Aspects Psychologiques et soins palliatifs Module D
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Aspects Psychologiques et soins palliatifs Module D
MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 Aspects Psychologiques et soins palliatifs Module D Jérôme Alric, psychologue clinicien, UMSP Mon propos s’organisera autour de trois idées-fortes qui sont : - spécifier le traumatisme psychique des personnes en soins palliatifs, - repérer quelles stratégies défensives psychologiques se mettent en place face à ce type de traumatisme, - Enfin, quelques mots sur comment le médecin peut se positionner pour dire des mauvaises nouvelles notamment au regard de la nouvelle loi du 4 Mars 2002. …….. Il existe une souffrance bien spécifique des personnes atteintes de maladie grave et qui sont « à la fin de leur vie ». Souffrance spécifique qui a été mise en évidence et conceptualisée par C. Saunders sous le nom de « souffrance globale » (Total pain). Cette souffrance est à la fois physique, psychologique, sociale et spirituelle. Souffrance physique : La douleur est avant tout corporelle lors de maladie grave notamment de maladie cancéreuses…Bien évidemment, la douleur physique a des répercussions importantes sur le vécu du malade ! On entend par Souffrance sociale les pertes de repères quotidiens de la personne, la perte de son travail (perte de son identité sociale), de son cercle d’amis, les changement contraint de lieu de vie… Tout ce qui a à voir avec ce nouveau statut que la personne revêt malgré elle : le « statut de malade ». La souffrance spirituelle, c’est une autre façon de dire qu’il n’y a rien de tel qu’une maladie grave pour raviver des questions « spirituelles ». L’angoisse et la peur de la mort amènent à se questionner sur le « sens de la vie », de sa propre vie. On va donc se centrer sur les aspects psychologiques de cette souffrance. On peut distinguer la souffrance : Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 - en lien avec le vécu des atteintes corporelles. En effet, l’image du corps dégradé entraîne une souffrance morale de fait. Voir et ressentir son corps abîmé, sa fatigue et ses pertes progressives de « capacités » entraînent inexorablement un mal-être très particulier qui a à voir avec la perte de maitrise de soi. - Mais la Souffrance est aussi en lien avec ce qui est dit au malade. C’est à dire il faut repérer que le discours médical, les paroles médicales ont aussi un impact psychologique important. Ces paroles font émerger des affects dépressifs, des angoisses de mort… Vous savez que le parcours médical dans le cas de maladies graves est jalonné d’annonces plus ou moins négatives… La plus grande souffrance de l’homme, c’est ce sur quoi je vais appuyer aujourd’hui, c’est lorsqu’on s’entend dire que l’on est mortel ! Surtout de la part des personnes dont on attend tout, les médecins qui sont naturellement placés en position de Sauveur ! ………… Le traumatisme On peut aborder la notion de traumatisme par différents angles. L’idée que je souhaite vous faire passer aujourd’hui, c’est que, dans un contexte de maladies graves et d’arrêts des soins curatifs, dans un contexte de perte d’espoir global, les annonces médicales, les paroles, ont toujours des répercussions psychiques importantes ! C’est donc bien par le biais de paroles adressées au malade que j’approcherai la question du traumatisme. Ce que je vais vous dire vaut également pour les annonces au prichse des mlalades même si cela n’a pas exactement la même teneur… évidemment. Bref, les paroles médicales font inexorablement surgir de l’angoisse de mort chez le malade. C’est à ce point là que l’on peut ramener la citation de Freud qui disait que « les paroles peuvent faire un bien indicible ou causer de terribles blessures » ! - D’un côté, heureusement, les paroles des soignants peuvent venir apaiser l’angoisse, peuvent venir contenir cetrte terrible épreuve pour le patient. Les mots peuvent avoir des résonances rassurantes, contenantes Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 - Mais d’un autre côté, et c’est ce dont on va parler aujourd’hui, c’est que les paroles peuvent créer de terribles blessures. C’est traumatique non pas dans le sens où cela a déjà eu lieu mais c’est un traumatisme purement psychologique. La parole va annoncer un drame à venir, c’est prédictif, « prophétique ». Ce qui est intéressant ici, c’est de comprendre quel type de déstructuration entrainent les mots et comment ils peuvent avoir de tels