Les légendes urbaines
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Les légendes urbaines
illustration de Parfait Les légendes urbaines Faut-il avoir peur des rumeurs ? PAR LE VILLAGEOIS P@®FA!T Rumor signifie en latin « bruit qui court. » Personne n’a pu échapper dans sa vie aux ragots ou aux légendes urbaines… Et il n’aura pas fallu longtemps au Net pour apprivoiser le phénomène. Qui d’entre-nous ici n’a jamais entendu parler de l’histoire de la Dame Blanche, qui erre sur les routes et tue les automobilistes solitaires ? «C’est arrivé à l’ami de mon beau-frère !» Qui n’a jamais reçu d’alerte par e-mail sur les aiguilles contaminées par le Sida, plantées dans les fauteuils des cinémas ? 46 L’Écho du Village n°18 - janvier 2002 Certains y croient et s’empressent d’avertir leurs amis, d’autres en rient et oublient l’affaire, mais tout le monde s’interroge. Dans la vie, les légendes urbaines, et plus généralement les rumeurs, sont des récits incontrôlables sur un événement qui se propage oralement dans un groupe, et dont l’auteur est anonyme. La rumeur se déforme dans les relais et, selon Allport et Portman, son contenu s’appauvrit, mais certains éléments sont sélection- Peur sur la ville Contrairement au potin mondain, qui fait plutôt « rêver », la légende urbaine a pour but d’engendrer la frayeur dans les populations. Elle contient une part de superstition et de paranoïa et se nourrit de la crédulité des bonnes gens, exposant au grand jour leurs peurs latentes : la peur de se retrouver seul, la peur des étrangers, de la mort, etc. Étrangement, l’origine du récit vient toujours de «l’ami d’un ami.» Lorsque vous la raconterez à votre tour, vous direz également : «je le sais de l’ami d’un ami», tout cela par souci de crédibilité. Si, à l’origine, les légendes peuvent se baser sur un fait divers réel, elles se rapprochent plus d’un conte à la «petit chaperon rouge», car comme les contes, elles sous-entendent une morale à l’issue de chaque histoire — en plus gore, évidemment, nous ne sommes plus des enfants, eh. Peur sur le mail Sur le Net, ces récits plus ou moins effrayants circulent principalement par e-mail. Ce qui implique des différences par rapport au bouche-à-oreille : Les courriers prétendent généralement provenir d’une source fiable ( la Gendarmerie Nationale, Microsoft, etc.) et contiennent un message assez court de mise en garde, finissant par la demande (ou l’ordre) d’envoyer cette nouvelle à toutes ses connaissances. Par le système de forward des boîtes postales électroniques, la diffusion devient alors exponentielle, donc DOSSIER SPÉCIAL nés et accentués ; la distorsion s’opérant dans le sens des intérêts, des sentiments et des opinions de ceux qui les transmettent. Certains milieux (petites villes) ou certaines conjonctures (périodes troublées) se prêtent particulièrement à leur naissance et à leur diffusion. bien plus rapide que de vive voix. De plus, le message reste inchangé, ce qui empêche les déformations abusives, et maintient l’impression de véracité du texte. Souvent ces mails ne sont que des adaptations virtuelles de légendes urbaines plus anciennes. On dénombre également de fausses alertes au virus et hoax qui poussent, par exemple, les néophytes à effacer des fichiers importants de leur disque dur, par peur d’infections virales irréversibles. À la base, les auteurs sont anonymes, mais leurs motivations deviennent de plus en plus douteuses : des petits malins ont créé un trafic important sur leur site, rien que par le biais de ces messages truqués inquiétants. Les publicitaires se sont déjà fait leurs choux gras en détournant ces mythes, entrés dans le lieu commun. Et d’autres encore s’en servent à des fins de propagande, bref, tout est bon dans la légende urbaine – et surtout dans notre crédulité. Pas de panique ! Globalement, la grande majorité des rumeurs, des potins ou des légendes urbaines, se révèle assez peu néfaste. Ceux qui les font circuler sont souvent sincères et peu en souffrent réellement. Mais, parfois, cela peut causer des préjudices concrets et souvent donner, chez des personnes influençables, le sentiment d’être victime de conspirations. (ex : les démentis trop tardifs du FBI à propos de Roswell, qui furent récupérés par les ufologues eux-mêmes!) Il vaudrait donc mieux rester méfiant envers les rumeurs. Un personnage du film Strange Days, de J. Cameron, disait : « Il ne s’agit pas de savoir s’il faut être paranoïaque ou non, mais de savoir si la paranoïa nous sauvera. » P@®FA!T [email protected] L’Écho du Village n°18 - janvier 2002 47