penser la terre - paula de la cruz textiles

Transcription

penser la terre - paula de la cruz textiles
PENSER LA TERRE
A vision of earth
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224
PARIS
BADEN-BADEN
AMAZONIE
PENSER LA TERRE PARIS BADEN-BADEN AMAZONIE
YOUR
PERSONAL
COPY
Décembre 2015
Couv 224 Dos 12.5-EASY.indd Toutes les pages
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Contributeurs
Livia Firth
Texte pour «Embrasser la terre».
Directrice artistique de Eco-Age,
une société de consultant en
développement durable et créatrice
du Green Carpet Challenge®. Sa
citation préférée : deux lui tiennent
à cœur. L’une de Martin Luther King
qui dit que nous commençons à
mourir le jour où nous gardons le
silence sur ce qui nous importe. Et
l’autre était sur un autocollant qu’on
lui a donné il y a des années à Venice
Beach : «Arrête de râler et lance
une révolution». On ne peut pas
sous-estimer l’impact d’une prise
de parole ou d’une mini-révolution
quotidienne, qui démarre par ce que
l’on mange ou ce que l’on porte.
Text for “Embracing the Earth.”
Creative Director of Eco-Age, the
sustainability brand consultancy
and founder of the Green Carpet
Challenge®. Her favorite quote:
There are two quotes which she
keeps to heart. One is from Martin
Luther King, who once said
that we start to die the day that we
become silent about the things that
matter to us. And the other is from
a sticker someone handed her
on Venice Beach years ago which
read “Stop bitching and start
a revolution.” She passionately
believes in being vocal and taking
action, starting with what you eat
and what you wear.
Paula de la Cruz
Texte, illustration et photo pour «Margaret l’Amazone». Journaliste horticole et
illustratrice botanique. Trois synonymes de ce reportage : forêts sous les eaux, dessiner
des orchidées depuis un canoë, dormir dans un hamac. Et un souvenir : naviguant sur
les eaux calmes et noires, elle a eu le vertige en regardant le refet des arbres. On ne lui
enlèvera pas de l’esprit que c’était comme marcher sur la cime des arbres… Un livre à
emporter : In Search of Flowers of the Amazon Forest de Margaret Mee. Un flm à (re)
voir : Flor da lua de Malu de Martino, un documentaire sur Margaret Mee.
Text, illustrations and photographs for “Margaret Mee, the Amazonian.” Horticultural
journalist and botanical illustrator. Three experiences synonymous with this trip:
fooded forests, sketching orchids from a canoe, sleeping in a hammock. A memory:
navigating on water so calm and black she got vertigo watching the refection of trees.
She kept thinking it was like walking on treetops… A book to bring: In Search of
Flowers of the Amazon Forests, by Margaret Mee. A movie to watch: a documentary
about Margaret Mee—Flor da lua by Malu de Martino.
Vincent Mercier
Photo pour «Paris touche terre en
10 raisons». 100% photographe,
depuis toujours, partout, tout le
temps ; l’architecture, le paysage,
des portraits ; des publications
dans AD, Elle Décoration et The
Good Life… Trois synonymes de
ce reportage : étonnant, rassurant,
engageant. Et un souvenir :
l’instant où l’ibis rouge s’est posé
à mes côtés dans la serre tropicale
à Vincennes, magique, fragile,
essentiel. Un livre à emporter :
Le Manuel du guerrier de la
lumière de Paulo Coelho.
Photo for “Paris: cultivating the
future, 10 highlights.” Three words
synonymous with the article:
surprising, reassuring, compelling.
A memory: when a red ibis landed
next to me in the tropical
greenhouse of Vincennes; magical,
fragile, essential. A book to bring:
Manual of the Warrior of Light
by Paulo Coelho.
© Maxime Antonin - Will Whipple - Vincent Mercier - Romas Foord
François Simon
Texte pour «Baden-Baden, en excellents thermes». Il jongle avec
les méridiens et les mots, en fait une marelle soyeuse : terre/ciel… Trois
synonymes de ce reportage : apaisement, sérénité, serviette éponge. Et un
souvenir : le regard de Sarah Moon est une sorte d’énigme poétique que
les mots ont un mal de chien à suivre. Ce fut un encouragement constant.
