Discours de M. le préfet - Les services de l`État dans le Tarn

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Discours de M. le préfet - Les services de l`État dans le Tarn
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Départ de M. Marc TISSEIRE
directeur DDT 82
- mercredi 28 août 2014 Monsieur le président de l'association départementale des membres
de l'Ordre National du Mérite,
Monsieur le président …
Madame …
Mesdames et messieurs les directeurs et chefs de services,
Mesdames et messieurs,
Cher Marc Tisseire
C'est à un double titre que nous sommes rassemblés aujourd'hui
autour de vous : marquer votre départ du Tarn-et-Garonne et vous
remettre les insignes de chevalier dans l'Ordre National du Mérite.
J’espère que nous ne serez pas trop incommodés par les odeurs du
lisier dont plusieurs tonnes ont été déversées cette nuit devant la
préfecture et la cour d’honneur.
Ce n’est évidemment pas l’objet de cette réunion aujourd’hui, mais
je ne peux tout de même pas ne pas dire quelques mots à ce sujet.
Je sais, et Marc Tisseire également, quelles sont les préoccupations
et les inquiétudes des agriculteurs sur l’extension des zones
vulnérables et les contraintes que cela entraîne. Le préfet de région
et moi-même, avons invité la profession agricole à dialoguer sur
cette question qui fait l’objet, aujourd’hui même, d’une réunion à la
préfecture de région, une autre suivra le 4 octobre prochain à
laquelle je me rendrai également. Nous avons sollicité la profession
agricole afin qu’elle fasse des observations et des propositions
acceptables par Bruxelles. Vous saviez que, que comme nous
l’avons toujours fait, nous nous ferions vos interprètes auprès des
instances concernées. A ce jour, la première réaction du monde
agricole, sans quelque autre proposition, a été ce déversement
d’immondices et de lisier sur la place Maréchal Foch et la préfecture.
Je ne vous cache pas que j’ai dû mal à en comprendre les objectifs.
Je ne vois pas comment ces dégradations, voirie et bâtiments
détériorés, parterres de la ville et fontaine publique dévastés,
peuvent être utiles à la cause que vous défendez et à l’image des
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agriculteurs. Si l’objectif était de sensibiliser l’opinion publique à vos
préoccupations légitimes, je ne crois pas que le but soit atteint de
manière positive. En effet, nos concitoyens sont aussi des
contribuables et savent très bien que la facture pour la remise en
état de l’espace public, ce sont eux qui vont la régler avec leurs
impôts. Dans le contexte actuel de difficultés économiques et de
pression fiscale, je ne suis pas certain de la popularité de l’action. Je
ne pense pas, non plus, que les employés de la mairie de
Montauban qui ont travaillé toute la nuit pour tenter de remettre en
état les lieux seront un bon relais d’opinion.
Enfin, pour les responsables publics que nous sommes, et au-delà
du devoir qui est le notre, que nous assumons et que nous
continuerons à assumer, il faut une forte motivation et belle dose
d’optimisme, pour se mobiliser sur ce sujet après des actions de ce
type.
La volonté d’écoute et de dialogue de la part de l’Etat demeure et se
poursuivra et je vous invite à une démarche positive avec vos
observations et propositions.
Voilà pour cette parenthèse et je vous propose de revenir au sujet
qui nous réunit aujourd’hui pour manifester (d’une autre manière)
notre sympathie et notre reconnaissance à Marc Tisseire qui nous
quitte et à qui j’aurai le plaisir et l’honneur de remettre les insignes
de chevalier de l’ONM.
Cher Marc Tisseire, vous quittez ce département où vous exercez
les fonctions de directeur départemental des territoires depuis
novembre 2010 pour rejoindre, toujours comme directeur
départemental des territoires, le département de l'Aveyron. Ce
changement s'inscrit dans le cadre de la mobilité imposée aux
cadres supérieurs et, après 4 années sur le même poste, la logique
et les règles administratives voulaient que vous preniez de nouvelles
fonctions.
Hier, ici même, à l'occasion du départ de M. Yannick Aupetit,
j'évoquais avec admiration cet art difficile qui consiste à occuper des
postes sans trop s'éloigner de son port d'attache méridional. Je
pourrais allègrement récidiver aujourd'hui.
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M. Tisseire, vous êtes un homme du sud, né à Toulouse, vous
habitez à Toulouse et votre carrière s'est intégralement déroulée en
Midi-Pyrénées. Et encore, Midi-Pyrénées est un bien grand mot
puisque le mouvement d'essuie-glaces qui caractérise vos
affectations successives s'inscrit dans une trajectoire pendulaire
Toulouse-Montauban-Toulouse-Tarbes-Montauban. Vous allez
maintenant franchir un grand pas qui va vous amener dans les
régions septentrionales de Midi-Pyrénnées … à Rodez !
