Chapitre 11 : Dérivation

Transcription

Chapitre 11 : Dérivation
Chapitre 11 : Dérivation
PTSI B Lycée Eiffel
21 janvier 2014
Toute littérature dérive du péché.
Charles Baudelaire
Les constantes et ex sont dans le métro.
Un opérateur différentiel terroriste monte dans la rame,
menaçant de dériver tout le monde.
Alors que les constantes paniquent, ex se moque de lui :
« Vas-y, dérive, je crains rien ».
L’opérateur répond alors : « Tremble, misérable exponentielle, je suis
d
»!
dy
Introduction
Pour terminer le premier semestre, deuxième chapître d’analyse de suite après celui sur la continuité. Les deux chapîtres se ressemblent d’ailleurs beaucoup, dans la mesure où il s’agit ici aussi
principalement de reprendre avec des définitions rigoureuses et un formulaire entièrement démontré
les notions de dérivée et de variations étudiées au lycée. Rien de très nouveaux donc, si ce n’est que
la section des théorèmes classiques va s’enrichir notamment de l’inégalité des accroissements finis,
fondamentales pour l’étude des suites récurrentes que nous aborderons en fin de chapître.
Objectifs du chapitre :
• ne plus hésiter une seconde avant de calculer une dérivée classique (notamment à l’aide de la
formule de la dérivée d’une composée).
• maîtriser l’application de l’IAF à l’étude des suites récurrentes.
1
1.1
Définitions et formulaire
Aspect graphique
L’idée cachée derrière le calcul de dérivées, que vous utilisez déjà depuis plusieurs années pour étudier
les variations de fonctions, est en gros le suivant : les seules fonctions dont le sens de variation est
réellement facile à déterminer sont les fonctions affines, pour lesquelles il est simplement donné par
le signe du coefficient directeur de la droite représentant la fonction affine. Pour des fonctions plus
complexes, on va donc chercher à se ramener au cas d’une droite en cherchant, pour chaque point
de la courbe, la droite « la plus proche » de la courbe autour de ce point. C’est ainsi qu’est née la
notion de tangente, à laquelle celle de dérivée est intimement liée. Plus précisément :
1
Définition 1. Soit f une fonction définie sur un intervalle I et a ∈ I, le taux d’accroissement de
f (a + h) − f (a)
.
f en a est la fonction définie par τa (h) =
h
Remarque 1. Le taux d’accroissement n’est pas défini en 0. Pour h 6= 0, τa (h) représente le coefficient
directeur de la droite passant par les points d’abscisse a et a + h de la courbe représentative de f
(droite noire dans le graphique ci-dessous, où a = 1 et h = 1.5).
3
2
1
0
−4
−3
−2
−1
0
1
2
3
4
−1
−2
−3
Définition 2. Une fonction f est dérivable en a si son taux d’accroissement en a admet une
limite quand h tend vers 0. On appelle alors nombre dérivé de f en a cette limite et on la note
f (a + h) − f (a)
f ′ (a) = lim
.
h→0
h
Remarque 2. En reprenant l’interprétation géométrique précédente, la droite tracée se rapproche
quand h tend vers 0 de la tangente à la courbe représentative de f au point de la courbe d’abscisse
a. Le nombre dérivé de f en a est donc le coefficient directeur de cette tangente, tracée en vert sur
le graphique.
Remarque 3. Pour des raisons pratiques, on aura parfois besoin pour certains calculs d’une définition
f (y) − f (x)
, qui est équivalente à la précédénte
légèrement différente du nombre dérivé : f ′ (x) = lim
y→x
y−x
(en posant h = y − x, on se ramène en effet à notre première définition).
Exemples :
• Considérons f (a) = a2 et calculons à l’aide de cette définition la dérivée (ou plutôt pour
l’instant le nombre dérivé au point d’abscisse a) de f . Le taux d’accroissement de la fonction
a2 + 2ha + h2 − 1
(a + h)2 − a2
=
= 2a + h. Ce taux d’accroissement
carré en a vaut τa (h) =
h
h
a une limite égale à 2a quand h tend vers 0, donc f est dérivable en a et f ′ (a) = 2a (ce qui
correspond bien à la formule que vous connaissez).
√
√
√
a+h− a
• Considérons à présent g(a) = a, le taux d’accroissement de g en a vaut τa (h) =
=
h
√
√ √
√
a+h−a
1
( a + h − a)( a + h + a)
√
= √
√
√ = √
√ . Si a 6= 0, ce taux d’ach( a + h + a)
h( a + h + a)
a+h+ a
1
croissement a pour limite √ , ce qui correspond une nouvelle fois à une formule bien connue.
