ton univers impitoyable - Diane Leprince
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ton univers impitoyable - Diane Leprince
ST1LEINTÉGRALE Denim ton univers impitoyable À l’heure actuelle, le marché du jean en France connaît une grande évolution. Alors que de nouveaux jeanneurs font leur entrée dans la cour des grands en pratiquant une politique de prix accessibles, les marques historiques misent, elles, sur la diversification de leurs produits. On assiste ainsi à une véritable mutation de l’offre. De plus, le circuit de distribution se réorganise avec l’augmentation des créations de boutiques monoproduit. Pour le moment, la croissance est toujours de la partie. Mais pour combien temps encore... Dossier réalisé par Diane Leprince E n deux ans, l’univers du jean a considérablement changé. Il faut dire que les nouvelles marques venues du Nord de l’Europe ont donné un sacré coup de pied dans la fourmilière, en bouleversant les codes établis ces dix dernières années. Petit rappel. Avant leur arrivée, le jean à 200 euros était roi et le consommateur ne jurait que par lui. Les marques italiennes telles que Diesel, Replay ou encore Energie sont à l’origine de cette tendance, lancée il y a près de dix ans. Résultat : le marché du jean français dans son ensemble a connu une hausse vertigineuse des prix. Les Italiens ont aussi influencé le style et la coupe en déclenchant la mode du jean taille basse et du délavage obligatoire. Alors, quand des marques comme Cheap Monday ou Dr Denim font leur apparition sur le sol français, il y a un véritable électrochoc général. Ces marques originaires du Nord de l’Europe prennent le contre-pied de la tendance lancée par les jeanneurs italiens, avec leurs pantalons serrés, non délavés et à taille haute. Le prix n’a plus rien avoir non plus. Pour moins de 24 BORN TO BE UN1QUE 100 euros, les marques nordiques proposent un produit de qualité. L’effet est immédiat. Le boucheà-oreille fonctionne bien et la déferlante « slim brut » s’impose dans la rue. En conséquence, depuis deux ans, le prix des jeans est plutôt à la baisse. Le consommateur peut donc trouver plus facilement en boutique un jean, entre 60 et 85 euros. CHANGEMENT DE CAP L’arrivée des pays du Nord sur le marché français a bousculé bon nombre de marques. Il faut dire que depuis leur venue, le jean à 200 euros ne fait plus autant recette. Par conséquent, les marques italiennes ont décidé de réagir en proposant une offre complète de produits. Elles continuent à fabriquer et à vendre du jean, mais elles amorcent un changement de cap. Diesel, par exemple, se positionne de plus en plus sur le marché du « trendy » de luxe. Cela veut dire que les tee-shirts, pulls, vestes et accessoires prennent une part de plus en plus importante dans les collections. Les marques italiennes dans leur ensemble commencent déjà à préparer l’après « ère du jean tout-puissant ». Les chiffres de consommation ne sont pas alarmants, loin de là. Le jean a toujours une place importante sur le marché du prêt-à-porter. Cependant, sur le premier semestre 2007, la consommation de jeans a enregistré une légère baisse de 0,5 % par rapport à la même période en 2006 (en milliers de pièces, source : base de données consommateurs IFM). CONCEPT STORE EN VOGUE Côté distribution, ça bouge aussi. Jusqu’à présent, les boutiques multimarques avaient la part belle sur ce marché. Mais depuis quelques temps, les marques développent leur propre concept store. GStar, Diesel, Liberto et bien d’autres encore suivent l’exemple de Levi’s, pionnier en la matière. La boutique monoproduit présente plusieurs avantages à leurs yeux. Elle reflète parfaitement l’image que les marques souhaitent véhiculer. En franchissant le seuil de la porte, le client est en contact direct avec leur univers. Le concept store permet aussi de positionner toute la collection de la marque sur une seule et même surface de vente. Par conséquent, le consommateur dispose d’une vision globale de l’offre produits de l’enseigne. Cette tendance résulte du besoin de se distinguer des autres. La concur- rence accrue sur ce marché, ces dernières années, incite les jeanneurs à élaborer des stratégies marketing qui passent forcément par l’identification de leur marque par le consommateur. Et le concept store est un procédé judicieux pour y parvenir. TUNISIE, TERRE DE DENIM Depuis dix ans, l’offre en matière de jeans n’a cessé de croître. Elle s’est même intensifiée ces trois dernières années. De nouveaux jeanneurs tels que National Liberty, Questo Denim ou encore Las Vegas Buddha tentent de se faire une place sur le marché français. À l’heure actuelle, ce n’est pas une mince affaire, car il faut jouer des coudes pour s’imposer. Toutes ces nouvelles marques ont un point commun : elles fabriquent leur denim en Tunisie. Ce pays du Maghreb, à la longue tradition textile, est devenu en quelques années incontournable dans la production de jeans. Depuis les années 1970, grâce à une loi introduisant le régime off-shore, de nombreuses entreprises textiles françaises et étrangères se sont installées dans la région de Ksal Hellal au centre du pays. En 2005, la fin des Accords sur le textile et les vêtements démantèle les derniers quotas d’importations qui concernaient certains produits (pantalons, vestes, tee-shirts, coton). Alors, afin de lutter contre l’invasion de l’exportation chinoise, la France a mis en place des modalités préférentielles d’échange avec la Tunisie dans le secteur de l’industrie textile. Résultat, depuis trois ans, le marché français du jean est assailli par de nouvelles marques produisant leurs collections en Tunisie. Il faut dire que le rapport qualité-prix y est fort avantageux autant pour les fabricants que pour les consommateurs. SLIM, BOOTCUT, À QUI LE TOUR ? Cependant la multiplication des marques ne favorise pas la pérennité du marché. Trop de marques tuent le jean ? Peut-être... Le danger d’atomisation du marché français du jean semble bien réel. La concurrence sur ce segment de l’offre textile est particulièrement exacerbée. Les marques peinent à fixer leur clientèle. Le consommateur d’aujourd’hui est en perpétuelle recherche de nouveautés. Les cycles de collections de plus en plus courts ne favorisent pas une amélioration de ce comportement. En l’espace de deux ans, le slim a succédé au bootcut et va bientôt laisser sa place au jean pattes d’ef. Dans de telles conditions, il sera de plus en plus difficile pour les jeanneurs de tirer leur épingle du jeu ! BORN TO BE UN1QUE 25 ST1LEINTÉGRALE LA BIBLE , LA TOILE Véritable Who’s Who du marché mondial du jean, The Denim Bible — La Bible du denim — référence marques et créateurs, tout en proposant des photos de campagnes publicitaires mythiques. Cet ouvrage, édité par Sportwear International, fournit une vision d’ensemble de ce secteur. Un livre que tous les amoureux du denim et les professionnels de la mode devraient avoir dans leur bibliothèque. Michela Schmidinger, l’une de ses auteurs, explique sa démarche. au cœur de la rivalité entre jeanneurs UNE GRANDE VARIÉTÉ DE TOILES Mais pour fabriquer un beau tissu, il faut obligatoirement un beau coton ! La qualité de cette fibre naturelle dépend essentiellement de sa longueur et de la proportion de corps étrangers qu’elle contient (poussières, feuilles, traces d’huile...). De nombreuses marques du nord ont choisi l’Inde pour fabriquer leurs jeans. Il faut dire que les Indiens possèdent un savoir-faire dans ce domaine et une bonne connaissance de la toile. Tous les tissus sont fabriqués et pensés en fonction de l’aspect final souhaité. Pour un rendu très brut, la toile est plus solide et plus noire. En revanche, si le fabricant veut obte- 26 BORN TO BE UN1QUE nir un jean vintage, il ajoute des pigments marron et jaunes. Après grattage, le côté usé ressort naturellement. Pour des délavages plus visuels, des toiles donnant de meilleurs contrastes sont utilisés. En ce moment, le tissu dont tout le monde parle, c’est la toile japonaise. Le Pays du soleil levant a une véritable culture de l’indigo. Là-bas, les teintures sont très nobles, très pures. Les Japonais effectuent une recherche fondamentale constante sur le tissu. Toutefois, le travail de cette toile correspond plus à une production artisanale qu’industrielle. Son prix est très élevé et correspond une clientèle minoritaire sur le marché mondial du jean. TENDANCES NORD ET SUD Sur le marché mondial du jean, deux tissus coexistent : le denim stretch et le denim non-stretch. Le stretch est utilisé essentiellement pour les modèles femme. D’ailleurs, plus des trois-quarts des jeans femme fabriqués contiennent du stretch. Au niveau du style en Europe, le denim noir avec un aspect brillant remporte un large succès tout comme les denim blancs, marron et bleus. Mais le tissu le plus demandé actuellement est le denim vintage. Le Sud de l’Europe en est très friand alors que le Nord reste fidèle à une tendance un peu plus brute. Pour autant, le consommateur européen a évolué. Le vêtement « jetable » n’a plus la cote. La mode est au jean qui fait partie de soi-même et qui dure ! EN QUELQUES MOTS LE DÉLAVAGE BLACK-BLACK : toile noire que l’on va teindre en noir. BLEACHED : aspect ultra-délavé, toile blanchie avec du chlore. BRUT : toile denim à l’état naturel. CREASED : striures décolorées dans la longueur du jean. Effet obtenu grâce à l’utilisation de brosses ou de lasers. FROSTED DENIM : délavage bleu pâle, typique des années 1970. RINSE WASHED : toile brute que l’on a simplement rincée. STONE-WASHED : toile lavée en machine avec des pierres qui assouplissent par endroit le tissu. USED : toile stone-washed frottée avec du sable pour lui donner un aspect vieilli. Pour quel type de personnes le livre a-t-il été rédigé ? Ce livre a été conçu pour l’industrie de la mode et du denim comme pour les détaillants, les designers, les étudiants en mode, mais aussi les passionnés de jeans. Ce livre a été édité pour les amoureux du denim et pour toutes les personnes qui évoluent sur le marché du jean. LA COUPE ANTI-FIT : coupe baggy. BOOTCUT : coupe assez cintrée à la taille qui devient plus évasée en bas de la jambe. FLARE : coupe étroite qui s’élargit au niveau des chevilles. LOOSE-FIT : coupe large, confortable. PATTES D’EF’ : coupe ajustée à la taille qui s’élargit au niveau des cuisses. SKINNY : coupe très étroite pour femme. L’utilisation de tissu stretch rend le jean très serré sur toute la longueur de jambe, comme une seconde peau. SLIM : coupe serrée tout le long de la jambe, mais plus spécifiquement au niveau des cuisses. Comment rassemblez-vous histoire des marques, magasins et designers ? La Bible du denim est un vrai travail d’équipe de tout le secteur éditorial de Sportswear International. Nous sommes des professionnels de la mode et nous connaissons bien le marché du denim depuis des années. Ainsi nous réfléchissons et rédigeons ensemble ce qu’on pourrait appeler le Who’s Who du marché mondial du denim. Photos DR 65 000 kilomètres. C’est la distance que parcourt un jean, de la filature de la toile à son arrivée en boutique. Pour les marques, la toile représente un enjeu primordial. Pour cela, elles traversent le monde entier pour trouver la perle rare. Du choix du coton au délavage, en passant par la méthode de tissage, tout compte ! Les fabricants de jeans se sont lancés dans une véritable quête de la toile parfaite. Mais à quoi ressemble-t-elle ? Lourde et authentique, elle comporte quelques aspérités subtiles et délicates. Le fil a pour obligation d’être fin. Le colorant utilisé doit contenir le moins de teinture au soufre possible. En effet, lorsqu’on pré-teint au soufre, le fil devient gris-bleu mais jamais blanc-bleu. L’idéal consiste à acheter des toiles bien serrées. LE DENIM Quelle est l’histoire de la Bible du denim ? En 1992, Sportswear International a publié Jeans encyclopedia I. Suite à de nombreuses demandes, quinze ans après, une version réactualisée a été éditée sous le nom de La Bible du denim. Nos lecteurs nous la réclamaient depuis longtemps. Et puis, le marché a tellement changé avec l’arrivée de nombreuses marques qu’il était important de la rédiger. Avec plus de 300 pages, ce livre est un véritable condensé de l’univers du jean. Styles, créateurs et marques y sont référencés de façon alphabétique. La Bible du denim décrit l’univers du jean en donnant beaucoup de détails. Elle illustre les innovations dans le monde du jean et donne des précisions techniques. D’autre part, elle propose des photos de campagnes publicitaires de marques incluant des stars. Photos DR À l’heure où la concurrence fait rage sur le marché du jean, la toile devient un enjeu de plus en plus important pour les marques. Elles vont la chercher au bout du monde, traquant le tissu qui fera la différence. Cette toile, produite hier au kilomètre, est aujourd’hui travaillée avec minutie et singularité. Objectif : se démarquer des autres jeanneurs ! Propos recueillis par Diane Leprince Quand sera-t-elle réactualisée ? Pour le moment, il n’y a pas de réactualisation puisque La Bible du denim a été publiée en 2007. En revanche, nous présentons de nouvelles marques de jeans ainsi que des magasins du monde entier dans le magazine Sportswear International. Cette publication sort tous les deux mois. Avez-vous observé la suprématie d’un pays ? Oui et non. Effectivement, les grandes nations du denim sont vraiment l’Italie et l’Amérique du Nord. Mais des marques de jeans sont installées dans chaque pays du monde. Il y en a beaucoup en France, en Allemagne, en Angleterre et en Suède. Mais aussi au Japon, au Brésil et en Australie. Avez-vous remarqué une évolution sur le marché mondial du jean ? Oui, naturellement. Dans les années 1980 par exemple, l’Italie est devenue très forte dans le secteur du denim avec des marques comme Diesel, Replay et Miss Sixty, alors que 2000 marques de jeans haut de gamme ont été créées à Los Angeles. Je pense notamment à Seven for all Mankind, Earl Jeans, True Religion, 1921 by Silver Jeans. Et puis récemment, la nouvelle tendance moins chère venue de Suède a déferlé sur le marché avec des marques comme Cheap Monday et Dr Denim, ainsi qu’une autre lancée par Acne Jeans. Aujourd’hui, la production ainsi que les délavages et finitions sont essentiellement basés en Italie et en Amérique du Nord pour la bonne qualité des produits. Mais, le Japon est très performant en ce qui concerne la qualité de la toile. Dernier constat, parmi les marques qui produisent en masse beaucoup le font en Turquie et au Maroc. The Denim Bible, Jean Encyclopedia II, 64,90 euros, Sportswear International BORN TO BE UN1QUE 27 ST1LEINTÉGRALE Créée en 1989, la marque hollandaise G-Star a souhaité laisser son empreinte en innovant aussi bien au niveau des coupes que des délavages. Le développement de produits comme le Raw Denim en 1996 a donc été une suite logique dans son évolution toujours tournée vers la performance. Aujourd’hui, G-Star mélange les codes de la mode et du luxe en travaillant sur des projets de design avec un grand constructeur de vélos. Le PDG de la marque, Jos Van Tilburg, a accepté de nous en dire un peu plus. Propos recueillis par Diane Leprince G-Star semble se positionner comme une marque de design et de luxe. Comment cela se reflète-t-il dans votre travail ? Sur le marché, nous proposons une offre basée sur le véritable positionnement de G-Star. Le principal leitmotiv de G-Star, « la forme suit la fonction », induit un esthétisme pur et concis avec des gammes non conformistes et non conventionnelles, et amène à un positionnement authentique. Cela nous 28 BORN TO BE UN1QUE Pouvez-vous nous parler de vos projets actuels ? En prenant exemple sur le succès de la Raw Defender en 2005 et du Raw Ferry 01 en septembre 2007, G-Star accueille un autre spécialiste à prendre part au concept Raw Crossover : Cannondale, fabricant américain de vélos depuis plus 35 ans. Cannondale est le leader dans ce domaine. Il est connu mondialement pour l’originalité et l’authenticité de ses produits : des vélos premium qui combinent technologie et style intemporel. Nous avons aussi lancé notre Raw Gallery durant la semaine du design à Tokyo en Novembre 2007. Un pavillon ouvert et très design où l’on a mélangé showcase et concept d’installations de produits, films, art, livres, musique et informations. En février, nous serons à nouveau à la Fashion week de New York et nous planifions d’ouvrir notre centième magasin à Moscou. Nous avons une autre ouverture de boutique prévue à Omotesando Hills à Tokyo. Et en novembre 2008, nous participerons de nouveau à la semaine des designers à Tokyo. Quelles sont vos sources d’inspiration ? La rue et toujours le denim qui est une matière riche à travailler et authentique dans beaucoup d’étapes de la vie. Il y a une relation entre les caractéristiques du denim et la personnalité de la marque G-Star. De quoi êtes-vous le plus fier ? Je suis fier de pouvoir continuer nos expérimentations sur le denim. Nous sommes aussi heureux de développer la marque G-Star en Europe, mais aussi dans le reste du monde avec toujours plus de clients. Nous sommes une marque de streetwear de luxe accesssible Photos DR Quelle est votre politique de distribution au niveau de vos propres magasins et des boutiques multimarques ? L’offre produit G-Star ne diffère pas entre les magasins en nom propre et les boutiques multimarques. Les gammes sont les mêmes en France et dans tout le reste du monde. Nous avons une politique de distribution multiple. C’est pourquoi nos produits sont distribués aussi bien dans les boutiques multimarques et en nom propre que dans les grands magasins. Nous étudions avec grand soin le positionnement de nos produits avec nos clients. entraîne à aller au-delà du prêt-à-porter. Nous sommes une marque aux origines très marquées par le design industriel. Maintenant, le luxe et une approche spécialisée sont de plus en plus demandés dans un marché de masse comme celui du denim. Photos DR Quel est l’actuel positionnement de G-Star sur le marché du jean ? Toujours en perpétuelle recherche sur des techniques de traitement et des designs originaux, G-Star utilise du tissu authentique de manière nouvelle. GStar produit du denim en démontrant son habileté, avec une signature bien présente qui ajoute un petit côté luxe au jean. Le but est de créer des produits qui survivent temporairement aux modes et qui seront les classiques de demain. C’est pourquoi nous voulons nous positionner comme marque de streetwear de luxe accessible. Nous proposons une nouvelle offre basée sur le concept matière