Dossier 1256 - Revue Hommes et migrations

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Dossier 1256 - Revue Hommes et migrations
La diaspora capverdienne et son rôle
dans l’archipel du Cap-Vert.
Développement, politique, identité
De la période qui a précédé l’indépendance à nos jours, la diaspora capverdienne,
via les partis et les associations qu’elle a créés à l’étranger, a développé de multiples formes
de participation à la vie de l’archipel : soutien politique aux luttes d’indépendance,
aides familiales, investissements financiers, dont certains concourent au développement
économique de l’archipel. Enfin, des activités et un marché de la culture contribuent,
depuis les lieux d’immigration, à la construction de l’identité capverdienne et à la visibilité
de cette communauté sur le plan international.
par Michel Lesourd,
professeur
des Universités,
département
de géographie,
université de Rouen
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La diaspora capverdienne – quelque 700 000 personnes pour 450 000
résidant dans les îles –, joue, depuis l’indépendance du pays, un rôle
important qui soulève bien des questions. En effet, si l’identité socioculturelle de microsociétés paysannes insulaires a longtemps conduit
les émigrés à rechercher l’acquisition d’un bien foncier, toujours rare
au Cap-Vert, la croissance urbaine récente et les avantages qu’elle procure, notamment en termes de services et d’emplois, n’oriente-t-elle
pas aujourd’hui les investissements – comme sur le continent voisin –
vers le commerce et la rente immobilière ? La consolidation de la
démocratie représentative a-t-elle permis le “retournement” de la diaspora et son adhésion au projet gouvernemental de construction d’un
État nation capverdien constitué de l’archipel mais aussi de ses îles
extérieures ? Enfin, les communautés capverdiennes, qui évoluent vers
des comportements et des pratiques transnationales, ont certainement
contribué à la construction d’une identité capverdienne “atlantique”
plus occidentale qu’africaine. Mais comment, avec l’essor généralisé
des médias et des Tic (nouvelles technologies de l’information et de la
communication), ces identités “branchées” plus que métissées pèsentelles sur le devenir identitaire du Cap-Vert ?
Pendant la période de lutte anticoloniale, la diaspora capverdienne
(de nationalité portugaise à l’époque) a joué un rôle essentiel dans la
lutte armée menée par le Parti africain pour l’indépendance de la
Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC, 1973-1981), qui était une formation nationaliste commune aux deux territoires. Le réseau de combattants trouva des appuis matériels et financiers dans les milieux des
émigrés. Amilcar Cabral, ingénieur agronome longtemps en poste à
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Lisbonne et Bissau, et ses compagnons de lutte, dont l’actuel président
de la République, monsieur Pedro Pires, furent de très actifs “émigrés
clandestins” combattants politiques. S’il y avait, à Lisbonne et en
Moselle, un noyau de Capverdiens résistants et un mouvement associatif déjà solide(1), c’est à Rotterdam (Pays-Bas), que fut prise par le
PAIGC, au sein de la petite communauté d’émigrés de l’époque, la décision de mener des actions politiques collectives au Cap-Vert.
Quand le PAIGC prit le pouvoir à Praia, capitale de l’archipel, en
1974, il rencontra l’opposition politique de l’UPICV (Union des populations des îles du Cap-Vert) et de l’UDCV (Union démocratique du CapVert). La lutte politique qui aboutit au triomphe du Parti africain pour
l’indépendance du Cap-Vert (PAICV, 1981-1990, section capverdienne
du PAIGC et principal acteur de la guerre de libération) entraîna
l’émigration vers Lisbonne, les États-Unis et les Pays-Bas d’une partie
des opposants. Le petit parti de l’UCID (Union capverdienne indépendante et démocratique), né en exil aux Pays-Bas en 1978, s’est surtout
développé dans la communauté néerlandaise. À l’intérieur de l’archipel, l’opposition interne au PAIGC/PAICV, surtout composée d’intellectuels étiquetés “trotskistes”, connut le même sort : l’expulsion, plutôt
que la prison. Nombreux furent les opposants qui se retrouvèrent ainsi
1)- Silva L. A.,
Le rôle des émigrés
dans la transition
démocratique aux îles
du Cap-Vert. Lusotopie,
Karthala, Paris, 1995.
© D.R.
L’espace culturel capverdien : les îles extérieures
Les migrants et la démocratie dans les pays d’origine
53
à Lisbonne entre 1979 et 1983. La maladresse du pouvoir en place joua
aussi un rôle limitant quand il décida d’interdire la double nationalité
aux émigrés ou voulut mettre en place sa loi de réforme agraire, qui
inquiéta des émigrés soucieux d’acquérir de la terre. Mais plus grave
encore était l’opposition idéologique au parti unique et à son désir
d’union du Cap-Vert avec la Guinée Bissau.