2 a
Par contre, lim τ0 (h) = +∞, ce qui prouve que la fonction racine carrée n’est pas dérivable en
h→0
0. On a tout de même une interprétation graphique intéressante dans ce cas : la courbe représentative de la fonction racine carrée admet en son point d’abscisse 0 une tangente verticale.
2
Définition 3. La fonction f est dérivable à gauche en a si son taux d’accroissement admet une
f (a + h) − f (a)
. De même, f est dérivable
limite quand h tend vers 0− . On note alors fg′ (a) = lim
h
h→0−
f (a + h) − f (a)
à droite en a si τa (h) admet une limite en 0+ et on note fd′ (a) = lim
.
+
h
h→0
Remarque 4. La fonction f est dérivable en a si et seulement si elle y est dérivable à gauche et à
droite et que fd′ (a) = fg′ (a).
Définition 4. Dans le cas où fg′ (a) 6= fd′ (a) (ou si une seule des deux limites existe) on dit que
la courbe de f admet une (ou deux) demi-tangente à droite ou à gauche. Si τa (h) admet une
limite infinie en 0+ ou en 0− , on dit que la courbe de f admet une demi-tangente verticale au point
d’abscisse a.
h
|h|
. Si h > 0, τ0 (h) = = 1, donc
Exemple : Considérons f (x) = |x| et a = 0. On a donc τ0 (h) =
h
h
−h
′
′
f d(0) = 1 ; mais si h < 0, τ0 (h) =
= −1, donc f g(h) = −1. La fonction valeur absolue n’est
h
donc pas dérivable en 0, mais y admet à gauche une demi-tangente d’équation y = −x, et à droite
une demi-tangente d’équation y = x (qui sont d’ailleurs confondues avec la courbe).
Définition 5. Une fonction f est dérivable sur un intervalle I si elle est dérivable en tout point
de I. On appelle alors fonction dérivée de f la fonction f : x 7→ f ′ (x).
Proposition 1. Soit f une fonction dérivable en a, alors l’équation de la tangente à la courbe
représentative de f en a est y = f ′ (a)(x − a) + f (a).
Proposition 2. Si une fonction f est dérivable en a, alors f est continue en a.
Remarque 5. La réciproque est fausse ! Par exemple la fonction valeur absolue est continue sur R
mais pas dérivable en 0.
f (a + h) − f (a)
= f ′ (a). Autrement dit,
h→0
h
Démonstration. Si f est dérivable en a, on sait que lim
f (a + h) − f (a)
= f ′ (a) + ε(h), avec lim ε(h) = 0. En multipliant tout par h, on obtient f (a + h) =
0
h→0
h
f (a) + hf ′ (a) + hε(h). Comme lim f (a) + hf ′ (a) + ε(h) = f (a), on a donc lim f (a + h) = f (a), ce
h→0
h→0
qui prouve que f est continue en a.
Définition 6. On appelle développement limité à l’ordre 1 de f en a l’égalité f (a + h) =
0
f (a) + hf ′ (a) + hε(h).
Remarque 6. Cette égalité signifie simplement que, lorsque h est proche de 0, f (a + h) peut être
approché par f (a) + hf ′ (a), qui n’est autre que la valeur prise par la tangente au point d’abscisse
a + h. On parle d’ordre 1 car on approche f par une fonction qui est un polynome de degré 1. On
peut généraliser cette notion en approchant la fonction f par un polynome de degré 2, 3 ou plus
(mais il faut alors que f soit deux, trois fois dérivable, etc). On parle alors de développement limité
à l’ordre 2, 3, nous reviendrons largement sur ce concept dans un chapître ultérieur.
1.2
Opérations
Proposition 3. Soient f et g deux fonctions dérivables en x. Alors f + g est dérivable en x et
(f + g)′ (x) = f ′ (x) + g ′ (x).
Démonstration. En effet, le taux d’accroissement de f + g en x vaut
f (x + h) − f (x)
g(x + h) − g(x)
f (x + h) + g(x + h) − f (x) − g(x)
=
+
. Autrement dit,
τx (h) =
h
h
h
c’est la somme des taux d’accroissements de f et de g en x. Sa limite existe donc et est égale à la
somme des limites de ces taux d’accroissement, c’est-à-dire que lim τx (h) = f ′ (x) + g′ (x), d’où la
h→0
formule.