de luxe. BORN TO BE UN1QUE 29 ST1LEINTÉGRALE Depuis sa création, Notify s’est fait un nom en transposant les codes du tailleur traditionnel au jean. En innovant aussi bien au niveau des coupes que des délavages, la marque joue dans la même cour que True Religion et Citizen for Humanity. Notify espère aller encore plus loin. Ses collaborations avec des créateurs très reconnus ne sont qu’un début. Maurice Ohayon, fondateur et designer de Notify, détaille les ambitions de sa marque. Le mot “créateur“ dans le denim est un terme impropre et fait partie de l’imagerie “fashionista” Propos recueillis par Diane Leprince Comment est née la marque Notify ? La marque Notify a vu le jour en 2003. Mais elle est née de ma passion pour le denim que j’entretiens depuis plus de 25 ans. Auparavant, j’ai longtemps travaillé sur cette toile. Avec Notify, j’ai souhaité faire des choses plus édulcorées, plus chic. Notify a un esprit très couture. C’est pourquoi nous collaborons avec des usines italiennes de façon à tendre vers de la haute couture. Partenaires dans la création depuis plus de trente ans, Marithé et François Girbaud ont uni leurs efforts pour faire évoluer le jean classique en expérimentant les délavages et les techniques d’assouplissement qui ont révolutionné cette industrie. La marque est d’ailleurs à l’origine de quelques formes de jeans les plus vendues dans l’histoire du denim. Quelle est votre politique de distribution ? Nous visons les boutiques « créateurs ». Par exemple sur Paris, nous sommes présents chez l’Éclaireur, Kabuki et au Bon Marché. Nous ne vendons pas nos produits dans les jeanneries. Nous voulons être positionnés dans des boutiques très haut de gamme qui, à l’origine, ne prennent pas de jeans et qui finalement choisissent Notify pour ses pantalons très chic. Propos recueillis par Diane Leprince Que pensez-vous de l’évolution du marché du denim ? Après l’achat de Seven for all Mankind par VF Corp pour 700 millions de dollars et après avoir passé seize ans dans ce groupe, je pense que c’est Wall Street qui donne les indications pour le business du denim. Quelles sont vos forces et vos faiblesses pour évoluer sur le marché existant ? La french touch est-elle un atout ? Nos forces et faiblesses sont les mêmes que nous avions chez VF Corp : avoir inventé le stonewashed, le baggy, etc. Et ne pas avoir accepté d’aller dans 30 BORN TO BE UN1QUE Quel est votre univers ? Nous sommes assez avant-gardistes au niveau des coupes. Il y a quatre ans, nous avons été les premiers à développer des lignes très slims pour revenir ensuite à la taille haute, aux pantalons larges... Nous voulons être en avance, même si cela n’est pas toujours facile au niveau commercial. Nous essayons d’apporter un savoir-faire que peu de gens possèdent au niveau des traitements du denim. D’ailleurs, nous avons lancé les premiers jeans huilés, un peu « waxés ». Nous souhaitons proposer des applications différentes comme des toiles glossy, perlées ou bien métalliques, tout en restant dans la sobriété. Comment gérez-vous la baisse des prix des jeans ? Cheap monday et April77 sont des tubes slim. Voyons ce que cela va donner quand ces marques s’inspireront de nos collections des années 1970.... Des formes comme Bell Bottom, Navigator ou Yearling bouffent beaucoup de tissus ! Du coup, les prix ne seront certainement pas les mêmes.... Quelles sont vos tendances pour l’été 2008 ? Le large revient beaucoup, les tailles hautes aussi. Depuis deux ou trois ans, le denim semble en régression. Notre but, c’est donc d’apporter des traitements vraiment nouveaux. Pour la collection été 2008, nous nous sommes efforcés d’être très Quels sont vos futurs objectifs ? Notre potentiel de croissance est très important. Mais pour le moment, nous ne voulons pas aller trop vite et faire n’importe quoi. Nous souhaitons amener Notify à un niveau qu’aucune marque de jeans n’a atteint. Mais cela prend du temps si on ne veut pas perdre son identité. Dans un avenir proche, fin 2008, nous allons ouvrir une boutique de mode dans le 1er arrondissement de Paris près du marché Saint-Honoré. L’architecte Zaha Hadid a accepté de s’occuper de ce projet. Cette boutique sera très différente des autres, car les gens pourront voir comment sont fabriqués les jeans Notify. De la coupe à la teinture en passant par le délavage. En quelque sorte, nous allons y installer un mini atelier. Et les clients pourront acheter un jean à la demande, dans une couleur qui n’est pas dans la collection. Comment êtes-vous arrivé à faire de Notify la marque « successful » que l’on connaît ? Notre expérience du denim est notre principal atout, car cette matière est très particulière. Elle nécessite de nombreuses connaissances pour pouvoir l’utiliser. Cela fait 25 ans que je la travaille. Elle n’a plus de secret pour moi. Seulement, il ne suffit pas d’avoir des idées, il faut pouvoir les concrétiser. Et c’est certainement ça, notre force ! Que pensez-vous du marché français du jean ? Je pense qu’en France, le client possède une bonne maturité. La France n’est pas un pays de suiveurs. En Angleterre, si vous n’avez pas Kate Moss ou Sienna Miller qui portent vos produits, ça ne marche pas. En France, c’est différent. Les consommateurs ont une vraie compréhension de la mode. Les clients sont plus pointus et achètent le jean que tout le monde n’a pas. Notify vise un niveau jamais atteint par une marque de denim En quoi votre association avec le groupe AEFFE va-t-elle vous aider ? À être présents dans la création made in Italy pour les lignes européennes sans compromettre notre travail sur le jean qui reste notre violon d’Ingres. De quoi êtes-vous le plus fier ? Je suis fier d’avoir produit récemment un album de rock’n’roll, d’avoir joué à côté de Calvin Russell hier soir, de faire équipe avec Marithé depuis 40 ans et d’être toujours un cavalier solitaire loin de sa maison... Photos DR Comment expliquez-vous le décalage qui peut exister entre votre cible consommateur et votre cible en termes de communication ? Le pouvoir d’une idée et son utilisation sont les rôles essentiels d’une compagnie qui fabrique des produits destinés aux nouvelles générations de consommateurs, elle a un devoir d’utilisation des espaces et de l’utilisation des médias pour dire certaines choses qui paraissent décalées aujourd’hui, mais qui parlent de « leur lendemain ». le « commodity » product. Pour la french touch, c’est surprenant comme assimilation. Nous n’avons jamais été totalement reconnus dans notre pays. Ce problème ayant été réglé depuis 1972, nous avons toujours travaillé par la suite, supportés par nos travaux en Italie et aux États-Unis. Pour moi, « french touch » serait proche de l’insulte. Nous n’avons jamais voulu être des couturiers créateurs et nous pavaner sur des podiums. Nous sommes des inventeurs de principes industriels, et l’industrie textile est devenue inexistante en France. Photos DR Comment garde-t-on l’image d’un créateur de denim alors que votre marque est devenue une marque internationale reconnue ? Nos jeans, dès 1964/68, ont été assimilés à l’histoire du denim américain. Leur évolution a correspondu aux attentes de millions d’âmes. Les résultats de nos travaux appartiennent à l’Histoire et l’exploitation qui en est faite. Comme nous n’avons regardé que vers le futur, notre proposition est toujours celle de l’innovateur. En revanche, le mot « créateur » dans le denim est un terme impropre et fait partie de l’imagerie « fashionista ». L’industrialisation du marché du denim ne peut être catégorisée sur ces paramètres. imaginatifs pour créer des looks différents. On ne peut pas révolutionner tout le temps les choses, mais nous essayons d’amener notre propre touche sur ce marché. D’autre part, nous avons collaboré avec d’autres marques. Nous avons participé à la ligne K de Karl Lagerfeld et à la ligne denim de Stella McCartney. En travaillant avec des marques comme cellesci, nous faisons encore plus de recherches sur la toile. Cela nous permet de tendre d’avantage vers la haute couture. BORN TO BE UN1QUE 31 ST1LEINTÉGRALE Nous planifions quatorze ouvertures de magasins d’ici février 2008 KAPORAL 5 prend du galon En France, tout le monde connaît Kaporal 5 : la marque a vendu plus de 1,3 million de jeans en 2006. Pour progresser encore et optimiser son potentiel commercial, Kaporal 5 a ouvert son capital à un fonds d’investissements. Résultat : quatorze ouvertures de boutiques sont prévues d’ici février 2008 en France. Rencontre avec Laurent Emsellem, l’heureux propriétaire de la marque. Propos recueillis par L.D Pourquoi avoir appelé votre marque Kaporal 5 ? C’est une anecdote assez drôle. J’étais à un salon en Belgique et j’avais oublié mon portefeuille. Cet été-là, il faisait très chaud. Il y avait un stand de promotion brésilienne où la caïpirinha était offerte. Assoiffé par la chaleur, j’ai bu deux verres de ce délicieux breuvage. J’ai appelé l’un de mes collaborateurs pour qu’il vérifie si le nom caïpirinha était déposé à l’INPI [Institut national de la propriété industrielle]. Il m’a mal compris et quand je suis revenu de Belgique, il m’a annoncé fièrement que le nom Kaporal 5 n’était pas déposé. Ce nom m’a immédiatement plu et, finalement, nous l’avons gardé. Quelle est la philosophie de Kaporal 5 ? En 2002, les