une rencontre de recherche a l`iut - la plate

Transcription

une rencontre de recherche a l`iut - la plate
Université Paris Descartes
LES CAHIERS DE L’IUT
Numéro spécial - Novembre 2009
LE JEU VIDEO
USAGES & PRATIQUES
Laboratoire de Psychologie Economique
Institut Universitaire de Technologie
143 avenue de Versailles, 75016 Paris
Usages & pratiques du jeu vidéo
Université Paris Descartes
L ES CAHIERS DE L ’IUT
N° spécial - novembre 2009
LE JEU VIDEO
EN EUROPE
USAGES & PRATIQUES
RENCONTRE DE RECHERCHE
à l’initiative de
Game consort
Consortium académique pour le jeu vidée
conception & animation :
Professeur Jean-Pierre CHAMOUX
Laboratoire de psychologie économique
IUT P ARIS D ESCARTES
143 avenue de Versailles
76016 - PARIS
LPE
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE ECONOMIQUE
Fondateur et Directeur honoraire : Pr. Paul ALBOU
Directrice : Pr. Annick DECOUX
Directeur scientifique : Pr. Jean-Pierre CHAMOUX
Directeur adjoint : Philippe CHAUDAT
Avant - propos
Issue des recherches fondamentales de Gabriel TARDE (France, 1902) puis des travaux
de George KATONA (Etats-Unis, 1947), de Pierre–Louis REYNAUD (France, 1954) et
de Paul ALBOU (France, 1962), la Psychologie Economique présente un intérêt
incontestable tant au plan théorique, en ce sens qu’elle permet de donner un sens à la
multiplicité des opérations qu’effectuent les agents économiques, qu’au plan pratique, car
elle constitue le soubassement conceptuel et méthodologique de nombreuses
interventions à vocation professionnelle, s’agissant notamment, aujourd’hui, de la gestion
des ressources humaines, du marketing ou, encore, du commerce international.
Il importe donc de contribuer à faire reconnaître, dans la vie intellectuelle comme dans la
vie quotidienne des affaires, la place qui revient de droit à la Psychologie Economique.
C’est à cet effort que se consacre le Laboratoire que j’ai l’honneur de diriger depuis 1994,
succédant dans cette mission au Professeur Paul ALBOU, toujours heureusement bien
présent et actif à mes côtés.
***
Le présent numéro spécial des Cahiers de l’IUT reprend, en l’enrichissant, le contenu des
conférences de la Rencontre de Recherche « Usages & pratiques du jeu vidéo en
Europe », organisée à l’initiative conjointe du consortium académique pour le jeu vidéo
Game consort et du Laboratoire de Psychologie Economique, et qui s’est tenue à l’IUT
Paris Descartes le 29 mai 2009.
Que tous les acteurs de cette Rencontre soient, ici, chaleureusement remerciés.
Annick DECOUX
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
RENCONTRE DE RECHERCHE
LE JEU VIDEO : USAGES & PRATIQUES
SOMMAIRE DU CAHIER
Pages :
Avant Propos (Annick Decoux)
2
Pourquoi cette rencontre ? (Jean-Pierre Chamoux)
4
Introduction : Synthèse économique (Annick Decoux)
8
Première partie : les usages, aujourd’hui.
Le jeu en pleine évolution (Patrice Chazerand)
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Deuxième partie : une nouvelle culture ?
Avènement d’un « bien culturel » (Sébastien Genvo)
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Annexes
1/ indications bibliographiques sur le jeu vidéo
2/ programme de la journée du 29 mai 2009
3/ objectifs de Gameconsort, consortium académique pour le jeu vidéo
4/ le marché mondial du jeu vidéo en 2009 vu par l’IDATE
Table des matières
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Usages & pratiques du jeu vidéo
Exposé des motifs
POURQUOI CETTE RENCONTRE ?
Jean-Pierre CHAMOUX, professeur,
Département « techniques commerciales » , IUT Paris Descartes.
Une vingtaine d’enseignants-chercheurs de Paris et de province se sont
retrouvés à l’amphi 2 de l’IUT de Paris le vendredi 29 mai 2009 pour
débattre sur le thème proposé par les organisateurs de cette rencontre, à
l’initiative conjointe du consortium académique pour le jeu vidéo
« Gameconsort » et du Laboratoire de psychologie économique (LPE).