Depuis les années 1990, la diaspora se fait mieux
entendre sur la scène politique capverdienne
2)- Silva, op. cit.
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L’émigration fut donc, pendant cette période, le refuge des opposants et
des petits partis opposés à la politique du PAIGC/PAICV. Les années 19751985 furent des années de méfiance et de défiance des émigrés (et aussi
d’une partie de la population) face au pouvoir du parti unique, le parti-État
(devenu, entre-temps, le PAICV). L’une des conséquences fut l’absence de
participation politique de l’émigration dans ce Cap-Vert perçu comme
totalitaire par de nombreux groupes émigrés, et ceci, malgré la présence,
dans les divers lieux de la diaspora, d’associations très engagées aux côtés
du PAICV et de ses représentations diplomatiques. L’autre conséquence
fut la relative modestie des transferts financiers envoyés au Cap-Vert, en
partie à cause de la politique économique menée par le parti-État.
Le Cap-Vert fut cependant l’un des premiers pays africains à entreprendre sa transition démocratique. Au début de l’année 1990, une
forte opposition se manifestait au sein du PAICV face à la concentration du pouvoir entre les mains d’un petit nombre de personnes. La
naissance du Mouvement pour la démocratie (MPD), animé par Carlos
Veiga (qui deviendra Premier ministre), inquiétait les partisans de
l’ouverture démocratique dans le parti. Entre septembre et novembre,
le parti fit voter une révision constitutionnelle qui reconnaissait le pluralisme politique et de nouvelles lois électorales. La participation des
émigrés à la vie politique du pays fut institutionnalisée, mais avec seulement trois sièges de députés à l’Assemblée nationale.
Le MPD concentrait toutes les oppositions au PAICV, y compris les
anciens trotskistes émigrés. Il était particulièrement sensible à l’état
d’esprit des communautés émigrées en Europe et notamment à Lisbonne,
où vivaient de jeunes juristes capverdiens liés aux réseaux personnels de
Carlos Veiga. Mais aux élections législatives de 1991, sur trois députés
représentant la diaspora, un seul MPD (représentant les communautés
d’Europe) fut élu contre deux PAICV (représentant les communautés
d’Afrique et d’Amérique) !
D’une manière générale, la diaspora a eu le sentiment, jusqu’en
1995, que le Cap-Vert faisait peu de chose pour mieux intégrer ses émigrés(2) à la vie de l’archipel. Les émigrés se sentaient marginalisés dans
leur propre pays. La décentralisation politico-administrative mise en
place à partir de 1996 a cependant changé la donne : les collectivités
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territoriales peuvent désormais passer des accords de coopération décentralisée, et le mouvement associatif capverdien de la diaspora peut en
profiter pour développer une aide “insularisée”, plus proche des attentes
des groupes locaux restés au pays.
Depuis l’avènement de la deuxième République, et surtout les
années 1995-2000, la confiance est revenue, et n’a pas été remise en
cause par la victoire du PAICV aux dernières élections législatives et
présidentielles (2000). Depuis les élections de 2001, six députés représentent la diaspora (sur 72 au total), ce qui
permet à cette dernière de se faire mieux
Les associations capverdiennes
entendre. Le gouvernement a créé un secréd’Europe ont joué un rôle
tariat d’État aux communautés et, depuis
1999, leurs représentants siègent au Conseil
en termes de revendications
économique et social du pays.
de libertés individuelles et politiques,
Il est difficile d’apprécier ici dans quelle
de promotion des structures de la société
mesure l’action politique directe des commucivile et de libéralisme économique.
nautés a pu influencer le pouvoir capverdien
de l’archipel. Il est certain que le gouvernement du Cap-Vert, qui a besoin de ménager les
susceptibilités de la diaspora afin de ne pas décourager l’envoi de mandats conséquents, est de plus en plus à l’écoute des problèmes des émigrés. La généralisation de l’information a sans aucun doute contribué à
diffuser le modèle démocratique occidental, à valoriser la démocratie
représentative et à discréditer quelque peu la corruption et le népotisme
caractéristiques de nombreux régimes politiques africains voisins.
Une diaspora attentive,
support pour la dynamique économique du pays
La diaspora a fourni des femmes et des hommes en 1991, venus dans les
valises du MPD, jeunes cadres juristes, avocats, médecins, et quelques
entrepreneurs, surtout libéraux, qui ont contribué au rajeunissement
du personnel politique et à conforter le modèle occidental. En ce sens,
il est possible d’affirmer que les structures associatives des communautés capverdiennes d’Europe ont joué par la suite un rôle, notamment en
termes de revendications de libertés individuelles et politiques, de promotion des structures de la société civile et de libéralisme économique.