marques italiennes sur le segment haut de gamme connaissaient un succès cuisant. Le 32 BORN TO BE UN1QUE marché était segmenté en deux parties : le haut de gamme et le bas de gamme. Il n’y avait pas d’entredeux. Notre objectif était de proposer une alternative aux marques existantes avec des produits vendus entre 90 et 120 euros. Cela a très bien fonctionné : de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2002, nous sommes passés à 42 millions en 2006. Aujourd’hui, nous avons multiplié par dix notre budget marketing communication avec 2 millions d’euros d’investissements. Avec le temps, le marché nous a donné raison puisqu’il y a eu un net réajustement des prix du denim. Comment votre département style est-il organisé ? Au départ, nous étions deux — Anthony Birgin, mon directeur du style, et moi même—, car nous ne faisions que des jeans. Progressivement, nous avons intégré des tops et des vestes à la collection. Pour suivre, nous avons donc embauché une dizaine de stylistes. Nous réalisons 60 % de notre chiffre d’affaires sur l’homme et 40 % sur la femme. Ce qui n’était pas le cas au départ : à ses débuts, Kaporal 5 était une marque essentiellement féminine. Qui souhaitez-vous habiller ? Les jeunes urbains de 15 à 30 ans. Nous n’avons pas d’icône propre car je trouve dangereux d’associer notre image à quelqu’un en particulier. Cela vous colle une étiquette et actuellement, avec les changements de mode, cela peut devenir un handicap. Ce qui ne veut pas dire que les people ne s’habillent pas en Kaporal 5, mais ils achètent leurs vêtements en magasin. Photos DR Laurent Emsellem est fils et petit-fils de jeanneurs marseillais. Diplômé d’un bac + 2 en force de vente, il a racheté l’entreprise familiale en 1992 après avoir travaillé dans l’immobilier. En janvier 2002, il lance Kaporal 5, une marque de jeans tendance positionnée sur le segment moyen haut de gamme qui séduit une large clientèle de 15/30 ans. Le parcours de ce boulimique de travail de 36 ans, également père de quatre enfants, est tout simplement vertigineux. Photos DR BIO EXPRESS Comment est née l’histoire de Kaporal 5 ? Mon père et mon grand-père étaient jeanneurs depuis 1979 avec Mc Lem, une marque de denim positionnée sur le segment de la grande diffusion à l’esprit Sentier. Ma famille vendait des jeans à bas prix aux chaînes d’habillement ou sous la marque Mc Lem. En 1991, mon père a vendu l’entreprise familiale. À l’époque, j’étais marchand de tissu. Début 1992, j’ai récupéré des parts de la société parentale car la personne qui avait racheté l’entreprise avait fait des erreurs de gestion et ne pouvait pas me payer les tissus qu’elle m’avait commandés. Cela m’a coûté beaucoup d’argent. En 1996, j’ai évincé mes associés et repris la direction de Mc Lem. Mon père est alors revenu dans la société. En 2002, nous avons créé Kaporal 5 pour nous positionner sur un segment moyen haut de gamme et répondre à l’invasion chinoise. L’idée, c’était de créer une marque de denim tendance avec du style et un marketing adapté. Notre style repose sur des produits vieillis revisités : des jeans fracassés, des vestes militaires vieillies, des teeshirts délavés avec des broderies, des paillettes ou des strass. Que pensez-vous des tendances du marché du denim ? Pour ce qui concerne la femme, je pense que le slim est en fin de parcours. Le pantalon pattes d’éléphant fait un retour remarqué mais ne devrait pas faire long feu. Je pense qu’il va y avoir rapidement un retour du bootcut. Le marché de la femme devrait décliner légèrement car actuellement, elles privilégient les robes et les leggings. On parle également d’un retour du short et du sta prest. Les hommes, pour leur part, s’habillent de façon de plus en plus chic avec un travail important sur les matières : le raw, le noir et le clair. Dans quels pays êtes-vous distribué ? Nous sommes implantés dans toute l’Europe et, pour la première fois, nous devrions participer au salon Bread & Butter. Nous sommes également présents en Amérique du Nord avec un licencié au Canada et trois bureaux en nom propre dans les villes de New York, Los Angeles et San Francisco. Les résultats sont très encourageants pour le moment. Nous sommes actuellement en train de développer notre diffusion sur l’Égypte, le Liban et les Émirats arabes unis. Nous obtenons également d’excellents résultats au Japon. À l’étranger, Kaporal 5 se positionne sur un segment plus haut de gamme. C’est l’effet marque française qui nous porte. Mais nous n’en sommes qu’au début puisque l’export ne représente que 12 % de notre chiffre d’affaires. De quoi êtes-vous le plus fier ? Je suis fier de mon père qui m’a mis le pied à l’étrier et de mon équipe dynamique et motivée qui nous a permis d’en arriver là. Je n’ai jamais eu à licencier quelqu’un et lorsque vous avez 90 salariés, c’est une grosse satisfaction. UNE POLITIQUE DE LICENCES OFFENSIVE Depuis plusieurs années et grâce à l’attractivité de la marque, Kaporal 5 a conclu sept licences dans des domaines variés : Bagagerie, papeterie, chaussures, lunettes solaires et optiques, maillots de bain, montres, ceintures et récemment les casques de moto. D’autres contrats, actuellement en cours de négociation, seront opérationnels dans l’année 2008. UN SOLIDE RÉSEAU EN NOM PROPRE La marque marseillaise planifie 14 ouvertures de magasins sous l’enseigne Kaporal 5 d’ici février 2008. Un premier magasin a ouvert ses portes le 12 novembre à Aix-en-Provence, rue Espariat, dans un espace de 130 m2. Le concept-store a été développé et déposé par Audrey Métropole. Des ouvertures à Toulouse, Narbonne et Nice sont également prévues d’ici à la fin de l’année. En prime, des franchises et des magasins en affiliation ou en concession se mettent actuellement en place. BORN TO BE UN1QUE 33 ST1LEINTÉGRALE SPACE MAKER Le jean évolue dans un renouvellement permanent Space maker est un bureau de style spécialisé dans le sportswear. Camille Perles, responsable marketing, donne sa vision du jean et de son évolution. Que pensez-vous de l’évolution du marché du denim ? Pour nous, il y a moins d’engouement pour le marché du jean haut de gamme. Il n’y a pas d’appètance particulière pour les jeans à plus de 200 euros. C’est le moyen gamme qui tire le marché actuellement avec des groupes comme Inditex et des marques comme Pull & Bear, Bershka et Zara. Ils proposent des dizaines de modèles avec des coupes et des détails réellement intéressants. Ils ont inventé une forme de jeans consommables avec de nombreux choix créatifs qui collent à la tendance avec des circuits très courts. Ce genre de chaîne a créé une nouvelle façon de consommer le jean. Le « je me mets en jean pour être décontracté », c’est totalement terminé. Le jean est devenu une pièce maîtresse car il peut se porter à toutes les occasions. Le jean est arrivé à son stade de maturité. Plus qu’une mode, le jean est devenu un basique indémodable qui se décline suivant son vestiaire. en renouvellement permanent même si la période d’émerveillement est passée. C’est à la fois un produit trans-générationnel et trans-tribu. C’est aussi un produit culte pour de nombreux collectionneurs en quête du meilleur produit. Inversement, c’est le produit passe-partout de ceux qui n’aiment pas s’habiller. Quelles sont les clés de succès pour une marque du denim ? C’est la diversité des modèles, la créativité, la puissance de feu (notion de multi collection), le marketing et la distribution, qui font actuellement le succès des marques. Les jeanneurs historiques comme Diesel, G-Star, Replay, Cheap Monday et Evisu tirent leur épingle du jeu car ils ont des signes de reconnaissance et des laboratoires de tendance. Diesel, par exemple, a su garder une longueur d’avance en investissant dans la recherche et le développement. Les marques du segment moyen et haut de gamme se nourrissent mutuellement, les premiers par la créativité et la flexibilité, les autres par l’innovation. Quelles sont vos tendances pour l’hiver 2008/09 ? Les jeans vont être moins découpés, moins tarabiscotés. En revanche, la sophistication viendra du détail (curseurs de zip, braguettes, boutons). Le choix des matières est de plus en plus important avec un raffinement des toiles et des lavages. Cette saison marque la fin du trash et du vintage. On est dans une phase rétro chic avec des tailles hautes. Nous croyons beaucoup à la tendance romantique, au retour du workwear et aux fluo kids façon soigné. Propos recueillis par L.D Les risques de fléchissement du marché sont-ils réels ? Non, je ne pense pas, car le jean a différents usages et répond à différentes tendances. Le jean est PECLERS Réi nventer le réel en explorant le monde virtuel est très en vogue Jane Lorent, directrice du marketing et de la communication du bureau de style Peclers, décode les courants forts du marché. 