Les thèmes en débat pendant cette rencontre de recherches tournaient autour des deux
questions suivantes :
-
1/ qui pratique le jeu vidéo en Europe, sous quelles formes et dans quelles
conditions ?
-
2/ quelles est la genèse et quels sont les contours de ce récent « bien culturel »
dont certains ont pu dire qu’il est un emblème de la génération montante ?
Les communications réunies ci-dessous abordent ces deux thèmes. Nous leur adjoignons :
-
la synthèse économique préparée par Annick Decoux, professeur d’économie à
l’IUT de Paris Descartes, afin d’introduire la rencontre,
-
une bibliographie synthétique de langue française, orientée surtout vers des
thèmes de sciences humaines et sociales, que l’on trouvera en annexe 1,
-
le résumé sommaire d’une étude prospective sur le marché mondial de ces
jeux, réalisée par le département compétent de l’IDATE et publiée sous la
direction de Laurent Michaud qui n’avait pas pu participer lui-même à cette
rencontre tout en ayant été associé étroitement à sa préparation ; ce texte
constitue l’annexe 4,
-
et le programme de la rencontre du 29 mai 2009 à l’IUT de Paris Descartes en
annexe 2.
1/ Un usage évolutif.
Introduite par la brève synthèse économique préparée par Annick Decoux, professeur et
directrice du LPE, la première séance a permis de découvrir les résultats principaux d’une
grande enquête menée en Europe à l’initiative de la fédération européenne des
producteurs de jeux, l’ISFE dont le siège est à Bruxelles. Confiée à Nielsen Interactive
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Usages & pratiques du jeu vidéo
Europe, cette enquête de 2008, dont les premières conclusions avaient été rendues
publiques il y a quelques mois, éclaire l’évolution des pratiques au cours des cinq
dernières années. On relève notamment que le jeu vidéo a considérablement élargi son
assise socioprofessionnelle (en Europe comme ailleurs) puisque l’on trouve désormais
des pratiquants dans toutes les catégories d’âge, de profession, de sexe et de métiers, ce
qui n’était pas le cas aux premiers mois de ce XXI° siècle. L’analyse empirique tord donc
le cou au lieu commun qui prétend à tort que les jeux vidéo ne touchent que les jeunes
garçons inactifs et irresponsables ! C’est au contraire une pratique très répandue dans nos
sociétés, notamment chez les parents de moins de quarante ans qui partagent couramment
ce passe-temps avec leurs enfants.
Le rapport de Patrice Chazerand, secrétaire général de la fédération professionnelle ISFE,
que l’on trouvera ci-après, détaille les perspectives ouvertes par cette enquête qui fut
menée dans une quinzaine de pays en Europe : ce divertissement est extrêmement
répandu, tant à l’ouest qu’à l’est de notre continent ; il commence à marquer bien d’autre
comportements, notamment en matière d’apprentissage, de pédagogie et d’accoutumance
aux nouvelles technologies de communication, chez les jeunes, certes, mais aussi chez les
adultes. De très nombreuses expérimentations ont souligné, par exemple, l’importance
que pourrait prendre le jeu vidéo pour maîtriser les univers virtuels et dans certaines
thérapies.
Le débat qui a suivi cette communication a confirmé que les données de cette grande
enquête européenne pourraient alimenter de nouvelles recherches en sciences humaines, à
partir de données empiriques, comparatives et pluridisciplinaires ; ces sources constituent
une matière première pour la recherche qui est à la disposition des chercheurs intéressés
par un sujet en pleine expansion.
2/ Vers un nouveau bien culturel ?
La seconde séance de cette rencontre a été introduite par un exposé de notre collègue
Sébastien Genvo, maître de conférence en info-com à l’université de Limoges (IUT du
Limousin). Phénomène caractéristique de l’adolescence il y a encore peu d’années, ces
jeux acquièrent rapidement une vraie légitimité culturelle, au confluent des nouvelles
technologies de communication, des arts plastiques et de l’audiovisuel. On assiste ainsi à
la révélation d’une industrie vidéo-ludique, nous dit-il, dont les performances
économiques, industrielles et même artistiques échappent à la dimension étroite d’une
« culture-jeune » pour marquer notre époque du sceau de la modernité.