Un flm à (re)voir : L’Année dernière à Marienbad (Alain Resnais, 1961).
Text for “Baden-Baden, thermal energy.” Three ideas synonymous with this
article: soothing, serenity, terry towel. And a memory: Sarah Moon’s eye is like a
poetic enigma that words have a devil of a time trying to follow. It was a constant
encouragement. A flm to see: Last Year at Marienbad (Alain Resnais, 1961).
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Correspondances comme un roman
L’orchidée Scuticaria, courante dans les clairières amazoniennes d’altitude.
The Scuticaria orchid, commonly found in clearings at higher altitudes in the rainforest.
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© Otis Imboden / National Geographic Creative
La botaniste Margaret Mee avec des femmes maku, Brésil, juillet 1967.
Botanist Margaret Mee with Maku Indian women, Brazil, July 1967.
Margaret
l’Amazone
TEXTE, ILLUSTRATION ET PHOTO Paula de
TRADUCTION Laurent Slaars
la Cruz
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Correspondances comme un roman
Une ferme à l’ombre des palmiers açaï sur les rives du Rio Negro, près de Novo Airão.
Farm with açaï palms on the bank of the Rio Negro, near Novo Airão.
u cours des années
1960 et jusqu’en 1988,
Margaret Mee, célèbre
illustratrice botanique
britannique, a exploré les
forêts inondées d’Amazonie tout au long du Rio Negro, le plus
grand feuve à eaux noires du monde, à la
recherche de leur flore extraordinaire.
Pour l’archipel fuvial des Anavilhanas
(la plus grande étendue d’eau douce
du globe) et ses environs, cette période fut
marquée par un phénomène de déforestation sans précédent. Les illustrations de
Margaret Mee, ses croquis et ses carnets,
dont la plupart sont aujourd’hui conservés
à Kew Gardens ou par quelques collectionneurs particuliers, opposaient alors
les merveilleuses beautés d’un des milieux
naturels les plus riches de la planète aux
ravages dûs à la main de l’homme. Journaliste horticole et illustratrice botanique,
Paula de la Cruz est partie à la découverte
des feurs qui ont inspiré les planches de
Margaret Mee, en se penchant plus particulièrement sur l’une d’entre elles : la
rare et insaisissable Selenicereus wittii
(reine-de-la-nuit), une variété de cactus
qui ne feurit que le temps d’une nuit, une
fois tous les deux ou trois ans.
N
otre bateau s’éloigne paisiblement du petit ponton de Novo Airão,
une ville située à 195 km au nord-ouest
de Manaus, sur le Rio Negro. Après
quelques tambaquis grillés en guise de
déjeuner et une brève escale de ravitaillement, je ne suis pas fâchée de laisser
derrière moi la terre ferme et la chaleur
suffocante de l’après-midi, que remplace
désormais la brise fraîche montant du
feuve. Insensiblement, la lumière commence à se teinter d’un bleu de cobalt
nuancé de rouge, qui ne fait que rendre
plus lumineuse encore l’incroyable
gamme de verts de la forêt d’Anavilhanas.
Mon compagnon de voyage n’est autre
que Gilberto Castro, connaisseur passionné des grands espaces amazoniens,
qui accompagna Margaret Mee pour sa
dernière exploration dans les environs,
en mai 1988, six mois avant l’accident
de voiture qui devait lui coûter la vie
dans la campagne anglaise. Quelque peu
marqué par les ans, le teint hâlé par une
vie passée à arpenter les contrées subtropicales, Gilberto ressemble à l’un de
ces personnages louches imaginés par
John le Carré.
L
a chaleur étouffante, d’une lourdeur presque tangible, arrive dans la
conversation. «Margaret paraissait frêle
et chétive, mais elle restait des heures à
peindre en plein soleil, se souvient-il.
