Fiche n°1 : Méthodologie et Fiche n°2 : L`ordre

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Fiche n°1 : Méthodologie et Fiche n°2 : L`ordre
UFR Droit
UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES-SAINT-DENIS
DROIT ADMINISTRATIF (1)
Cours de M. Michel JUHAN
Séances de travaux dirigés assurées par :
MM. Michel JUHAN et Jean LAINGUI
Fiche n°1 : Méthodologie
et
Fiche n°2 : L’ordre juridictionnel administratif
LICENCE DE DROIT
2ère année de LICENCE
2014-2015
Fiche n°1: Méthodologie
I – Lecture et exploitation des documents juridiques
Au cours des fiches de travaux dirigés, vous utiliserez des documents administratifs et des
documents juridictionnels. Pour le juriste débutant, le droit administratif est déroutant car il y a peu
de lois (comparé au droit civil) !
A)- Les documents administratifs
Ce sont des décisions émanant de l'administration.
Ces documents sont surtout exploités dans la vie professionnelle. Comme étudiant en L2, vous en
examinerez très peu… Vous devez néanmoins rapidement apprendre à les utiliser, notamment en
vue d'établir les éléments suivants :
- l'auteur de l'acte et, à partir de cet élément, son intitulé administratif : un décret est signé du
président de la République ou du Premier ministre, un arrêté est signé par une autorité
administrative « inférieure » (c’est-à-dire qui n’est ni le président de la République ni le Premier
ministre, par exemple un préfet), une délibération est prise par un organe collégial (par exemple un
conseil municipal...) et la procédure d'élaboration (par exemple la consultation d’une commission );
- la date : de signature, de publicité (qui conditionne l’entrée en vigueur !);
- l'objet (matière sur laquelle porte la décision, textes qu'elle modifie ou abroge, le cas échéant);
- les visas (« vu…), la signature et, éventuellement, les contreseings (les signatures figurant à côté
de la signature principale);
- la structure interne (permettant de résumer la décision);
- la formule d'exécution qu'elle comporte.
Faites ce travail à partir du document 1 : Décret n° 2013-805 du 3 septembre 2013 portant
création de l'Université de Bordeaux (JORF n°0206 du 5 septembre 2013 page 15020)
B)- Les documents juridictionnels
- Ce sont les décisions émanant des différentes juridictions administratives (tribunaux
administratifs, cours administratives d'appel, Conseil d'État) et du Tribunal des conflits. C’est une
source essentielle du droit administratif qui est éminemment jurisprudentiel.
Selon la juridiction qui en est l'auteur (TA, CAA, CE, TC), elles portent des noms différents (arrêts
pour CAA, CE et TC, jugements pour TA, parfois, simples avis sans portée contentieuse directe...).
- Vous allez devoir vous familiariser le plus rapidement possible avec ces décisions, qu’on qualifie
de « jurisprudence » : c’est la source majeure du droit administratif ! Dans chaque type d’exercice
(commentaire d’arrêt, dissertation ou cas pratique), vous préciserez votre raisonnement en vous
référant à des arrêts. Sans jurisprudence, votre copie n’est qu’affirmation non justifiée, sans réelle
consistance juridique.
- De manière comparable aux décisions administratives, vous devez apprendre à visualiser et à
dégager les éléments "identifiants" et la structure :
*éléments identifiants : juridiction, date, nom de la décision, références de publication;
* structure formelle : la requête, les visas, les motifs (les "considérants" qui forment la motivation et
correspondent aux « attendus » du juge judiciaire), le dispositif, la formule exécutoire (NB : dans
les recueils de jurisprudence, les décisions sont généralement publiées sans cette formule, car sa
rédaction est toujours la même).
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Pour chaque décision, vous devez être capable d’établir :
° les faits (au sens large) de l'espèce : circonstances de fait proprement dites, "actes attaqué"
(décision administrative ou juridictionnelle), demandeur et défendeur, procédure,
° la demande au juge : objet et argumentation juridique (les "moyens" du "recours"),
° la réponse du juge à la demande : visas, motifs (les "considérants"), dispositif (sous forme
d’articles ou sous forme synthétique : mini-résumé entre parenthèses), formule exécutoire;
Vous déterminerez ces éléments pour le document 2 : CE 22 juillet 1992, Syndicat viticole de
Pessac et Leognan
Vous devez également être capable de dégager d'une décision juridictionnelle le raisonnement
juridique selon lequel le juge tranche l'affaire qui lui est soumise (le litige). Ce raisonnement est
souvent intitulé "syllogisme judiciaire" et comporte toujours -d'une manière ou d'une autre- les
éléments suivants :
* le rappel des faits litigieux,
* le rappel de la règle de droit applicable (et, si besoin, son interprétation),
* la "qualification juridique" des faits de l'espèce (correspondent-ils ou non aux prévisions de la
règle -générale- de droit ?),
* l'application par le juge de la règle de droit aux faits de l'espèce.
En réalité, le syllogisme judiciaire revêt deux formes successives :
- lorsque le juge analyse l'affaire, il part des faits dont il est saisi (il s'informe de leur exactitude
matérielle et de leur contenu précis), puis il cherche à déterminer quelle est (ou quelles sont) la (ou
les) règle(s) de droit applicable(s) en donnant à ces faits des qualifications juridiques (exemple : tel
fait reproché à un agent public constitue-t-il une faute ?). Enfin, il applique la (ou les) règle(s)
juridique(s) qu'il a sélectionnée(s) aux faits de l'espèce pour en tirer la solution du litige;
- mais, lorsque ensuite le juge rédige sa décision, la présentation du syllogisme judiciaire est le plus
souvent partiellement inversée, c'est-à-dire que les motifs de la décision ("Considérant que...") sont
exposés dans l'ordre suivant :
* énoncé de la (ou des) règle(s) applicable(s),
* énoncé des faits de l'espèce,
* application de la (ou des) règle(s) à ces faits.
(Notez : ce schéma théorique peut se trouver démultiplié, dans la décision juridictionnelle en cause
si la requête a plusieurs objets ou/et si plusieurs règles de droit ont à y être utilisées).
Etablir ce raisonnement dans le document 2 : CE 22 juillet 1992, Syndicat viticole de Pessac et
Leognan
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Les décisions du juge administratif sont déconcertantes car elles opposent souvent un requérant
à un texte administratif (et non deux parties)
Grâce à ces exercices, vous êtes en principe en mesure de rédiger une fiche d’arrêt…
Rappel : c'est la présentation résumée d'un arrêt, permettant d'en comprendre le sens et,
éventuellement,
l'importance.
- Elle peut être établie à partir des rubriques suivantes :
° faits et procédure,
° problème de droit (ou, à défaut, phrase importante),
° solution du juge,
° apport de l'arrêt.
- Courte (maximum une page) pour pouvoir être vite relue, la fiche d'arrêt doit retracer :
1° Le raisonnement du juge (ou "syllogisme judiciaire")
La solution la plus simple consiste à reprendre l'ordre adopté par le juge dans la formulation de sa
décision.
2° Le problème de droit
Dans tout litige, il y a un ou plusieurs problème(s) de droit. Pour chacun d'eux, la difficulté réside
essentiellement dans son identification et sa formulation.
Vous devez donc dans toute fiche d'arrêt mentionner brièvement quel est le problème qui était posé
au juge à l'occasion du litige qui lui était soumis et comment il a été résolu en indiquant s'il s'agit
d'un arrêt de principe, d'un revirement de jurisprudence ou simplement d'un arrêt d'espèce
(confirmation d'une règle antérieure).
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Document n°1 : Décret n° 2013-805 du 3 septembre 2013 portant création de l'Université
de Bordeaux (JORF n°0206 du 5 septembre 2013 page 15020)
Publics concernés :
Usagers et personnels des universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV.
Objet : création d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel
(EPSCP) dénommé « Université de Bordeaux ».
Entrée en vigueur : le nouvel établissement se substituera aux trois universités préexistantes à
compter du 1er janvier 2014. Les dispositions transitoires nécessaires, notamment, à la
constitution des organes de gouvernance du nouvel établissement entrent en vigueur le
lendemain de la publication du présent décret.