On peut toujours regarder avec un œil amusé ces déroulements de
carrière. Pour ma part, je veux y voir aussi la volonté de concilier
harmonieusement une carrière professionnelle et une vie privée. Les
institutions permettent qu'il en soit ainsi et on ne saurait reprocher à
un membre du club alpin français d'avoir toujours voulu garder un
œil sur le massif pyrénéen.
Midi-Pyrénées est également remarquable pour son agriculture et
l'ingénieur agronome que vous êtes de formation a largement trouvé
dans cette région matière à exercer ses compétences. Cette
formation universitaire, vous l'avez suivie, à Toulouse bien sûr, à
l'institut national polytechnique puis à l'école nationale supérieure
agronomique où vous avez obtenu ce titre d'ingénieur agronome.
Mais je note que vous avez fait une petite infidélité à notre région
puisque vous êtes allé chercher un second titre d'ingénieur
agronome à l'institut national supérieur des sciences agronomiques
de Dijon.
Quand vous êtes arrivé en Tarn-et-Garonne comme directeur de la
DDT, vous n'étiez donc pas vraiment un inconnu puisque de 2000 à
2003 vous y aviez occupé le poste d'adjoint au directeur
départemental de l'agriculture et de la forêt.
Aujourd'hui, on ne parle plus de DDAF ni de DDE mais de DDT. A
votre prise de fonction en novembre 2010, la DDT n'avait que 10
mois d'existence et c'est donc à un travail managérial important que
vous avez dû faire face avec votre encadrement puisque après la
phase de création de la DDT on était entré dans la phase de
stabilisation. Réunissant des personnels issus de deux horizons
complémentaires mais aussi, parfois, un peu rivaux, il vous
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appartenait de fusionner deux cultures. Il y avait bien sûr des
champs de compétence commun aux deux anciennes directions
mais il y avait aussi des compétences très spécifiques et totalement
inconnues à celles et ceux qui n'étaient pas de la direction
concernée par ces compétences. C'est ainsi que les agents de l'ex
DDE ont fait connaissance avec la PAC, la politique agricole
commune, et les agents de l'ex DDAF ont fait connaissance avec
l'habitat, l’urbanisme et la sécurité routière.
Ce ne sont que quelques exemples pour expliquer que réunir sur le
papier est une chose aisée au regard de la complexité rencontrée
dans la mise en œuvre de cette fusion.
Ce n'est pas le moindre de vos mérites, M. Tisseire, que d'avoir
réussi dans cette mission. Je peux témoigner que dans tous les
dossiers traités par votre direction j'ai rencontré des personnels
compétents et efficaces animés d'un pragmatisme qui caractérise
souvent les administrations techniques.
La pratique du territoire se traduit également, pour la DDT, par des
structures territoriales proches des administrés. En liaison avec les
services centraux de Montauban existaient trois DTA, les
délégations territoriales d'aménagement. Sous votre direction, celle
de Castelsarrasin-Moissac a connu une évolution particulière qu'il
convient de souligner : les services ont quitté le bâtiment qu'ils
occupaient chemin de Prades pour se loger au deuxième étage du
bâtiment de la sous-préfecture, créant de fait avec celle-ci une
"maison de l'État" à laquelle il sera possible d'agréger d'autres
administrations présentes aujourd'hui sur la ville de Castelsarrasin.
La DTA de Caussade rejoindra en 2015 Montauban mais le contact
de terrain restera néanmoins au cœur des préoccupations de cette
direction.
En une dizaine d’années, les missions des ex DDE et DDAF ont
connus de véritables bouleversements : le transfert de la gestion de
la voirie départementale aux départements, réservant à l’Etat les
routes nationales, pour les départements qui en ont encore
conservées – ce qui n'est pas le cas du Tarn-et-Garonne – elles
relèvent désormais de la direction interrégionale des routes.
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Puis il y a eu la RGPP - la révision générales des politiques
publiques. Plus récemment, la prévision des crues a été
intégralement confiée au SHAPI de Toulouse et je sais que le
personnel local affecté à cette mission disposait d'une base de
données considérable mais, surtout, possédait une véritable
mémoire ancestrale des épisodes d'inondation passés. Un atout
majeur dans un département où le nombre de PPI et leur étendue
témoignent d'un réseau hydrologique particulièrement sensible aux
phénomènes des crues. Et puis aujourd’hui le transfert aux
collectivités des procédures ADS et ATESAT, pour ce qui concerne
donc les Autorisations du Droit des Sols et l’ingénierie.
Tout ceci a nécessité une capacité d’adaptation, que vous avez su,
avec votre équipe, et en particulier avec votre ancien adjoint
François DUQUESNE, accompagnée.