Comme le souligne aussi la note introductive d’Annick Decoux, le jeu vidéo est très peu
touché par la crise économique qui a éclaté en Europe en septembre 2008 après avoir déjà
touché l’Amérique un an auparavant. Le jeu vidéo élargit constamment son assiette
économique : son chiffre d’affaires dépasse déjà largement celui du cinéma et marque
bien d’autres secteurs du divertissement et de la communication : le téléphone cellulaire,
la télévision et la production audiovisuelle dont les réalisateurs empruntent déjà aux
mythes du jeu vidéo pour en tirer une partie de leurs sujets de séries ou de films !
Quant à son empreinte culturelle sur notre société, elle ne cesse de grandir, dépassant à la
fois les bornes des Etats et celle des continents car le jeu vidéo, produit par une industrie
très globale, est, depuis sa naissance il y a une quarantaine d’années (Atari et les jeux dits
« d’arcade ») un bien de consommation planétaire ; c’est une industrie comparable, à bien
des égards, à ce que furent le cinéma au début du XX° siècle et la télévision après la
seconde guerre mondiale : un divertissement promis à une audience sans frontière ! Ces
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Usages & pratiques du jeu vidéo
jeux d’un nouveau type sont donc, démontre S. Genvo, symboliques du bien socioculturel
trans-frontières propre à notre époque ; ils sont un pur produit de la société d’information
et de communication dont l’empire ne se borne pas là car ce média, extrêmement créatif,
fait sentir ses effets sur bien d’autres productions culturelles comme le cinéma, la bande
dessinée, l’expression télévisuelle etc., toutes productions avec lesquelles apparaissent de
nombreux points de convergence. L’art du récit en subit les retombées, par exemple,
comme il avait subi l’influence du scénario cinématographique dans les années 1930 et
suivantes.
3/ Du jeu sérieux à l’apprentissage ?
Phénomène dérivé du divertissement ludique, le « jeu sérieux » (qui a donné lieu à une
consultation de recherche intéressante au début de l’été 2009) se répand comme une
traînée de poudre dans de nombreux domaines. Expression paradoxale, cet oxymore
souligne bien l’influence qu’exerce désormais le jeu vidéo sur la pédagogie et sur la
découverte du monde par les jeunes ou par les moins jeunes.
Le jeu sérieux se prête bien à l’apprentissage du geste et des situations professionnelles
concrètes (ex. diagnostic ou dépannage de moteurs ou de machines) ; il est largement
pratiqué dans l’aéronautique, dans l’armée, dans les industries mécaniques. On découvre
aussi d’autres simulations interactives qui empruntent à l’univers et au style du jeu vidéo
pour découvrir la nature ou certaines de ses lois : simulation des marchés, des circuits
électriques, des échanges économiques ou des enjeux sociaux 1. Le désir de jouer se
combine aussi bien avec la découverte des concepts scientifiques qu’avec l’apprentissage
des comportements professionnels, même lorsque les apprenants sont d’un niveau
universitaire (ex. pour le management des hommes) ou équivalent (ex. les simulateurs de
vol ou de situations tactiques). Dérivés du jeu vidéo ludique, ces nouveaux instruments
rajeunissent les pédagogies actives qui ont marqué les écoles de management depuis les
années 1970. Les échanges qui ont suivi la présentation de S. Genvo ont bien souligné la
place importante que le jeu vidéo prendrait à l’avenir dans l’enseignement scolaire, voire
même universitaire, ainsi que dans les pédagogies associées à la formation des
adolescents et des adultes. Apprendre en jouant ? N’est-ce pas une recette éternelle
qu’ont explorée tant de grands pédagogues, depuis des siècles ?
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J’ai amplement exploité, dans un cadre aujourd’hui disparu, les ressources pédagogiques des jeux
d’entreprise et la pédagogie active qui les accompagnaient dans les années 1975 à 1985 : nous avions
développé et mis en exploitation trois simulateurs (économie sociale, gestion de projet et de marché
concurrentiel) pour le compte notamment du Centre des jeunes dirigeants (CJD) et des groupes industriels
Matra, Chausson et Total. Les technologies interactives que nous utilisions à l’époque ne venaient qu’à la
cheville de nos instruments d’aujourd’hui, mais l’efficacité de cette forme d’apprentissage a fait ses
preuves auprès du management exigeant de ces grandes entreprises !