Désormais solidement ancrée dans la société de l’information, à
l’exception de quelques communautés isolées (à Sao Tomé et Principe,
en Guinée-Bissau), la diaspora plurielle et sa nouvelle génération née
hors du pays, ses étudiants et ses cadres, multiplient les influences, parfois contradictoires : conceptions de la démocratie, modèles politiques,
y compris en ce qui concerne la politique extérieure, par exemple américaine en Irak, courants de pensée, démocratie participative, conceptions de la “société de l’information”. Mais elle est aussi de plus en plus
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partagée entre son engagement de soutien à la politique du Cap-Vert et
sa participation à la politique de son pays d’accueil, comme aux ÉtatsUnis ou au Sénégal, par exemple, et risque de désinvestir le champ du
politique au profit, peut-être, d’autres participations.
L’émigration internationale des Capverdiens est un phénomène
ancien, amorcé au XVIIIe siècle. Diverses circonstances coloniales en
font aussi une émigration “coloniale” libre ou forcée. Mais la période
du plus grand nombre de départs en fait une émigration de travailleurs
vers les bassins d’emploi d’Europe et des Etats-Unis, demandeurs de
main d’œuvre dans les années soixante/quatre-vingt.
© D.R.
L’émigration capverdienne dans le monde
3)- Lesourd Michel,
État et Société aux Îles
du Cap-Vert, Karthala,
Paris, 1995, 520 p.
56
Rappelons que les communautés de la diaspora représentent 700 000
personnes environ, si l’on compte les descendants de deuxième, troisième, voire quatrième génération. Les aires de regroupement sont le
nord-est des États-Unis d’Amérique (région de Boston, New Bedford,
Providence), le Portugal, la France, les Pays-Bas, l’Italie, le Luxembourg.
D’importantes communautés résident aussi à Dakar (Sénégal), au Brésil
(Sao Paulo), et d’autres, très modestes, se trouvent à Sao Tomé et
Principe, en Espagne, en Allemagne(3). La diaspora capverdienne ne
s’est jamais désintéressée de la mère-patrie, même à l’époque de l’Étatparti. Les transferts financiers des émigrés ont toujours dépassé les 10 %
du produit national.
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Depuis les années 1985, les gouvernements successifs du Cap-Vert
se sont fortement préoccupés de l’émigration, notamment en termes
de défense des droits face aux politiques de plus en plus rigoureuses
menées par les pays d’accueil. Ceci est particulièrement vrai depuis les
années quatre-vingt-dix. De ce fait, les émigrés ont répondu favorablement aux demandes familiales, constantes, mais aussi, dans une
moindre mesure, aux sollicitations étatiques en matière d’investissement et de création d’emplois. D’une manière générale, l’éducation,
l’encadrement social et l’observation, directe ou par les médias, du
modèle consumériste occidental, accepté par toutes et tous, expliquent largement le comportement des émigrés capverdiens en matière
d’aide économique à l’archipel.
Les premiers envois financiers des émigrés
soutiennent la consommation des ménages
Les années post-indépendance sous la tutelle du PAIGC/PAICV (19751990) ont été marquées par des transferts financiers et matériels
d’émigrés relativement modestes, dans le cadre d’une insertion très
limitée du Cap-Vert dans l’économie monde par la “Mirab économie”
(Migration, Remises d’émigrés, Aide internationale, Bureaucratie), dès
le début des années quatre-vingt.
Les envois de produits matériels étaient, jusqu’au début des années
quatre-vingt-dix, une contribution à la consommation domestique (produits alimentaires, vêtements et chaussures), et n’étaient pas négligeables, car le Cap-Vert était dépourvu de presque tout. Ils pouvaient
aussi concerner l’éducation des enfants et les dépenses de santé,
dépenses que l’on peut d’ailleurs considérer non comme des dépenses
de survie, mais comme un investissement privé à long terme, susceptible de dégager un surprofit pour la famille et la société. La caractéristique générale des envois financiers est qu’ils étaient d’abord destinés à soutenir l’équipement et la consommation des ménages, et
surtout à faire bâtir ou améliorer la maison familiale existante, plus
rarement à acquérir une terre, une boutique ou un magasin : les investissements macro-économiques demeuraient peu nombreux.
Les investissements financiers, plus rares, se sont concentrés dans
la construction civile, mais rarement pour créer une entreprise, à l’exception des services banaux, commerce, taxi, auberge rustique, bar, qui
demandent une mise de fonds relativement faible et un savoir-faire
modeste. L’équipement de petites entreprises familiales de pêche,
l’amélioration de l’exploitation agricole par l’irrigation furent plus fréquentes, jusqu’en 1992, que les participations financières aux chaînes
hôtelières d’État, à la pêche industrielle et au transport maritime. Ce
type d’investissement demeure prudent et peu imaginatif. Mais comment aurait-il pu en être autrement avec des émigrés majoritairement
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peu formés, même si une élite de juristes et de médecins vivait aussi
parmi les communautés ?