Son esprit la conduisait là où son corps ne
pouvait manifestement plus aller.» Nous
continuons de descendre le fleuve en
direction de la petite maison de Gilberto,
que Margaret avait une fois utilisée
comme base arrière pour explorer les
igarapés environnants, ces canaux
naturels inondés à la saison des hautes
eaux entre avril et juillet, et qu’assèche
totalement la décrue du fleuve entre
septembre et janvier. Je tente quelques
questions sur les essences d’arbres, mais
Gilberto est loin d’être impressionné.
«Autrefois, ces forêts renfermaient des
arbres magnifiques, m’explique-t-il,
mais la plupart ont été coupés pour le
bois. Une grande partie de ceux que
vous voyez ici sont de pousses récentes».
Les populations locales, comme les
caboclos (métis descendant d’indigènes
et de colons portugais), vivent de tout ce
qu’elles peuvent tirer de la forêt, abattant des arbres jusque dans les zones
protégées. Margaret appréciait les caboclos parce qu’ils savaient où poussaient
les plantes qui l’intéressaient, tout en
leur reprochant ce rapport vorace à leur
propre nature.
S
urplombant la canopée, les gigantesques palmiers buriti semblent veiller
sur toute vie prenant forme sous leurs
palmes. Leurs fruits huileux, riches en
vitamine A, sont l’une des principales
sources de nourriture de la région amazonienne. Éparpillées entre les buriti,
d’autres variétés de palmiers, les açaï ou
les jauari, hérissés d’épines, sont utilisées
pour la fabrication de paillasses et de
hamacs. Gilberto pointe le doigt vers
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L’orchidée Cattleya comprend une soixantaine d’espèces allant du vert à l’orangé, en passant par le violet.
There are some 60 species of the Cattleya orchid, ranging from green to orangeish or purple in color.
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Correspondances comme un roman
La prolifique orchidée Dichaea aux tiges plates et abondamment feuillues.
The prolific Dichaea orchid with flat stems and abundant foliage.
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le sommet d’un palmier açaï où un japiim
au plumage jaune et noir et aux yeux
bleus s’est mis à chanter. À l’approche de
notre destination, le soleil inonde le ciel
d’un rouge cuivré qu’on dirait emprunté
aux eaux du feuve. Seule la forêt sépare
de son trait ombreux ces deux images en
miroir. Nous tendons nos hamacs sur le
pont du bateau et, avant même que l’obscurité soit totale, les murmures de la forêt
m’endorment comme une berceuse.
D
ès le lever du soleil, Gilberto et moi
sautons dans un canoë pour explorer de
plus près les igarapés avoisinants. L’eau
sombre est si vitreuse et immobile que
tout un entrelacs de troncs, de lianes et
de broméliacées géantes s’y refète dans
un noir d’encre comme sur un test de
Rorschach. Si je dirige mon regard vers
l’avant, l’impression de fotter sur le sommet de la canopée me donnerait presque
le vertige. Un couple d’ibis d’un vert irisé
rompt ce silence que seuls peuvent inspirer les mystères de la nature ou de la religion. Nous nous enfonçons à travers un
igarapé étroit et sombre, à la recherche
du cactus que Gilberto a repéré grâce à
son GPS, et que nous trouvons entortillé
autour du tronc lisse d’un pracaxy : son
feuillage prend naissance sous la surface
de l’eau et s’élève sur quelques mètres
au-dessus de nos têtes. Les feuilles de la
Selenicereus wittii sont d’un vert profond, nuancé de carmin aux endroits les
plus exposés. Non loin des trois gros
boutons, une feur refermée a dû s’épanouir la nuit précédente. Margaret Mee
avait recherché ce cactus pendant près de
dix ans avant d’en découvrir plusieurs
spécimens en 1977. La plupart étaient
presque fanés, mais l’un d’eux portait un
fruit qui permit de déterminer sa période
de foraison. En mai 1988, lors de sa dernière expédition, elle trouva un spécimen
qui arborait dix-sept boutons, et attendit
jusqu’à minuit pour avoir le privilège
d’en peindre un dès son ouverture. «On
est tous allés dormir vers une heure du
matin, se souvient Gilberto, mais Margaret est restée à peindre jusqu’au petit
jour». Dans ses carnets, elle décrit avec
soin le moment fugace et extraordinaire
où la corolle blanche s’ouvre presque
d’un coup, révélant une grande feur au
parfum suave. «Tous les autres boutons
se sont ouverts en l’espace de quelques
jours, a-t-elle noté. La nature n’est jamais
lente ni hésitante à se reproduire, même
dans ce qu’elle nous réserve de plus rare
et de plus subtile.»
