336
10
5
117
-10
-10
-15
-15
-20
562
Signal (µV/S)
5
969
Figure 2 : Thermogrammes des échantillons
analysés (vitesse de chauffe = 5°C/min)
P3brut
P3calciné
0
200
400 600 800
Température ( °C)
1000
25
30
35
40
Figure 4 : Influence d’une calcination à 300 °C de
l’échantillon P3 sur les diffractogrammes :
♦ Maghémite ; * Goethite.
200 400 600 800 1000 1200
10
20
♦
*
Angle ( °2θ )
-6
518
-6
15
-4
571
104
-4
♦
*
-8
0
523
-4
-2
-2
-4
109
Signal (µV/S)
2
-2
P3 brut
P3 calciné
-6
-4
-6
4
-2
-4
575
109
0
Perte de masse (%)
2
0
952
4
-20
Figure 3 : Influence d’une calcination à 300 °C de
l’échantillon P3 sur les courbes ATD/ATG
Les pics caractéristiques de la maghémite
et de la goethite ont toujours la même
intensité
relative.
Le
phénomène
exothermique observé au dessous de 300°C
semble donc devoir être attribué à la
combustion des résidus organiques (0,75%
de la masse initiale pour P3) et à la
transformation de la maghémite (Fe2O3γ)
en hématite (Fe2O3α) plus stable .
Le pic endothermique visible à
336°C sur la figure 3, est lui aussi associé à
une perte de masse. Il intervient dans un
domaine
de
température
où
la
décomposition endothermique de la
goethite selon la réaction :
2 FeOOHα → Fe2O3α + H2O, est
généralement observée [6].
Au dessus de 450°C, un phénomène
endothermique, d'intensité très marquée est
associé à une perte de masse importante. Il
correspond à la déshydroxylation de la
kaolinite [7] selon la réaction :
Si2Al2O5(OH)4 → Si2Al2O7
+ 2 H2O.
(kaolinite)
(métakaolin)
A 575°C, un phénomène endothermique,
de faible intensité sans aucun effet sur la
courbe thermogravimétrique est observé. Il
correspond à la transformation allotropique
du quartz α en quartz β [8].
Entre 600 et 850°C environ, une dérive de
la courbe ATD associée à une perte de
masse progressive est observée. Ce
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comportement est caractéristique de la
déshydroxylation de la muscovite [9,10,11]
selon la réaction :
(Si3AlO10)Al2(OH)2K → (Si3AlO11)Al2K + H2O
(muscovite)
(muscovite déshydroxylée)
Vers 975°C, un phénomène exothermique
est associé à aucune perte de masse. Il est
caractéristique de la réorganisation
structurale du métakaolin qui fait l’objet de
diverses interprétations dans la littérature
entre autres :
-
formation d’une phase de structure
spinelle et/ou nucléation de mullite
[12, 13]
;
- évolution de l’aluminium vers la
coordinence VI la plus stable [14,
15]
;
- extraction de silice amorphe [16].
Les travaux récents de SORO [17] indiquent
qu’il s’agit d’une démixtion en deux
domaines, l’un riche en alumine et l’autre
riche en silice.
Ce
dernier
phénomène
est
généralement affecté par la présence de
Fe3+ dans le réseau du métakaolin ou de
composé ferrique sur les surfaces des
plaquettes; le pic exothermique s’élargit
alors vers les basses températures [18].
3-4- Composition minéralogique estimée
D’après les résultats de la diffraction des
rayons X, les minéraux cristallisés suivants
sont présents dans l’ensemble des
échantillons :
- la kaolinite : Al2Si2O5(OH)4
- la muscovite : Al2Si3AlO10(OH)2
- le quartz : SiO2
- la goethite : FeO(OH)
- la maghémite : Fe2O3γ
- l’anatase : TiO2
A partir de la composition chimique
et des pertes de masse, une estimation de la
quantité de chacune des phases cristallines
identifiées par diffraction des rayons X a
été faite pour chaque échantillon en
utilisant un logiciel de calcul de
composition minéralogique mis au point
par le Groupe d’Etude des Matériaux
Hétérogènes
de
l’Ecole
Nationale
Supérieure de Céramique Industrielle de
Limoges (GEMH-ENSCI). Ce logiciel de
calcul utilise la principale relation T(a) =
∑MiPi(a), où T(a) représente la teneur (%)
en oxyde constitutif de l’élément chimique
« a » et Mi la teneur (%) en minéral « i »
dans l’échantillon. Pi(a) correspond à la
proportion d’oxyde de l’élément « a » dans
le minéral « i ». Les calculs ont été réalisés
en considérant les formules idéales
indiquées précédemment et en ne prenant
pas en compte la possible présence de Fe3+
dans le réseau des phyllosilicates. Les
résultats de cette estimation sont reportés
dans le Tableau III.