Par la suite, l’évolution du Cap-Vert vers un modèle économique
davantage fondé sur la production et l’exportation de services impliquant la mobilisation de capitaux nationaux et internationaux, et des
ressources humaines qualifiées, a conduit les dirigeants du pays à
mettre en place des conditions juridiques et matérielles plus propices
à rassurer et attirer les investissements extérieurs, notamment ceux de
la diaspora. Les émigrés ont eu alors un rôle accru depuis l’année 1995,
avec l’accompagnement de l’ouverture économique au monde.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les émigrés ont multiplié les investissements immobiliers, surtout en ville. Les raisons,
comme ailleurs dans les pays en développement, en sont simples : c’est
en ville que les services, notamment éducatifs, sont les plus importants. Construire une maison en ville, c’est assurer un toit à ses enfants
lorsqu’ils seront élèves dans un lycée. C’est aussi la possibilité, en
ouvrant un petit commerce ou même en travaillant dans la rue, de
gagner plus d’argent qu’en demeurant dans les hameaux souvent isolés
d’une campagne très montagneuse.
Toutefois, les villes, et surtout Praia et Assomada (Santiago), ont vu
se développer la rente et la spéculation comme mode de production de
richesse. Ceci n’est pas spécialement le fait des émigrés, mais le volontarisme des politiques d’urbanisme de l’État et de certaines municipalités (Praia, Mindelo, Assomada) a encouragé les investissements extérieurs, entre autres ceux des émigrés, comme appui à la construction
civile dans les quartiers “nouveaux”. Ainsi, Palmarejo, à l’ouest de
Praia, est devenu quartier résidentiel pour les classes aisées (villas) et
moyennes (petits immeubles collectifs) en partie parce qu’il a attiré
des investissements massifs de la part des émigrés souhaitant devenir
propriétaires, et aussi parce que l’acquisition de terre agricole attire
moins qu’autrefois. Il en est de même à Assomada, principale ville de
l’intérieur de l’île de Santiago, où il se dit que c’est l’argent des trafics
de drogue pratiqués par les émigrés du Portugal, de France et de
Hollande qui a été recyclé dans l’immobilier local.
Les investissements des émigrés
concernent peu à peu tous les secteurs
Les investissements, classiques en économie informelle et formelle
dans les pays pauvres, ont particulièrement touché les secteurs des
transports. L’État ayant interdit l’importation de véhicules d’occasion,
les émigrés ont contribué à l’importation de véhicules de transports
collectifs (minicars) Toyota, très utiles pour permettre à la population
rurale pauvre de circuler à bas coût entre campagne et ville (Santiago,
Santo Antao et Fogo, notamment). Le Cap-Vert, contrairement à son
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voisin sénégalais, bénéficie ainsi d’une flotte imposante de minibus en
bon état, très adaptée aux services demandés sur place : elle le doit en
grande partie aux initiatives économiques des familles d’émigrés.
Ces investissements ont aussi touché le transport urbain. Un américano-capverdien a investi dans les autobus de la capitale en créant en
1995 Moura Company : une compagnie privée dont l’efficacité a vite
concurrencé les deux sociétés de transport public héritées de la
période PAICV, au point de devenir l’opérateur quasi unique dans la
capitale… Une compagnie aérienne
privée, des transporteurs maritimes à
La diaspora multiplie les influences
capitaux majoritairement émigrés
dans l’archipel, mais elle est aussi
ont aussi vu le jour, mais n’ont pu se
maintenir, dans un secteur à rentabide plus en plus partagée entre
lité difficile.
son engagement de soutien à la politique
La petite hôtellerie (pousada),
du Cap-Vert et sa participation à la politique
la restauration et les loisirs (boites
de son pays d’accueil.
de nuit), le petit commerce, surtout
urbain, secondairement la pêche sont
les secteurs de l’économie qui ont
contribué à l’essor de la petite entreprise capverdienne, plutôt familiale et “informelle”, à valeur ajoutée très variable. Le capital national et de la diaspora a plutôt investi dans de petites unités, dans
toutes les îles, en ville, dans les petits centres et dans certains sites
isolés. L’agriculture a peu profité de ces investissements d’émigrés,
même si, autour des villes, elle a bénéficié d’investissements techniques non négligeables (irrigation pour des maraîchages destinés au
ravitaillement urbain).