Je passe le reste de la journée sur le bateau,
à dessiner. «Margaret ne terminait jamais
une peinture in situ», explique Malena
Baretto, son ancienne voisine de Santa
Teresa (le quartier bohème de Rio de
Janeiro), devenue par la suite son élève et
amie. «Elle réalisait d’abord un croquis
au crayon qu’elle rehaussait à la gouache,
mais elle achevait toujours ses peintures
chez elle. Pour elle, peindre était également un exercice de mémoire».
L
e lendemain matin, nous quittons
la maison de Gilberto par le Rio Cueiras
et décidons d’explorer un igarapé particulièrement étroit qui relie le Cueiras au
Rio Negro. Des strates de pollen jaune
scintillent à la surface de l’eau dès qu’un
rayon de soleil s’infiltre à travers les
branchages. Nous laissons derrière nous
un arapari colonisé par d’opulentes
orchidées Brassavola et Scuticaria. Une
odeur de pomme et de thé s’intensifie
à mesure que la température s’élève.
Alors que nous passons sous la voûte
majestueuse que forme au-dessus de nos
têtes la ramure des fromagers géants, je
pourrais presque toucher les racines des
philodendrons qui prospèrent sur leur
tronc. Nous débouchons ensuite dans
une sorte de clairière aquatique bordée
d’arbres morts, pareils à ceux que Margaret
représenta recouverts d’orchidées. Un
cattleya violet s’accroche au sommet,
mais la plupart des branches ont été
colonisées par des anthuriums au parfum
délicatement vanillé. Au milieu de cet
inextricable entremêlement de branches
et de lianes, nous apercevons les grappes
forales d’une orchidée Dichaea, suspendues au-dessus de nous comme de petits
soufflets d’accordéon. «Lorsqu’elle
représentait la forêt à l’arrière-plan de
ses peintures, Margaret faisait en sorte
de replacer les espèces dans leur habitat
naturel», précise Tony Morrison, qui
l’accompagna dans sa quête de la reinede-la-nuit et édita ses carnets et souvenirs.
«Son talent était double. Il lui suffsait
d’observer une plante pour la dessiner
parfaitement et rendre fdèlement la riche
harmonie de ses couleurs.»
A
vant d’atteindre Manaus, nous
faisons une halte à proximité d’une
petite plantation de palmiers açaï, où
s’épanouissent d’innombrables orchidées
Galeandra. La chaleur accablante rend
encore plus appréciable la fraîcheur
acidulée du jus de cupuaçu (un proche
cousin du cacao) qui nous est offert. En
remontant dans le canoë pour la dernière
fois, je me rends compte que je n’ai guère
passé de temps sur la terre ferme, ces derniers jours, et qu’elle ne m’a pas manqué.
Il en va de même pour ce lézard que je
vois sauter le long de notre embarcation
à la poursuite d’une araignée. Je ne sais si
je reverrai un jour la feur nocturne de la
Selenicereus wittii, mais une chose me
paraît certaine : si j’ai pu contempler les
merveilles forales des Anavilhanas, c’est
en partie grâce aux efforts incessants de
Margaret Mee pour les préserver. «Je sais
que mon travail ne mourra pas avec moi,
avait-elle prédit au cours de sa dernière
expédition en Amazonie. Où que je me
trouve, je tenterai d’infuencer ceux qui
détruisent notre planète, afn qu’ils lui
laissent une chance de survivre».
Palmiers açaï (Euterpe oleracea),
buriti (Mauritia flexuosa)
et jauari (Astrocaryum jauari).