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
4/ Rôle du consortium académique « Game consort »
Cette rencontre inaugurait un échange régulier entre professionnels du jeu vidéo et
enseignants-chercheurs. Constitué par une cinquantaine de spécialistes du jeu vidéo le 15
novembre 2007 à l’invitation de l’IDATE de Montpellier, le consortium académique
« Game Consort » (que j’ai l’honneur de présider !) a pour objet social de rassembler tous
ceux dont les recherches sont dédiées au jeu vidéo, que ce soit en sciences sociales ou en
sciences « dures » 2 ! Son propos est de rapprocher les préoccupations de l’industrie,
celles des créateurs actifs dans ce domaine et les thèmes de recherche propres à
l’université : constructeurs, producteurs et studios d’un coté ; recherches sur l’image, sur
les logiciels, sur les systèmes, sur les usages et sur l’impact des techniques de l’autre.
Le domaine des jeux induit un spectre très large de problématiques qui ne concernent pas
les seules technologies: de nombreux chercheurs en sciences humaines (économie, social,
esthétique, communication etc.) en ont fait leur champ de compétence et de curiosité.
Mais cette diversité de cibles a rendu difficile l'identification d'une "communauté"
académique et de son objet de recherches, en particulier vis-à-vis des acteurs industriels.
Afin d'améliorer la concertation et la visibilité des chercheurs travaillant sur le jeu vidéo,
j’avais proposé d’établir une charte pour sceller la volonté de coopération des parties
concernées : enseignement, recherche et industrie. Cette charte existe désormais et
Gameconsort 3 en est le support concret.
Pour que cette volonté de coopération trans-disciplinaire (propre notamment à ce qui
touche de nos jours l’information et la communication) se maintienne, le consortium
multipliera les initiatives dans les mois à venir. La rencontre du 29 mai 2009, dont les
pages suivantes résument le contenu, en fut la première manifestation au sein de notre
communauté universitaire. Je souhaite avec ardeur que la série continue et que les bonnes
volontés se multiplient pour lui donner corps !
Jean Pierre CHAMOUX
Septembre 2009.
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Voir un résumé de ses objectifs en annexe 3.
www.gameconsort.com, site hébergé à Montpellier par l’IDATE. On trouvera en annexe 4 un résumé
d’une récente analyse empirique réalisée par le département compétent de cet institut.
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Usages & pratiques du jeu vidéo
Introduction
LE JEU VIDEO :
SYNTHESE ECONOMIQUE
Annick DECOUX, professeur
Directrice du Laboratoire de psychologie économique (LPE)
IUT de Paris - Université Paris Descartes
Le Laboratoire de Psychologie Economique -premier laboratoire de
recherche en sciences humaines implanté dans un IUT tertiaire en France- a
été créé en 1972 par le professeur Paul Albou, au sein de l’Université Paris
Descartes. Le LPE a pour objet de « promouvoir l’étude scientifique des
conduites économiques » ; le mot-clé étant conduite, vocable que l’on doit
entendre comme une séquence de comportements qui a un sens pour le sujet;
et ce, dans la double acception du mot sens, à savoir : une signification et
une direction.
Un domaine aussi éminemment marqueur de présent et porteur d’avenir que le jeu vidéo
se devait donc d’être exploré dans cette double perspective, qu’il s’agisse, en
l’occurrence, de l’analyse des pratiques des joueurs en Europe, que nous verrons avec
Patrice Chazerand dans un premier temps ou, encore, de l’avènement d’une nouvelle
« culture-industrie », comme l’exposera Sébastien Genvo dans un second temps.
Cela étant, en guise d’introduction à notre rencontre de recherche 4, je souhaiterais tout
d’abord, présenter un bref historique du jeu vidéo, mettre ensuite en exergue le poids
économique de l’industrie vidéo-ludique, en particulier au niveau mondial et au plan
français et, enfin, aborder quelques grandes évolutions récentes dans le secteur en
question.
1/ Historique du jeu vidéo
Les premiers balbutiements de cette histoire sont repérables dès 1951 avec l’idée même
qu’en a eue le véritable inventeur : l’ingénieur allemand de télévision Ralph Bauer. Une
décennie plus tard, un programme pour un jeu de combat spatial est développé au MIT
sur un ordinateur Programmed Data Processor-1 (PDP-1) de la firme Digital Equipment
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Qu’en particulier Laurent Michaud (Game Consort/IDATE Montpellier), Patrice Chazerand (ISFE,
Bruxelles), Sébastien Genvo (IUT-Université de Limoges), Jean-Pierre Chamoux (LPE-Université Paris
Descartes) - sans qui le projet n’aurait pas vu le jour – ainsi que le public présent à l’IUT le 29 mai soient,
ici, chaleureusement remerciés.