Les entreprises culturelles et de haute technologie sont un autre
aspect du rôle positif joué par la diaspora : la société franco-capverdienne Lusafrica produit et distribue les disques de Cesaria Evora, et
plusieurs sociétés américano-capverdiennes de Tic aident le Cap-Vert
à développer sa “société de l’information”. Le rôle des entreprises
informatiques – ou utilisant massivement l’informatique – dont les
capitaux proviennent de la diaspora devrait logiquement s’accroître
dans les années à venir, avec l’essor du parc informatique. Elles pourraient constituer le socle d’un véritable secteur d’activité de service
informatique international “offshore” (téléport). Déjà, des entreprises
comme Cabonet (créateur de site et diffuseur d’informations), Infotel,
Logicab, NT2000 (matériel informatique de gestion, sites), Tecnicil (ecommerce immobilier), affirmant une vocation internationale, sont en
contact avec la diaspora. C’est une entreprise de la diaspora, Brava
Telecom, PME d’informatique créée par des descendants d’émigrés de
l’île de Brava, aux États-Unis, qui a créé le site Internet de la Caixa
Economica (Caisse d’Épargne) du Cap-Vert, et plusieurs sites capverdiens comme CaboverdeOnline ou VisaOnline.
Les migrants et la démocratie dans les pays d’origine
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Le rôle important de la diaspora
dans l’émergence d’une identité capverdienne
4)- Promex :
centre de promotion
du tourisme,
des investissements
et des exportations.
5)- Lesourd Michel, Sylla C.,
“NTIC, mondialisation,
développement : le cas
du Cap-Vert. Les NTIC
au service de l’insertion
dans l’économie-monde
et du développement local”,
in Mondialisation
et technologies
de la communication
en Afrique, coord. Annie
Chéneau-Loquay, Karthala,
Paris, 2004, 328 p.
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Un autre aspect de la question est l’interaction des initiatives de la
diaspora et l’effet d’entraînement avec la dynamique entrepreneuriale
au Cap-Vert. Les deux chambres régionales de commerce ont cherché
à capter le réseau des émigrés et se placer sur le “marché de la saudade” (la “saudade” signifie le désir de revenir ou de venir découvrir le
Cap-Vert et ses racines), espérant attirer des investisseurs de la diaspora. Elles reprochent d’ailleurs aux ambassades et consulats et même
à la Promex(4), chargée de la promotion du “produit” Cap-Vert, de ne
pas assez travailler avec elles. Mais leur obstination commence à porter ses fruits, surtout depuis le début du nouveau siècle, avec les facilités de communication et d’information induites par l’essor des Tic au
Cap-Vert et dans certaines communautés de la diaspora(5). En partie
sous la pression des émigrés, les banques ont développé les transferts
d’argent par voie électronique. Mais les cartes de crédit sont encore
rares au Cap-Vert. Depuis 2000, la carte Vinti4 (30 000 en circulation)
permet d’acheter des marchandises dans les quelques magasins du
pays équipés, et de se procurer de l’argent dans quatre des neuf îles.
Le change électronique existe, et l’on peut utiliser des cartes de crédit
internationales dans quelques magasins du pays.
L’identité capverdienne a été depuis longtemps révélée aux yeux du
monde par diverses sources en partie liées à la diaspora. Dès avant l’indépendance, elle était pensée comme telle au Cap-vert même et par les
émigrés face à la culture portugaise, avec ses auteurs, ses musiques,
musiciens et poètes, ses traditions culinaires et de réjouissances.
Depuis l’indépendance, les sources d’information se sont multipliées,
notamment au Cap-Vert. L’éclatante réussite musicale de plusieurs
musiciens (Bana, Cesaria Evora, Bau, le groupe Simentera) et artistes
(Tchalé Figueira), et aussi une meilleure connaissance, via le tourisme
et les activités nautiques, des îles du Cap-Vert, ont fait le reste : l’identité capverdienne s’est “durcie” au fur et à mesure qu’elle se dévoilait
au monde.
Les communautés de la diaspora jouent un grand rôle dans la dynamique culturelle et l’ouverture économique des Capverdiens des îles, par
leur participation active à la créativité musicale et littéraire, comme
foyers de consommation de produits agroalimentaires capverdiens participant de l’affirmation identitaire, par les voyages touristiques familiaux
et de “racines”, et, plus récemment, par l’utilisation des technologies
numériques comme moyen de consolidation des relations sociales. Elles
révèlent des personnalités qui, une fois connues au Cap-Vert, génèrent
de l’identité. Citons par exemple, dans la communauté américano-capverdienne du Rhode Island et du Massachusetts, les fondateurs “historiques” de représentations identitaires comme Richard Lobban (histo-
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Le Cap-Vert, un archipel pauvre qui joue la carte libérale
Le Cap-Vert : dix îles (neuf habitées), six îlots. L’archipel (4 033 km2) est situé à
500 km au large des côtes sénégalo-mauritaniennes, 1 750 des îles Canaries, 3 000
du Nordeste du Brésil. Dans l’hydroclimat de l’Atlantique oriental, le Cap-Vert
est un Sahel maritime. La contrainte agricole et hydrique est très forte, mais le
risque de famine est aujourd’hui écarté par une politique de ravitaillement
adéquate.