Açaï (Euterpe oleracea),
buriti (Mauritia flexuosa)
and thorny jauari
(Astrocaryum jauari) palms.
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Correspondances comme un roman
Margaret Mee,
the Amazonian
T
hroughout the 1960s up to 1988,
the renowned British botanical illustrator Margaret Mee explored the Amazon’s flooded forests along the Rio
Negro—the largest blackwater river in
the world—in search of their extraordinary fowers. This was an unprecedented
period of deforestation for the Anavilhanas Archipelago—the world’s largest
freshwater archipelago—as well as for
its environs. Mee’s illustrations, sketches
and diaries, which are now mainly at
England’s Kew Gardens and with a few
private collectors, vividly juxtaposed the
beauty of one of the richest environments on earth against the destruction
wrought by mankind. As a horticultural
journalist and botanical illustrator, Paula
de la Cruz set out to discover the fowers
that inspired Mee’s botanical illustrations, and one in particular: the elusive
moonfower cactus (Selenicereus wittii),
which blooms every few years and only
for one night.
O
ur boat departs lazily from a small
pier near Novo Airão, a small town
195 kilometers northwest of Manaus, on
the Rio Negro. After a lunch of grilled
tambaqui fsh and a stop for supplies,
I am happy to leave behind the staggering afternoon heat of land for the crisp
river breeze. The light has begun to
change slowly to a reddish cobalt blue
that only makes the forests of Anavilhanas brighter and greener. I am traveling
with Gilberto Castro, the same enthusiastic outdoorsman who helped Margaret Mee on her last expedition to this
area in May 1988, six months before she
died in a car accident back in England.
Now older, and permanently tanned
from a lifetime spent on the equator,
Gilberto has the air of a shady character
out of a John le Carré novel.
W
e discuss the heat, which feels like
a solid, palpable element. “Mee seemed
frail, but she would stay hours in the sun
painting,” he recalls. “Her mind took her
where her body obviously couldn’t go.”
We continue downriver toward Gilberto’s little house, which Mee once used as
a base to explore the surrounding igarapés—channels that are fooded from April
to July, during the high-water season, but
which are completely dry when the river
is low, from September to January.
I inquire about tree species, but Gilberto
is unimpressed. “These forests were once
populated with magnificent trees,” he
explains, “but they have mostly been cut
for timber. A lot of what you see here is
secondary growth.” Locals, like the Caboclos (people of mixed indigenous and Portuguese descent who make a living from
whatever they can get from the forest), cut
down trees, even in protected areas. Mee
liked Caboclos because they knew where
the plants she was interested in grew, but
she also regretted their voracious relationship to their own environment.
S
tanding tall above the forest horizon,
buriti palms seem to supervise all life that
happens beneath them. Their oily fruits
are one of the most important food
sources in the Amazon and are high in
vitamin A. Sprinkled between buritis,
there are açaï and thorny jauari palms,
which are used to make mats and hammocks. Gilberto points out a bright yellow and black japiim bird with blue eyes
singing on top of an açaï. As we reach our
destination, the sun stains both the sky
and the Rio Negro copper red, with only
a black line of forest separating the two
mirror images. We hang our hammocks
on the boat’s deck, and right before dark
the sounds of the forest are a lullaby easing me to sleep.
A
s soon as the sun rises, Gilberto and
I jump into a canoe to explore the surrounding igarapés. We glide on glassy
blackwater so still, it creates a Rorschach
blot of trunks, lianas and giant bromeliads. If I focus on the view ahead, I almost
get vertigo from a feeling of foating on
treetops. A pair of iridescent green ibises
breaks this silence that only extraordinary
nature, or deep religiosity, can inspire. We
penetrate a narrow and very dark igarapé
where Gilberto has mapped the moonflower cactus with his GPS, and find it
growing around the smooth trunk of a tall
pracachy tree, from below water to a few
meters above us. The moonfower’s leaves
are deep green with tints of crimson where
they get more exposed to light. It has three
buds and a closed flower, which most
probably had opened the night before.