Notice : le présent décret prévoit que l'Université de Bordeaux assure l'ensemble des activités
exercées par les universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV qu'elle regroupe. Les
dispositions transitoires du décret prévoient les modalités d'adoption des statuts et du budget
de l'Université de Bordeaux et de gouvernance de l'établissement. Les biens, droits et
obligations et les contrats des personnels des trois universités bordelaises sont transférés à
l'Université de Bordeaux. De même, les fonctionnaires précédemment affectés dans ces
établissements sont affectés à l'Université de Bordeaux. Enfin, les étudiants inscrits dans ces
trois universités sont inscrits à l'Université de Bordeaux.
La dénomination et les statuts de la communauté d'universités et établissements bordelais,
érigée en EPSCP par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur
et à la recherche (art. 62 et 117), sont modifiés en conséquence pour tenir compte de la fusion
des trois universités. Cet établissement prend le nom de Communauté d'universités et
établissements d'Aquitaine. L'opération Campus, le portage des programmes d'investissement
d'avenir, la coordination des services offerts aux étudiants et de la politique documentaire
seront désormais assurés par l'université de Bordeaux.
Références : le décret peut être consulté sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche,
Vu le code de l'éducation, notamment ses articles L. 718-6, D. 711-1 et D. 719-1 ;
Vu la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche,
notamment son article 117 ;
Vu le décret du 23 décembre 1970 portant érection d'unités d'enseignement et de recherche en
établissements publics à caractère scientifique et culturel ;
Vu le décret n° 99-272 du 6 avril 1999 modifié relatif aux commissions paritaires
d'établissement des établissements publics d'enseignement supérieur ;
Vu le décret n° 2007-383 du 21 mars 2007 modifié portant création de l'établissement public
de coopération scientifique « Université de Bordeaux » ;
Vu le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les
administrations et les établissements publics de l'Etat ;
Vu l'avis du comité technique de l'établissement public de coopération scientifique «
Université de Bordeaux » ;
Vu la délibération du conseil d'administration de l'établissement public de coopération
scientifique « Université de Bordeaux » ;
Vu les avis des comités techniques des universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV ;
Vu les délibérations des conseils d'administration des universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et
Bordeaux-IV ;
Vu l'avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 15
juillet 2013,
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Décrète :
Article 1
L'Université de Bordeaux est un établissement public à caractère scientifique, culturel et
professionnel constitué sous la forme d'une université au sens de l'article L. 711-2 du code de
l'éducation. Elle est soumise aux dispositions du code de l'éducation et des textes pris pour
son application.
Article 2
L'Université de Bordeaux assure l'ensemble des activités exercées par les universités
Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV qu'elle regroupe.
Les biens, droits et obligations, y compris les contrats des personnels, des universités
Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV, sont transférés à l'Université de Bordeaux.
Les fonctionnaires précédemment affectés dans ces établissements sont affectés à l'Université
de Bordeaux.
Les étudiants inscrits dans les universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV sont
inscrits à l'Université de Bordeaux.
Article 3
Il est institué au sein de l'Université de Bordeaux une assemblée constitutive provisoire
constituée des membres des conseils d'administration respectifs des universités Bordeaux-I,
Bordeaux-II et Bordeaux-IV. Les présidents en exercice des universités Bordeaux-I,
Bordeaux-II et Bordeaux-IV sont membres de droit de l'assemblée constitutive provisoire.
Cette assemblée exerce, jusqu'à l'installation des organes de gouvernance prévus à l'article L.
712-1 du code de l'éducation, les compétences de ces organes.
Elle adopte, dans les conditions prévues à l'article L. 711-7 du code de l'éducation, les statuts
de l'établissement, qui sont transmis au ministre chargé de l'enseignement supérieur, dans le
délai de trois mois à compter de la publication du présent décret.
Si les statuts de l'Université de Bordeaux ne sont pas adoptés dans ce délai, ils sont arrêtés par
le ministre chargé de l'enseignement supérieur.
Article 4
Jusqu'à l'élection du président de l'Université de Bordeaux dans les conditions prévues à
l'article L. 712-2 du code de l'éducation, la présidence de l'établissement est assurée par un
administrateur provisoire nommé par le recteur de l'académie de Bordeaux, chancelier des
universités. L'administrateur provisoire exerce les compétences attribuées au président
d'université par le même article.
Il convoque et préside l'assemblée constitutive provisoire et organise avant le 31 décembre
2013 les élections aux différents conseils de l'établissement. Sont électeurs et éligibles, dans
les conditions fixées par les articles D. 719-2 à D. 719-40 du code de l'éducation, les
personnels et les usagers des universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV.
Article 5
Les conseils et les directeurs des composantes et des services communs des universités
Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV demeurent en fonctions et continuent d'exercer leurs
compétences jusqu'à l'installation des nouveaux conseils et la nomination ou l'élection des
nouveaux directeurs des composantes et des services communs créés au sein de l'Université
de Bordeaux.
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Article 6
Les comptes financiers des universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV relatifs à
l'exercice 2013 sont respectivement établis par les agents comptables en fonctions lors de la
suppression de chaque université. Ils sont approuvés par le conseil d'administration de
l'Université de Bordeaux.
L'assemblée constitutive provisoire adopte, pour l'année 2014, le budget de l'Université de
Bordeaux préparé par l'administrateur provisoire.
Article 7
Pour la constitution du comité technique et de la commission paritaire d'établissement de
l'Université de Bordeaux, sont électeurs et éligibles les personnels des universités Bordeaux-I,
Bordeaux-II et Bordeaux-IV.
Jusqu'à l'installation du comité technique et de la commission paritaire d'établissement
constitués conformément aux décrets du 15 février 2011 et du 6 avril 1999 susvisés, ces
instances sont composées des représentants de l'établissement et du personnel des comités
techniques et des commissions paritaires d'établissement respectives des universités
Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV. L'administrateur provisoire convoque et préside ces
instances.
Article 8
A modifié les dispositions suivantes :
Modifie Code de l’éducation - art. D711-1 (VD)
Article 9
I.-Sont abrogés :
-le décret n° 70-605 du 3 juillet 1970 relatif aux élections à l’assemblée constitutive
provisoire de l’université de Bordeaux-I ;
A abrogé les dispositions suivantes : Décret n° 95-675 du 9 mai 1995
Art. 1, Art. 2, Art. 3, Art. 4, Art. 5, Art. 6, Art. 7, Art. 8, Art. 10, Sct. Annexes, Art. ANNEXE
A modifié les dispositions suivantes : Décret du 23 décembre 1970
Annexe
Article 10
I. - A modifié les dispositions suivantes : Décret n°2007-383 du 21 mars 2007, Art. 1
II. - Les modifications de l’annexe au décret du 21 mars 2007 susvisé figurant à l’annexe au
présent décret sont approuvées.
Article 11
Les articles 2, 8 et 9 entrent en vigueur le 1er janvier 2014.
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Article 12
Le ministre de l’économie et des finances, la ministre de l’enseignement supérieur et de la
recherche et le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du
budget, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera
publié au Journal officiel de la République française.
Annexe :
I.-A modifié les dispositions suivantes : Décret n° 2007-383 du 21 mars 2007
II.-Les modifications apportées aux 3°, 6° et 7° du I prennent effet le 1er janvier 2014.
Fait le 3 septembre 2013.
Jean-Marc Ayrault
Par le Premier ministre :
La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Geneviève Fioraso
Le ministre de l’économie et des finances,
Pierre Moscovici
Le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances,
chargé du budget,
Bernard Cazeneuve
Astuces :
Vous repérez que ce texte n’est applicable que le 4 septembre 2013 (24 heures après parution
au JO) ;
Vous constatez que les visas (« Vu… ») occupent une place presque aussi importante que le
dispositif !
Vous réalisez qu’un décret signé par le Premier ministre comporte le contreseing du ou des
ministres concernés ;
Vous remarquez que ce décret est consultable sur le JO dans sa version dématérialisée :
http://www.legifrance.gouv.fr/
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Document n°2 : CE 22 juillet 1992, Syndicat viticole de Pessac et Leognan
Conseil d'Etat statuant au contentieux
N° 101565
Publié au Recueil Lebon
Section
M. Chauvaux, Rapporteur
M. Dutreil, Commissaire du gouvernement
M. Combarnous, Président
Me Odent, Avocat
Lecture du 22 juillet 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du
Contentieux du Conseil d'Etat les 1er septembre 1988 et 23 décembre 1988, présentés pour le
syndicat viticole de Pessac et Leognan, dont le siège social est à la Mairie de Léognan
(33850), représenté par son président en exercice, pour l'association de sauvegarde des Graves
de Bordeaux, dont le siège social est 1, Cours du 30 Juillet à Bordeaux (33000), représentée
par son président, pour la société civile des Grandes Graves, dont le siège social est Château
Carbonnieux à Léognan (33850), représentée par son président en exercice et pour la S.A.