L’atlanticité capverdienne se mesure à l’importance des destinations de sa diaspora : si 450 489 habitants (en 2002) vivent dans les îles, 93 % des 700 000 émigrés résident dans des pays ayant une façade atlantique. Les stratégies diplomatiques, culturelles et économiques de l’État ont toujours valorisé les relations
avec des pays de l’Atlantique Nord et Sud : l’Afrique, partenaire politique obligé,
n’est pas un modèle culturel ou économique.
Le destin tragique de l’archipel s’est renversé en 1975 : les politiques menées
depuis l’indépendance ont permis de faire de l’un des pays les plus pauvres du
monde un État sur le point de quitter le groupe des pays les moins avancés
(PIB/habitant en 2002 : 1 420 $, IDH – Indicateur de développement humain –
2001 : 0,727, 103e mondial).
D’abord engagé dans une politique prudente de développement économique à
forte protection sociale, le Cap-Vert s’est ensuite résolument tourné vers une
ouverture libérale et la recherche d’activités génératrices de devises. Sa croissance est largement fondée sur l’aide internationale et les transferts des émigrés
alors que le secteur productif exportateur demeure modeste : services de transport et touristiques, pêche, quelques produits agricoles. Une classique politique
sociale-libérale depuis 1991 s’est substituée au modèle des années quatre-vingt :
parti unique, “Mirab économie” (Migration, Remises d’émigrés, Aide internationale, Bureaucratie), politique sociale forte. Malgré des résultats socio-économiques assez favorables, le taux de croissance annuelle du PIB (5 % entre 1990
et 2004) demeure modeste, en dépit d’une politique budgétaire rigoureuse et
des efforts d’attraction des investisseurs étrangers. Le pays doit donc faire face
à des problèmes structurels spatiaux et sociaux. Il reste l’un des plus aidés au
monde (APD – Aide publique au développement : 13 % du PIB en 2001, transferts des émigrés : 14,9 % du PIB en 2002). Si 61 % de la population vivent désormais dans des villes, la question des équipements, des emplois et des services en
milieu rural et dans certains quartiers urbains reste un problème important. La
pauvreté (23 à 54 % de la population selon les îles), la vulnérabilité économique
et sociale, le chômage et le sous-emploi (57 % des actifs), et l’isolement de certaines catégories de population et d’espaces du pays ne sont pas résolus :
l’équité socio-spatiale est loin d’être atteinte. L’économie capverdienne est fragile : l’effort de croissance est surtout assuré par un secteur de services hypertrophié (en 2001 : 72 % du PIB) et un secteur industriel modeste (17 % du PIB).
Le secteur dit “formel” représentait en 1996 environ 60 % de l’emploi total du
pays, et les entreprises “informelles”, presque toutes de très petite taille (1 à 5
employés), 40 %.
La vie politique du pays se caractérise par une alternance démocratique et l’existence de pouvoirs décentralisés. Liberté de pensée et libre expression sont de
règle dans un pays qui a abandonné parti unique et censure au début des
années quatre-vingt-dix. La volonté de transparence politique est renforcée par
le souci de l’État de communiquer davantage en créant une “société de l’information” utilisant massivement les nouvelles technologies de l’information et de
la communication (Tic).
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rien) et surtout Ronald Barboza (historien et photographe, créateur de
la Documentation and Computerization of the Cap-verdeans).
Ce qui est intéressant et relativement nouveau, c’est la capacité
de l’émigration à s’exprimer et se faire entendre, et cela plus seulement à l’occasion des tournées de ministres dans les régions d’accueil de la diaspora. Les créateurs de site web ont permis le développement de nouveaux lieux de convivialité, entre Capverdiens des îles
et Capverdiens de la diaspora. L’analyse des sites Internet du CapVert fait ressortir les préoccupations identitaires : la culture capverdienne est toujours à l’honneur sur les sites d’artistes, d’histoire, de
cuisine. Le portail Cabonet est au service des émigrés, à la fois comme
moyen de se connecter facilement à des sites et comme lieu de débats,
sans but lucratif, mais dépositaire des valeurs de solidarité et d’identité capverdiennes. Mais les sites Internet sont aussi des véhicules
d’évolution des mentalités (mudança) et de plus de justice sociale, le
lieu d’expression des critiques formulées contre l’État ou ses strucBibliographie
tures (les douanes par exemple).
En ce sens, la dynamique identiBarbe A., Les îles du Cap-Vert. De la découverte à nos jours,
une introduction. L’Harmattan, Paris, 2003, 286 p.
taire semble multipliée par l’accès
Cahen M., À la recherche de la nation. Le Congrès des cadres
à la communication globalisée.
capverdiens de la diaspora. Lusotopie, Paris, Karthala, 1995.
