Objet d`étude double : La question de l`Homme dans

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Objet d`étude double : La question de l`Homme dans
Objet d’étude double : La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du
XVlème siècle à nos jours, et le théâtre, texte et représentation.
CORPUS DE TEXTES
Texte A : Molière, Dom Juan, Acte III, Scène 2.
Texte B : Molière, Le Tartuffe, Acte IV, Scène 5.
Texte C : Molière, L’École des Femmes, Acte V, Scène 4.
Texte D : Racine, Phèdre, Acte IV, Scène 2.
TEXTE A : Molière, Dom Juan, Acte III Scène 2.
Don Juan, accompagné de son valet Sganarelle, est un grand seigneur libertin et provocateur, qui
essaie de faire blasphémer un mendiant très pieux.
SCÈNE 2. Don Juan, Sganarelle, un pauvre.
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SGANARELLE. Enseignez-nous un peu le chemin qui mène à la ville.
LE PAUVRE. Vous n’avez qu’à suivre cette route, messieurs, et détourner à main droite
quand vous serez au bout de la forêt. Mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur
vos gardes, et que, depuis quelque temps, il y a des voleurs ici autour.
DON JUAN. Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur.
LE PAUVRE. Si vous vouliez, monsieur, me secourir de quelque aumône ?
DON JUAN. Ah ! ah ! ton avis est intéressé, à ce que je vois.
LE PAUVRE. Je suis un pauvre homme, monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix
ans, et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu’il vous donne toute sorte de biens.
DON JUAN. Eh ! prie-le qu’il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres.
SGANARELLE. Vous ne connaissez pas monsieur, bon homme : il ne croit qu’en deux et
deux sont quatre et en quatre et quatre sont huit.
DON JUAN. Quelle est ton occupation parmi ces arbres ?
LE PAUVRE. De prier le Ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent
quelque chose.
DON JUAN. Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise ?
LE PAUVRE. Hélas ! monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.
DON JUAN. Tu te moques : un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d’être
bien dans ses affaires.
LE PAUVRE. Je vous assure, monsieur, que le plus souvent je n’ai pas un morceau de pain à
mettre sous les dents.
DON JUAN. Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins. Ah ! ah ! je m’en
vais te donner un louis d’or tout à l’heure, pourvu que tu veuilles jurer.
LE PAUVRE. Ah ! monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché ?
DON JUAN. Tu n’as qu’à voir si tu veux gagner un louis d’or ou non : en voici un que je te
donne, si tu jures. Tiens : il faut jurer.
LE PAUVRE. Monsieur...
DON JUAN. A moins de cela tu ne l’auras pas.
SGANARELLE. Va, va, jure un peu, il n’y a pas de mal.
DON JUAN. Prends, le voilà ; prends, te dis-je ; mais jure donc.
LE PAUVRE. Non, monsieur, j’aime mieux mourir de faim.
DON JUAN. Va, va, je te le donne pour l’amour de l’humanité.
TEXTE B : Molière, Le Tartuffe, Acte IV, Scène 5.
Tartuffe est un hypocrite qui cherche à séduire l’épouse de son ami et protecteur Orgon, tout en
essayant de conserver l’image et le langage d’un saint homme. Dans cette scène, Elmire lui tend un
piège et le pousse à se trahir, en feignant de céder à ses avances.
Tartuffe, Elmire, Orgon, caché sous la table.
TARTUFFE
Mais si d’un œil bénin vous voyez mes hommages,
Pourquoi m’en refuser d’assurés témoignages ?
ELMIRE
Mais comment consentir à ce que vous voulez,
Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ?
TARTUFFE
5 Si ce n’est que le Ciel qu’à mes vœux on oppose,
Lever un tel obstacle est à moi peu de chose,
Et cela ne doit pas retenir votre cœur.
ELMIRE
Mais des arrêts du Ciel on nous fait tant de peur !
TARTUFFE
Je puis vous dissiper ces craintes ridicules,
10 Madame, et je sais l’art de lever les scrupules.
Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ;
(C’est un scélérat qui parle.)
Mais on trouve avec lui des accommodements ;
Selon divers besoins, il est une science
D’étendre les liens de notre conscience,
15 Et de rectifier le mal de l’action
Avec la pureté de notre intention.
De ces secrets, madame, on saura vous instruire ;
Vous n’avez seulement qu’à vous laisser conduire.
Contentez mon désir, et n’ayez point d’effroi :
20 Je vous réponds de tout, et prends le mal sur moi.
(Elmire tousse plus fort.)
Vous toussez fort, madame.
ELMIRE
Oui, je suis au supplice.
TARTUFFE, présentant à EImire un cornet de papier.
Vous plaît-il un morceau de ce jus de réglisse ?
TEXTE C : Molière, L’École des Femmes, Acte V, Scène 4.
Arnolphe, dans sa peur du cocuage, essaie de se faire aimer d’Agnès, jeune fille qu’il espérait pure
et innocente, mais qui est amoureuse du jeune Horace.