Chateau Bouscaut, dont le siège social est Château Bouscaut Cadaujac à Pont-de-la-Maye
(33140), représentée par son président en exercice ; les requérants demandent que le Conseil
d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 30 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de
Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 avril 1987 portant
approbation de la modification du schéma directeur de l'agglomération bordelaise ;
2°) annule ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et
la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Chauvaux, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat du syndicat viticole de Pessac et Leognan et autres,
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi susvisée d'orientation agricole du 4 juillet
1980 : "Les documents relatifs aux opérations d'urbanisme (...) qui prévoient une réduction
grave des terres agricoles, ne peuvent être rendus publics qu'après avis de la chambre
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d'agriculture et de la commission départementale des structures agricoles. Cette disposition
s'applique également aux modifications et aux révisions desdits documents ..." ;
2. Considérant que la modification du schéma directeur de l'agglomération bordelaise
approuvée par l'arrêté attaqué et qui n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité distincte de
celle de l'arrêté lui-même a pour objet de permettre la réalisation d'un parc technologique et
classe à cet effet dans une zone "à fonction dominante technopole", plus de 1 200 hectares de
terrains auparavant classés en zone agricole ou sylvicole ; qu'eu égard à la modification ainsi
apportée à l'affectation des sols, l'arrêté attaqué doit être regardé comme prévoyant une
réduction grave de la superficie des terres agricoles au sud de Bordeaux ; qu'il ne pouvait,
dans ces conditions, légalement intervenir sans consultation préalable de la chambre
d'agriculture et de la commission départementale des structures agricoles ; qu'il est constant
que ces consultations préalables n'ont pas eu lieu ;
3. Considérant, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner leurs autres moyens, que le
syndicat viticole de Pessac et Leognan et les autres requérants sont fondés à soutenir que c'est
à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande
tendant à l'annulation de l'arrêté du commissaire de la République du département de la
Gironde du 24 avril 1987 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 juin 1988 et
l'arrêté du commissaire de la République du département de la Gironde du 24 avril 1987
portant approbation de la modification du schéma directeur de l'agglomération bordelaise sont
annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat viticole de Pessac et Leognan, à
l'association de sauvegarde des Graves de Bordeaux, à la société civile des Grandes Graves, à
LA S.A. Château Bouscaut et au ministre de l'équipement, du logement et des transports
Astuces :
Vous commencez par numéroter les « Considérant », cela aide au repérage !
Vous constatez qu’il y a deux sortes de visas : ceux qui exposent la requête (qui demande
quoi), et ceux qui énumèrent les textes d’appui (les deux derniers visas se retrouvent dans de
nombreux arrêts car ils concernent les règles de compétence et de procédure de la justice
administrative)
Vous ne vous intéressez qu’à la présentation de cet arrêt et aux trois éléments du
syllogisme… il ne s’agit pas pour l’instant de maîtriser le code de l’urbanisme !
Vous pouvez découvrir ce qu’est une section du Conseil d’Etat ou le rôle du commissaire du
gouvernement (devenu, en 2009, le rapporteur public) en consultant le site
http://www.conseil-etat.fr/ce/home/index.shtml rubrique « la justice administrative en
pratique »
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II - Les types d'exercices
Lors de l'examen, peuvent être proposés soit des exercices pratiques (commentaire d'arrêt ou
de texte législatif ou réglementaire, mais aussi étude d'un cas pratique -ou consultation), soit des
dissertations juridiques, soit, enfin, des sujets "mixtes" (un exercice pratique et des questions
théoriques). La présente fiche vous fournit l'occasion de commencer à vous familiariser avec les
méthodes et les outils de travail sans lesquels aucun niveau de connaissances ne vous assurera le
succès à ces épreuves.
A) La fiche de jurisprudence (ou « fiche d’arrêt »)
- C'est la présentation résumée d'un arrêt, permettant d'en comprendre le sens et, éventuellement,
l'importance.
- Elle peut être établie à partir des rubriques suivantes :
° faits et procédure,
° problème de droit (ou, à défaut, phrase importante),
° solution du juge,
° apport de l'arrêt.
- Courte (maximum une page) pour pouvoir être vite relue, la fiche d'arrêt doit retracer :
1° Le raisonnement du juge (ou "syllogisme judiciaire")
En réalité, le syllogisme judiciaire revêt deux formes successives :
- lorsque le juge analyse l'affaire, il part des faits dont il est saisi (il s'informe de leur exactitude
matérielle et de leur contenu précis), puis il cherche à déterminer quelle est (ou quelles sont) la (ou
les) règle(s) de droit applicable(s) en donnant à ces faits des qualifications juridiques (exemple : tel
fait reproché à un agent public constitue-t-il une faute ?); enfin, il applique la (ou les) règle(s)
juridique(s) qu'il a sélectionnée(s) aux faits de l'espèce pour en tirer la solution du litige.
- Mais, lorsque le juge rédige ensuite sa décision, la présentation du syllogisme judiciaire est le plus
souvent partiellement inversée, c'est-à-dire que les motifs de la décision ("Considérant que...") sont
exposés dans l'ordre suivant :
* énoncé de la (ou des) règle(s) applicable(s),
* énoncé des faits de l'espèce,
* application de la (ou des) règle(s) à ces faits.
Votre fiche d'arrêt pourra suivre celui de ces deux ordres d'exposition que vous préfèrerez, mais il
est évident que la solution la plus simple consiste à reprendre l'ordre adopté par le juge dans la
formulation de sa décision.
2° Le problème de droit
Dans tout litige, il y a un ou plusieurs problème(s) de droit. Pour chacun d'eux, la difficulté réside
essentiellement dans son identification et sa formulation.
Vous devez donc dans toute fiche d'arrêt mentionner brièvement quel est le problème qui était posé
au juge à l'occasion du litige qui lui était soumis et comment il a été résolu en indiquant s'il s'agit
d'un arrêt de principe, d'un revirement de jurisprudence ou simplement d'un arrêt d'espèce
(confirmation d'une règle antérieure).
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B) Le commentaire d'arrêt
Épreuve susceptible d'être proposée à l'examen, cet exercice vous oblige à aller plus loin dans
l'analyse du texte de l'arrêt et à compléter celle-ci par un véritable commentaire personnel.
1° L'analyse de l'arrêt
Elle peut se dérouler en plusieurs étapes :
a) Analyse du litige
* Quel est l'objet du litige ? C'est-à-dire : que demande-t-on exactement au juge (l'annulation d'une
décision ou des dommages intérêts ?). Ceci vous amène à partir des faits de l'espèce, qu'il faut
exposer dans un ordre logique, le plus souvent chronologique.
* Quelles sont les parties au litige ? Vous devez non seulement identifier le ou les demandeur(s), le
ou les défendeur(s) mais aussi vous demander s'ils agissent au nom d'une personne morale, ou en
une qualité particulière et quelles est leur situation juridique au regard de l'Administration
(cocontractants de l'Administration, usagers d'un service public, ou bien tiers par rapport à l'action
administrative ?)
b) Analyse de la procédure
Il faut ici remonter le temps à partir de la décision que vous commentez : de quelle juridiction
émane-t-elle ? Cette juridiction intervient-elle en qualité de juge du fond ou en référé ? En première
instance, en appel, en cassation ? Quelles ont été les étapes antérieures (qui était demandeur,
défendeur, etc.) ? Les termes du litige ont-ils évolué en cours de procédure (extension de son objet,
apparition de nouvelles personnes, parties ou mises en cause, etc.) ?
Vous devrez présenter là aussi ce déroulement de la procédure dans un ordre logique, sans oublier
d'indiquer si la décision que vous commentez est "souveraine" ou au contraire susceptible de
recours.
c) Analyse de la décision
Vous devez ici vous servir des éléments déjà mentionnés à propos de la fiche d'arrêt. Dans un
commentaire d'arrêt, il est judicieux d'exposer le(s) problème(s) de droit qui se posai(en)t en
présentant pour chacun d'eux les solutions qui leur ont été apportées et selon un ordre d'importance
croissant.