Cahen M., “L’État ne crée pas la nation : la nationalisation du
monde”, in Afrique : les identités contre la démocratie ?
Autrepart, n° 10, IRD/éd. de l’Aube, 1999.
Lesourd Michel, Les diasporas dans les économies insulaires :
Le Cap-Vert comme
territoire-archipel
mondialisé
une émigration pour survivre ou pour développer ? L’éco-
La créolité constitutive de la nation
a facilité l’insertion des Capverl’université de Rouen, n° 188, 1993.
diens dans la mondialisation cultuLesourd Michel, “Cap-Vert : Insularité et développement”, in
relle contemporaine, renforçant à la
Géopolitique Africaine, Dossier L’Afrique lusophone trente
fois l’identité nationale et un État
ans après la révolution des œillets, n° 14, Paris, avril 2004.
nation éclaté, lui-même objet fort du
Lesourd Michel, Tsassa C. (coordonnateurs), Nouvelles technoprojet politique du Cap-Vert depuis
logies de l’Information et de la communication et transformason indépendance. Mais, influencée
tion du Cap-Vert. Rapport national sur le développement
humain du Cap-Vert, 2004. PNUD, Gouvernement du Cap-Vert,
par la dynamique des communautés
Praia (Cap-Vert), version électronique CDRom, 2004, 204 p.
et les comportements socio-économiques et culturels de l’élite du pays,
cette créolité afro-portugaise et le
relatif repli identitaire de la diaspora, puis son engagement récent plus
ou moins important dans des processus d’insertion – davantage que de
communautarisme – ont permis son évolution vers des comportements
transnationaux complexes. Le développement des Tic, les usages de
l’Internet, du téléphone mobile et la généralisation de l’accès à divers
médias, et notamment à plusieurs télévisions et radios, ainsi que la globalisation, ont activé ce transnationalisme culturel, l’ont élargi, renforcé.
nomie de marché et le tiers-monde. Rouen, Publication de
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N° 1256 - Juillet-août 2005
Les communautés émigrées ont trouvé dans les Tic une opportunité
pour se faire connaître dans leur pays d’accueil et internationalement,
mais aussi pour valoriser leur pays d’origine, et maintenir ou développer
les liens avec lui. Leur familiarité avec les Tic est très inégale : elle
dépend des niveaux socio-économiques des familles, de la dynamique
Bibliographie
des associations locales et aussi de
Massa F, Massa J.-M., Dictionnaire encyclopédique et bilingue
l’environnement socioculturel et
Cabo Verde Cap-Vert. Edpal, Rennes, 2001, 280 p.
technique dans lequel elles évoluent :
Monteiro C. A., Comunidade imigrada. Visao sociologica.
les conditions de vie des Capverdiens
O caso da Italia. Mindelo, Ed do Autor, 1997, 554 p.
extrêmement pauvres des hauts de
Sao Tomé sont à l’opposé de ceux de
Recomposiçao do espaço social cabo-verdiano. Ed. do Autor,
Praia, 2001, 452 p.
New Bedford ou Providence, qui bénéficient d’une exceptionnelle familiaSilva L. A., Le rôle des émigrés dans la transition démocratique aux îles du Cap-Vert. Lusotopie, Karthala, Paris, 1995.
rité avec les technologies nouvelles,
grâce à leur insertion dans la vie écoVieira F., La diaspora capverdienne et ses pratiques communomique et culturelle américaine,
nautaires. Le cas de la communauté capverdienne en France.
CEAN-IEP Bordeaux, 1997, 125 p.
ainsi que des partenariats locaux,
notamment universitaires.
La “caboverdianidade” entre mythe et réalité. Déconstruction identitaire ou condition minoritaire parmi les migrants
Depuis plus de quinze ans, les
capverdiens en Europe ? Lusotopie, Karthala, Paris, 1998.
émigrés ont créé, surtout aux ÉtatsUnis, des chaînes radiophoniques et
télévisuelles. En 2000, 31 étaient
répertoriées, dont 17 dans les seuls états américains du Massachusetts
et de Rhode Island, portés par une communauté très active (IAPE,
2000). Mais la fin des années quatre-vingt-dix et le début du nouveau
siècle ont vu le très rapide développement de la communication informatique, surtout dans la communauté américaine, ainsi qu’avec les
émigrés étudiants au Portugal, au Brésil, aux États-Unis, en Italie et en
France. Des portails ont été créés, comme Caboverde Reference page,
ainsi que de très nombreux sites Internet, dont certains sont l’œuvre
de diverses associations, comme les American Cape Verdeans de
Boston – qui magnifient l’identité culturelle capverdienne, les îles,
l’histoire de l’émigration, la musique –, ou encore comme Morabeza
2000, tous contribuant ainsi à la dynamique culturelle de leur pays.