3
Proposition 4. Soient f et g deux fonctions dérivables en x, alors f g est dérivable en x et (f g)′ (x) =
f ′ (x)g(x) + f (x)g ′ (x).
Démonstration. Calculons le taux d’accroissement de la fonction f g en x :
f (x + h)g(x + h) − f (x)g(x + h) + f (x)g(x + h) − f (x)g(x)
f (x + h)g(x + h) − f (x)g(x)
=
=
τx (h) =
h
h
f (x + h) − f (x)
g(x + h) − g(x)
g(x + h)
+ f (x)
. Le premier terme a pour limite g(x)f ′ (x) quand h
h
h
tend vers 0 (la fonction g étant dérivable donc continue, g(x + h) tend vers g(x) et le reste est le
taux d’accroissement de f en x), et le second a pour limite f (x)g ′ (x) puisqu’on reconnait le taux
d’accroissement de g. On obtient donc bien la formule attendue.
1
Proposition 5. Soit g une fonction dérivable en x, et ne s’annulant pas en x, alors est dérivable
g
′
1
f
g′ (x)
en x et
. Si f est une autre fonction dérivable en x, alors est dérivable en x et
(x) = −
g
g(x)2
g
′
f ′ (x)g(x) − f (x)g ′ (x)
f
.
(x) =
g
g(x)2
1
1
1
g(x+h) − g(x)
Démonstration. Le taux d’accroissement de en x vaut τa (x) =
. Il n’est défini que si
g
h
g(x + h) 6= 0, mais on admettra que, si g(x) 6= 0 (c’est une des hypothèses de la proposition) et g est
continue, alors g ne s’annule pas au voisinage de x. On peut alors réduire au même dénominateur :
g(x) − g(x + h)
1
τx (h) =
. On reconnait à droite l’opposé du taux d’accroissement de
g(x + h)g(x)
h
g, qui tend donc vers −g′ (a), et le dénominateur à gauche tend vers g(x)2 car g est dérivable donc
continue en a.
La deuxième
simplement la formule de dérivation d’un produit à f
′ formule s’obtient en appliquant
′ (x)
f
g
f ′ (x)g(x) − f (x)g ′ (x)
1
1
− f (x) ×
=
.
(x) = f ′ (x) ×
et :
g
g
g(x)
g(x)2
g(x)2
Proposition 6. Soient f et g deux fonction dérivables respectivement en x et en f (x), alors la
composée g ◦ f est dérivable en x et (g ◦ f )′ (x) = f ′ (x).(g ′ (f (x)).
Démonstration. L’idée est de séparer le taux d’accroissement de g ◦ f pour faire apparaitre ceux de
g ◦ f (y) − g ◦ f (x)
g ◦ f (y) − g ◦ f (x) f (y) − f (x)
g et de f de la façon suivante :
=
×
. Le premier
y−x
f (y) − f (x)
y−x
′
quotient est le taux d’accroissement de g en f (x), il converge donc vers g (f (x)). Le second est le
taux d’accroissement de f en x, qui converge vers x. On en déduit la formule.
Il y a en fait un (gros) problème, c’est que le premier dénominateur à droite peut très bien s’annuler
(quand f (y) = f (x)) et (contrairement à ce qui se passait pour l’inverse) cela peut se produire aussi
près de x que voulu. Une autre façon (correcte, celle-ci) de prouver cette propriété est de passer
par les développements limités à l’ordre 1. On sait que f (x + h) = f (x) + hf ′ (x) + ε(h), et que
0
g(y + k) = g(y) + kg′ (y) + η(k). On en déduit que g ◦ f (x + h) = g(f (x) + hf ′ (x) + ε(h)). En
0
prenant y = f (x) et k = hf ′ (x) + ε(h) (ce qui tend bien vers 0 quand h tend vers 0), on a donc
g ◦ f (x + h) = g(f (x)) + (hf ′ (x) + ε(h))g ′ (f (x)) + η(hf ′ (x) + ε(h)) = g ◦ f (x) + hf ′ (x)g′ ◦ f (x) + α(h)
(tout les termes restants sont des produits de h par des choses qui tendent vers 0). Comme on
sait par ailleurs que g ◦ f (x + h) = g ◦ f (x) + h(g ◦ f )′ (x) + α(h), une simple identification donne
(g ◦ f )′ (x) = f ′ (x)g ′ ◦ f (x).