2° Le commentaire de l'arrêt
Il s'agit à présent d'abord de mettre l'arrêt dans une perspective, c'est-à-dire de le situer dans une
évolution, de le comparer avec les autres solutions qui étaient envisageables, avec les décisions
précédentes (arrêt de principe ou d'espèce, revirement...). Puis, vous devez donner votre opinion
personnelle : l'arrêt vous paraît-il important et en quoi ? Approuvez-vous ou non la solution retenue
et pourquoi ?
Cet aspect du commentaire est essentiel car il démontre que vous disposer d'une capacité de
réflexion personnelle et autonome. Evitez les éloges hyperboliques, le conformisme et, surtout,
veillez à motiver –c’est-à-dire expliquer en les justifiant- tous vos jugements et n'hésitez pas à
nuancer vos appréciations si nécessaire (demandez-vous toujours si l'opinion contraire de la vôtre
est soutenable et, le cas échéant, exposez-la, soit pour la réfuter, soit pour infléchir votre premier
sentiment). C'est à ce stade que l'on jugera de vos qualités de juriste et de votre aptitude à connaître
et à discuter le droit.
Quant au plan du commentaire, il n'y a pas de recette "miracle", tout au plus peut-on indiquer en
l'absence d'idées, le célèbre triptyque : sens, valeur, portée. Mais une chose est sûre : il en faut un,
avec une introduction dans laquelle seront exposés l'analyse des faits, de la procédure et les
problèmes de droit. Le plus souvent, cet exposé qui doit clôturer l'introduction, fournit l'idée
directrice du plan et constitue l'annonce de celui-ci ; c'est en tout cas la démarche la plus naturelle,
qui est en général la meilleure.
12
C) L'étude de cas (aussi appelée cas pratique ou consultation)
Cet exercice consiste à répondre par un raisonnement juridique aux questions posées par la
personne qui vous interroge dans le cadre de la situation de faits qui vous est soumise.
1° Structure de la consultation
En principe, il est inutile de recopier l'énoncé des faits en guise d'introduction puisque c'est au cours
de la rédaction du devoir qu'ils seront exposés successivement au fur et à mesure de leur traitement.
L'introduction se réduit donc à quelques phrases permettant d'identifier la personne "consultante" ou
de transcrire en termes juridiques des principaux problèmes abordés.
Il y a autant de paragraphes que de questions posées. Si la consultation consiste en une question
unique (ex. : cet agissement de l'Administration est-il légal, selon vous ?), les éléments de réponse
seront présentés en paragraphes distincts. Dans ce cas, l'introduction indiquera les étapes du devoir.
2° Contenu des développements
Ces développements se limitent à la question abordée et aboutissent à l'énoncé d'une solution
juridique.
a) Une réponse en droit
Vous faites le même travail que le juge, autrement dit vous appliquez des règles de droit à des faits.
Ce travail s'effectue selon une méthode précise et rigoureuse :
* Qualifier juridiquement les faits : cela consiste à traduire en terme juridique le langage courant
dans lequel sont présentés les faits.
ex. : l'Administration ne m'a pas répondu / décision implicite de refus.
* Déterminer les règles de droit applicables à la notion en cause : faire un exposé précis et concis du
droit applicable résultant soit des textes soit de la jurisprudence. Il faut surtout éviter de déraper sur
une présentation trop longue de la notion juridique et de "tomber" dans un exposé de cours.
* Appliquer les règles de droit précisément énoncées à l'espèce : cela consiste en une démonstration
qui exige une grande précision et de la rigueur dans le raisonnement juridique.
* Enfin, concluez d'une phrase : par ex., l'acte est régulier ou irrégulier, etc.
b) Une réponse limitée à la question
C'est un exercice de vérification de la concordance de votre analyse juridique à la question posée. A
la fin de l'exploration au brouillon de la consultation, il est utile de se demander, en relisant, si on
répond à toute la question et seulement à la question.
D) La dissertation
La dissertation consiste à dégager du sujet des idées afin d'éviter la récitation de cours. Ensuite, il
est souhaitable de choisir les deux principales idées afin de construire un plan qui se subdivise, le
plus souvent, en deux parties, lesquelles se divisent en deux sous-parties.
L'introduction doit présenter et délimiter le sujet, en écartant de la discussion tel ou tel aspect, en
définissant tel terme du sujet qui nécessite des précisions, etc., et doit aboutir à l'annonce motivée
du plan. L'introduction sera bonne si vous avez justifié vos choix et convaincu le lecteur de la
pertinence des idées qui structurent votre plan.
La présentation de votre plan doit être apparente et un soin particulier doit être apporté à la
formulation des intitulés des parties et sous-parties, à la présentation des sous-parties ainsi qu'à la
transition entre les parties.
Enfin, la rédaction d'une conclusion n'est pas toujours utile. Elle ne le sera pas si elle consiste en un
simple résumé de vos développements. Elle peut l'être s'il vous paraît nécessaire d'évoquer des
évolutions souhaitables.
13
Fiche n°2 : l’ordre juridictionnel administratif (présentation)
La naissance du juge administratif a donné lieu à controverses… Aujourd’hui, ce privilège
de juridiction dont bénéficie l’administration est une particularité française. Vous en découvrirez
quelques aspects dans la deuxième partie de cette fiche
I- Juge administratif et droit administratif
° La question de départ est d’étudier la nécessité d’une justice administrative spécifique.
Le député orléaniste Raudot déclare lors du débat historique relatif à la future loi du 24 mai 1872
« Concevez-vous quelque chose de plus injuste et de plus monstrueux que cette idée : l’Etat juge et
partie dans sa propre cause ? Léon Gambetta répondra « je dis qu’il n’est pas exact de prétendre
que l’Etat est juge et partie dans les procès administratifs. Non, non, ce ne sont pas les agents qui
sont engagés et qui ont contracté, ce ne sont pas ceux-là qui jugent.(…) L’Etat n’est pas un client
ordinaire , n’est pas un simple particulier, dont aussi il faut se préoccuper si vous ne voulez pas
mettre l’Etat au greffe. »
° Quelle compétence pour les juridictions administratives ?
- En 1873, le Tribunal des conflits apporte une réponse nuancée à cette question, suite à une
argumentation désormais célèbre du commissaire du gouvernement David. Vous lirez ces
conclusions qui éclairent la décision du Tribunal des conflits dans le document n°1 : Extraits des
conclusions David et décision Blanco rendue par le Tribunal des conflits le 8 février 1873.
- En 1987, le Conseil constitutionnel adopte une position sur la question de la répartition des
compétences entre les juridictions administratives et judiciaires (voir le document n°2 : Conseil
constitutionnel, DC 23 janvier 1987, “Conseil de la concurrence“). Cette décision éclaircit le
fondement constitutionnel et l’étendue de la compétence du juge administratif.
- Question : Où se situe aujourd’hui, selon vous, la limite entre ce qui relève de la compétence du
juge administratif et ce qui relève du juge judiciaire ?
° Illustration avec la théorie de la voie de fait :
Après avoir donné une définition précise de la voie de fait, à partir de la fiche de jurisprudence que
vous rédigerez intégralement des documents n°2 (TC, 23 octobre 2000, M. Boussadar, req. n°3227)
et n°3 (TC, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman, req. n°C3911), vous
rédigerez une réponse détaillée au cas pratique suivant :
A la suite d’une série d’attentats meurtriers, le Gouvernement a décidé de renforcer, par des mesures
réglementaires, le plan dit “Vigipirate“ destiné à prévenir les atteintes graves à l’ordre public liées
aux activités de groupes terroristes sur le territoire français, en multipliant notamment les opérations
de contrôle d’identité et de fouille de véhicules
Dans le coffre du véhicule de Monsieur Lesuspect qui a fait l’objet d’un de ces contrôles à Paris le
28 septembre 2014, la police a trouvé une cocotte-minute et une bouteille de gaz butane. Bien que
Monsieur Lesuspect ait prétendu utilises ces objets depuis des années d’une manière aussi pacifique
que légale, il est aussitôt conduit manu militari dans un “centre de regroupement“ créé par le préfet
de Paris pour « neutraliser pendant la durée d’application du plan Vigipirate les personnes pouvant
menacer l’ordre public » (article 1er de l’arrêté préfectoral du 2 septembre 2014 créant ledit centre).