34 BORN TO BE UN1QUE Quelles sont les tendances mode de l’été 2008-hiver 2009 ? Grâce aux courants sociologiques que nous avons remarqués, des thèmes de mode forts se dégagent. Le premier s’appelle « Craftology ». Il s’agit d’un brassage de cultures, d’un mélange des genres, le tout en technicolor. Avec des références subtiles à la culture hip-hop. Ensuite, il y a une histoire nommée « Scrapvibes » qui découle de cette nouvelle forme d’éco-consciense. Les matières sont écologiques, recyclables mais aussi performantes et surtout travaillées avec style ! Enfin « Everywear » est un thème qui correspond à l’envie de s’évader, de bouger. Il est question de se créer un uniforme easy-international à la fois clean et structuré, smart et hybride. Le tout pour voyager dans de bonnes conditions ! Concernant plus précisément le denim, on note les récentes associations des marques avec des créateurs. Stella McCartney a dessiné quelques modèles de la collection été 2008 de Notify. DKNY Jeans a fait appel à Pete Wentz et Lee Cooper a signé un contrat avec Jean-Charles de Castelbajac pour une ligne de jeans. Les people ne sont pas en reste avec Lou Doillon qui signe aujourd’hui des jeans Lee Cooper... Après les grandes enseignes de vêtements, le sport... c’est certainement sur le marché du jean que cette tendance va continuer ! Photos DR Quels grands courants avez-vous remarqués ? Il y a trois courants qui prédominent. La notion d’engagement est très forte mais sous une forme nouvelle, plus ludique, moins « lourde ». Que ce soit contre la langue de bois, le politiquement correct, le green rush médiatisé, la contestation se fait désormais autant que possible de façon ludique et même festive afin de partager des émotions en même temps que de se rendre « utile ». D’autre part, l’éthique et l’esthétique sont désormais deux notions non dissociées : on refuse de sacrifier l’une à l’autre. Une nouvelle génération responsable prend forme et vit l’éco-conscience de façon hédo- niste et au quotidien. Autre courant : « vibrer ! » Une envie de braver les normes, de cultiver le goût du risque plane dans l’air. Une véritable quête physique et/ou spirituelle bouleverse les bonnes vieilles habitudes. On teste ses limites, ses sens (parfois jusqu’au trash), on valorise l’expérimentation, à la recherche de propositions alternatives. Il y a une volonté de se défouler, mais aussi de dépasser les cadres et figures imposés afin de sentir vraiment exister. Enfin, le troisième courant traite de l’évasion. Dans un environnement urbain aux espaces confinés, l’envie de s’échapper, dans des univers liés au voyage, est très présente. Réinventer le réel, en explorant le monde virtuel, est très en vogue par exemple. Illustration DR / Space Maker Quelles sont vos sources d’inspiration ? Nous analysons et décryptons le contexte socioculturel à travers des exemples concrets pour cerner les concepts, envies et attitudes qui émergent aujourd’hui et dessinent les contours de cette culture de demain. Pour décrypter les tendances de demain, il faut savoir lire au présent les signaux émergents. Voyages, expositions, événements, shopping, presse, cinéma, musique, littérature... Les créatives de l’agence ont développé un sens aigu de l’observation du marché qu’elles exercent en permanence pour en capter chaque mouvement, chaque frémissement. À partir de tous ces indices recueillis, décortiqués et post-rationnalisés, nos équipes anticipent l’évolution des attitudes de consommation de demain. Quelles sont les futures marques de jeans « successful » ? La marque Sultan est en train de réussir un tour de force en s’imposant auprès des « modeuses » les plus pointues, sur un marché de plus en plus opaque. Sa force : posséder un stock de vraies pièces vintage 70’s, pile dans la tendance « retour au large », le tout en nombre limité créant ainsi le buzz parfait pour que toutes se l’arrachent ! Notify se forge aussi une solide réputation. La marque ne cesse d’innover en proposant des modèles qui correspondent aux différentes morphologies de la femme. Les bons basiques, les coupes droites, les toiles le moins traitées possible, dans des marques moins « fashion » comme Levi’s ou Gap voient aussi leur cote remonter. Et puis, il y a toujours le très bon rapport qualité-prix du perfect slim de Cheap Monday. Propos recueillis par L.D BORN TO BE UN1QUE 35 paroles de bleus ST1LEINTÉGRALE Les nouveaux venus sur le marché français MAXIME COTTE, créateur de la marque Atelier Edo PHILIPPE GSELL, distributeur de la marque One Green Elephant en France JOHANNES GRAAH co-créateur de la marque Dr Denim CELINE CHARTRAIN responsable du showroom Absolut Fashion qui distribue Rich & Skinny CÉDRIC HUET, agent de Renhsen «Le marché français est assez opaque» «Rich & Skinny est unique» «Notre souci, c’est vraiment la qualité» Comment se positionne votre marque ? Parlez-nous de la marque Rich & Skinny... Rich & Skinny n’est pas un slogan, mais une idée du luxe et de la mode que les femmes souhaitent avoir. La marque est distribuée dans une trentaine de points de ventes et nous en auront 50 d’ici l’été. Nous visons les meilleurs magasins multimarques haut de gamme, donc une clientèle grand public avertie. Rich & Skinny est un véritable phénomène. Beaucoup de stars comme Victoria Beckham, Cameron Diaz et Paris Hilton portent la marque. Nos produits se différencient des autres jeans à cinq poches américains, grâce à leurs coupes, leurs couleurs, mais aussi leurs finitions. Qu’est-ce qui caractérise votre marque ? Nos jeans sont élégants et chic. Mais en termes de prix, ils restent accessibles — entre 150 et 170 euros. Nous misons sur la sobriété et la modernité des modèles. Chez Renhsen, il y a une véritable connaissance de la toile. Nous sommes passionnés par le produit. Nous nous appuyons sur des points d’excellence de la fabrication. Notre souci, c’est vraiment la qualité. Notre positionnement n’est pas haut de gamme, mais cela fait aussi partie de notre philosophie. Pour nous, le jean doit rester démocratique. Avez-vous remarqué des différences entre le marché du Nord de l’Europe et les autres pays européens et plus particulièrement avec la France ? Le marché français n’est pas facile. Il est assez opaque car les marques sont nombreuses. Les détaillants font leur choix avec précaution. Ils ont d’ailleurs tendance à ne pas prendre de risques. Ils rechignent à choisir de nouvelles marques. Mais nous avons eu de la chance car certains nous ont fait confiance en prenant de belles pièces de notre collection. Dans le Nord de l’Europe, c’est quand même un peu plus simple. 36 BORN TO BE UN1QUE Vous n’avez pas peur de la concurrence ? On n’entre pas en concurrence avec Paige ou Joe’s. Paige est un jean cinq poches traditionnel qui repose plus sur l’image de Peggy Paige et Joe’s a été un pionnier du denim made in US. Rich & Skinny est unique. Nombre de nos styles n’existent pas dans les collections de nos confrères. Ils apportent quelque chose en plus. C’est aussi pour cela que Rich & Skinny s’est imposé sur ce marché très concurrentiel. Et puis Mickael Glaser (Seven for All Mankind et Citizen of humanity) garantit le savoir-faire de la marque. Que pensez-vous du marché international ? Les Américains osent plus les couleurs et les styles que les Européens. En Europe, le marché est beaucoup moins homogène. En Angleterre, en France et en Italie, les cultures sont aussi très différentes. Cela dit, quand un style a du succès, il a le même écho partout dans le monde. Comment segmentez-vous votre collection ? Pour l’homme, nos collections se situent sur un segment premium avec une belle qualité de la toile. Elle est lourde, authentique et 100 % coton, avec des rivets cloutés au marteau. On pourrait la retrouver dans des collections de Karl Lagerfeld. Pour la femme aussi, on reste sur de la belle toile denim chic mais sur un segment plus moyen de gamme. Les détails et les finitions demeurent très importants à nos yeux. Quelle est la politique de distribution de One Green Elephant ? Au niveau de la distribution, nous ne souhaitons pas être disponibles dans tous les magasins. Un jean One Green Elephant coûte en moyenne entre 65 et 85 euros. C’est un prix accessible. Pour autant, cela n’implique pas d’être présent dans tous les points les ventes de jeans en France. Nous sommes sélectifs sur le choix de nos détaillants. Nous voulons nous positionner dans des magasins leader avec des produits haut de gamme, mais à des prix raisonnables. Quelles sont vos tendances pour l’été 2008 ? Pour l’été, la toile est plus légère. Cette collection comporte des teintes très animées. En boutique, les clients pourront retrouver du rouge cardinal, du fuchsia. Mais aussi des couleurs plus sombres comme du noir et du gris. Au niveau des coupes, nous avons travaillé sur des slims et des coupes droites très ajustées. Vos tendances pour l’été 2008 ? Dès le mois de mars, les coupes plus larges et les bootcut font leur apparition pour la femme. Au niveau des délavages, il y aura du bluelight et du bleach. Mais s’il y avait un modèle de la collection à retenir, il s’agirait du..., un bootcut délavé blanc, noir, jaune et violet. Pour l’homme, les coupes seront larges et confortables, avec aussi avec des couleurs très claires. Photos DR Quelles sont vos tendances pour l’été 2008 ? Nous sommes en train d’étudier des délavages un peu plus visibles, mais les détails seront toujours aussi subtils. D’autre part, nous allons continuer de proposer des modèles used. Au niveau des coupes, nous souhaitons nous renouveler, en créant des jeans larges mais nous souhaitons maintenir de beaux modèles très ajustés. Il y aura aussi des coupes intéressantes et moins conventionnelles dans la collection été 2008. Quelle est la force de votre marque ? Nous travaillons en flux tendu. Nous appliquons la règle du « cash and carry ». Les problèmes de stock n’existent plus pour le client. Lorsqu’on présente un produit à un acheteur et qu’il le prend, il est livré 4 à 5 jours après. Nous le réassortissons sous trois semaines. Cela implique une réelle prise de risque du fabricant, car il faut concevoir des jeans sans commande effective. En revanche, cela colle vraiment à l’attente actuelle des détaillants. Et comme nous ne travaillons pas six mois à l’avance, cela nous permet de coller aux tendances. Photos DR Nous proposons des jeans de qualité à un prix abordable. Nous mettons un point d’honneur à investir autant que possible dans le produit, principalement en choisissant un beau tissu. Nous voulons toucher tous les gens qui aiment les jeans. Nous tirons notre inspiration de la scène rock et des années 1980. «Les problèmes de stock n’existent plus pour le client» «Le jean est la suite logique de notre histoire» Comment définiriez-vous votre marque ? C’est une passion depuis toujours. Après avoir designé Aston’s, le jean est la suite logique de notre histoire. Nous ciblons une clientèle de 1830 ans très diverse car nous nous adressons aussi bien aux amateurs de denim qu’aux jeunes branchés. En premier prix, nous avons des denims de toile brute japonaise. C’est le même tissu que pour les collections haut de gamme. La coupe est aussi issue de la collection premium, mais il n’y a pas de broderies sur les poches. Et nous proposons ces modèles à 90 euros. De plus, nous avons une collection haut de gamme avec des broderies sur les poches, des incrustations de cuir doré, des coutures au fil d’or et des étiquettes techniquement très travaillées à 135 euros en magasin. Quelles sont vos tendances pour l’été 2008 et l’hiver 2008/09 ? La prochaine tendance de l’Atelier Edo est notre coupe twister avec les coutures tournantes vers l’arrière du jean et les broderies sur les poches. Nous espérons qu’il apportera du renouveau et de la fraîcheur sur le marché. De plus, nous proposerons un modèle femme de toute beauté, en toile japonaise avec des boutons en or, coutures au fil d’or à moins de 115 euros en magasin. Que pensez-vous de l’évolution du marché français ? Dans un premier temps, l’évolution du marché du jean mondial a changé d’optique par rapport aux années précédentes : on ne cautionne plus les jeans à 220 euros et le slim à 50 euros y est pour quelque chose. Au contraire, les gens sont plus amateurs et attendent d’un jean à moins de 130 € qu’il soit créatif tout en étant authentique. Les clients ont besoin de se faire surprendre. Pour le marché français, le passage actuel est a priori descendant, mais c’est dans ces périodes là que naissent les plus belles histoires. Espérons qu’une marque tirera le marché vers le haut. M. KABOUS, PDG de la marque Questo «Les collections s’internationalisent, mais les influences restent réelles» Comment se positionne votre marque sur le marché du jean ? Questo se positionne comme une marque de milieu de gamme en ce qui concerne sa fourchette de prix de vente, mais elle utilise des matières haut de gamme dans l’élaboration de ces produits. Cela permet au plus grand nombre d’accéder à un style de vêtements toujours à la pointe de la mode avec une note différentielle par rapport à ce que proposent les autres noms généralistes. Quelles sont vos tendances pour l’été 2008 et l’hiver 2008/09 ? La base de notre collection est constituée par l’offre denim, complétée par une gamme de tops se combinant parfaitement avec le jean. Cela nous permet de proposer une silhouette complète. Pour l’été, nous préparons une gamme de jeans dont les coupes ont été retravaillées afin de présenter des slims et des jeans cigarettes associés aux coupes droites. Pour l’hiver, une ambiance rock baroque avec des touches trash qui vont réveiller le fashion wear. Nous les présenterons bientôt lors des prochains salons ! Que pensez-vous de l’évolution du marché français du jean ? Le marché français est un cercle fermé, très concurrentiel où les tendances sont distinctes. Les influences sont bien réelles, malgré une internationalisation des collections. Les marques du Sud gardent leur touche latine avec des orientations italiennes ou hispaniques. Celles du Nord conservent une empreinte anglo-saxonne importante. Mais c’est un marché intéressant car il permet de savoir si le produit a un vrai potentiel. BORN TO BE UN1QUE 37 ST1LEINTÉGRALE CHRISTIAN FRANÇOIS VIALA PDG de Denim code PIERRE RAFAI, créateur et PDG de Las Vegas Buddha Quel est le positionnement de votre marque ? L’univers de Redoil se veut authentique avec un esprit très vintage américain adapté à une marque européenne d’aujourd’hui. Nous sommes sur un segment moyen et haut de gamme aussi bien pour nos modèles de jeans que pour notre ligne de prêt-à-porter. Nous voulons nous placer sur le marché du denim en proposant des pièces fortes et fashion avec des matières et des coupes qui suscitent un certain engouement chez les détaillants. Nous travaillons sur des gammes complémentaires de produits. Cela permet de proposer une offre plus large. Quelles sont vos tendances pour l’été 2008 ? Pour l’été 2008, nous avons travaillé sur des modèles serrés et droits avec de belles matières et un esprit « fashion appliqué ». Nous avons gardé les abrasions et supprimé les moustaches. Nous avons également allégé les traitements, en utilisant ce type de procédés uniquement sur les denims foncés. L’esprit universitaire américain n’aura donc plus sa place l’été prochain. Que pensez-vous du marché du denim actuel ? Dans le marché du jean, il y a aujourd’hui des dizaines de marques qui se positionnent avec des produits confirmés. Elles possèdent un esprit, un style et des prix très compétitifs. Et nous souhaitons nous placer sur ce type de segment. D’autre part, il y a des grosses machines telles que G-Star, Diesel, Melting Pot. Avec Redoil, nous voulons aussi exploiter le haut de la pyramide en bénéficiant de l’impulsion que ces grosses marques donnent au marché. Cela nous permettra de proposer des produits plus élaborés. 38 BORN TO BE UN1QUE Comment a commencé l’aventure Las Vegas Buddha ? La marque est née en France fin 2005 dans la région des Alpilles avec une machine à coudre (une aiguille) et une machine à surger (trois fils). Bien entendu, un gros travail a été fait autour de la collection qui s’est développée OutreManche. J’ai voulu apporter autre chose sur le marché du denim. Les modèles ont déjà séduit une quarantaine de magasins. Nous produisons en Tunisie sur des sites où la magie de la toile denim est préservée. D’ailleurs, c’est là-bas que j’ai découvert tout le fabuleux héritage du denim. Quel est le positionnement de votre marque sur le marché du denim ? Mon produit est destiné aux magasins moyen et haut de gamme ainsi qu’aux boutiques tendance. Notre gamme de prix s’étend de 130 à 200 euros avec la ligne Re-stock. La toile est très importante à nos yeux. Nous travaillons avec une qualité supérieure de denim comme du triple indigo ou de la toile japonaise. Les broderies sont soignées et rafraîchissantes. D’autre part, la qualité de nos accessoires est indéniable. La ligne Las Vegas Buddha qui comporte des jeans bruts brodés sur le thème du Japon le prouve. Avec la ligne Re-stock, nous avons choisi de mettre en avant de magnifiques toiles japonaises. Cette collection de rééditions vintage est travaillée en traitement manuel pour obtenir un vieillissement tout à fait naturel. Que pensez-vous du marché français du jean ? Sincèrement, je pense que les créateurs français se défendent très bien face aux Italiens. Il ne faut pas que nous soyons timides ou complexés face à nos voisins européens. Cependant, je trouve que les données du marché sont faussées car les détaillants ne prennent pas assez de risques. Ils réagissent ou ils exploitent les nouveaux labels en dents de scie. Résultat, cela freine l’élan des créateurs français qui méritent d’être mieux représentés auprès de notre jeunesse. «Nos jeans sont un pur concentré de technologie» DANIEL CAPRIGLIA, responsable France d’Angel Devil «Notre marque de fabrique : les délavages, les boutons et les rivets» Quel est le concept de votre marque ? La marque Esquad est née, il y a deux ans, de la collaboration de trois personnes du milieu de la mode, passionnées de motos. Ils ont fait le constat qu’avec des vêtements de motard, on est certes très bien protégé, mais très moche à voir. L’idée a donc été de concevoir un vêtement qui allie confort, solidité et tendance. L’objectif : avoir une vie sociale normale et assurer ses rendez-vous sans avoir l’image de quelqu’un qui passe ses week-ends sur la piste ! Ils ont donc travaillé sur un tissu qui s’appelle Armalith. Il a l’apparence d’un denim habituel. Mais à l’intérieur, une fibre technique utilisée pour les gilets pareballes assure une résistance à toute épreuve. Des tests ont prouvé que ce denim était le plus solide au monde. Et c’est une création purement française ! Un brevet a d’ailleurs été déposé. Quel est l’univers d’Angel Devil ? Nous évoluons dans un univers très Yin et Yang avec un côté rock. Un mélange entre anges et démons, bien et mal, si vous préférez. Nous cultivons un souci du détail et de la finition. Dans nos collections, les