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Corporation (DEC) et le jeu Space War (élaboré par Steve Russel, Martin Graetz et
d’autres étudiants du MIT) est achevé, après 200 heures de travail, en avril 1962. Les
années 1960 voient l’apparition d’autres jeux tels Chase Game (dont le prototype a été
monté par Bauer et Tremblay en 1968) auquel succède, en 1972, le légendaire Pong (de
Nolan Bushnell) qui, pour la première fois, connaît le succès auprès du grand public et
donne ainsi le coup d’envoi à l’industrie vidéo-ludique.
Une étape décisive est ensuite franchie en 1985, avec la sortie en Amérique du Nord, en
Asie et en Europe de la NES (Nintendo Entertainment System) qui fixe les normes pour
les consoles suivantes, et la mise sur le marché du premier « killer game » du monde des
jeux vidéos au sens marketing du terme, c’est-à-dire : un jeu qui, à lui seul, justifie
l’achat de la console: Super Mario Bros., premier jeu de plate-forme véritablement
moderne qui inaugure la conception de jeux plus riches et ouverts à tous les publics.
Dès lors, on assiste à l’explosion du secteur et des personnages comme Mario, Sonic,
Pac-Man ou Donkey Kong deviennent mythiques à l’échelle de la planète. Le boom se
confirme dans les deux décennies suivantes et, en 2002 par exemple, quelle que soit la
plate-forme utilisée, on recense déjà 430 millions de joueurs soit environ 7% de la
population mondiale (source : Zona Inc.).
2/ Importance économique de l’industrie vidéo-ludique
Si l’on considère maintenant le marché mondial de l’ensemble des segments (à savoir :
consoles, logiciels et accessoires), celui-ci a dépassé en 2008 les 41 milliards d’euros
contre 25 milliards en 2003 (source : IDATE), ce qui représente une progression de 64%
en 5 ans. Et la répartition s‘établit sur la base de la « triade » désormais classique : 42%
pour les Etats-Unis, 34% pour l’Europe (soit 14 milliards d’euros) et 24% pour le Japon.
Remarquons à ce sujet que, depuis le début du troisième millénaire (2002 précisément),
le chiffre d’affaires mondial de l’industrie vidéo-ludique surpasse celui du cinéma et les
prévisions actuelles placent le marché des jeux vidéo devant tous les autres secteurs de
divertissement et des médias, à l’exception toutefois de la publicité en ligne (source :
PricewaterhouseCoopers 2008). De plus, on peut constater que le secteur en question
demeure, de façon assez remarquable, quasi imperméable au phénomène du piratage.
Quant à la France, des études récentes (cf. TNS Sofres 2007 et Institut Gfk 2009) montrent
que le marché intérieur du jeu vidéo n’a pas véritablement été affecté par la crise
puisqu’il a dégagé un chiffre d’affaires supérieur à 3 milliards d’euros en 2008, contre
2,96 milliards l’année précédente, déjà année record pour le secteur. Et, toujours en 2008,
on a pu enregistrer une progression du volume des ventes dépassant 20%.
Ainsi, force est de constater que, de nos jours, plus de 28% des Français sont désormais
des joueurs, dont un quart en ligne, notamment de jeux en réseau multi-joueurs. Et l’on
ne peut pas, à ce propos, ne pas mentionner le célèbre World of Warcraft, de type
MMORPG (Massively Multiplayer OnLine Role Playing Games) développé par la société
Blizzard Entertainment pour Vivendi Games ; jeu apparu en 1994 et devenu, depuis 2005,
le plus populaire au plan planétaire avec, aujourd’hui, quelques 12 millions de comptes
actifs. Par ailleurs, on estime que le montant global des abonnements français en ligne
s’élève actuellement à environ 75 millions d’euros.
Enfin, il est encore à souligner que l’industrie vidéo-ludique compte, dans notre pays, 430
entreprises implantées un peu partout sur le territoire avec, toutefois, une forte
concentration dans cinq régions avec, en tête, l’Ile de France et Rhône-Alpes, et qui
emploient, au total, plus de 10.000 personnes (chiffres 2008).
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
3/ Evolutions récentes dans le secteur
A l’évidence, comme on vient de l’évoquer, le marché du jeu vidéo est « en pleine
conquête » ce qui s’explique principalement par la mise sur le marché (dès 2006) des
consoles de dernière génération (telles la Wii de Nintendo, la Xbox360 de Microsoft ou la
PS3 de Sony), arrivée qui a profondément bouleversé la typologie du secteur. En effet, le
jeu vidéo, désormais multiforme et multi-publics (en termes de sexe, d’âge ou de
motivation) est en passe de s’installer comme divertissement familial à part entière, au
même titre que le cinéma et la télévision, et, plus encore que ces derniers -ce qui, à n’en
point douter, est une des clés du succès en termes de modernité- peut se consommer à
l’envie : seul, à quelques-uns ou en très grand nombre (des centaines, voire des milliers
de joueurs en ligne en simultané), chez soi ou à l’extérieur et, encore, de manière fixe ou
mobile.
Ainsi, au delà de la seule distraction (des débuts) pour jeunes gens (plutôt, d’ailleurs, des
garçons) avec des genres comme le combat, l’action, l’aventure, le jeu de rôle etc. Les
développeurs ont désormais imaginé, entre autres : des jeux d’éveil pour les tout-petits,
des jeux éducatifs pour enfants (y compris dans le cadre scolaire), des serious games pour
adultes permettant, notamment dans le monde de l’entreprise, de recruter ou de
transmettre un savoir-faire, des casual games (par exemple : dans le domaine de la
pratique musicale, du sport ou de la remise en forme tant physique que cérébrale) à
destination de publics plutôt néophytes, tel celui des femmes, pénétrant aussi, maintenant,
le marché des seniors (cf., à titre d’illustration, le récent partenariat, fin 2008, de Medica
avec Nintendo afin d’équiper de consoles Wii les 89 maisons de retraite gérées par le
groupe).
En outre, pour l’anecdote, on ne résiste pas à faire état du tout récent jeu de stratégie en
ligne Trillon Dollar Bailout (conçu par Addicting Games.com, filiale de MTV Networks et
sorti en février 2009) résolument en phase avec l’actualité puisqu’il s’agit d’un plan de
sauvetage de l’économie où l’internaute Joe the taxpayer dispose d’un budget virtuel de
1.000 milliards de dollars afin de sauver des propriétaires en détresse et de récompenser
ou de punir des patrons plus ou moins scrupuleux. En présence d’un tel exercice que l’on
peut apparenter à une forme de démocratie directe, d’aucuns se laisseront peut-être aller à
rêver que des simulations de cette nature pourraient donner des idées à nos dirigeants
politiques ? En d’autres termes : à quand une cyber-gouvernance ?
Par ailleurs, quant aux évolutions attendues, ajoutons qu’outre les consoles de dernière
génération et l’élargissement de la cible des joueurs, une autre dimension de la mutation
en cours réside dans le fait que l’industrie du jeu vidéo se tourne dès à présent vers de
nouvelles plate-formes de distribution et, dans un monde de plus en plus nomade,
l’iPhone ne manquera sans doute pas d’en être.
4/ En guise de conclusion (toujours provisoire en un tel domaine !)
Enfin - et sans oublier la dimension esthétique (des plus décisives d’ailleurs, ici)- on ne
peut manquer d’évoquer, dans un pareil sujet, les fantastiques avancées technologiques à
la fois permises par et mises au service des jeux vidéo : progrès décisifs pour l’avenir car
ouvrant largement « l’éventail des possibles », selon la belle expression de Bertrand de
Jouvenel à propos des scenarii de la prospective. A ce propos, on pense en particulier à la
« réalité augmentée », aux « mondes persistants » et, bien sûr, par-dessus tout, à ce
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
foisonnement d’univers littéralement « extra-ordinaires » mixant utopie et réalité. Pour ne
donner qu’un exemple - mais pas des moindres - citons le fameux univers de Second Life
où l’on retrouve, parmi les avatars de toutes sortes : de grandes firmes multinationales,
des ambassades, des universités, des partis politiques, etc. (tous bien réels !) ainsi qu’une
florissante économie de nature « utopico-réelle » s’exprimant en Linden dollars.