Madame Lesuspect, qui n’a retrouvé la trace de son époux qu’après plusieurs jours de démarches
insistantes auprès des autorités de police, a décidé de se fier à votre réputation de juriste familier du
droit administratif et vous demande :
1°) « Si au pays des droits de l’homme, la police peut mettre des innocents en prison » ?;
2°) Devant quel juge son époux pourrait protester contre cette « monstruosité » ?
14
II- Quelques notions sur le recours pour excès de pouvoir (pour vous aider à faire
vos fiches de TD)
A l’issue d’une lente évolution, l’ordre administratif se compose aujourd’hui de 39 tribunaux
administratifs, juges de première instance de droit commun ; de 8 cours administratives d’appel et du
Conseil d’Etat, juridiction suprême (juge de cassation, mais aussi de façon résiduelle d’appel, et
même de première instance pour juger par exemple de la légalité d’un décret.) Il existe aussi
certaines juridictions spécialisées relevant en cassation du Conseil d’Etat, comme la Cour des
comptes, ; les Conseils des ordres en matière disciplinaire, la Commission de recours des réfugiés.
On peut distinguer 4 sortes de recours :
1 Le recours en annulation d’un acte administratif ou recours pour excès de pouvoir
2 Le recours de plein contentieux permettant par exemple une indemnisation (en matière de
responsabilité, de contrat) ou une réformation (en matière fiscale ou électorale)
3 Le recours en interprétation visant à donner le sens d’un acte administratif au juge judiciaire
4 Le recours répressif aboutissant à sanctionner toute atteinte à l’intégrité du domaine public
En L2, vous allez avoir de très nombreux arrêts illustrant le recours pour excès de pouvoir (le
REP !). Il faut donc se familiariser dès à présent avec lui, pour mieux comprendre les arrêts.
Cette question sera approfondie ultérieurement dans le cours de droit administratif de M. Juhan
La recevabilité de la requête
Le juge n’acceptera de « se pencher » sur la demande d’annulation qu’à 3 conditions !
1 l’intérêt à agir du requérant : il doit être « concerné » par l’acte. Ex. : un contribuable local peut
intenter un recours portant sur un acte communal à incidence financière (CE 29/3/1901 Casanova)
2 le respect des délais : en principe, le juge doit être saisi dans les 2 mois à compter de la notification
ou de la publication de l’acte (ce délai est parfois aménagé). Cela permet une certaine sécurité
juridique, en évitant une remise en cause très tardive de l’acte
3 l’existence d’un acte administratif (cette notion sera explicitée dans la fiche thématique N°3
Les moyens de droit
Le requérant fait valoir des arguments de droit, ou moyens de légalité, c'est-à-dire les raisons pour
lesquelles, selon lui, la décision est illégale et doit donc être annulée.
Les moyens de légalité externe
On peut contester la façon dont a été prise la décision attaquée, en faisant valoir :
- que l'auteur de la décision n'était pas celui qui devait la prendre : elle a été prise par une autorité
juridiquement incompétente;
- que telle procédure ou telle formalité n'a pas été respectée lors de l'élaboration ou l'édiction de la
décision : la décision a été prise à la suite d'une procédure irrégulière.
Les moyens de légalité interne
On peut contester le contenu même de la décision attaquée, en faisant valoir, par exemple :
- que la décision en cause méconnaît tel traité, telle disposition de la Constitution, telle loi, tel
règlement, .. : « violation de la loi »
- que la loi ou le règlement sur lequel s'appuie la décision n'est pas applicable au cas concerné ou
aux personnes visées, ou n'était pas (ou plus) en vigueur à la date de la décision : « erreur de droit
- que les motifs réels ou supposés de l'administration sont viciés : « détournement de pouvoir
« erreur de fait »
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Document n°1 : Extraits des conclusions David et TC 8 février 1873, Blanco
(...) il ne faut pas perdre de vue que, dans le domaine du contentieux administratif, les conseils de préfecture
n'ont guère fait qu'hériter, en vertu de la loi du 28 pluviôse an 8, des attributions qui avaient successivement
appartenu, d'abord aux directoires de district et de département, et en dernier lieu aux administrations
centrales de département ; de même que le conseil d'État, en vertu de l'arrêté du 5 niv. an 8, n'a fait que
recueillir la juridiction du dernier degré qui avait d'abord appartenu à la réunion des ministres en conseil d'État,
sous la présidence du roi, puis, après la suppression de ce conseil, à chacun des ministres dans son
département ministériel, pour résoudre toutes les affaires contentieuses. — Ces institutions nouvelles n'ont donc
fait que réorganiser la justice administrative, de manière à donner aux justiciables des garanties analogues à
celles qu'ils trouvaient devant les tribunaux civils, mais elles n'ont pas créé la justice administrative, car, cette
justice, elle était sortie tout entière de l'œuvre même de l'Assemblée constituante. — En effet, la loi des 7-11
sept. 1790, détachée de celle des 16-24 août 1790 dont elle forme une annexe, en attribuant aux directoires de
district et de département le jugement du contentieux relatif aux matières des contributions directes et des
travaux publics, reconnaissait déjà le principe d'une justice administrative. Elle ne contenait, à la vérité,
que des attributions spéciales qui n'embrassaient pas l'ensemble du contentieux administratif, c'est-à-dire la
généralité des réclamations auxquelles pouvait donner lieu l'action administrative sous toutes ses formes; mais,
pour ces contestations, il n'était pas besoin d'attribution expresse de compétence, car il suffisait, d'une part,
pour les enlever à l'autorité judiciaire, de l'interdiction qui lui était faite de troubler, de quelque manière que ce
soit, les opérations des corps administratifs, et, d'autre part, pour leur donner des juges, de la règle générale
de la hiérarchie administrative, en vertu de laquelle les citoyens qui se prétendaient lésés dans leurs droits par
les actes de l'administration pouvaient porter leurs réclamations devant l'autorité administrative supérieure.
Cette dernière règle, pour n'avoir pas été formulée dans la loi des 16-24 août 1790, n'en est pas moins certaine.
On en trouve d'ailleurs bien vite la consécration légale : c'est d'abord le décret des 7-14 octobre 1790, d'après
lequel les réclamations d'incompétence à l'égard des corps administratifs ne sont, en aucun cas, du ressort des
tribunaux et doivent être portées au roi, chef de l'administration générale ; c'est ensuite la loi des 27 avril-25 mai
1791, qui, parmi les fonctions du conseil d'État composé exclusivement du roi et des ministres, comprend
l'examen de toutes les difficultés en matière administrative, et l'annulation des actes irréguliers des corps
administratifs.
Voilà, messieurs, les vraies origines de la justice administrative dans notre droit moderne, telles que nous les
trouvons, dépouillées de leur obscurité primitive, dans un célèbre rapport sur les conseils de préfecture,
présenté en 1850 au conseil d'État par M. Boulatignier, ce maître éminent de la science administrative, qui a
laissé dans la jurisprudence du conseil, durant une période de plus de trente ans, les traces
ineffaçables d'une coopération aussi féconde qu'active. — Nous sommes donc fondés à affirmer que la
juridiction administrative est sortie complète, au moins dans ses lignes essentielles, de l'œuvre de la
Constituante; et qu'ainsi, dans l'organisation des pouvoirs publics, elle a eu, dès le début, parallèlement à
l'autorité judiciaire, sa place marquée et son domaine propre. — C'est maintenant que nous pouvons voir dans
toute son étendue quelle était, dans la pensée de la Constituante, la portée de l'interdiction faite à l'autorité
judiciaire de troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs. Cela ne
signifie pas seulement que les juges devront s'abstenir de décider par voie de dispositions générales et
réglementaires, d'annuler ou de redresser les actes de l'autorité administrative, d'en critiquer la légalité. Cela
veut dire aussi qu'ils sont radicalement incompétents pour connaître de toutes les demandes formées
contre l'administration à raison des services publics, quel que soit leur objet, et alors même qu'elles tendraient,
non pas à faire annuler, réformer ou interpréter par l'autorité judiciaire les actes de l'administration, mais
simplement à faire prononcer contre elle des condamnations pécuniaires en réparation des dommages causés
par ses opérations. Et il en était ainsi, alors même qu'il s'agissait d'une mainmise par l'administration sur la
propriété privée, car ce sont des lois spéciales qui, depuis 1800, ont attribué à l'autorité judiciaire le
règlement de l'indemnité en cas d'expropriation. — C'est que l'Assemblée ne voulait pas que l'autorité
judiciaire pût exercer une action quelconque sur l'administration ; elle ne voulait pas qu'elle pût troubler de
quelque manière que ce fût ses opérations. Elle voulait conserver à l'autorité administrative sa liberté complète
d'action vis-à-vis de l'autorité judiciaire, afin que sa responsabilité restât entière vis-à-vis du corps législatif,
qui devait avoir le contrôle exclusif de sa marche et de ses actes. — Voilà pourquoi, pour le jugement des
réclamations auxquelles pouvait donner lieu l'action administrative, une juridiction spéciale était instituée
dans le sein de l'administration, étroitement liée à son action, s'inspirant de ses nécessités, et représentée, au
degré le plus élevé de hiérarchie, par les ministres réunis en conseil d'État, et agissant, dans cette partie de leur
mission, comme toutes les autres branches du service public, sous le contrôle de l'Assemblée nationale.