broderies occupent une place importante. Nous travaillons beaucoup les délavages, les boutons, les rivets. C’est vraiment notre marque de fabrique. Chez Angel Devil, nous sommes de véritables passionnés de denim ! Comment se positionne votre marque ? Angel Devil se positionne sur un segment moyen de gamme aux côtés de marques comme G-Star, Energy ou encore Replay. Nous ciblons une clientèle âgée entre 20 et 35 ans à l’affût de nouvelles tendances. Des jeunes branchés, aimant la mode. Que pensez-vous du marché français du jean ? Les Français sont très exigeants en termes de qualité de produit, de coupe. Et ils le sont d’autant plus avec des marques qu’ils ne connaissent pas. Ils aiment aussi les jeans plus épurés. Cela nous a d’ailleurs valu quelques soucis lors de notre développement en France. Nos produits très travaillés, avec des broderies, des impressions tissu, correspondaient moins à la tendance française qu’italienne. C’est pourquoi, pour nos prochaines collections, nous ferons attention. Certes, il y aura de la broderie, car cela reste notre marque de fabrique. Mais elle sera ton sur ton. Nous dessinerons une gamme plus sobre pour la France. Technicité et tendance, est-ce compatible ? La technicité de notre produit ne veut pas dire pour autant qu’il n’est pas tendance. Notre parrain François Girbaud a craqué pour le concept et garantit l’aspect mode de nos produits. Notre cible est plutôt urbaine : des motards souhaitant trouver une alternative au cuir. Cependant nous avons des clients qui sont attirés par la double spécificité de notre produit, la technique et la tendance. Photos DR «Redoil veut aussi exploiter le haut de la pyramide du marché» «Les créateurs français ne doivent pas être complexés» Photos DR ILAN HAZAN Directeur de la marque Redoil FLORENCE PHAM, directrice marketing de la marque Esquad Que pensez-vous du marché du jean ? À l’heure actuelle, il y a beaucoup de marques et de marketing sur le marché du jean. Avant de concevoir un produit, les créateurs pensent d’abord à la tendance sur laquelle ils vont surfer. Nous nous intéressons à la coupe, non pas pour une question de mode, mais avant tout pour l’aspect technique. Par exemple, sur nos jeans, il y a une petite couture qui part en arrière. Cela donne certes un aspect tendance. Mais cette couture existe en raison de son intérêt sur l’ergonomie. Nos jeans sont un pur concentré de technologie ! «Notre jean permet d’accéder à une nouvelle dimension, celle de l’interactivité» Comment a débuté l’aventure Denim Code ? Il y a deux ans, j’ai rencontré les ingénieurs de la société TAG Mobil. Ils développaient, avec Orange, un logiciel qui permet au téléphone portable de lire un code barre. Quand j’ai vu ça, j’ai eu un flash ! Je me suis dit que s’il était possible d’appliquer cette technologie au jean, nous pourrions créer un lien avec différentes communautés. Avec mon associé, Liang Gjin Chen, nous avons donc décidé de créer Denim Code, la première marque de jeans interactifs. Le jean permet d’accéder à une nouvelle dimension, celle de l’interactivité avec un contenu vidéo et musical. Il est réellement vecteur d’images. Pour cela, nous avons un partenariat avec le label Discograph et le groupe NRJ. Quelles sont vos tendances pour les prochains mois ? Chez Denim Code, la collection été 2008 sera tournée vers les 15/25ans grâce à l’ancienne designeuse de Gsus qui a signé les modèles. Nous travaillons aussi avec le label Discograph pour mettre en place des tee-shirts collector à l’effigie d’une DJ. Le consommateur aura accès à ses interviews, ses news et ses photos grâce au code barre. À venir aussi, le jean blog. Il s’agit d’un jean à code barre unique qui donne accès à un blog. Le consommateur choisit son contenu. Il suffit alors de shooter le code barre avec un portable pour y avoir accès. Que pensez-vous de l’évolution du marché français du jean ? D’une manière générale, il est lié au développement des réseaux commerciaux. Actuellement, le marché n’est pas encore régi par de grandes centrales d’achats. Ce n’est pas comme dans le milieu du sportswear. Cependant, le réseau de distribution devrait se structurer car les acheteurs sont volatiles. Ils zappent de marque en marque au gré de la mode. D’autre part, le marché du jean en France est plus en retrait par rapport à l’Allemagne. Il faut dire que la démarche commerciale n’est pas la même. En France, les détaillants prennent référence sur les magasins leader de leur région et achètent des basiques. Il n’y a pas de prise de risques. GÉRALDINE BOUBLIL, directrice commerciale de My lovely Jean «Nous souhaitons apporter un complément à nos marques American Retro et Zoetees» Depuis quand est née votre marque ? Pendant l’été 2007, David et Laure Parient ont fondé My Lovely Jean. Créée par des amoureux du denim, cette marque correspond à une volonté de recherche de nouvelles formes. My Lovely Jean s’inscrit dans le même esprit qu’American Retro et Zoetees. Elle représente le parfait complément de toute garde-robe. Notre collection traduit l’alliance entre création et nouvelles matières, tout en apportant une valeur ajoutée au marché actuel. Quel est le style de la marque ? Nous souhaitons apporter un complément à nos marques American Retro et Tees. C’est pourquoi nous voulons rester dans la même philosophie, tout en apportant une touche de créativité et de nouveauté au marché actuel. Pour cela, nous avons désiré mettre en valeur les formes, à travers des coupes skinny. Le rétro a la part belle avec des tailles hautes « high waisted ». Et nous avons décidé de miser sur des baggys avec un effet destroy. My Lovely Jean vient vraiment suppléer Zoetees et American Retro, afin de proposer une offre complète. Quel est votre positionnement ? Notre univers est très rock’n’roll et rétro seventies. Notre marque se positionne sur le segment qu’occupent des marques comme See by Chloé, Tsubi, Ernest Sewn. En moyenne, nos jeans sont vendus 140 euros en magasin. BORN TO BE UN1QUE 39 ST1LEINTÉGRALE TOILE de MARQUES ACQUAVERDE WRANGLER La marque a été créée en 1947 aux États-Unis. Wrangler a une véritable volonté d’authenticité de par son histoire. Son nom fait d’ailleurs référence aux garçons vachers américains. Le modèle phare de la marque, le 13MWZ, a été spécialement conçu pour les cow-boys avec des fermetures à glissières. Aujourd’hui, Wrangler s’adresse aux hommes et aux femmes qui recherchent confort, qualité et belles coupes. Pour l’été 2008, il y en aura pour tous les goûts : slims, pattes d’ef, tub legs. Au niveau des délavages, la tendance sera aussi à l’éclectisme puisque les couleurs iront du blanc au brut très foncé. Pour les toiles, Wrangler continue d’utiliser du « broken tweed », mais aussi du « left hand ». Ces tissus sont plus souples que le denim habituel. Ainsi la marque reste fidèle à ses origines, en proposant toujours des modèles très confortables. MUSTANG L’aventure Mustang a débuté en 1958 en Allemagne. La marque est aujourd’hui distribuée dans 44 pays à travers le monde, principalement dans l’Ouest et l’Est de l’Europe, en Asie et en Afrique du Nord. Mustang souhaite véhiculer une image sexy et naturelle. Elle s’adresse à une clientèle âgée de 20 ans et plus. La collection printemps/été 2008 a beaucoup de caractère : surpiqûres, couleurs claires, style sexy et décontracté. Elle comporte des shorts, des blousons et des pantacourts en jean. Mais les coupes stars de la saison sont le vintage et les coupes slim et droites. Pour l’hiver, Mustang mise aussi sur le vintage, mais avec des variations de couleurs et beaucoup plus de détails. FREESOUL CORLEONE Créée en 2002, la marque Corleone a été lancée pendant le festival de Cannes. Cameron Diaz et Léonardo DiCaprio, alors présents, sont les tout premiers VIP à avoir porté un jean Corleone. C’est ainsi que la marque a gagné son surnom « jeans de star ». Par conséquent, elle se positionne tout naturellement dans les boutiques haut de gamme, les corners des grands magasins et dans des boutiques « niches créateurs ». Pour l’été 2008, les couleurs vives viennent illuminer les silhouettes ! Le denim se pare de coupes droites, slim et larges. Les tailles hautes sont très présentes. Le jean clair et délavé annonce son grand retour. Mais il y aura aussi du denim brut et des tons vifs : rouge, bleu électrique, jaune... cirés noirs, blancs ou argent irisés. Le tout identifié Corleone, donc très rock ! 40 BORN TO BE UN1QUE LEE La marque a été fondée en 1889 aux États-Unis par H.D. Lee. Son univers est assez urbain et rock. Tout en restant fidèle à ses racines et à son histoire, la marque essaie d’être pionnière au niveau des tendances. Mais elle conserve religieusement son modèle historique à cinq poches. Lee s’adresse aux 15/30 ans avec un style vintage et rebelle. Pour l’été, la collection comporte des slims et des basiques incontournables, mais aussi des pattes d’ef et des « tub legs » en référence aux seventies. De plus, Lee a créé pour l’été des modèles Tapered (néo-jodhpur) avec un côté un peu loose en haut et resserré vers le bas. Au niveau des délavages, auparavant le brut dominait. Pour la saison estivale, quelques modèles vintage vont faire leur apparition. Et cette tendance s’affirmera cet hiver. LIBERTO Liberto a été fondé en 1976. En 1981, le modèle à cinq poches Cody devient le premier best de la marque française. Après avoir produit les premiers jeans bleached en Europe dans les années 1980, Liberto est pionnière en matière de stonewash. Pour l’été, la collection revisitera les basiques de la marque, en transformant les coupes, en ajoutant des détails (boutons, broderies, passants). L’esprit rock-glamour est très présent tout comme les années 1980. Une ligne Bourgeois-bohème déclinera des modèles Hippy chic et vintage. Les délavages des jeans sont très clairs. Pour cette saison, Liberto revisite des produits typés sport qu’elle transforme en modèles plus urbains. Les matières sont décalées et sophistiquées. REPLAY La marque italienne a vu le jour en 1981 à l’initiative de Claudio Buziol. Le succès arriva en 1988 avec le modèle 901. Depuis, elle n’a cessé d’être une griffe phare sur le marché mondial du jean. L’univers de Replay oscille entre sportwear et sophistication. Pour l’été 2008, le style des collections s’appuie sur un tendance « street contemporain ». De manière générale, chez la femme, les tailles sont plus hautes et les coupes ajustées. Le slim occupe une place importante. Pour l’homme, les jeans se porteront desserés avec quelques déchirures. Les slims conserveront un style très sixties. Pour la collection hiver 2008/09, Sergio Arreghini, le directeur artistique de Replay, a été inspiré par différentes influences telles que le groupe de rock Gogol Bordello et son genre gipsy punk. De nombreux films ainsi que ses voyages en Arizona et au Nouveau-Mexique ont été fondamentaux dans la création de cette collection. LEE COOPER La marque espagnole est bien décidée à surfer sur la vague fluo kids avec une collection haute en couleur et en imprimés. Toutes les tendances sont explorées : des couleurs flashy à la toile de jouy en passant par le peau de bête et le color block. Il y en aura pour tous les goûts sur de la toile flex et des coupes toujours soignées. Comptez 70 euros pour un pantalon. Lee Cooper a été crée en 1908 par Morris Cooper. L’univers de la marque est très rock’n’roll avec un aspect confort indéniable. Pour l’été 2008, trois tendances fortes émergent : le work wear, l’esprit militaire et le bleach. C’est un véritable voyage à travers les origines de la marque, son soutien aux forces armées et son association avec des groupes de rock comme The Rifles. De plus, Jean-Charles de Castelbaljac dessinera une ligne et la développera avec Lee Cooper sous la marque JC-DC denim edited by Lee Cooper. Cette collection exclusive pour homme et femme a pour thème les icônes du rock british des sixties. La cible est jeune. Cette collection sera distribuée à travers 250 magasins Lee Cooper et dans les boutiques de JCC du monde entier. Lee Cooper collaborera aussi avec Lou Doillon pour une ligne de vêtements. L’actrice élaborera et présentera des modèles de la collection. DIAMANT JEAN’S LEVIS CIMARRON Photos DR Créée en 1993 en Allemagne, Timezone cible les consommateurs de 25 à 45 ans. La marque souhaite avant tout qu’ils gardent leur identité. D’ailleurs, son slogan se base sur cette philosophie (« Real people in every Timezone »). Et c’est vraiment avec cette volonté que Wolgang EndlerRoss a fondé Timezone. Pour l’été 2008, Timezone propose, dans sa collection homme, des jeans clairs, des bermudas et des pantalons. La gamme de couleurs est très estivale et les coupes assez droites. Pour la femme, la marque a souhaité évoluer dans un univers épuré et léger. Les pantalons auront une taille un peu plus haute. Et les slim côtoieront leurs opposés, des jeans très amples dès le dessous de la fesse. Photos DR TIMEZONE Freesoul a été fondée en 1994 en Italie. La marque est considérée comme « néo-jeanner », positionnée sur un segment moyenhaut de gamme du secteur mode, grâce à une ligne denim baptisée H-Art qui inclut l’homme et la femme en plus des lignes de saison. Pour l’été, Freesoul accorde une grande importance aux détails toujours plus recherchés avec des poches innovatrices, de nouvelles coutures et des empiècements. Elle augmente aussi le nombre de ses pièces « cousues main ». Pour cette saison, la couleur dominante reste le blanc, mais les denims colorés font une percée significative. Au niveau des coupes, le slim a toujours le vent en poupe tout comme les formes amples. Car, contrairement à ses concurrents, Freesoul n’a jamais cessé de fabriquer du bootcut. Les must-have à venir : les jeans Deep et Madley grâce à leur lavage sur base foncée légèrement brillante avec un intérieur doré ! L’aventure Acquaverde commence dans les années 1980. En 2001, Judith Roch reprend l’entreprise. Plutôt haut de gamme, les prix des jeans varient entre 120 et 160 euros. Acquaverde a une clientèle très variée. La fashion-victim de 20 ans tout comme la femme de 45 ans peuvent trouver leur bonheur parmi les différentes lignes de la marque. Pour l’été 2008, la collection affiche beaucoup de modèles de pantalons droits. Les slims sont revisités avec des zips et des boutons. Deux fermetures au lieu d’une se positionnent sur le devant. Dans le dos, des boucles ont été ajoutées. Les jeans larges ont la part belle avec les bootcut traditionnels et les pantalons à taille haute mais très évasés. Les looks sont très pointus. Pour l’hiver 2008-09, la tendance du jean large s’intensifie, mais les matières changent. Des pantalons en velours, en swedine et en côte de cheval seront proposés. La marque Diamant Jean’s est née de l’association de stylistes italiens et de joailliers français en 2004. Elle a lancé les premiers modèles de jeans faits main avec des inserts de matières nobles, comme de la soie ou du velours, et des bijoux. Les collections se segmentent en trois gammes : Prestige, Access et Rigoletto. Prestige est une ligne de pièces uniques réalisées à la main, sur mesure, et à la demande. La marque crée de véritables œuvres d’art à partir de denim. Les modèles sont transformés, repeints et accessoirisés de pierres précieuses. La collection Access joue toujours sur l’idée de vêtement bijou avec des modèles plus épurés destinés au grand public. Toujours équipé d’un bouton bijou amovible, le jean est plus sobre et chic. Rigoletto évolue à mi-chemin entre Prestige et Access. En tout, une vingtaine de modèles pour hommes et pour femmes sont présents dans la collection, et toute une gamme de délavages accompagnent les coupes, des plus épurées aux plus sophistiquées. Crée en 1893, Levi’s est une des marques d’habillement les plus célèbres du monde. Sa longévité est en partie due à sa capacité d’adaptation et d’innovation. Pour autant, un modèle traverse les époques sans prendre une ride : le Levi’s 501. Ces dernières années, de nouveaux modèles tels que le Redlab et le Twisted ont donné un coup de jeune à Levi’s qui s’est réinventé une nouvelle image auprès de consommateurs plus jeunes. La collection été 2008 de Levi’s Redlab revisite les influences pointues de la BEATGENERATION des années 60 avec des coupes slim et des teeshirt monochromes. Levi’s Girl explore les éléments les plus féminins des années 50 avec des denims acidulés, des shorts en jean et des vestes courtes. La ligne Engeneered continue à expérimenter les volumes avec des formes fuseau et cigarette. A noter, au printemps de 2008, Levi’s Vintage Clothing célèbrera le jean rigide avec la reproduction à l’identique de trois 501 de légende (1933, 1944,1955). DDP L’association entre Didier Mauroux et Laurent Caillet commence en 1984 avec le développement d’un réseau de boutiques multimarques. En 1992, ils deviennent distributeurs exclusifs de Dr Marten’s pour la France. Enfin, c’est en 1996 que DDP voit le jour, date à laquelle la première collection homme est diffusée sur le marché. Celle-ci sera suivie de près par la collection femme. La collection été 2008 s’inspire de trois thèmes. Le premier, Rock of Casbah, est un savant mélange de culture rock et d’Orient. Les couleurs sont très présentes avec des indigos intenses, des chocolats, des oranges soufrés et des jaunes safranés. Le thème Gone with the wind reprend l’univers du film du même nom (Autant en emporte le vent). Il se veut très « campagne anglaise » avec une gamme de couleurs angéliques, délavées et patinées. Enfin, le thème Jackie Kennedy décline un style épuré, un esprit rétro des années 1960 avec du rouge, du miel, et du blanc. LOIS Lois à 45 ans et pourtant la marque n’a pas pris une ride. Sa légitimité dans le denim et plus particulièrement dans le pantalon large est une évidence puisqu’elle a traversé toutes les époques: le pantalon Abba qui a véritablement habillé le groupe éponyme revient pour notre plus grand plaisir, plus patte d’ef que jamais. Cette série limitée absolument 70’s devrait être vendue 100 euros dès le mois de février. Pour l’hiver 08/09, Lois pense rééditer d’anciens modèles, des coupes comme le Yoko en version vintage délavée ou dans les tons deep 178 ou deep dark. «Le marché du denim est chahuté et joue les grands écarts « nous a confié Franck Thépault, directeur commercial de Saez Merino France «les consommateurs sont assez perdus, pris à partie entre le slim et le pantalon large, le taille basse et la taille haute. Peut être du coup que le boot cut va jouer les troublefêtes». Parole intéressante qui mérite réflexion... BORN TO BE UN1QUE 41