effets psychiques ? Parler de la mort ne fait pas mourir certes, néanmoins, les mots ont des résonances psychiques parce qu’ils attaquent le sentiment d’immortalité. Ils touchent à la substance même de ma Vie du sujet. Cette vie psychique singulière qui s’est construite avec des mots, avec des paroles. Vous savez que notre subjectivité, notre vie psychique se construit avec des mots ; mots qui nous ont été adressées et auquels nous nous sommes identifiées. Il s’agit là des postulats de base de la psychologie et de la psychanalyse. ( A titre d’exemple, je vous rappelle que des enfants à qui l’on procure tous les soins vitaux « sans un mots » meurent tous en bas âges (expériences nazis ) ou s’enferment dans des comportements autistiques (on a l’exemple des orphelinats Roumains…) Alors, bien sûr, on le disait plus haut, la maladie amène des transformations qui entrainent d’eux-mêmes de la souffrance. Le corps atteint dans sa chair entraine une douleur morale déjà importante sans qu’il n’y ait de répercussions de la parole. Mais tout cela est décuplé, prend vraiment valeur de traumatisme lorsque c’est mis en sens ; et notamment lorsque c’est parlé par les soignants. En ce sens, la parole médicale fait traumatisme par tout ce que ça ouvre au niveau intime… ……… Un mot sur le contexte pour mieux comprendre les effets de telles paroles : Le contexte de la maladie grave place la personne malade dans une position régressive psychologiquement. Le patient a besoin du médecin sur le plan strictement thérapeutique; ce qui entraine parfois des liens relationnels et affectifs importants. Cette nécessité du médecin place le malade dans une relation de dépendance psychique à son égard. Le médecin est donc installé à une place très particulière. Il est fortement investi et attendu dans les demandes et le regard du malade. Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 Cliniquement, on voit bien combien les patients sont accrochés à tout ce que le médecin va dire, suspebndus à leurs lèvres… c’est bien sûr cette dynamique qui fait que ses mots vont avoir un impact important. On peut en dire un peu plus et repérer que médecin occupe quasi automatiquement (inconsciemment) cette place de “messager du destin”. Avant même qu’il ait parlé, dans les représentations. Et, effectivement, une fois qu’il parle, les paroles du médecin sont souvent entendu comme “prophétie”. Il y croit le malade à ce qu’on lui dit au point où certaine écoles de pensées style Simonton… qui avancent que le destin du malade est fortement lié à l’espoir que le médecin investi dans son action !!! Anne Ancelin Schuztenberger dit même que « lorsque le médecin prédit la mort du malade, conformément aux statistiques, très souvent il meurt. Mais lorsqu’il prédit que le malade, contrairement aux statistiques, a de fortes chances de s’en sortir, il a de bien meuilleures chances de s’en sortir ! ». Même si l’on peut douter de la validité de ce genre de propos, cela montre qu’il y a un lien au moin sdans la représentation du malade entre ce que dit le médecin et ce qui va se passer ! C’est en ce sens que la parole du médecin « prédit ». Ce qui est important à repérer, c’est que c’est à cette place-là que le malade l’installe, indépendamment de la personne du médecin et même de sa manière de dire. …… Alors, qu’est-ce qui est en jeu dans l’annonce du diagnostic ? Repérons déjà ce que disent les patients après-coup. - Ils disent que l’annonce est un « instant charnière » et un « moment solennel ». - Ils disent aussi qu’ils ne sont « plus pareil après qu’avant l’annonce » ; « Ces mots sont gravés pour toujours dans la mémoire ». Bref, ils disent que les paroles qu’ils ont entendues ont mis à mal leur subjectivité, qu’elles ont fait vacciller tout leur être dans son ensemble. Hypothèse : Ces paroles sont traumatiques par le fait qu’elles portent en elles l’idée d’une mort possible annoncée ! C’est à dire : le patient entend plus que ce que le médecin lui dit. Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 Pour mieux comprendre là, il nous faut dire quelques mots du rapport de la vie psychique à la mort. Psychiquement, le rapport de l’homme à sa mort consiste en un déni. C’est à dire : même si parfois, il arrive à l’homme d’être convaincu que la mort est le couronnement nécessaire à sa vie, que la mort est un phénomène naturel et inévitable, en réalité, nous avons « l’habitude de nous comporter comme s’il en était autrement (nous tendons) « de toutes nos forces à écarter la mort, à l’éliminer de notre vie » 1 . En clair, pour notre psychisme, comme dans nos comportements quotidiens, nous faisons comme si la mort n’existait pas. D’un côté, chacun d’entre nous sait qu’il doit mourir un jour, mais plus profondément, c’est un savoir que l’on oublie, que l’on met de côté. Et c’est bien cela qui nous permet de vivre. Le sentiment d’immortalité est donc un élément central, constitutif et moteur de la vie psychique ! On peut définir maintenant mieux définir le traumatisme. Le traumatisme est un « événement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’ils provoquent dans l’organisation psychique ». Etymologiquement, Trauma renvoie à la « blessure » ; il signifie « effraction », « choc modifiant la personnalité ». Ici, le Traumatisme est en lien direct avec le fait que les mots attaquent le sentiment d’immortalité, le mettent à mal ! Le contenu de ces informations, de ces annonces, adressées au malade, vont déborder les capacités de représentation du psychisme. Il y a une explication simple : c’est que l’appareil psychique « ne peut pas gérer cela », il ne peut pas faire le « travail de mise en lien » et de « mise en sens avec des mots » quand il s’agit de sa propre mort. Simplement car « sa propre mort est un irreprésentable » pour l’inconscient et donc pour le psychisme. Là où le travail est difficile mais possible pour la mort d’un autre que soi, il devient impossible pour soi-même ! 1 Janvier 2007 J. Alirc Ibid., p. 253. Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 Et c’est bien parce qu’il n’y a pas d’élaboration psychique possible de sa propre mort, que des mots posés sur notre propre avenir surprennent toujours, constituent toujours une effraction, une blessure ; précisément, un choc auquel on ne peut jamais se préparer à l’avance ! Plusieurs auteurs on réfléchi à la question cette impossibilité de se préparer psychiquement à sa propre mort par avance : Freud : « il nous est absolument impossible de nous représenter notre propre mort et chaque fois que nous l’essayons, nous nous apercevons que nous y assistons en spectateurs », " Personne au fond ne croit à sa propre mort ou ce qui revient au même : dans l’inconscient, chacun de nous est persuadé de son immortalité ". Epicure : « tant que nous vivons, la mort n’est pas, et quand nous mourrons, nous ne sommes plus ». Jankélévich : « la mort et moi, nous sommes exclusifs l’un de l’autre et nous nous chassons réciproquement » 2. Heidegger : Le trépas est un événement qui ne concerne spécialement « personne ». Si nous suivons ce courant philosophique, nous sommes obligés de constater que la mort, par essence énigmatique, « ne peut pas être acceptée _ si accepter c’est reconnaître, incorporer et s’approprier 3. Néanmoins, les médecins disent, c’est un incontournable dans la médecine actuelle, c’est même le plus souvent une demande des malades eux-mêmes. Janvier 2007 J. Alirc 2 Jankélévich, 1977. La mort, p ; 270. 3 Nancy J. L., 2003. “ Heidegger et la vie sans mort ”, Le nouvel observateur du 17 au 23 Juillet 2003, p. 16-17. Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 Un mot sur les 2 réactions les plus fréquentes des patients après l’annonce de mauvaises nouvelles. - 1. La plupart du temps, le facteur traumatogène reste présent dans le conscient du sujet au point d’entraver totalement son activité… Le sujet est sidéré, il n’arrive pas à oublier. Il y a comme une « paralysie de la vie psychique »… On est là dans un tableau de type dépressif où la projection de l’avenir est bouchée, la temporalité s’arrête à l’ici et maintenant. On est dans le « ma vie est foutue », « je n’en ai plus pour longtemps »… A ce moment là, certains types de troubles peuvent apparaitrent. Les troubles somatiques les plus fréquents sont : - l’épuisement physique massif, - des troubles d’angoisse de type dyspnéiques, - une insomnie, - des troubles digestifs. Les troubles psychologiques (donc sur le versant dépressif) : - images mentales intenses - sentiments de culpabilité, - hostilité pour l’entourage, - perte de repères, désorientation. - 2. D’autres personnes ont, peut être de par une plus grande solidité psychique, une autre façon de réagir. Le mécanisme psychique du déni se met en place, ces patients font alors comme s’ils n’avaient rien entendu… Il est important de dire que ce mécanisme comme tous les mécanismes de défenses psychiques sont inconscients, c’est à dire le malade ne peut pas contrôler ces réactions, ce n’est pas un