— C'est dans cet ordre d'idées que Thouret, dans son rapport sur la loi des 16-24 août 1790, délimitait le
pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir administratif, en ces termes : "Le pouvoir judiciaire, distinct du
16
pouvoir administratif, est circonscrit dans les bornes de la justice distributive pour le jugement des
contestations privées entre les citoyens et pour la punition des crimes".
Et plus tard, le savant Henrion de Pansey, comme s'il eût voulu tirer la conséquence logique de cette proposition,
disait : "Si le juge ordinaire ou territorial n'a pas le droit de connaître des affaires administratives, ce n'est
pas, à cet égard, que sa compétence soit restreinte, c'est qu'elle ne s'est jamais étendue jusque-là". — En
présence de ces deux citations qui déterminent de la façon la plus nette le domaine respectif de l'autorité
judiciaire et de la juridiction administrative, nous pouvons maintenant conclure que si l'État, en tant que
personne civile, considérée soit comme propriétaire, soit comme contractant, et à raison des rapports qui
découlent de ces situations entre lui et les particuliers, est justiciable des tribunaux ordinaires, il ne l'est pas en
tant que puissance publique chargée d'assurer la marche des divers services administratifs, à moins, pourtant,
que des lois spéciales à ces services ne l'aient exceptionnellement soumis à l'autorité judiciaire, comme cela a
lieu, en matière de douanes, de contributions indirectes, d'enregistrement, d'expropriation pour cause d'utilité
publique et même de simple occupation temporaire pour travaux de fortification.
— Mais ces exceptions ne font que confirmer la règle de notre droit public, qui place dans le domaine
naturel de la compétence administrative toutes les réclamations formées contre l'État, à raison des services
publics (...).
Cette règle étant établie, il nous semble qu'elle comprend, dans la généralité de ses termes, les réclamations de la
nature de celle qui nous occupe dans l'espèce, c'est-à-dire les demandes formées contre l'État à raison des
fautes commises par ses agents dans l'accomplissement des services publics.
Nous avons vu que l'unique raison donnée par la cour de cassation pour faire rentrer ces réclamations
dans la compétence judiciaire était tirée de ce que l'art. 1384 était applicable à l'État. — Mais c'est là une
simple affirmation qui ne repose ni sur les termes de l'art. 1384, ni sur le caractère du code où cet article est
placé, lequel a pour objet de régir les rapports des particuliers entre eux, et non les rapports de l'administration
avec les citoyens. — A la vérité, nous avons reconnu que l'État, comme propriétaire, comme personne civile
capable de s'obliger par des contrats dans les termes du droit commun, était, à ce double point de vue, dans ses
rapports avec les particuliers, soumis aux règles du droit civil. — Mais il ne s'agit pas de l'État propriétaire ou
personne civile; il s'agit de l'État puissance publique, à qui l'on vient demander compte d'un dommage causé
par ses préposés dans l'accomplissement de leur service. Or, en principe général, l'État puissance publique
n'est pas soumis aux règles du droit civil ; il ne l'est pas non plus à la compétence judiciaire; il n'en
pourrait être autrement que si une loi l'avait formellement déclaré. — Or, nous ne trouvons dans notre législation
aucune loi générale qui ait déclaré à l'égard de l'État cette responsabilité civile, cette compétence judiciaire.
(...)
Et maintenant faut-il le regretter ? Nous ne le pensons pas. — Il nous semble impossible, en bonne raison et en
bonne justice, d'assimiler complètement l'État à un simple particulier pour ses rapports avec ses agents et
pour les conséquences qui en peuvent dériver au point de vue de sa responsabilité vis-à-vis des tiers. — Et
d'abord, le rôle de l'État, dans l'accomplissement des services publics, est non pas volontaire, mais obligatoire;
il lui est imposé non dans un intérêt privé, mais dans l'intérêt de tous. — En deuxième lieu, il faut
considérer l'importance et l'étendue de ces services, et (en laissant à part l'armée de terre et de mer pour ne
parler que des services administratifs) le nombre énorme d'agents de toutes sortes, fonctionnaires publics,
agents auxiliaires, employés, gens de service qu'ils nécessitent; les conditions de leur nomination et de leur
avancement qui, réglés souvent par la loi ou par des règlements généraux, ne laissent pas toujours à
l'administration la liberté de son choix; la variété infinie des emplois, et, par suite, des rapports qui
s'établissent entre l'État et ses agents à leur occasion. — Il y a là autant de raisons qui montrent que la
responsabilité de l'État, pour les fautes de ses agents, ne peut être ni générale ni absolue; qu'elle doit se modifier
suivant les lois et règlements spéciaux à chaque service, suivant leurs nécessités, suivant aussi la nature des
emplois. Eh bien, toutes ces considérations échappent, de leur nature, à l'autorité judiciaire; elles seraient dans
bien des cas pour elle, nous ne craignons pas de le dire, un véritable embarras; elles rentrent au contraire
naturellement dans le domaine de la juridiction administrative, mieux placée que l'autorité judiciaire pour
interpréter les lois et les règlements de l'administration, pour connaître les besoins, les nécessités de chaque
service, pour établir enfin entre les intérêts essentiels de l'État et les droits privés une conciliation qui est le
caractère dominant de sa mission (V. notamment l'arrêt du 6 déc. 1855, aff. Rothschild, au rapport de M.
Marchand, D. P. 39. 3. 34).
Maintenant, tout en admettant que, en thèse générale, l'art. 1384 c. civ. et la compétence judiciaire, pour le
cas qu'il prévoit, ne concernent pas l'État en tant qu'administration, est-il possible de réserver les espèces
pour y chercher des distinctions tirées, soit de la nature du service à l'occasion duquel l'action en
17
responsabilité est dirigée contre l'État, soit de la qualité de l'agent qui aura commis le dommage sur lequel est
basée l'action ? — Ainsi, dans l'espèce actuelle, il s'agit d'une manufacture de tabacs qui a une grande
ressemblance avec une industrie privée.
Il s'agit de faits d'imprudence reprochés à de simples ouvriers qui sont en dehors de la hiérarchie administrative
. Nous ne nous dissimulons pas tout ce que ces deux circonstances peuvent avoir de favorable pour faire
admettre la responsabilité de l'État, mais nous persistons à penser que, même dans ces circonstances, il ne faut
pas faire fléchir la règle de la compétence administrative pour apprécier cette responsabilité. D'une part, en
effet, le service des tabacs, quelque ressemblance que son exploitation puisse offrir avec l'industrie privée, n'en
est pas moins un service public, comme tous les autres services dont l'ensemble constitue notre système
financier. Or, tous ces services sont des branches de l'administration : l'État, dans leur gestion, agit toujours
comme puissance publique, et, à ce titre, il n'est justiciable à leur égard que de la juridiction administrative, à
moins d'une dérogation expresse et spéciale que nous ne rencontrons pas dans l'espèce.