Tableau III : Composition minéralogique estimée
(exprimée en % massique) des échantillons
P1
P2
P3
Kaolinite
Muscovite
Quartz
Goethite
Maghémite
Anatase
Autres
41
31
26
25
32
34
27
28
22
4
2
7
1
6
6
1
<1
<1
<1
<1
<4
3-5 Etude des produits frittés
Après frittage, les carreaux ont tous une
bonne cohésion et ne présentent pas de
fissures ou de boursouflements visibles.
Leur couleur rouge due à la présence de
Fe3+ s’est intensifiée.
Le frittage des céramiques silicatées fait
généralement intervenir un flux visqueux
qui, en favorisant la consolidation des
grains et la fermeture des pores, entraîne
un gain au niveau des propriétés
mécaniques du produit [19,20]. Dans les
carreaux, il est d’usage d’ajouter à l’argile
et au sable des fondants (composés faisant
baisser la température de fusion du
mélange). Ces composés, le plus souvent
riches en ions alcalins (Na, K, Li),
favorisent la densification en augmentant
l’importance du flux et en diminuant la
viscosité de celui-ci.
Des essais ont donc aussi été réalisés sur
des carreaux d’argile P1, P2 ou P3
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J. Soc. Ouest-Afr. Chim. (2006) 21 ; 35-43
contenant du feldspath sodique (société
CERADEL, France) et du talc 2C (talc de
LUZENAC, France). Les compositions
chimiques du feldspath sodique et du talc
2C sont consignées dans le Tableau IV.
Tableau IV : Compositions chimiques du feldspath
sodique et du talc 2C
Feldspath
sodique
Talc 2C
SiO2
Al2O3
MgO
Na2O
K2O
Fe2O3
CaO P.F
68,80
19,47
0,06
9,1
0,7
0,19
1,73
….
46,4
9,0
31,9
….
….
1,7
1,2
9,5
En présence de kaolin, le talc, silicate de
magnésium de formule structurale idéale
Mg3Si4O10(OH)2, permet d’accélérer le
frittage (quantité comprise entre 2 et 4%)
[21]
. Il a aussi tendance à former de la
cordiérite (Mg2Al4Si5O18) [22] qui peut
contribuer à améliorer la résistance
mécanique de l’échantillon [23,24]. Le
feldspath sodique (albite) de formule
structurale (NaAlSi3O8) est assez courant.
Il fond de façon congruente vers 1119°C et
forme un eutectique avec le quartz au
dessus de 1060°C [25]. A cette température,
le
matériau
ayant
une
viscosité
intermédiaire entre l’état solide et l’état
liquide, peut permettre un réarrangement
de la porosité. La composition retenue pour
tester l’influence de ces ajouts est 80% en
masse de matériau argileux, 17% de
feldspath sodique et 3% de talc 2C.
Les variations de dimensions ainsi
que la perte de masse ont été déterminées
sur les carreaux refroidis après frittage. La
porosité ouverte a été estimée en utilisant
la méthode par imprégnation d'eau sous
vide. Elle est calculée à partir de la relation
suivante :
Ph − Ps
Po =
x100
Ph − Pi
avec Po la porosité mesurée en % , Ps le poids de
l'échantillon sec, Ph le poids de l'échantillon rempli
d'eau et Pi la poussée d'Archimède subie par
l’échantillon imprégné lorsqu’il est plongé dans
l’eau.
La résistance mécanique des
carreaux frittés a été déterminée à partir
d’essai en flexion trois points [26]. La
contrainte limite en traction σ a été
calculée à partir des efforts enregistrés par
la machine de flexion au moment de la
rupture en utilisant la relation σ = 3.F.E2 ,
2.l.e
où F représente l’intensité de la force
appliquée, E la distance entre les deux
supports du carreau, l la largeur du carreau
et e son épaisseur.