Proposition 7. Soit f une fonction dérivable et bijective sur un intervalle I, à valeurs dans J. Alors
1
.
f −1 est dérivable en tout point y ∈ J tel que f ′ (f −1 (y)) 6= 0, et dans ce cas (f −1 )′ (y) = ′ −1
f (f (y))
4
Remarque 7. Les images des valeurs où la dérivée de f s’annule, qui sont donc les points où la
fonction réciproque n’est pas dérivable, correspondent en fait à des endroits où la courbe de f −1
admet des tangentes verticales (ce qui se comprend graphiquement puisqu’une tangente horizontale
pour f devient après symétrie par rapport à la droite d’équation y = x une tangente verticale pour
f −1 ).
Démonstration. Soit y ∈ J et x = f −1 (y). La taux d’accroissement de f −1 en y est τy (h) =
f −1 (y + h) − x
f −1 (y + h) − f −1 (y)
=
. La fonction f étant bijective de I sur J, y + h admet un
h
h
unique antécédent b sur I. On a donc f (b) = y + h et par ailleurs f (x) = y, donc h = (y + h) − y =
b−x
h′
f (b) − f (x) et τy (h) =
. En posant h′ = b − x, on a τy (h) =
, avec h′
f (b) − f (x)
f (x + h′ ) − f (x)
qui tend vers 0 quand h tend vers 0 car la fonction f −1 est continue, donc b = f −1 (y + h) tend vers
f −1 (y) = x. On reconnait donc la limite quand h tend vers 0 de l’inverse du taux d’accroissement
1
1
= ′ −1
. Si f ′ (x) = 0, la limite de τy (h)
de f en x. Si f ′ (x) 6= 0, on a donc lim τy (h) = ′
h→0
f (x)
f (f (y))
est infinie, on a donc une tangente verticale.
1.3
Dérivées de fonctions usuelles
Nous ne reviendrons sur ce sujet déjà abordé en début d’année. Rappelons simplement qu’une
bonne maîtrise de la formule de dérivation d’une réciproque permet de retrouver très rapidement
les dérivées des fonctions trigonométriques réciproques. Naturellement, toutes ces dérivées classiques
sont à connaître sur le bout des doigts et peuvent être invoquées sans justification dans les exercices.
Dernière chose à ne pas oublier : la plupart des fonction usuelles sont dérivables sur leur ensemble
de définition, aux exceptions suivantes près :
• la fonction valeur absolue en 0.
• la fonction racine carrée en 0.
• les fonctions arccos et arcsin en −1 et en 1.
À l’exception de la valeur absolue, tous les exemples cités donnent des tangentes verticales qui
correspondent à des tangentes horizontales de la fonction réciproque.
2
Dérivées successives
Définition 7. Soit f une fonction dérivable sur un intervalle I, et telle que f ′ est elle-même dérivable
sur I, alors la dérivée de f ′ est appelée dérivée seconde de la fonction f , et notée f ′′ . On note
de même f ′′′ la dérivée tierce de f (sous réserve d’existence), puis plus généralement f (n) la dérivée
n-ième de la fonction f .
Définition 8. Une fonction est de classe D k sur un intervalle I si elle est k fois dérivable sur I.
Elle est de classe C k sur I si de plus sa dérivée k-ème f (k) est continue sur I.
Remarque 8. Une fonction D k sur I est forcément C k−1 sur I puisqu’une fonction dérivable est
nécessairement continue. Une fonction C k est bien entendu D k . On a donc les implications suivantes :
C k ⇒ D k ⇒ C k−1 ⇒ D k−1 ⇒ · · · ⇒ C 1 ⇒ D 1 ⇒ C 0 (cette dernière catégorie contenant simplement
les fonctions continues).
Définition 9. Une fonction est de classe C ∞ sur un intervalle I si elle y est dérivable k fois pour
tout entier k.
Remarque 9. Toutes ses dérivées sont alors continues (puisqu’on peut toujours dériver une fois de
plus), ce qui justifie qu’on ne distingue pas D ∞ et C ∞ .
Théorème 1. Toutes les fonctions usuelles sont de classe C ∞ sur tous les intervalles où elles sont
dérivables.
5
Théorème 2. Si f et g sont deux fonctions de classe C k sur un intervalle I, leurs somme, produit,
quotient (si g ne s’annule pas), composée sont elle-mêmes de classe C k .
Proposition 8. Formule de Leibniz.
Si f et g sont de classe
Dn
sur I, alors
(f g)(n)
=
n X
n
k=0
k
f (k)g(n−k) .