La diaspora d’Amérique s’exprime par divers journaux et des
revues disponibles dans l’archipel, comme la revue culturelle communautaire américano-cap-verdienne Cimboa ou encore le cahier littéraire Arquipélago. Elle donne maintenant ses informations sous la
forme d’un journal en ligne : Visaonews.com, créé par la société Visao
News Network LLC domiciliée à Raynham dans le Massachusetts. On
retrouve, dans les communautés d’Europe, la multiplication des sites à
vocation culturelle, voire éducative, et touristique aussi. Dans les
milieux capverdiens populaires de France ou d’Italie, les Tic sont avant
tout des moyens de communication et de jeux. Dans les milieux aisés,
Les migrants et la démocratie dans les pays d’origine
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comme celui des médecins et des avocats capverdiens de Lisbonne ou
de Dakar, on manque de temps pour développer des activités liées au
web qui est, éventuellement, un moyen de s’informer sur le Cap-Vert.
Les associations d’émigrés maintiennent
le lien social entre la diaspora et le pays
L’émigration demeure un fait social : c’est le passage obligé pour
acquérir considération sociale et biens matériels permettant de fonder
une famille.
Comme dans d’autres communautés de migrants, le maintien des
relations sociales s’est fait par les associations d’émigrés. Il en existe
plus de cent cinquante, développant principalement des activités sportives, culturelles, d’aide sociale aux jeunes et aux femmes ainsi que des
associations d’étudiants :
– la connexion familiale, toujours importante, centrale, vitalisée
par les facilités modernes de circulation et de communication ;
– la connexion par le politique, renforcée par les diverses actions
d’un État soucieux d’affirmer le sentiment identitaire et national de
ses émigrés ;
– la connexion par les loisirs (en tête desquels se trouvent la
musique et la danse), surtout en ce qui concerne les divers groupes des
lieux d’arrivée (Ile-de-France, Lisbonne, Dakar, Providence) ;
– la connexion par le religieux : l’intensité de la participation aux
réseaux et activités religieuses est un ciment extrêmement puissant
dans les communautés.
La connexion locale ainsi qu’entre communauté et Cap-Vert utilise
des outils variés. Si le téléphone et le courrier restent des moyens relationnels classiques, les Tic – et notamment le courrier électronique,
les webcam et des sites Internet aux contenus et finalités variés – sont
parmi les outils relationnels les plus usités et les plus efficaces.
Au total, les réseaux de solidarité et d’échange continuent de s’ancrer dans les lieux de départ (vallée, village, quartier, île), et d’arrivée
(quartier), mais aussi dans les corporations “professionnelles” (marins,
étudiants, ouvriers) et les catégories d’âge autant que dans les clivages
politiques. Pour autant, les groupes de la diaspora échappent-ils aux
dynamiques “ordinaires” des populations qui les entourent ?
L’analyse des relations entre la diaspora et la mère-patrie est révélatrice des enjeux du Cap-Vert d’aujourd’hui : création d’une société
de l’information, utilisation des TIC comme outil et comme créneau
pour se placer dans des segments de l’activité économique mondiale,
affirmation culturelle du Cap-Vert dans le monde, renforcement de
l’identité nationale et de l’État nation malgré la dynamique centrifuge
de l’émigration.
Contraints à une émigration précoce, les Capverdiens, longtemps
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prisonniers de leur archipel et de l’empire portugais, sont devenus,
au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, et une fois
gagnée leur indépendance, l’un des peuples les plus ouverts aux
influences multiples venues du monde entier. Depuis les années
soixante-dix, les destinations de la diaspora ont sans cesse fait pénétrer, dans le pays et les communautés, les “modèles” américain (ÉtatsUnis) et européen (Pays-Bas, France, Italie, et bien sûr Portugal), au
contraire de maigres influences africaines.
Ce “micro-monde dans le système-monde”(6), éclaté en îles intérieures (l’archipel) et îles extérieures (celles de la diaspora), est
aujourd’hui porteur d’une identité socioculturelle originale marquée
par des comportements transnationaux, non seulement parmi ses émigrés, mais aussi dans l’archipel. Dans le reste du monde, l’instrumentalisation de sa culture par le monde occidental s’exprime à travers
une représentation simplifiée et une appropriation de son “identité
globalisée” (World Ethnic Identity), renforcée par le paradigme populaire de “l’ethnicité” comme grille de lecture des sociétés africaines et
mode identitaire.
6)- Lesourd Michel,
1995, op. cit.
Dossier Vie associative, action citoyenne, n°1229, janvier-février 2001
A P U B L I É Dossier Migrants et solidarités Nord-Sud, n°1214, juillet-août 1998
Dossier Citoyenneté sans frontières, n° 1206, mars-avril 1997
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