On peut donc comprendre les inquiétudes des agents ou les
incompréhensions générées par tous ces changements, ainsi que
leurs conséquences en matière d'organisation du travail. Même si,
sur les grands dossiers d'infrastructure, comme la création de la
LGV - ligne à grande vitesse - Bordeaux-Toulouse, la mission
d'expertise exercée par la DDT montre la place qui est la sienne
dans les politiques publiques liées à l'aménagement durable du
territoire.
En dépit de ces circonstances, vous avez su garder vos personnels
mobilisés sur les champs de compétence, certes plus resserrés, de
la DDT. Le tout s’est effectué avec un souci permanent
d’explications, de concertation qui ont permis un accompagnement
du changement dans un climat social de qualité.
Autres sujets importants,
Les questions d'environnement et en particulier la gestion de l'eau
en Tarn-et-Garonne ne sont pas réputées pour être un long fleuve
tranquille. M. Tisseire, vous les maîtrisez parfaitement, et la
navigation en étiage est un art dont vous vous êtes fait une
spécialité, évitant écueils, ensablements, voire échouages.
En témoigne la gestion de la sécheresse qui vous a fortement
mobilisé, en particulier lors des étés 2011 et 2012 parmi les plus
secs de ces 50 dernières années. Dans ces périodes de fortes
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tensions sur la ressource, l'application de règles acceptables pour
satisfaire les usages est un exercice difficile, la profession agricole
peut en témoigner ! C'est par la connaissance fine des enjeux,
l'explication et le dialogue que vous avez pu trouver les compromis
acceptés par tous.
S'il est vrai que la gestion de l'eau en période de pénurie n'est pas
chose aisée, son caractère interdépartemental ne simplifie par
vraiment l'exercice. A ce titre, vous ne regretterez pas votre
implication dans la gestion de l'eau sur le bassin versant de
l'Aveyron. Département aval consommant 85% des ressources en
eau pour l'irrigation en étiage, le Tarn-et-Garonne est très
dépendant des ressources stockées dans les départements du Tarn
et surtout de l'Aveyron avec les barrages du Lévézou, véritable
château d'eau que les aveyronnais partagent très
parcimonieusement. Les tarn-et-garonnais espèrent que le futur
DDT de l'Aveyron saura convaincre les Aveyronnais d'ouvrir grand
les vannes !
Dans ce domaine de l’hydrologie, à titre personnel, je vous suis
particulièrement reconnaissant d’avoir fait en sorte, que depuis mon
arrivée, la pluviométrie ait été suffisante pour éviter les
traditionnelles difficultés liées aux restrictions d’eau en période
estivale.
Je n’en attends pas moins de votre successeur, M. Fabien MENU,
qui nous arrive de Corse où il exerçait les fonctions de DRAAF
adjoint et à qui je souhaite d’ores et déjà la bienvenue.
Un autre chantier, particulièrement sensible et difficile pour vous, M.
Tisseire, a été celui de la réduction de la pollution des eaux par les
nitrates, dossier d’actualité et qui pourtant est un long feuilleton
démarré il y plus de 20 ans, en 1992, et qui, comme les séries
télévisées, laisse penser à sa fin définitive avant de rebondir de
façon imprévue vers de nouveaux épisodes. Tel est à nouveau le
cas actuellement avec une nouvelle carte des zones vulnérables,
sujet qui n'est pas, comme on l’a vu, sans inquiéter tous les acteurs
qui suivent ce dossier. Mais vous aurez au moins une consolation,
c'est celle de n'être pas dépaysé en arrivant en Aveyron dont la
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situation vis à vis des nitrates n'a rien à envier à celle du Tarn-etGaronne !
Je voudrais aussi souligner votre engagement personnel au service
de l’agriculture de ce département, votre attachement à réunir les
meilleurs conditions possibles au développement de l’économie
agricole qui pèse tant dans en Tarn et Garonne, votre sens de
l’écoute et du dialogue avec vos partenaires, votre souci constant de
relayer les préoccupations de la profession agricole, votre
volontarisme pour rechercher et promouvoir toutes les solutions
envisageables.
Mais la vie d'un directeur est aussi émaillée de problèmes récurrents
ou d'épisodes cocasses qui font tout le charme de la profession.