Démonstration. Ce résultat nous rappelle étrangement la formule du binôme de Newton. Il se démontre exactement de la même façon (on ne le fera donc pas).
Exemple : Appliquée pour n = 4, la formule donne par exemple (f g)(4) = f (4) + 4f ′′′ g′ + 6f ′′ g′′ +
4f ′ g′′′ + g (4) .
3
3.1
Théorème des accroissements finis et applications
Énoncés.
Proposition 9. Soit f une fonction dérivable sur un segment [a; b] et x ∈]a; b[. Si x est un point en
lequel f atteint un extremum local, alors f ′ (x) = 0.
Démonstration. Supposons par exemple qu’il s’agisse d’un maximum (l’autre cas est très similaire).
f (x + h) − f (x)
Le taux d’accroissement de f en x vaut τx (h) =
. On a au voisinage de x, f (x + h) 6
h
f (x) puisque f (x) est un maximum local. On en déduit que ∀h < 0 (et tel que x + h appartienne au
voisinage en question), τx (h) > 0, donc f ′ (x) = lim τx (h) > 0. Mais de même ∀h > 0, τx (h) 6 0,
h→0−
donc f ′ (x) = lim τx (h) 6 0. Finalement, on a nécessairement f ′ (x) = 0.
h→0−
Théorème 3. Théorème de Rolle.
Soit f une fonction dérivable sur un intervalle [a; b], et telle que f (a) = f (b), alors ∃c ∈]a; b[, f ′ (c) = 0.
Démonstration. Commençons par éliminer le cas où la fonction f est constante sur [a; b] puisque
dans ce cas la dérivée de f est nulle, donc le théorème est manifestement vérifié.
La fonction f étant dérivable, elle est continue sur [a; b], donc y atteint un maximum M et un
minimum m. Si on suppose f non constante, l’un des deux, par exemple M (dans l’autre cas, la
démonstration est similaire), est distinct de f (a) = f (b), donc atteint en un réel c ∈]a; b[. D’après la
propriété précédente, f ′ (c) = 0.
Théorème 4. Théorème des accroissements finis.
Soit f une fonction dérivable sur un intervalle [a; b], alors ∃c ∈]a; b[, f ′ (c) =
f (b) − f (a)
.
b−a
Remarque 10. Autrement dit, il existe un point où la tangente est parallèle à la droite passant par
les points (a; f (a)) et (b; f (b)).
6
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
−3
−2
−1
−1
−2
−3
−4
−5
0
1
2
3
Démonstration. Le principe est de se ramener au théorème précédent. Définissons une deuxième
f (b) − f (a)
x − f (x) (ce qui correspond à l’écart entre la courbe représentative
fonction g par g(x) =
b−a
de f et la droite passant par les points (a, f (a)) et (b, f (b)), à une constante près). Cette fonction est
f (b) − f (a)
f (b) − f (a)
dérivable sur [a; b] puisque f l’est et vérifie g(b)− g(a) =
b− f (b)−
a+ f (a) =
b−a
b−a
f (b) − f (a)
(b − a) − f (b) + f (a) = 0, c’est-à-dire que g(b) = g(a). on peut donc appliquer le
b−a
f (b) − f (a)
théorème de Rolle à la fonction g : ∃c ∈]a; b[, g′ (c) = 0. Or, g′ (c) =
− f ′ (c), donc on a
b−a
f (b) − f (a)
, ce qu’on cherchait à prouver.
f ′ (c) =
b−a
Remarque 11. Ce théorème un peu étrange sert très peu en tant que tel, mais ses applications fondamentales en font un des piliers de l’analyse mathématique. C’est notamment à l’aide du théorème
des accroissements finis qu’on démontre le lien entre signe de la dérivée et variations d’une fonction,
ce que nous allons faire tout de suite.
Théorème 5. Soit f une fonction dérivable sur un intervalle I, alors f est croissante sur I si et
seulement si f ′ est positive sur I, et f est décroissante sur I si et seulement si f ′ est négative sur I.
Démonstration. Supposons f croissante sur I, et soit a ∈ I, considérons le taux d’accroissement de
f (a + h) − f (a)
. Ce taux d’accroissement est toujours positif, puisque numérateur
f en a : τa (h) =
h
et dénominateur sont négatifs quand h est négatif, et positifs sinon ; donc par passage à la limite
f ′ (a) > 0. Réciproquement, si f ′ (x) > 0 sur I, on a d’après le théorème des accroissements finis, si
f (y) − f (x)
= f ′ (c) > 0, donc f (y) − f (x) > 0, ce qui prouve que f est croissante sur I. La
x < y,
y−x
preuve dans le cas de la décroissance est très similaire.