choix ! Faire comme si on avait rien entendu, revient à faire comme si la mort ne paraissait pas possible pour ce qui nous concerne personnellement. On est au plus près là de ce que disait Freud : " Personne au fond ne croit à sa propre mort ou ce qui revient au même : dans l’inconscient, chacun de nous est persuadé de son immortalité ». Là, on est plutôt sur un versant maniaque, dans le sens où l’on rencontre des patients qui ont plein de projets, qui ne tiennent pas ou peu compte de ce que Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 leur disent les soignants, c’est un pied de nez au discours sécuritaire, c’est le « jusque là tout va bien » . …………………….. Ces deux types de réactions sont déjà un moyen de vous parler des mécanismes de défenses. Dans la vie de tous les jours, ce sont les mécanismes de défenses psychiques qui nous protègent et qui nous permettent de vivre avec une temporalité ouverte. Le sentiment d’immortalité est tenace et constitutif de la vie psychique. Qu’est-ce qu’un mécanisme de défense ? On peut dire que c’est une « déformation de la réalité objective ». Ce sont des mécanismes mentaux qui se mettent en place lorsque la réalité est insupportable. Ils évitent la souffrance et permettent de gérer l’angoisse et particulièrement ici l’angoisse de mort. Les mécanismes de défenses se construisent chez le nourrisson pour lutter contre la détresse et les angoisses de séparations. Mais lorsque l’adulte est confronté à quelque chose qu’il ne peut pas maitriser, ces mécanismes de défenses se remettent en place. Les étapes du mourir Certains auteurs comme E. Kubler-Ross dans son ouvrage "les derniers instants de la vie" a tenté de décrire les réactions du malade de l’annonce d’une maladie grave à la mort. Elle remarque ou plutôt elle postule que tous les malades passent par un cheminement psychologique similaire. Ce cheminement est fait d’une succession de phases auquelles correspondent des mécanismes de défenses différents. Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 - le déni. Au sortir de la sidération, le premier cri est le “non”, “non, c’est pas moi, c’est pas vrai”. Il s’agit donc de nier la situation, de faire comme si l’on ne savait pas malgré les annonces et les ressentis. Au lieu d’affronter la réalité, on la gomme. Il s’agit d’une protection contre l’angoisse de mort. Déni de soi à soi Déni social et relationnel. Ce qui importe pour le malade, c’est de ne pas être considéré comme un sujet mourant mais un vivant malgré la mort qui se profile, pour toujours demeurer sujet à part entière. C’est d’ailleurs peut être une des position la plus viable pour vivre au mieux... L’alopécie est intéressante à ce propos car elle empêche le déni social et relationnel. Pourquoi ? Parce que la personne ne peut plus tricher. elle renvoie à Autrui “chimiothérapie”, “cancer” et la connotation est violente et “mécanique”. Les mots fonctionnent alors comme des équations : alopécie = cancer = chimiothérapie = en danger de mort. Ce mécanisme du déni désarçonne souvent les soignants, ils ne savent plus comment agir. Cela peut aller jusqu’au refus de se faire soigner. Mais ce mécanisme étant inconscient, il est inutile de marteler des “réalités médicales” (la vérité), si le patient n’est pas prêt à les entendre. J’accompagne une patiente depuis 3 mois en phase terminale d’un cancer de l’estomac. Lors des entretiens, elle a abordé des éléments autour de sa mort à venir, elle souhaite que ses cendres soient jetées dans la mer sur le retour de son pays d’origine...elle sait où elle en est… Mais, plus elle décline et plus, paradoxalement, elle évoque des projets de vie, irréalisables dans la réalité (aller à sa maison de campagne et se balader, retourner dans son pays d’origine...), mais qui la tiennent en vie et en projet. Le déni aide aussi parfois à vivre, à continuer à avoir des projets… - la révolte. Viennent ensuite les sentiments de colère et de rage. C’est le “pourquoi moi, je n’ai pas mérité ça!”. A ce stade, tout est injustice. Cette colère peut se retourner contre tout le monde, ceux qui sont là, souvent les soignants, mais aussi Dieu, le destin... Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 - le marchandage. Là, le patient sait à quoi s’en tenir mais il tente de maitriser encore les choses, il se pose des petits obstacles entre lui et la mort, des sursits. Il se donne des échéances, par exemple demander à voir une personne, tenir jusqu’à Noël... Alors qu’il se savait condamné, il nous est arrivé, lors d’un accompagnement, de participer à la mise en place d’un mariage, à l’hopital, à quelques semaines de sa mort. C’est quelque chose qui avait véritablement du sens dans l’histoire de son couple. C’est quelque chose qui a donné du sens à sa fin de vie. Il est mort seulement quelques semaines après… - la dépression. Quand la maladie évolue, que le malade ne va plus aux « chimio », qu’il maigrit, s’affaiblit, ne s’alimente presque plus, alors il sait que c’est grave et qu’il va mourir. Il s’agit plutôt de désorientation, de pertes de repères et d’une intense souffrance morale. On peut parler de dépression reactionelle face au destin, d’un désinvestissement progressif des liens avec l’entourage, d’un repli. - l’acceptation. Elle reste exceptionnelle et il n’existe pas d’acceptation totale, surtout pour celui qui le vit, où il s’agirait de faire le deuil de soi-même. Ce que je vous dis là est un repérage psychologique de ce qui serait censé se jouer chez le patient. Sachez que c’est très complexe, que cette chronologie n’est pas immuable. Dans la pratique, des patients montrent qu’ils s’accrochent à la vie jusqu’au derniers instants (contexte de déni), d’autres nous montrent qu’ils lachent (contexte d’acceptation). Les sentiments sont toujours oscillants entre le réalisme au plus près de ce qui se joue dans le corps, et l’espoir que quelque chose se passe avec tout l’imaginaire qui peut se greffer ! Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 ….. Comment le médecin peut se positionner pour dire des mauvaises nouvelles notamment au regard de la nouvelle loi du 4 Mars 2002. Nous en parlerons plus en détails avec la séance de travail avec D. Froment sur la communication et la relation… Néanmoins, deux positions sont possibles pour le médecin que vous allez être bientôt !!! - Soit on veut « faire cheminer le malade », donc le plus souvent « attaquer son déni et son système défensif » pour qu’il puisse « se préparer à sa propre mort »… - Soit on est dans ce que l’on appelle l’accompagnement qui est une position de relation à l’autre où l’on repère où il en est, on l’écoute en essayant de cheminer avec lui, à son rythme… sans chercher à « le convaincre de quoi que ce soit ». Il faut savoir que la loi du 4 Mars 2002 vous incite fortement à dire, indépendamment du souhait du malade ! En effet, avant cette loi, le médecin avait l’obligation d’informer le malade de sa maladie avec deux réserves : - sauf si le patient lui disait qu’il ne souhaitait pas être informé, - sauf si le médecin, en son âme et conscience, était persuadé que des informations médicales feraient, pour ce malade-là, plus de mal que de bien. Cette loi du 5 mars 2002 ne fait plus cas de l’impossibilité ressenti par le médecin de dire toute la vérité. Le ressenti et l’intuition clinique du médecin n’ont pas de place ici. S’il ne dit pas tous les éléments des résultats d’examens au plus près et au plus juste de ce qui est, il est théoriquement « passible de poursuite judiciaires » ! Cette loi ne fait plus cas non plus d’un souhait du patient qui serait informulé. C’est à dire, dans les textes, il faut que le patient dise clairement qu’il souhaite être tenu dans l’ignorance pour ne pas être informé. Posons nous la Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes MID Soins Palliatifs Item 69 Aspects psychologiques et soins palliatifs Année Universitaire 2006-2007 question : qu’en est-il lorsque le patient ne « peut pas » s’exprimer ou bien lorsqu’il n’a plus les fortces mentales pour le faire ? Nous avons parlé jusqu’à présent de la Vérité en terme « d’exactitude médicale », de vérité donnée par des instruments de mesure qui mesurent des informations précises concernant le corps. Mais psychologiquement, et je m’en tiendrais là, ce qui semble primordial, c’est moins cette vérité médicale-là, que la réalité subjective, la Vérité du malade. En effet, c’est bien cette Vérité subjective qui est en jeu lorsque l’on parle d’Espoir. C’est important de repérer que ce qui doit guider la pratique en soins palliatifs, c’est bien plus la qualité de vie du patient par le biais de l’espoir, (du croire) que l’exactitude bio-médicale. C.P va vous parler maintenant de l’interdisciplinarité car c’est bien grâce à une pratique pluridisciplinaire que l’on peut repérer au mieux où en est le patient, ce qu’il veut savoir, ce qu’il doit savoir dans notre âme et conscience ! Janvier 2007 J. Alirc Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes