MMF - Urofrance

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MMF - Urofrance
ARTICLE
Progrès en Urologie (1999), 9, 19-25
DE REVUE
Utilisation du Mycophénolate Mofétil (MMF) en
transplantation rénale : résultats d’une expérience monocentrique
Myriam PASTURAL (1), Benoît BARROU (1) , Jean-Louis GOLMARD (5),
Emmanuelle GORICHON-RADIDEAU (6), Joëlle MANIGHETTI (4), Saida OURAHMA (3),
Hadjira BENALIA (2), Catherine MOUQUET (3), Christian CHATELAIN (1), Marc-Olivier BITKER (1)
(1) Service
d’Urologie, (2) Service de Néphrologie, (3) Département d’Anesthésie Réanimation, (4) Fédération de Transplantation
d’Organes et de Tissus, (5) Département d’Informatique et Statistiques, (6) Pharmacie, Laboratoire de Toxicologie
Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France
RESUME
Le Mycophénolate Mofétil (MMF) est un nouvel immunosuppresseur dont l’efficacité a été démontrée à la dose de 2 à 3 gr/j. Le but de l’étude était de déterminer si le
MMF pouvait être utilisé à une dose inférieure avec la même efficacité. Deux groupes
de patients ont été étudiés : 334 sous azathioprine (AZA) et 60 sous MMF (à la dose
de 750 mg/j. pour les patients sous trithérapie ou 1,5 gr/j pour ceux sous bithérapie.
Le reste du traitement était identique pour les 2 groupes. Le critère principal de jugement était l’incidence de rejet aigu à 3 mois. Elle a été de 16% dans le groupe MMF
et de 35% dans le groupe AZA (p=0,003). L’analyse multivariée a confirmé l’impact
du type d’inhibiteur de la synthèse des purines employé (AZA ou MMF, p=0,007) sur
l’incidence du rejet aigu à 3 mois. Cette étude confirme l’intérêt du MMF, même à des
doses inférieures à celles préconisées dans la littérature internationale. La tolérance
en est améliorée. Le MMF a désormais remplacé l’azathioprine dans nos protocoles
immunosuppresseurs.
Mots clés : Transplantation rénale, immunothérapie, Mycophénolate Mofétil.
Depuis l’introduction de la ciclosporine en 1983, l’arsenal des immunosuppresseurs n’avait guère connu de
modifications jusqu’à récemment si ce n’est l’introduction d’un anticorps monoclonal anti-CD3. Depuis peu,
deux nouvelles molécules très prometteuses ont fait leur
apparition sur le marché, incitant les équipes de transplantation à réviser leurs protocoles immunosuppresseurs. L’une, le FK 506 (Prograf®), est un concurrent
direct de la ciclosporine. Son mécanisme d’action est
proche bien que non similaire. Il s’oppose également à
la production d’IL2 par les lymphocytes T helper activés. L’autorisation de mise sur le marché a été dans un
premier temps accordée pour le traitement des rejets
aigus corticorésistants, puis plus récemment pour la
prophylaxie du rejet aigu. L’autre, le Mycophénolate
Mofétil (Cellcept®) est un concurrent direct de l’azathioprine. Ses propriétés immunosuppressives découlent d’une inhibition sélective (à la différence de l’azathioprine) de la voie de novo de synthèse des purines.
Les lymphocytes T et B sont parmi les seules cellules de
l’organisme à utiliser exclusivement cette voie, et sont
par conséquent les cibles principales de la molécule [1].
Après analyse des différentes études, nous avons décidé de modifier nos protocoles immunosuppresseurs, en
procédant étape par étape, c’est-à-dire en n’introduisant qu’une modification à la fois pour pouvoir en
apprécier facilement et rapidement les conséquences.
La première étape retenue a été le remplacement de
l’azathioprine par le MMF dans les protocoles immunosuppresseurs proposés aux patients transplantés à
partir d'octobre 1996.
PRESENTATION DU MYCOPHENOLATE
MOFETIL
Le Mycophénolate Mofétil est un ester de l’acide
mycophénolique (MPA), produit de fermentation de
plusieurs espèces de Pénicillinium. Le MPA agit par
inhibition de l’inosine monophosphate déshydrogénase
Manuscrit reçu : mai 1998, accepté : septembre 1998.
Adresse pour correspondance : Dr. B. Barrou, Service d’Urologie, Hôpital de la
Pitié, 83, Bd. de l’Hôpital, 75013 Paris.
19
M. Pastural et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 19-25
(IMPDH), enzyme spécifique de la voie de synthèse de
novo des purines. Fait intéressant, il n’est pas un analogue des purines, donc ne s’oppose pas à la réparation
de l’ADN et n’entraîne pas de cassure de celui-ci, à la
différence de l’azathioprine.
études multicentriques randomisées en double aveugle
et contrôlées [5, 6, 7]. Au total, 1493 patients ont été
inclus. Le critère primaire principal de jugement était le
pourcentage de rejets aigus prouvés histologiquement
ou d’échecs thérapeutiques (décès, perte du greffon ou
sortie précoce de l’étude) au cours des 6 premiers mois.
Les propriétés immunosuppressives du MMF sont multiples :
- inhibition sélective de la prolifération des lymphocytes,
L’étude européenne [5] a comparé le MMF en trithérapie à une bithérapie : elle comportait 3 bras :
- Stéroïdes - Ciclosporine - MMF (2 gr./j) (n= 165)
- inhibition de la formation des anticorps [4],
- Stéroïdes - Ciclosporine - MMF (3 gr./j) (n= 160)
- inhibition de la glycolysation GTP-dépendante des
glycoprotéines d’adhésion [2],
- Stéroïdes - Ciclosporine - placebo (n= 166)
Le pourcentage de rejets aigus ou échecs thérapeutiques a été respectivement de 30,3%, 38,8% et 56%
(p<0,001).
- inhibition in vitro de la prolifération des cellules musculaires lisses, ce qui présente un intérêt théorique
certain dans la prévention du rejet chronique [1].
L’étude tricontinentale [13] a comparé le MMF à
l’AZA dans le cadre d’une trithérapie : elle comportait
3 bras :
On voit donc qu’à côté du simple blocage de l’expansion clonale des lymphocytes activés, le MMF possède
in vitro des propriétés immunosuppressives particulièrement intéressantes pour la prévention du rejet aigu et
chronique d’allogreffe.
- Stéroïdes - Ciclosporine - MMF (2 gr./j) (n= 173)
- Stéroïdes - Ciclosporine - MMF (3 gr./j) (n= 164)
- Stéroïdes - Ciclosporine - Azathioprine (100 -150
mg./j) (n= 166)
La biodisponibilité est de 94%. La conversion de MMF
en MPA est complète et rapide (15 mn.). Le taux de
liaison à l’albumine est de 97%. La concentration
maximale est atteinte en 0,8 heure et la demi-vie est de
15,9 heures. Le MPA est transformé par glycuroconjugaison en un métabolite inactif, l’acide mycophénolique glycuroconjugé (MPAG). L’élimination est
essentiellement urinaire (87%) et à un moindre degré
biliaire. La concentration maximale du MPAG (principal métabolite inactif du MPA) n’est que peu modifiée
par la baisse du débit de filtration glomérulaire tandis
que l’aire sous la courbe 0-96 est 3 à 6 fois supérieure
chez les insuffisants rénaux sévères. Par contre, l’aire
sous la courbe 0-12 du MPA est comparable chez les
greffés rénaux en tubulopathie à celle des sujets normaux. Aucun ajustement des doses n’est donc recommandé par le laboratoire. Le MPA n’est pas éliminé par
la dialyse. Enfin, la conversion de MMF en MPA n’est
pas affectée par l’insuffisance hépatique de même que
l’inactivation du MPA en MPAG [6].
Le pourcentage de rejets aigus ou échecs thérapeutiques a été respectivement de 38,2%, 34,8% et 50%
(p<0,001).
L’étude américaine [11] a comparé le MMF à l’AZA
dans le cadre d’une quadrithérapie : elle comportait 3
bras, chacun incluant une induction avec des globulines antithymocytaires (ATGAM®) :
- ATGAM - Stéroïdes - Ciclosporine - MMF (2 gr./j)
(n= 167)
- ATGAM - Stéroïdes - Ciclosporine - MMF (3 gr./j)
(n= 166)
- ATGAM - Stéroïdes - Ciclosporine - Azathioprine
(100 -150 mg./j) (n= 166)
Le pourcentage de rejets aigus ou échecs thérapeutiques a été respectivement de 31,1%, 31,3% et 47,6%
(p<0,001).
Aucune interaction n’a été mise en évidence entre le
MPA et la ciclosporine, le ganciclovir, l’aciclovir, ou
l’association t riméthoprime-sulfaméthoxazole. Par
contre, l'association FK 506 et MMF semble augmenter l’aire sous la courbe de ce dernier.
Résultats à 3 ans
Il était légitime de chercher à savoir si la réduction
constatée de l’incidence du rejet aigu entraînerait une
fréquence accrue de complications à long terme, au
premier rang desquelles les tumeurs. Bien que les critères de jugement aient été fixés à 6 mois, le recueil des
données s’est poursuivi. Le recul est maintenant de 3
ans. La fréquence des décès, toutes causes confondues,
ainsi que celle des lymphomes et des tumeurs cutanées
sont indiquées dans le Tableau 1. Aucune majoration
de l’incidence de ces complications n’est notée chez les
patient recevant du MMF [9].
ANALYSE DES RESULTATS DES ESSAIS
MULTICENTRIQUES
Résultats à 6 mois
L’efficacité de Cellcept® dans la prévention du rejet
aigu d’allogreffe rénale a été établie au moyen de 3
20
M. Pastural et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 19-25
Tableau 1. Incidences des tumeurs à 3 ans (résultats des 3 études princeps).
Ly=lymphomes, TC=tumeurs cutanées, autres=autres tumeurs.
Etude européenne
Placebo
MMF
MMF
2 gr
3 gr
Décès
Etude tricontinentale
AZA
MMF
MMF
2 gr
3 gr
Etude américaine
AZA
MMF
MMF
2 gr
3 gr
10,8%
6,7%
8,1%
8,6%
4,7%
9,1%
11,6%
10,3%
12%
Ly
0
0
1,3%
< 1%
1,2%
1,8%
< 1%
< 1%
1,8%
TC
0
2,4%
< 1%
13,6%
11,1%
4,3%
4,9%
7,9%
6%
3%
1,8%
1,3%
3,7%
2,9%
6,1%
6,7%
1,8%
3,6%
Autres
Les doses de MMF ont été, dans un premier temps,
celles préconisées par le laboratoire (2 gr./j) pour les
patients ne recevant pas de ciclosporine mais réduites
(1,5 gr./j) chez ceux sous ciclosporine, comme nous
avions l’habitude avec l’AZA. Rapidement, devant une
incidence accrue d’infections à CMV, nous avons
réduit empiriquement les doses pour n’administrer que
1,5 gr./j aux patients ne recevant pas de ciclosporine et
0,75 mg./j chez ceux en recevant. C’est le protocole en
vigueur actuellement et reçu par la totalité des patients
du groupe MMF (les premiers patients ayant reçu 2 gr.
de MMF ont été exclus de l’analyse).
EXPERIENCE DU SERVICE
Malades et Méthodes
Le remplacement de l’AZA par le MMF a été réalisé
pour toute nouvelle greffe à partir du 29 septembre
1996. Le protocole immunosuppresseur des patients
déjà greffés n’a pas été modifié. Ainsi 60 patients nouvellement greffés ont reçu du MMF et ont été inclus
dans l’analyse. Le schéma de nos protocoles n’a pas été
par ailleurs modifié, en dehors du type de ciclosporine
administré. En effet, de manière contemporaine, le
Sandimmun® a été abandonné au profit du Néoral®
tout en conservant les mêmes taux sanguins résiduels
(100 à 150 ng./ml).
Enfin, notre protocole transfusionnel est resté inchangé
et a donc été appliqué à tous les patients depuis 1992.
Il consiste en la transfusion de 3 séries de 2 culots globulaires phénotypés non filtrés à 15 jours d’intervalle
pour les receveurs de greffons de donneurs en état de
mort encéphalique, de 3 transfusions donneur-spécifiques en cas de donneur vivant haplo-identique et
d’une transfusion donneur-spécifique en cas de donneur vivant HLA identique.
Pour des raisons de recueil des données et d’homogénéité des groupes, nous avons comparé rétrospectivement les résultats des patients sous MMF ayant au
moins 3 mois de recul (groupe MMF, n=60) à ceux sous
AZA (groupe AZA, n=334) greffés depuis le 1er janvier 1992. Quatre patients ont été exclus pour les raisons suivantes : deux greffes de pancréas isolés, une
greffe combinée foie-rein, enfin un receveur traité par
MMF pour couvrir la période post-greffe initiale (2
mois) puis par AZA avant retour dans son pays d’origine dans lequel le MMF n’est pas disponible.
Critères d’efficacité
Le critère retenu a été l’incidence de rejet aigu ou de
perte de greffon durant les trois premiers mois après
transplantation. Dans la plupart des cas, le diagnostic
de rejet aigu a été posé sur des critères cliniques, biologiques et échographiques : élévation de la créatininémie sans autre cause retrouvée (absence de dilatation
des cavités, absence de sténose de l’artère du greffon),
fièvre, augmentation des résistances vasculaires dans le
greffon (indice de Pourcelot >0,75 en échographie doppler), prise de poids, baisse de la natriurèse. Le traitement des crises de rejet a consisté en l’administration
de 3 bolus de 1 gramme de methylprednisolone et de
globulines antithymocytaires pendant 7 jours.
Pendant la durée de l’étude, quatre protocoles immunosuppresseurs ont été administrés en fonction de la
date de greffe (AZA ou MMF) et du risque immunologique, les pati ents à haut risque immunologique
(secondes transplantations, immunisation anti-HLA
≥40%, greffes combinées rénales et pancréatiques,
sujets de race noire, patients non dialysés) recevant de
la ciclosporine, les autres non (Tableau 2).
La proportion de patients traités par la ciclosporine a
été supérieure dans le groupe MMF (33 % vs. 27 %
dans le groupe AZA). Cela s'explique par une proportion plus importante dans le groupe MMF de transplantations combinées rénales et pancréatiques (8,3 % vs.
6,7%), de retransplantations (9,7% vs. 7%), de receveurs de race noire (24,5% vs. 11,8%), de receveurs
immunisés (14% vs. 5,3%).
Analyse statistique
L’étude a été réalisée en intention de traiter. L’analyse
monovariée a été réalisée par test de Chi2 et test de student. L’analyse multivariée a été du type régression
logistique, (programme SAS system). La sélection du
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M. Pastural et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 19-25
Tableau 2. Protocoles immunosuppresseurs employés au cours de l’étude.
AZA=azathioprine, MMF=Mycophénolate Mofétil, ATG=globulines antithymocytaires Fresenius pendant 14 jours.
Patients à faible risque immunologique (n=283)
Groupe AZA
Groupe MMF
Induction
Maintenance
n
ATG
Prednisone (20 mg/j)
AZA (150 mg/j)
Prenidnisone (20 mg/j)
AZA (150 mg)
243
ATG
Prednisone (20 mg/j)
MMF (1,5 gr/j)
Prednisone (20 mg/j)
MMF (1,5 g/j)
40
Patients à haut risque immunologique (n=111)
Groupe AZA
Groupe MMF
Induction
Maintenance
n
ATG
Ciclosporine
Prednisone (20 mg/j)
AZA (50 mg/j)
Ciclosporine
Prednisone (20 mg/j)
AZA (50 mg/j)
91
ATG
Ciclosporine
Prednisone (20 mg/j)
MMF (0,75 g/j)
Ciclosporine
Prednisone (20 mg/j)
MMF (0,75 g/j
20
modèle a été effectuée par régression pas à pas et
contrôlée par la méthode du meilleur sous-ensemble.
Deux variables sont apparues “emboîtées” : “date de la
greffe” et “type d’inhibiteur de la synthèse des purines”
(AZA ou MMF). Pour les distinguer, nous avons réalisé la même analyse pour les seuls patients du groupe
AZA. La variable “date de greffe” n’est pas apparue
indépendante au seuil de 0,05. Elle a donc été retirée du
modèle utilisé pour l’analyse définitive.
L’analyse multivariée a confirmé l’impact du MMF sur
la réduction du nombre de rejet aigu : 5 variables sont
apparues indépendantes après ajustement : degré de
mismatch HLA, (p=0,0001), type d’inhibiteur de la
synthèse des purines (AZA ou MMF), (p=0,0071), âge
du receveur élevé à la puissance 2, (p=0,0091), présence d’une greffe pancréatique associée, (p=0,0014),
administration de ciclosporine, (p = 0,035).
Analyse économique
De façon non surprenante, la survie des greffons à 3
mois a été identique dans les deux groupes (94 % pour
le groupe AZA et 96 % pour le groupe MMF, p=0,42).
Dix-neuf greffons (5,6%) ont été perdus dans le groupe AZA (dont trois de rejet aigu non contrôlé), un seul
(1,8%) l’a été dans le groupe MMF (de cause chirurgicale), p=0,19.
Survie des greffons
Deux analyses ont été réalisées. La première l’a été sur
l’ensemble de la série et a comparé les coûts standardisés des immunosuppresseurs et des antiviraux. La
seconde a été réalisée sur deux groupes de 31 patients,
l’un recevant de l’AZA, l’autre du MMF. Le groupe
AZA a été apparié sur les critères apparus comme indépendants dans l’analyse multivariée. Les coûts pris en
considération ont été ceux de l’ensemble des médicaments (en hospitalisation et en ambulatoire), de l’ensemble des explorations radiologiques et biologiques,
des transfusions sanguines, des séances d’hémodialyse,
des consultations.
Créatininémies
Aucune différence n’est apparue entre les deux groupes
en terme de fonction rénale avec des valeurs moyennes
à J8 et 3 mois de 237 ± 242 µmoles/l et 123 ± 46
µmoles/l pour le groupe AZA, et de 238 ± 238
µmoles/l et 114 ± 21 µmoles/l pour le groupe MMF.
Résultats
Incidence de rejet aigu à 3 mois
Effets secondaires
Elle a été significativement inférieure dans le groupe
MMF (16 %) à celle du groupe AZA (35 %), p=0,003.
L’incidence des infections à CMV traitées par
Ganciclovir n’a pas été significativement plus impor22
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tante dans le groupe MMF (16%) que dans le groupe
AZA (9%), p=0,18.
Tableau 3. Principales caractéristiques des groupes AZA et
MMF.
Un seul cas de douleurs abdominales a été noté, résistant au fractionnement des doses. Aucune étiologie n’a
été retrouvée. Les douleurs ont persisté malgré l’arrêt
du MMF et son remplacement par l’azathioprine. Leur
disparition a été observée sous neuroleptiques et elles
ne sont pas réapparues lors de la réintroduction du
MMF.
Variables
AZA (n=334)
MMF (n=60)
p
Age donneur
41 ± 14
44±15
ns
Décès par trauma
30,8%
17,8%
< 0,05
102 ± 38
110 ± 53
ns
Créatininémie donneur
Donneurs vivants
Aucun cas de diarrhée n’a été noté.
Etude économique [7]
La première analyse (coût des immunosuppresseurs et
des antiviraux), portant sur l’ensemble de la série, fait
ressortir un coût moyen inférieur pour le groupe MMF
: 65 749 francs pour les patients sous ciclosporine (versus 72 667 francs dans le groupe AZA), 62 809 francs
pour ceux n’en recevant pas (versus 64 407 francs dans
le groupe AZA).
La seconde, prenant en considération l’ensemble des
coûts, fait ressortir une différence minime : 3 405 987
francs pour le groupe AZA, 3 402 986 francs pour le
groupe MMF.
16%
18,3%
ns
Incompatibilités : 0 à 2
19,3%
20%
ns
Age receveur
42 ± 13
45 ± 12
ns
AC anti HLA
9 ± 20%
8 ± 22%
ns
Race receveur
caucasien
noir
maghrébin
asiatique
56%
12%
31%
0,9%
61%
24%
10%
3,5%
ns
0,01
< 0,05
ns
Tubulopathie
13%
23%
0,05
responsable de la réduction du nombre de rejet aigu.
Nous n’avons pas réalisé de dosages sanguins de MMF,
si bien qu’il est difficile de fournir une explication à
cette observation. Il nous semble toutefois que l’impact
d’une seule molécule est difficilement discernable de
celui de l’ensemble d’un protocole immunosuppresseur qui doit être considéré dans sa globalité. Il faut
noter à cet égard que nous sommes restés fidèles à
notre politique transfusionnelle alors que les études
antérieures (y compris les études “dose-effet”) ne font
jamais état de transfusions préopératoires, masquant
vraisemblablement une grande hétérogénéité. Ceci
pourrait expliquer les particularités de notre expérience.
Discussion
Notre analyse, certes rétrospective, présente l’avantage
de porter sur une expérience monocentrique donc plus
homogène que les grandes séries multicentriques quant
à la prise en charge des patients. Outre l’introduction
du MMF, la principale modification observée est la
nature des greffons disponibles. Nous avons noté une
augmentation progressive de l’âge des donneurs, une
diminution du nombre de décès des donneurs par traumatisme et une augmentation des décès par accident
cardio-vasculaire (Tableau 3). En conséquence, le taux
de tubulopathie a augmenté passant de 13% dans le
groupe AZA à 23% dans le groupe MMF (p=0,05).
Cette évolution joue en défaveur du groupe MMF, plus
récent.
On pourrait objecter que la modification du type de
ciclosporine employée explique la réduction de l’incidence du rejet. En effet, les patients sous ciclosporine
ont reçu du Sandimmun® dans le groupe AZA, mais
du Néoral® dans le groupe MMF. En réalité, les taux
résiduels recherchés étaient les mêmes dans les deux
groupes (entre 100 et 150 ng/ml) et les doses moyennes
de Néoral® ont ét é inférieures à celles de
Sandimmun®. Par ailleurs, et surtout, nous avons
retrouvé la même différence significative (p= 0,0017)
d'incidence de rejet aigu entre les deux groupes AZA
(35%) et MMF (10%) pour les seuls malades sans
ciclosporine (patients à faible risque immunologique).
Cette différence ne peut être attribuée qu’au MMF.
Les résultats des analyses monovariée et multivariée
confirment l’efficacité du MMF dans la prévention du
rejet aigu. L’incidence du rejet aigu durant les 3 premiers mois a été significativement diminuée passant de
35% dans le groupe AZA à 16% dans le groupe MMF,
quels que soient les autres immunosuppresseurs administrés.
Cette réduction est du même ordre de grandeur que
celle observée dans les études princeps [5, 11, 13]. Elle
a été obtenue alors même que les doses de MMF
étaient inférieures à celles déterminées au cours des
premières études «dose-effet» [10, 12]. Même à ces
doses, le MMF semble avoir été efficace. L’hypothèse
contraire reviendrait à accepter l’idée que la suppression de l’AZA de nos protocoles serait en elle-même
A la différence des études classiques, nous avons défini les rejets sur des critères cliniques, biologiques et
échographiques mais rarement sur des résultats histologiques. Cette approche peut être critiquée mais a été
appliquée de façon identique aux deux groupes AZA et
MMF. Elle n’empêche donc pas de conclure à la supériorité du MMF.
23
M. Pastural et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 19-25
La tolérance du MMF a été bonne dans notre expérience. L’incidence des infections à CMV n’a pas été augmentée. Un seul patient a présenté des douleurs abdominales nécessitant un simple fractionnement des doses
en trois prises quotidiennes. Aucun cas de diarrhée n’a
été noté. Enfin, nous n’avons relevé aucun cas de lymphome ou autre tumeur dans le groupe MMF, mais le
recul n’est bien sûr que de 3 mois.
encore de données dans la littérature à ce sujet. Notre
expérience est instructive à cet égard puisque nous
avons utilisé des doses inférieures tout en observant le
même effet thérapeutique.
L’emploi de MMF représente une augmentation des
coûts directs puisque le coût du traitement quotidien est
environ 10 fois plus élevé que celui de l’azathioprine.
Néanmoins, l’étude économique montre que le surcoût
initial est rapidement contrebalancé par les économies
réalisées au cours des trois premiers mois. La différence est nette si l’on ne considère que le coût des immunosuppresseurs et des antiviraux. Ceci s’explique par le
nombre de rejets aigus évités dans le groupe MMF et
par le fait que nous traitons systématiquement les crises
de rejet aigu par des globulines antithymocytaires dont
le prix est élevé. Cette économie a été retrouvée par
d’autres équipes [3, 8]. La seconde analyse, prenant en
considération l’ensemble des coûts, met en évidence
une différence plus ténue, toujours en faveur du MMF
malgré son coût supérieur. Il faut se souvenir que la
population de nos donneurs s’est modifiée avec le
temps. Nous avons observé, comme la plupart des
équipes, une diminution de la qualité des greffons,
résultant entre autre en un taux de tubulopathie plus
élevé dans le groupe MMF et en un recours plus fréquent à des séances de dialyse après transplantation
(Tableau 3). La conséquence en est une augmentation
des coûts non liés aux immunosuppresseurs dans le
groupe MMF.
Les résul tats prélimi naires de l’introduction du
Mycophénolate Mofétil dans nos protocoles immunosuppresseurs sont très encourageants. Ils confirment la
réduction de l’incidence du rejet aigu et ce avec des
doses inférieures à celles préconisées, chez les patients
sous trithérapie comme chez ceux sous bithérapie. La
tolérance a été bonne. Le maniement de cette nouvelle
molécule est apparu simple du fait du peu d’interférences médicamenteuses et de l’absence d’adaptation à
la fonction rénale. Cette première analyse nous conforte dans le choix du MMF comme inhibiteur de la synthèse des purines en première intention et dans l’abandon de l’azathioprine sauf cas particulier. La question
posée de la nécessi té de poursuivre ou non le
Mycophénolate Mofétil au delà de 6 mois reste ouverte.
CONCLUSION
Etude réalisée au cours d’une année de DEA (M. Pastural)
financée par le Laboratoire ROCHE, dans le cadre de la
Fédération de Transplantation d’organes et de tissus du
Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière.
REFERENCES
1. ALLISON A.C., EUGUI E.M. Mycophenolate Mofetil, a rationally
designed immunosuppressive drug. Clin. Transplant., 1993, 7, 96112.
Malgré un prix de traitement quotidien plus élevé,
l’analyse économique à court terme plaide donc en
faveur du MMF. On peut s’interroger alors sur les
résultats à plus long terme puisque la fréquence des
rejets aigus diminue avec le temps. D’un point de vue
strictement économique, il pourrait être concevable de
réserver le MMF aux premiers mois postopératoires
puis de l’interrompre au profit de l’azathioprine à une
période ou le risque de rejet aigu est moindre. D’un
point de vue médical, le bénéfice à long terme du MMF
n’est pas encore démontré mais seulement suspecté.
Ses effets in vitro suggèrent une efficacité contre le
rejet chronique. De plus, le MMF n’étant pas un analogue des purines n'entraîne pas de cassures chromosomiques. Il pourrait donc avoir un effet différent de celui
de l’azathioprine sur l’oncogénèse après transplantation. Ainsi, l’intérêt du MMF pourrait-il dépasser la
simple prophylaxie du rejet aigu. Seules des études cliniques à long terme permettront de répondre à ces questions.
2. ALLISON A.C., KOWALSKI W.J., MULLER C.J., WALTERS R.V.,
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On peut, par contre, aisément envisager un réduction
des doses avec le temps, comme cela est réalisé avec la
plupart des autres immunosuppresseurs. Il n’existe pas
24
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SUMMARY
Use of Mycophenolate Mofetil (MMF) in renal transplantation. Results of a single-centre trial.
Myc ophenolate Mofetil (MMF) is a new immunosuppressant
demonstrate d to be effectiv e at the dose of 2 to 3 g/day. The
objective of this study was to determine w hether MMF could
be used at a lower dose with the same efficacy. Two patient
groups were studied : 334 patie nts tre ated with azathioprine
(AZ A) and 60 patients treate d MMF (at the dose of 750
mg/day, for patients rec eiving triple combination therapy or
1.5 g/day for those receiving tw o-agent combination therapy).
The rest of the treatment w as identical for the 2 groups. The
main endpoint was the incidence of acute rejection at 3
months, which was 16% in the MMF group and 35% in the
AZA group (p=0.003). Multivariate analy sis confirmed the
impact of the type of purine synthesis inhibitor used (AZA or
MMF, p=0.007) on the acute reje ction rate at 3 months. This
study confirms the value of MMF, ev en at dose s lower than
those recomme nded in the inte rnational literature, w ith
improved safety. MMF has now replaced azathioprine in our
immunosuppressant protocols.
9. PILCHMMAYR R., VABRENTERGHEM Y., GROTH CG., GRINYO
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Key-words : Re nal
Mycophenolate Mofetil.
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25
transplantation,
immunothe rapy,

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