Théorème 6. Soit f une fonction dérivable sur un intervalle I, alors si f ′ est strictement positive
sur I, sauf éventuellement en un nombre fini de points où elle s’annule, la fonction f est strictement
croissante sur I. De même, si f ′ est strictement négative sur I, sauf éventuellement en un nombre
fini de points où elle s’annule, f est strictement décroissante sur I.
Ce deuxième résultat, plus subtil que le précédent, ne sera pas prouvé. Remarquons qu’il n’y a ici
qu’une seule implication, une fonction peut être strictement monotone mais avoir une dérivée qui
7
s’annule une infinité de fois (la condition exacte pour l’équivalente est trop technique pour pouvoir
être mentionnée).
Remarque 12. Ces théorèmes seront bien entendus utilisés sans être cités lors de l’étude des variations
de fonctions, comme vous en avez déjà l’habitude. Mais vous avez désormais une preuve complète de
ces résultats très classiques.
Théorème 7. Théorème du prolongement de la dérivée.
Soit f une fonction continue sur un segment [a; b] et dérivable sur ]a; b]. Si la dérivée f ′ de la fonction
f admet une limite finie l en a, alors f est dérivable en a et f ′ (a) = l.
f (a + h) − f (a)
. D’après le
h
′
thorème des accroissement finis, on peut écrire τa (h) = f (ch ), où ch est une constante (dépendant de
h) appartenant à l’intervalle ]a; a+h[. Si on fait tendre h vers 0, d’après le théorème des gendarmes, ch
aura pour limite a. Alors, les hypothèses du théorème nous permettent d’affirmer que lim f ′ (ch ) = l,
Démonstration. Considérons le taux d’accroissement de f en a : τa (h) =
h→0
ce qui prouve bien que la fonction f est dérivable en a, puisque son taux d’accroissement y tend vers
l.
Exemple : Ce théorème sera souvent appliqué dans le cas où on prolonge une fonction par continuité,
pour déterminer si le prolongement effectué est dérivable ou non. Il évite de revenir au calcul du taux
d’accroissement (qui est toutefois rarement plus complexe). Considérons la fonction f : x 7→ x2 ln(x).
Cette fonction est définie et C ∞ sur R+∗ et peut se prolonger par continuité en posant f (0) = 0 (par
croissance comparée). Par ailleurs, f ′ (x) = 2x ln(x) + x a certainement aussi une limite nulle en
0. Le théorème de prolongement de la dérivée permet alors d’affirmer que la fonction prolongée est
dérivable en 0, et que f ′ (0) = 0. Cette information est essentielle pour tracer une allure précise de
la courbe au voisinage de 0.
Remarque 13. On pourra également utiliser la variante suivante du théorème de prolongement de la
dérivée : sous les mêmes hypothèses, si la dérivée f ′ admet en a une limite infinie, alors f n’est pas
dérivable en a mais y admet une tangente verticale.
Proposition 10. Inégalité des accroissements finis (IAF).
Soit f une fonction dérivable sur un intervalle [a; b], et telle que ∀x ∈ [a; b], |f ′ (x)| 6 k (où k ∈ R),
alors ∀(y, z) ∈ [a; b]2 , |f (z) − f (y)| 6 k|z − y|.
f (z) − f (y) = |f ′ (c)| 6 k, ce donc découle immédiatement
Démonstration. En effet, on peut écrire z−y
l’inégalité.
Remarque 14. On peut donner une version légèrement différente de l’IAF, utilisant un encadrement
de la dérivée et non une majoration de sa valeur absolue : soit f une fonction dérivable sur un
intervalle [a; b], et telle que ∀x ∈ [a; b], m 6 f ′ (x) 6 M (où (m, M ) ∈ R2 ), alors ∀(y, z) ∈ [a; b]2 tels
que y < z, m(z − y) 6 f (z) − f (y) 6 M (z − y).
Remarque 15. Ces inégalités ont une interprétation cinématique assez évidente : si on court par
exemple deux heures avec une vitesse de pointe de 12 kilomètres par heure, on n’aura sûrement pas
parcouru plus de 24 kilomètres.
3.2
Application à l’étude de suites récurrentes.