A la vérité, le conseil d'État a parfois distingué, parmi les différents services publics ou plutôt parmi les divers
actes de la puissance publique, ceux qui avaient un caractère exclusivement politique ; mais ce n'a jamais
été pour revendiquer à leur égard la compétence de la juridiction administrative; c'était, tout au contraire, pour
décliner cette compétence. Quant aux services administratifs proprement dits, les seuls dont nous ayons à nous
occuper, quel que soit leur aspect extérieur, qu'ils soient relatifs à la haute police administrative, à la régie
économique ou financière du pays, ils ont tous le même caractère de services administratifs, et, à ce titre, ils
ne sont justiciables que de la juridiction administrative, sauf les exceptions déterminées par la loi.
Reste la circonstance que ce sont de simples ouvriers qui ont causé l'accident. Mais c'est toujours chose délicate
et qui comporte une immixtion dans les détails intérieurs d'un service, que d'apprécier les rapports exacts qui
existent entre l'État et les divers individus qu'il y emploie, et les conséquences qui peuvent dériver de ces rapports
vis-à-vis des tiers. Or, une pareille immixtion, une pareille appréciation, essentiellement administrative par
son objet, ne saurait appartenir aux tribunaux judiciaires. D'ailleurs, quel que soit le caractère des individus
qui ont causé l'accident, il est une chose certaine, c'est que les faits reprochés se rapportent directement à un
service administratif, puisque c'est précisément cette circonstance qui est le fondement de la demande. Or,
elle suffit pour la faire rentrer dans la règle générale d'après laquelle toute réclamation formée contre l'État,
à l'occasion d'un service public, appartient à la compétence administrative, règle qui n'est, en définitive, que la
sanction pratique du principe de la séparation des pouvoirs.
Ce principe, il importe de le maintenir dans toute l'énergie qu'ont entendu lui imprimer ses fondateurs; c'est ce
que nous vous demandons de faire en confirmant le conflit élevé par le préfet de la Gironde, devant le tribunal
civil de Bordeaux, dans l'instance engagée par le sieur Blanco contre l'État.
Le Tribunal des conflits : — Vu les lois des 16-24 août 1790 et du 16 fruct. an 3; — Vu l'ordonnance
du 1er juin 1828 et la loi du 24 mai 1872;
Considérant que l'action intentée par le sieur Blanco contre le préfet du département de la Gironde,
représentant l'État, a pour objet de faire déclarer l'État civilement responsable, par application des articles 1382,
1383 et 1384 c. civ., du dommage résultant de la blessure que sa fille aurait éprouvée par le fait d'ouvriers
employés par l'administration des tabacs; — Considérant que la responsabilité qui peut incomber à l'État
pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne
peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil pour les rapports de particulier à particulier;
— Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les
besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés; — Que, dès lors, aux
termes des lois ci-dessus visées, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître :
Art. 1. L'arrêté de conflit est confirmé.
Du 8 févr. 1873.- Trib. des conflits.- MM. Mercier, rap.- David, concl.
18
ASTUCES :
- Vous devez être capable de comprendre la procédure du conflit positif (pour vous y aider :
http://fr.jurispedia.org/index.php/Conflit_positif_(fr ), ainsi quand vous lisez « l’arrêté de
conflit est confirmé » dans le dispositif de l’arrêt Blanco, vous comprenez : c’est la juridiction
administrative qui va régler ce contentieux.
- Vous notez que dans la présentation ancienne des arrêts, « Que… » signifie « Considérant
que » .. ;
- Vous réalisez que le corps d’un arrêt n’est pas toujours très explicite, d’où l’intérêt, quand
on le peut, de travailler avec les conclusions du commissaire du gouvernement, appelé
désormais rapporteur public (qui sont souvent publiées par les revues juridiques, auxquelles
vous avez accès via la bibliothèque universitaire !).
- Vous souriez peut-être (mais si, ça arrive, même en droit administratif !) en constatant qu’en
1873, la transformation du tabac est une activité de service public… (à comparer avec
l’actuelle législation dite « loi Evin » !)
Document n°2 : Conseil constitutionnel, DC 23 janvier 1987 “Conseil de la
concurrence“
(…)
15. Considérant que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret
du 16 fructidor An III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités
administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que, néanmoins,
conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des "principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République" celui selon lequel, à l'exception des matières
réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction
administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de
puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités
territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ;
16. Considérant cependant que, dans la mise en oeuvre de ce principe, lorsque l'application d'une
législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses
diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction
administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre
juridictionnel principalement intéressé ;
17. Considérant que, si le conseil de la concurrence, organisme administratif, est appelé à jouer un rôle
important dans l'application de certaines règles relatives au droit de la concurrence, il n'en demeure
pas moins que le juge pénal participe également à la répression des pratiques anticoncurrentielles sans
préjudice de celle d'autres infractions intéressant le droit de la concurrence ; qu'à des titres divers le
juge civil ou commercial est appelé à connaître d'actions en responsabilité ou en nullité fondées sur le
droit de la concurrence ; que la loi présentement examinée tend à unifier sous l'autorité de la cour de
cassation l'ensemble de ce contentieux spécifique et ainsi à éviter ou à supprimer des divergences qui
pourraient apparaître dans l'application et dans l'interprétation du droit de la concurrence ;
18. Considérant dès lors que cet aménagement précis et limité des règles de compétence
juridictionnelle, justifié par les nécessités d'une bonne administration de la justice, ne méconnaît pas le
principe fondamental ci-dessus analysé tel qu'il est reconnu par les lois de la République ;
(…)
Cela vous permet de renouer avec le droit constitutionnel, et notamment avec la notion
de principe fondamental reconnu par les lois de la République.
19
Document n°3 : TC 23 octobre 2000, M. Boussadar, req. n°3227
Tribunal des conflits
N° 3227
M. Waquet, président
M Genevois, rapporteur
M. Sainte-Rose, commissaire du gouvernement
Lecture du lundi 23 octobre 2000
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 21 juin 2000, la lettre par laquelle le garde des sceaux,
ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M.