Arnolphe, Agnès.
AGNES
Du meilleur de mon cœur je voudrais vous complaire :
Que me coûterait-il, si je le pouvais faire ?
ARNOLPHE
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Mon pauvre petit bec, tu le peux, si tu veux.
(Il fait un soupir.)
Écoute seulement ce soupir amoureux,
Vois ce regard mourant, contemple ma personne,
Et quitte ce morveux et l’amour qu’il te donne.
C’est quelque sort qu’il faut qu’il ait jeté sur toi,
Et tu seras cent fois plus heureuse avec moi.
Ta forte passion est d’être brave et leste :
Tu le seras toujours, va, je te le proteste.
Sans cesse, nuit et jour, je te caresserai :
Je te bouchonnerai, baiserai, mangerai,
Tout comme tu voudras, tu pourras te conduire :
Je ne m’explique point, et cela, c’est tout dire.
(À part.)
Jusqu’où la passion peut-elle faire aller !
Enfin à mon amour rien ne peut s’égaler :
Quelle preuve veux-tu que je t’en donne, ingrate,
Me veux-tu voir pleurer ? Veux-tu que je me batte ?
Veux-tu que je m’arrache un côté de cheveux ?
Veux-tu que je me tue ? Oui, dis si tu le veux :
Je suis tout prêt, cruelle, à te prouver ma flamme.
AGNES
Tenez, tous vos discours ne me touchent point l’âme :
Horace avec deux mots en ferait plus que vous.
ARNOLPHE
Ah ! c’est trop me braver, trop pousser mon courroux.
Je suivrai mon dessein, bête trop indocile,
Et vous dénicherez à l’instant de la ville.
Vous rebutez mes vœux et me mettez à bout ;
Mais un cul de couvent1 me vengera de tout
TEXTE D : Racine, Phèdre, Acte IV, Scène 2.
Hippolyte essaie de convaincre son père Thésée qu’il n’a jamais cherché à séduire sa belle-mère
Phèdre, contrairement aux accusations de celle-ci, et qu’il est amoureux de la jeune Aricie, que
Thésée lui a interdit de fréquenter.
Thésée, Hippolyte.
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HIPPOLYTE
Non, mon père, ce cœur, c’est trop vous le celer,2
N’a point d’un chaste amour dédaigné de brûler.
Je confesse à vos pieds ma véritable offense :
J’aime ; j’aime, il est vrai, malgré votre défense,
Aricie à ses lois tient mes vœux asservis ;
La fille de Pallante a vaincu votre fi1s.
Je l’adore, et mon âme, à vos ordres rebelle,
Ne peut ni soupirer ni brûler que pour elle.
« un cul de couvent » : Arnolphe veut dire qu’Agnès sera enfermée dans une cellule de couvent.
« celer » signifie cacher, dissimuler.
THÉSÉE
Tu l’aimes ? ciel ! Mais non, l’artifice est grossier.
10 Tu te feins criminel pour te justifier.
HIPPOLYTE
Seigneur, depuis six mois je l’évite, et je l’aime :
Je venais en tremblant vous le dire à vous-même.
Hé quoi ? de votre erreur rien ne vous peut tirer ?
Par quel affreux serment faut-il vous rassurer ?
15 Que la terre, le ciel, que toute la nature...
THÉSÉE
Toujours les scélérats ont recours au parjure.
Cesse, cesse, et m’épargne un importun discours,
Si ta fausse vertu n’a point d’autre secours.
HIPPOLYTE
Elle vous paraît fausse et pleine d’artifice.
20 Phèdre au fond de son cœur me rend plus de justice.
THÉSÉE
Ah ! que ton impudence excite mon courroux !
Question sur le corpus (4 points).
Analysez précisément les différences de visée entre les tentatives des quatre textes : persuader, ou
convaincre ? Par quels procédés caractéristiques de l’argumentation ?
Écriture : vous traiterez ensuite un seul des trois sujets suivants (16 points).
Commentaire : Vous commenterez le texte C, extrait de L’Ecole des femmes.
Dissertation : En vous appuyant sur les textes du corpus, sur les textes étudiés en classe, et sur vos
lectures personnelles de textes théâtraux, vous direz si, comme le prétendait Etienne Souriau en
1950, « toutes les situations dramatiques peuvent être rendues comiques avec un peu d’adresse ».
Vous préciserez à quoi peut tenir le comique d’une situation, et vous indiquerez les limites de cette
affirmation.
Écriture d’invention : Appliquez l’affirmation d’Etienne Souriau à l’extrait de Phèdre, et transposez la scène dans un registre comique. Vous donnerez toutes les indications de mise en scène (mouvement, tonalité, décor, etc.) qui vous sembleront nécessaires, sous la forme de votre choix, et vous
pourrez choisir librement votre style, en évitant cependant les excès de grivoiserie ou de grossièreté.