En effet, vous avez eu le plaisir de vous impliquer dans une affaire
de détention illicite d'un sanglier chez un particulier, sanglier
répondant au doux nom de Bambi, mais il n’avait pas grand chose à
voir avec celui de Walt Disney. En effet, le marcassin, recueilli par
l'intéressé ayant un peu grandi, l'animal qui a déclenché en mai
2012 une tempête médiatique pesait quand même 80kg. Le fameux
Bambi vivait dans un enclos attenant à l'habitation du propriétaire
mais n'avait pas été déclaré, d'où une intervention des agents de
l'ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) qui
ont dressé logiquement un procès-verbal, avec parmi les solutions,
l'euthanasie de l'animal. Son propriétaire a alors mis en ligne une
vidéo de Bambi jouant au ballon avec son maître, ce qui a
immédiatement déclenché une marée médiatique, avec plus de 700
appels téléphoniques dirigés vers le standard de la préfecture puis
vers la DDT. Des milliers de mél de soutien ont été envoyés du
monde entier au propriétaire mais aussi à la préfecture et la DDT. Il
faut citer les soutiens remarqués de députés européens, de Brigitte
Bardot et d'Alain Delon, ce dernier ayant proposé d'héberger
l'animal, et même son propriétaire!
Pendant quelques jours, la presse régionale et nationale s'en est
faite largement l'écho. La régularisation administrative de cette
détention de sanglier par arrêté préfectoral a fini par mettre un terme
à cette tornade médiatique.
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Pour revenir à des choses plus sérieuses, vos mérites, M. Tisseire,
en tant que DDT de Tarn-et-Garonne mais aussi au vu des
différentes postes occupés à ce jour, et des qualités que l'on vous
reconnaît unanimement, sont à l'origine de la distinction que je vais
vous remettre tout à l'heure au nom du président de la République.
L'Ordre National du Mérite concourt au prestige et à la promotion de
l'esprit de service dans notre pays. Il a pour objet de récompenser,
"les mérites acquis soit dans une fonction publique civile ou militaire,
soit dans l'exercice d'une activité privée". Il s'inscrit dans cette
tradition républicaine, qui tend à honorer, de l'école à la vie
professionnelle, les plus méritants des serviteurs de la Nation. Ceux
qui, quelles que soient leurs origines, remplissent leurs fonctions de
façon exemplaire, avec efficacité, intelligence et dévouement. Et
c’est bien votre cas, votre parcours, votre expérience, vos qualités
personnelles et professionnelles en attestent.
Vous allez donc devenir dans un instant un "compagnon" puisque tel
est le terme pour désigner les membres de l'association de l'Ordre.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'Ordre ne compte pas des
effectifs pléthoriques puisqu'en Tarn-et-Garonne leur nombre est
inférieur à 200. Il en est ainsi parce que cette distinction est réservée
aux plus méritants de nos concitoyens.
Ce n'est pas aujourd'hui que l'on découvre vos mérites, M. Tisseire,
puisque vous êtes déjà chevalier du Mérite Agricole et c'est donc un
deuxième ruban que vous porterez désormais à la boutonnière.
Pour tout cela, M. Tisseire, je vous adresse mes plus vives
félicitations en sachant combien celles-ci sont partagées par les
collègues et amis qui ont fait le déplacement aujourd'hui.
Je vous dis bonne chance dans ce territoire lointain qu'est l'Aveyron
où les conditions de survie sont heureusement garanties par la
consommation d'aligot, de tripoux et de stockfish, que les locaux
désignent aussi sous le nom d'estoufinade, ce qui en dit long sur les
qualités roboratives de ce plat. Vous allez donc quitter un
département où les fruits et légumes locaux vous avaient permis de
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conserver la silhouette de vos 20 ans et, d’ores et déjà, chacun ici,
s’inquiète quant à votre taux de cholestérol futur !
Je ne manquerai avant de conclure mon propos de remercier le
président de l'association des membres de l'Ordre National du
Mérite qui a bien voulu s’associer à la cérémonie de remise de votre
distinction et à celle de votre cocktail de départ de ce département
… un département où vous nous espérons bien vous revoir de
temps en temps. Et puis, nous gardons ensemble, quelques
dossiers avec l’Aveyron, notamment pour les retenues d’eau.
Je terminerai sur une note plus personnelle pour vous dire le réel
plaisir que j’ai eu à travailler avec vous, votre compétence, votre
savoir-faire et votre façon d’être, votre pragmatisme, votre
connaissance des hommes et du terrain m’ont été extrêmement
précieux. Quant aux procédures, dont chacun ici connaît la
simplicité, par exemple la réforme de la PAC, il vous aura fallu une
certaine dose de pédagogie pour me permettre d’en assimiler
quelques rudiments.
Ces compliments que je vous adresse aujourd’hui ne sont pas de
pure circonstance et je sais, en atteste l’assistance nombreuse
présente ici aujourd’hui, je sais, que cet éloge est partagé par vos
interlocuteurs, professionnels, élus et collaborateurs.
Marc TISSEIRE, au nom du président de la République, nous vous
faisons chevalier de l’ordre national du mérite.
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