Mee looked for a moonfower cactus for
almost a decade. She found some specimens in 1977, but most of them were
dying, except for one that had a fruit,
which made her able to guess its fowering
season. In May 1988, she found a plant
with about 17 buds, and waited until midnight to paint it. “We all stayed until about
1am,” Gilberto recalls, “but Margaret
painted it almost until sunrise.” In her diaries, Mee describes the mesmerizing
moment when the white petals of the
moonfower began to open quickly, revealing a large and sweetly fragrant fower. All
the other buds “opened quickly within a
few days of each other,” she noted. Nature
is never slow or hesitant to reproduce,
even its most delicate and rare beings.
I spend the rest of the day sketching on the
boat. “Margaret never painted a full plant
in situ,” says Malena Barretto, Mee’s disciple and friend since they met as neighbors
in 1976, in Santa Teresa, Rio de Janeiro’s
bohemian neighborhood. “She sketched
with pencil and added some gouache, but
Margaret always fnished her paintings at
her house,” says Malena. “For her, painting
was a memory exercise, as well.”
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La Selenicereus wittii, variété de cactus aux feuilles vert profond, ne fleurit que le temps d’une nuit.
The Selenicereus cactus, with deep green leaves, blooms only for one night.
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Correspondances comme un roman
Fromager géant (Bombax munguba).
Giant mungubeira (Bombax munguba).
Orchidées Brassavola.
Brassavola orchids.
T
he following morning, we leave
Gilberto’s house in the afternoon for
the Rio Cueiras, and we decide to
explore a narrow igarapé that connects
the Cueiras with the Rio Negro. Yellow
pollen shimmers on the water’s surface
with an occasional ray of sun that flters
through the trees. We pass an arapari
tree ladened with Brassavola and Scuticaria orchids. The scent of apples and tea
flls the air, intensifying as the day grows
warmer. As we pass under giant mungubeira trees forming arches above us,
I can almost touch the roots of philodendrons growing on their canopies. After
this, we reach a clearing with a group of
dead trees, similar to those Mee portrayed full of orchids. A violet Cattleya
orchid is holding on just at the top, but
most of the branches have been colonized
by vanilla-scented anthuriums. Among
the anthuriums, we spot a Dichaea
orchid, hanging down like a miniature
accordion. “Margaret’s paintings with a
forest background were most certainly a
conscious attempt to place fowers into
their native habitats,” explains Tony
Morrison, who edited Mee’s diaries and
joined her on the moonfower expedition. “Her talent was a combination of
being an accomplished draftsperson plus
her ability to match colors accurately,
just by looking at a plant.
B
efore reaching Manaus, we stop
by a tiny farm planted with açaï palms
full of Galeandra orchids. It’s very hot
and we welcome a cool glass of tart
cupuaçu juice, a relative of cacao. Then
we jump into the canoe for the fnal time.
I haven’t been on land much for the last
few days and now realize I haven’t
missed it. Nor does a lizard skipping
across the water, as it chases after a spider alongside our canoe. I wonder if
I will ever see a moonfower again, but
mainly I know that all the fowers I have
seen in Anavilhanas are still there in
small part because of Mee’s efforts to
preserve them. “I know my death will not
be the end of my work,” Mee said during
her last visit to the Amazon. “Wherever
I go, I will try to infuence those who are
destroying our planet, so the earth will
have a chance to survive.”
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Le vert profond de la forêt tropicale avant que le coucher de soleil ne l’embrase de couleurs rouges et cuivrées.
The shades of green in the forest before sunset, when everything turns copper red.
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Correspondances comme un roman
Otter (La Loutre),
le bateau de Gilberto Castro
Botanical cruise aboard the Otter Every spring, Gilberto
Castro and Dulce Nascimento, a botanical illustrator from
Rio de Janeiro, guide guests on botanical journeys to Anavilhanas Archipelago, on Gilberto’s boat, the Otter. The tenday journey follows an itinerary close to the one Margaret
Mee took on her last expedition. This is a great opportunity
to explore the region in depth, starting in Manaus and ending in Jaú National Park. The Otter is also available for
private trips.