Les contraintes limites ainsi déterminées
sont rassemblées dans le Tableau V.
Les valeurs moyennes sur dix essais de
résistance mécanique obtenues pour les
carreaux réalisés à partir d’argile seule
(C0) sont très faibles, inférieures à celle
généralement attendue (R = 30MPa) [27] et
la porosité ouverte reste importante.
L’échantillons P3 dont la teneur en fer est
la plus importante (12,8%), possède la
résistance mécanique la plus élevée. Ces
argiles pauvres en éléments fondants
possèdent une faible aptitude au frittage à
T ≤ 1150°C.
Tableau V :
Caractéristiques des carreaux
réalisés à partir d’argile seule (C0) et de mélange
contenant 80 % argile, 17% de feldspath sodique et
3 % de talc 2C (C1).
Puits 1
Puits 2
Puits 3
Origine de
(Echantillon (Echantillon (Echantillon
l’argile
P1)
P2)
P3)
Type de C0
C1
C0
C1
C0
C1
mélange
Résistance 4,5
18
6,2 16,1 8,8 14,4
mécanique
(MPa)
Retrait sur 2,7
5,4
2,4
6,0 6,1
8,6
la
longueur
(%)
Retrait sur 2,8
5,7
2,4
6,2 6,2
8,7
la largeur
(%)
Porosité
35,7 27,7 40,3 25,9 34,7 26,2
ouverte
(%)
Perte de 6,5
5,7
5,8
5,3 8,6
7,2
masse (%)
L’ajout de fondant dans les mélanges
conduit à une importante augmentation de
la résistance mécanique à la rupture pour
les trois types d’échantillons (C1). A
1150°C, le flux visqueux induit par la
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J. Soc. Ouest-Afr. Chim. (2006) 21 ; 35-43
fusion des additifs est déjà assez développé
pour avoir une conséquence sur la
cohésion et sur la densification des
carreaux. Il est à noter que la résistance en
traction varie alors comme la teneur en
kaolinite du produit argileux. La
mullitisation de la kaolinite étant bien
avancée à 1150°C [28], cette corrélation
suggère d’impliquer aussi la mullite dans
l’amélioration des propriétés mécaniques.
Les propriétés de ces produits sont encore
faibles pour une application dans le
domaine des carreaux ; seule l’utilisation
d’une température de frittage plus élevée
ou d’une très grande vitesse de chauffe
(qui favorise à la fois la densification et la
mullitisation) [28] pourrait permettre
d’utiliser les argiles P1, P2 et P3 pour ce
type d’application.
IV. CONCLUSION
L’étude par diffraction des rayons X,
analyse thermique différentielle et
thermogravimétrique de trois échantillons
de matériaux argileux du gisement
d’Azaguié-Blida (Anyama, Côte –
d’Ivoire) a permis d’identifier les
principales phases minérales cristallisées
constitutives comme étant la kaolinite, la
muscovite et le quartz. La maghémite, la
goethite et l’anatase étant les seules phases
minérales minoritaires détectées.
Les propriétés mécaniques des carreaux
confectionnés, avec ou sans fondant, à
partir de ces matériaux argileux ont été
étudiées. Même si l’ajout de talc et de
feldspath sodique permet d'augmenter
significativement la résistance mécanique à
la rupture en traction et de diminuer
fortement la porosité ouverte des produits
cuits, ces matériaux argileux sont trop
réfractaires (entre 26 et 41% de kaolinite,
25 et 34% de muscovite, 22 et 27% de
quartz) pour permettre de réaliser des
carreaux de sol à une température de
frittage T ≤ 1150°C. L’utilisation de
fondant organique, riche en éléments
alcalins telles les cendres de fougère
comme ajout serait une voie à explorer
bien que cette méthode n’ait jamais été
utilisée industriellement.
BIBLIOGRAPHIE
[1] EMERUWA E. ; Les matières premières à
usage céramique de la Côte-d’Ivoire, bilan et
perspectives Rapport SODEMI n° 634, mars
1993
[2] MACBETH Munsell® Soil Color Charts.
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