Définition 10. Une suite récurrente est une suite définie par une relation de récurrence du type
un+1 = f (un ), où la fonction f sera en ce qui nous concerne toujours continue.
• La limite l de la suite vérifie nécessairement f (l) = l, c’est un point fixe de la fonction f .
• Pour majorer ou minorer une telle suite, on cherche un intervalle I stable par la fonction f ,
c’est-à-dire tel que f (I) ⊂ I. Si un terme un0 de la suite appartient à cet intervalle stable, tous
les termes suivants y seront également (ce qu’on redémontrera à chaque fois par récurrence).
8
• Pour étudier la monotonie de la suite, on étudiera le signe de f (x) − x, en espérant qu’il soit
constant sur notre intervalle stable. Quand la fonction f est croissante, la suite sera toujours
monotone (mais pas nécessairement croissante !), quand f est décroissante, ça se passe en
général moins bien. Toutefois, les sous-suites (u2n ) et (u2n+1 ) seront alors monotones.
• Si la suite n’est pas monotone, on peut démontrer sa convergence sans passer par le théorème de
convergence monotone, mais en appliquant l’IAF sur un intervalle stable par f où se trouvent
tous les termes de la suite (ainsi que le point fixe qui sera la limite de la suite), et surtout où
|f ′ | est majorée par une constante strictement inférieure à 1.
• On commence de toute façon toujours l’étude d’une suite récurrente par l’étude des variations
de la fonction f , et surtout du signe de f (x) − x (qui donne au passage les points fixes). On
fera même très souvent une représentation graphique de f , en traçant dans le même repère la
droite d’équation y = x, et on pourra placer sur ce graphique les premiers termes de la suite.
Exemple : Considérons la suite définie par u0 = 1 et ∀n ∈ N, un+1 = 1 +
1
. On pose donc
un
1
1
, la fonction f est dérivable sur R∗ , de dérivée − 2 . Elle est donc décroissante sur
x
x
x + 1 − x2
1
. Le numérateur a pour
] − ∞; 0[ et sur ]0; +∞[. Par ailleurs, f (x) − x = 1 + − x =
x√
x
√
√
1+ 5
1− 5
−1 − 5
=
, et en x2 =
.
discriminant ∆ = 5, et s’annule en x1 =
−2
2
2
f (x) = 1 +
x
f (x)
f (x) − x
−∞
1 ❍
0
x2
+∞ ❍
❍
❥
❍
x2
+
+∞
x1
0
❍
❥
❍
❍
❍❥
❍
−
x1
−∞
+
0
❍
❍❥
❍
−
On peut représenter les premiers termes de la suite sur la figure suivante :
9
1
2
1
u0
0
−1
0
u2
1
u3
u4
u1
2
−1
On constate que la suite semble converger vers x1 , reste à le prouver rigoureusement. Commençons
par chercher un intervalle stable intéressant pour l’étude de notre suite. L’intervalle naturel semble
être [1, 2] (les deux premiers termes de la suite étant respectivement égaux à 1 et 2), mais cela
pose
3
,2 .
des problèmes ultérieurement pour la majoration de la dérivée, alors on prendra plutôt I =
2
Bien sûr, u0 n’appartient
pas à cet intervalle mais ce n’est pas très gênant.
Vérifions
que I est stable
3
3
3 5
3
5
par f : f
,2
=
,
= < 2 ; f (2) = et f est décroissante sur I, donc f
et notre
2
3
2
2
2 3
intervalle est bien stable. On démontre alors facilement par récurrence que, ∀n > 1, un ∈ I : c’est
vrai pour u1 = 2, et si on le suppose vrai pour un , alors un+1 = f (un ) ∈ I par stabilité de l’intervalle.
4
1
De plus, sur notre intervalle I, on peut majorer la valeur absolue de la dérivée |f ′ (x)| = 2 par .
x
9
On peut alors appliquer l’IAF en prenant x = un et y = x1 (on choisira toujours le terme général
de la suite et le point fixe qui sera la limite pour appliquer l’IAF dans ce genre de cas). On obtient,
4
4
4
puisque |f ′ | est majorée par , |f (un ) − f (x1 )| 6 |un − x1 |, soit |un+1 − x1 | 6 |un − x1 |.