© Paula de la Cruz - Gilberto Castro - Daniel Pinheiro
Tous les ans au printemps, Gilberto Castro et Dulce Nascimento, un illustrateur botanique de Rio de Janeiro, embarquent
quelques participants sur l’Otter (le bateau de Gilberto) et les
entraînent dans des parcours botaniques à travers l’archipel
fluvial des Anavilhanas. L’itinéraire d’une dizaine de jours
reprend à peu de choses près celui de la dernière expédition
de Margaret Mee. Il n’y a pas de meilleur moyen pour explorer
en profondeur la région entre Manaus et le Parc national de Jaú.
L’Otter peut également être loué pour des sorties privées.
OTTER
Tél. +55 92 99148 5957. [email protected]
et www.dulcenascimento.com.br
Hotel
Novotel
Manaus est la première étape incontournable pour des raisons
aussi bien logistiques que culturelles. Le Novotel est proche du
centre historique et son personnel très compétent sollicite les
meilleurs opérateurs pour l’organisation des activités. L’hôtel
dispose d’une grande piscine, de courts de tennis, d’un gymnase bien équipé et d’un parcours extérieur de jogging.
HOTEL NOVOTEL Avenida Mandii 4, Distrito Industrial,
Manaus. Tél. +55 92 2123 1211. www.novotel.com
Manaus is your first necessary stop, both for logistic and
cultural reasons. The hotel is close to the historical center,
and its knowledgeable staff helps guests organize activities
with the area’s best operators. The hotel has a great swimming
pool, tennis courts, a well-equipped gym and an outdoor
jogging path.
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224AFM146159-ES.indd 158
BLACK YELLOW MAGENTA CYAN
09/11/2015 11:05
AFMAG224_158.402023_AFMAG224_MAG.4159318.pgs 09.11.2015 11:09
CM00 - HR 195.0x260.0mm
© Parko Polo / Central Illustration Agency - Carte illustrative, non contractuelle Map for illustration purposes only
S’y rendre practical info
www.airfrance.com
Fréquence des vols
Flight frequency
Chaque semaine au départ
de Paris-CDG, AIR FRANCE
dessert Brasilia par 3 vols
et Manaus
(via Brasilia) par 3 vols en
partage de codes avec GOL.
Every week from Paris-CDG,
AIR FRANCE has three fights
to Brasilia and three fights
on a code-share basis with GOL
to Manaus (via Brasilia).
Chaque semaine au départ
de Paris-Orly, AIR FRANCE
dessert Cayenne par 7 vols.
Every week from Paris-Orly,
AIR FRANCE has seven fights
to Cayenne.
Chaque semaine depuis
Amsterdam, KLM dessert
Manaus (via Rio de Janeiro
et São Paulo) par 13 vols en
partage de codes avec GOL.
Every week from Amsterdam,
KLM has 13 fights on a codeshare basis with GOL to
Manaus (via Rio de Janeiro
and São Paulo).
Aéroports d’arrivée
Arrival airports
— Aéroport de Manaus.
À 18 km.
Tél. +55 92 3652 1210.
— Aéroport de Brasilia.
À 11 km.
Tél. +55 61 3364 9000.
— Aéroport de Cayenne.
À 17 km.
Tél. +(0)594 29 97 00.
Bureaux AIR FRANCE KLM
AIR FRANCE KLM offices
Aux aéroports.
Réservations Bookings
— Depuis la France : Tél. 3654.
— Depuis l’étranger :
Tél. +33 (0)892 70 26 54.
Location de voitures
Car rental
Hertz, à l’aéroport de Manaus.
Tél. +55 92 3652 1421.
À lire Further reading
In Search of Flowers of the
Amazon Forests Margaret Mee,
Nonesuch Expeditions.
The Flowering Amazon: Margaret
Mee Paintings from the Royal
Botanic Gardens, Kew Natural
Wonders Press.
À voir Film
Margaret Mee e a Flor da Lua,
Malu de Martino.
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BLACK YELLOW MAGENTA CYAN
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CM00 - HR 195.0x260.0mm

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