Habderrahim X... au ministre des affaires étrangères devant le tribunal de grande instance de
Paris ;
Vu le déclinatoire, présenté le 14 avril 2000 par le préfet de police, tendant à voir déclarer la
juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la légalité du refus de visa opposé par
l'autorité administrative à M. X..., ressortissant marocain, car l'intéressé, ne se trouvant pas
dans l'obligation d'être présent en personne à l'audience du 19 avril 2000 au cours de laquelle
la Cour d'appel de Paris doit statuer sur l'opposition qu'il a formée à l'encontre d'un arrêt rendu
par cette même juridiction le 12 octobre 1999, la décision administrative contestée n'a pas
pour effet de porter atteinte au droit à un procès équitable reconnu par les stipulations de
l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ; qu'en outre et en tout état de cause, l'autorité administrative ayant agi sur le
fondement des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et du décret n°
47-77 du 13 janvier 1947, le refus de visa ne saurait être regardé comme manifestement
insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration ;
Vu l'ordonnance de référé rendue le 18 avril 2000 par laquelle le Premier Vice-Président du
tribunal de grande instance de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence et ordonné au
ministre des affaires étrangères de délivrer un visa à M. X... pour lui permettre d'assister en
personne à l'audience de la Cour d'appel de Paris ;
Vu l'arrêté du 2 mai 2000 par lequel le préfet de police a élevé le conflit ;
Vu le jugement du 24 mai 2000 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a sursis à
toute procédure ;
Vu, enregistré le 21 juin 2000, le mémoire présenté par M. X..., tendant à l'annulation de
l'arrêté de conflit par les motifs qu'eu égard aux dispositions combinées des articles 410 et 493
du code de procédure pénale, sa présence à l'audience au cours de laquelle la Cour d'appel
devait statuer sur l'opposition formée par lui à l'encontre d'un arrêt rendu par défaut par cette
même juridiction le 12 octobre 1999, était obligatoire ; que le refus de délivrance d'un visa
fait ainsi obstacle à l'exercice des droits de la défense ce qui constitue une violation grave et
manifeste de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales et par là même une voie de fait ;
20
Vu, enregistré le 13 juillet 2000, le mémoire présenté par le ministre des affaires étrangères,
tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le refus de visa ne porte pas
atteinte à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales dans la mesure où M. X..., qui était sous le coup d'une interdiction du territoire
français prononcée par le tribunal de grande instance de Créteil, pouvait se faire représenter
par un avocat devant la juridiction saisie ; qu'en outre, la compétence de l'autorité consulaire
en matière de visa se rattache manifestement à l'exercice d'un pouvoir conféré par la loi à
l'administration ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et les articles 55 et 66 ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 18 décembre 1822 qui déclare communes au préfet de police les
dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 13 brumaire an X, qui autorisent les préfets à élever le
conflit entre deux autorités ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifié, notamment ses articles 7 et 8 ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le
décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
Vu la loi n° 91-737 du 30 juillet 1991 autorisant l'approbation de la convention d'application
de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'union
économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française
relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, ensemble le décret
n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention ;
Vu la loi n° 92-1207 du 24 septembre 1992 autorisant la ratification du traité sur l'Union
européenne, ensemble le décret n° 94-80 du 18 janvier 1994 portant publication de ce traité ;
Vu le règlement n° 21-137/95 du Conseil de l'Union européenne du 25 septembre 1995
déterminant les pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du
franchissement des frontières extérieures des Etats membres, notamment son article 1er et
l'annexe audit article ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée
et de séjour des étrangers en France, notamment ses articles 5, 19, 22, 27 et 35 bis ;
Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 395, 397-3, 397-4, 410, 412, 489,
491, 492, 494, 512, 513, 552 et 562 ;
Vu le décret n° 47-77 du 13 janvier 1947 relatif aux attributions des chefs de poste consulaire
et des chefs de mission diplomatique en matière de passeports et de visas, modifié en dernier
lieu par le décret n° 98-583 du 9 juillet 1998, notamment son article 4 ;
Vu l'arrêté du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire
métropolitain et dans les départements d'outre-mer français, modifié par l'arrêté du 3 janvier
1994, notamment son article 4 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Genevois, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Sainte Rose, Commissaire du gouvernement ;
21
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'il résulte des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 que la juridiction
qui rejette le déclinatoire de compétence doit surseoir à statuer pendant le délai laissé au
préfet, ou au préfet de police lorsqu'il est compétent en vertu de l'ordonnance du 18 décembre
1822, pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit ; qu'il s'ensuit que l'ordonnance du juge des
référés du tribunal de grande instance de Paris en date du 18 avril 2000, en tant qu'elle statue
au fond par la décision même qui écarte le déclinatoire de compétence, doit être déclarée nulle
et non avenue ; que toutefois, cette irrégularité n'affecte pas l'arrêté de conflit pris le 2 mai
2000 par le préfet de police, dans le délai légal de quinze jours suivant la notification du rejet
du déclinatoire de compétence ;
Sur la compétence :
Considérant qu'il n'y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des
autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire,
que dans la mesure où l'administration, soit a procédé à l'exécution forcée, dans des
conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de
propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l'un ou l'autre de ces
effets à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même manifestement
insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ;
Considérant qu'à supposer même que le refus de visa opposé à M. X..., ressortissant marocain,
puisse être considéré comme entaché d'illégalité, au regard notamment de l'article 6 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il
est constant que la mesure litigieuse a été prise par l'autorité consulaire, agissant dans
l'exercice d'un pouvoir conféré à l'administration par l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945 modifiée, rapproché des stipulations des conventions internationales en
vigueur ; qu'en conséquence, la décision en cause ne saurait constituer une voie de fait ;
Considérant qu'il suit de là qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de
la légalité de la décision en date du 23 mars 2000 par laquelle le Consul général de France à
Fès a refusé à M. X..., le visa de court séjour qu'il sollicitait en vue d'être autorisé à
comparaître en personne à l'audience au cours de laquelle la Cour d'appel de Paris devait
statuer sur l'opposition formée par lui à l'encontre d'un arrêt rendu, par défaut, par cette même
juridiction le 12 octobre 1999, arrêt qui avait confirmé un jugement du 18 juin 1999 du
tribunal de grande instance de Créteil statuant en matière correctionnelle, l'ayant condamné à
une peine d'emprisonnement d'une durée de trois mois et à une peine complémentaire
d'interdiction du territoire d'une durée de trois ans ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le préfet de
police a élevé le conflit ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 2 mai 2000 par le préfet de police est confirmé.
Article 2 : Sont déclarées nulles et non avenues la procédure engagée par M. X... contre le
ministre des affaires étrangères devant le tribunal de grande instance de Paris et l'ordonnance
du juge des référés de cette juridiction en date du 18 avril 2000.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui
est chargé d'en assurer l'exécution.
22
Document n°4 : TC 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy
Léman, req. n°C3911
Tribunal des Conflits
N° C3911
M. Gallet, président
M. Alain Ménéménis, rapporteur
Mme Batut, commissaire du gouvernement
Lecture du lundi 17 juin 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 février 2013, l'expédition de l'arrêt du 6 février 2013 par
lequel la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par M. A...B...contre l'arrêt rendu le 6
octobre 2011 par la cour d'appel de Chambéry dans le litige l'opposant à la société ERDF
Annecy Léman, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre
1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu, enregistré le 14 mars 2013, le mémoire présenté pour M. B...tendant à ce que la
juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par les motifs que le juge judiciaire est
compétent pour ordonner le déplacement d'un poteau électrique implantée sans titre sur une
propriété privée, même en l'absence de voie de fait, en application de l'article 12 de la loi du
15 juin 1906, et que, en l'espèce, la société ERDF a commis une voie de fait, aucune
prescription acquisitive n'étant applicable et lui-même n'ayant donné aucun accord en bonne
et due forme à l'implantation litigieuse ;
Vu, enregistré le 18 mars 2013, le mémoire présenté pour la société ERDF Annecy Léman
tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, aucune voie de fait ne
pouvant être caractérisée, faute pour les propriétaires successifs du terrain d'implantation
d'avoir jamais contesté l'implantation de l'ouvrage public litigieux ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à la ministre de
l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié et, notamment, ses articles 35 et suivants ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 66 ;
Vu la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et, notamment, son article 12 ;
Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Ménéménis, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Gatineau-Fattaccini pour M.B...,
- les observations de la SCP Coutard pour la société ERDF Annecy Léman,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Batut, commissaire du gouvernement ;
23
Considérant que M. B...est devenu propriétaire le 15 juin 1990 d'une parcelle sur laquelle
Electricité de France, aux droits de laquelle vient la société ERDF Annecy Léman, avait
implanté un poteau en 1983, sans se conformer à la procédure prévue par le décret du 11 juin
1970 pris pour l'application de l'article 35 modifié de la loi du 8 avril 1946, ni conclure une
convention avec le propriétaire du terrain ; que, par acte du 24 août 2009, il a fait assigner la
société ERDF devant le tribunal de grande instance de Bonneville, afin que soit ordonné le
déplacement du poteau litigieux, sous astreinte, aux frais de la société ; que, par un jugement
du 21 janvier 2011, le tribunal de grande instance a décliné sa compétence ; qu'en appel, la
cour d'appel de Chambéry, par un arrêt du 6 octobre 2011, a également jugé que la juridiction
judiciaire était incompétente pour connaître du litige engagé par M.B... ; que, saisie par
l'intéressé d'un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation a renvoyé au Tribunal des
conflits, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la
question de compétence ;
Considérant qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au
principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des
juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la
mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions
irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou
aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes
effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est
manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité
administrative ; que l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une
personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un
pouvoir dont dispose l'administration ;
Considérant qu'un poteau électrique, qui est directement affecté au service public de la
distribution d'électricité dont la société ERDF est chargée, a le caractère d'un ouvrage public ;
que des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement ou la suppression d'un tel
ouvrage relèvent par nature de la compétence du juge administratif, sans qu'y fassent obstacle
les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ; que
l'implantation, même sans titre, d'un tel ouvrage public de distribution d'électricité, qui, ainsi
qu'il a été dit, ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un
pouvoir dont dispose la société chargée du service public, n'aboutit pas, en outre, à l'extinction
d'un droit de propriété ; que, dès lors, elle ne saurait être qualifiée de voie de fait ; qu'il suit de
là que les conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement du poteau électrique
irrégulièrement implanté sur le terrain de M. B...relèvent de la juridiction administrative ;
DECIDE:
Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant M.
B... à la société ERDF Annecy Léman.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui
est chargé d'en assurer l'exécution.
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