9
9
9
Les dernières étapes sont alors toujours les mêmes : on prouve par récurrence que ∀n ∈ N∗ , |un −x1 | 6
n−1
4
. En effet, au rang 1, |u1 − x1 | 6 1 puisque x1 ∈ [1, 2] ; et en supposant la propriété vraie au
9
n−1 n
4
4
4
4
rang n, on peut écrire |un+1 −x1 | 6 |un −x1 | 6 ×
=
en appliquant successivement
9
9 9
9
4 n
= 0, et comme |un − x1 | > 0, le théorème
l’IAF puis l’hypothèse de récurrence. Comme lim
n→+∞ 9
√
1+ 5
.
des gendarmes assure que lim |un − x1 | = x1 , c’est-à-dire que lim un = x1 =
n→+∞
n→+∞
2
10
4
Quelques mots sur les fonctions complexes.
Il n’est question ici que de fonctions f : I → C, où I ⊂ R. Les fonctions dont la variable est
elle-même complexe sont l’objet de tout un pan de l’analyse, appelée analyse complexe, utilisant des
méthodes très différentes de celles étudiées dans ce chapître (et pas du tout à votre programme).
Définition 11. La fonction f admet pour limite l ∈ C quand x tend vers a ∈ I si ∀ε > 0, ∃η > 0,
|x − a| < η ⇒ |f (x) − l| < ε.
Remarque 16. C’est exactement la même définition que pour une fonction réelle, la seule toute petite
différence étant qu’une valeur absolue en fin de définition s’est transformée en module. On ne peut
par contre pas définir de limites infinies dans C de façon simple : si on calque la définition réelle,
le module de f tendra vers +∞ mais ça ne dit rien sur f elle-même dans la mesure où, dans C, on
peut se rapprocher de l’infini dans toutes les directions (en particulier, parler de +∞ et de −∞ n’a
évidemment aucun sens).
Proposition 11. La fonction f admet une limite l en a si et seulement si Re (f ) et Im (f ) admettent
des limites respectives l1 et l2 quand x tend vers a, et on a alors l = l1 + il2 .
Démonstration. C’est évidemment en écrivant f (x) − l = Re (f )(x) − l1 + i(Im (f )(x) − l2 ), et en
utilisant le fait que parties réelle et imaginaire d’un nombre comùplexe sont toujours inférieures au
module (résultat démontré dans notre chapître sur les nombres complexes). Ce résultat permet essentiellement de transformer les calculs de limites de fonctions complexes en calculs faisant intervenir
deux fonctions réelles.
Définition 12. La fonction f est continue en a si lim f (x) = f (a).
x→a
Les autres notions (continuité sur un intervalle, prolongement par continuité) sont identiques au
cas des fonctions réelles. Il n’existe par contre par d’équivalent complexe au théorème des valeurs
intermédiaires, la notion de valeur située entre f (a) et f (b) ne pouvant pas être adaptée.
Définition 13. La fonction f est dérivable en a si son taux d’accroissement τa (f ) =
admet une limite finie l lorsque x tend vers a. On note alors f ′ (a) = l.
f (a + h) − f (a)
h
Remarque 17. On peut définir des notions de dérivée à gauche ou à droite comme dans le cas réel.
Par contre, l’interprétation géométrique de la dérivée en termes de tangente n’est plus vraiment
pertinente. Pire, la notion de variations pour une fonction complexe n’existant pas, le calcul même
de la dérivée perd une grande partie de son intérêt !
Proposition 12. La fonction f est dérivable en a si et seulement si Re (f ) et Im (f ) sont dérivables
en a, et on a alors f ′ (a) = Re (f )′ (a) + iIm (f )′ (a).
Exemple : Si f (t) = eit (fonction définie sur R), on peut écrire f (t) = cos(t) + i sin(t), donc, en
π
dérivant séparément les parties réelle et imaginaire, f ′ (t) = − sin(t) + i cos(t) = ei(t+ 2 ) = ieit . On
remarque que la dérivée de cette exponentielle complexe se calcule comme celles des exponentielles
réelles.
Tout le formulaire de calcul de dérivées (y compris la formule de Leibniz) reste valable pour des
fonctions complexes. Il est toutefois moins utile que pour les fonctions réelle, car il existe beaucoup
moins de fonction usuelles sur C.
Parmi les théorèmes énoncés un peu plus haut, par contre, plus rien d’intéressant pour le cas complexe : pas d’IAF bien entendu, ni même de théorème des accroissements finis. Pire, le théorème de
Rolle n’est également pas vérifié par les fonctions complexes, comme le montre l’exemple suivant : si
f (t) = eit , alors f ′ (t) = ieit ne s’annule jamais, alors que par exemple f (0) = f (2π) = 1.
11