Au final, ce qui est en train de se jouer – au sens le plus sérieux du terme - c’est quelque
chose d’inédit dans l’histoire des hommes, à savoir : l’interactivité entre le monde de la
réalité - implacablement singulier, unidirectionnel et borné - et le monde de la virtualité,
résolument pluriel, protéiforme et illimité, quant à lui …
Annick Decoux
Juillet 2009.
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Usages & pratiques du jeu vidéo
Première partie : les usages, aujourd’hui
Le jeu en pleine évolution
Patrice Chazerand, secrétaire général,
Fédération européenne des logiciels de loisir5
Fondée en 2002, la Fédération européenne des logiciels de loisir (ISFE)
répondait au besoin d’une industrie jeune (moins de trente ans) d’organiser
sa reconnaissance en tant que secteur dont l’influence va croissant sur
l’économie et sur certains aspects majeurs de la vie en société.
L’une des priorités initiales de l’ISFE consistait à concevoir et à mettre en place, dès avril
2003, le premier et le seul système harmonisé de classification des contenus numériques
en Europe, PEGI (Pan-European Game Information). En effet, la moyenne d’âge des
joueurs avait déjà amorcé son ascension qui l’a menée de la catégorie des adolescents
vers celle des jeunes adultes ; elle s’établit aujourd’hui autour de 30 ans en Europe. Rares
étaient les pays où la puissance publique se préoccupait de classifier tout ou partie des
jeux offerts au public: Royaume-Uni, Finlande, Portugal. Il convenait dès lors de fournir
aux consommateurs, et en premier lieu aux parents, une grille recommandant l’âge visé
par les jeux, grille que les parents seraient libres d’interpréter en fonction de la maturité
de chacun de leurs enfants.
Images PEGI
Le succès confirmé de l’auto-régulation PEGI auprès des consommateurs européens vient
valider cette initiative et récompenser un secteur qui a ainsi témoigné d’un sens aigu de
ses responsabilités sociales. Mais la protection des mineurs n’était qu’un début.
Conscient du fait qu’il lui fallait prendre en main son destin s’il voulait s’épargner
d’injustes critiques essentiellement fondées sur sa nouveauté dans l’univers des médias et
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La Fédération européenne des logiciels de loisir (ISFE) a été créée en 2002 sous le forme juridique d’une
association internationale sans but lucratif à but scientifique et pédagogique. Elle comprend 24 membres,
dont 12 éditeurs de jeu et 12 syndicats professionnels nationaux (www.isfe.eu)
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Usages & pratiques du jeu vidéo
sur l’innovation constante qui caractérise ses produits, logiciels et matériels confondus, le
secteur du jeu vidéo a multiplié les actions destinées à explorer l’ensemble des usages des
jeux vidéo : la création d’un groupe permanent d’experts, multinational et pluridisciplinaire, conviés à se réunir une fois par an pour débattre de l’état de l’art dans
divers domaines de leur compétence (psychologie, pédagogie, économie, sociologie etc.),
sondages annuels auprès des joueurs confiés à Nielsen Interactive Europe, projet
« Games in Schools » mené en coopération avec le « European Schoolnet », sans compter
la participation de l’ISFE à de nombreuses conférences, ateliers et rapports officiels sur le
jeu et l’éducation, la violence dans les jeux et sur l’internet, la régulation éventuelle de ce
nouveau média, la gouvernance des mondes virtuels, etc.
Parce qu’un tel foisonnement impose une sélection, cet article se bornera à examiner
deux usages du jeu vidéo qui sont l’un et l’autre d’une grande actualité aujourd’hui : le
jeu comme divertissement et le jeu comme outil pour faciliter l’acquisition de savoir.
1/ Le jeu vidéo en tant que divertissement.
L’étude Nielsen 2008, étendue à 15 pays 6, a porté sur un échantillon de 400 joueurs par
pays, âgés de 16 à 49 ans. Ses principaux enseignements sont les suivants :
- L’âge moyen du joueur européen est en augmentation rapide : 33 ans au
Royaume-Uni, 30 ans en Finlande, 26 ans en Espagne en 2008.
- La pratique du jeu augmente, elle aussi, au sein de cette population pour
atteindre 19% des 16-24 ans qui jouent plus de 11 heures par semaine et 25% des
30-49 ans qui jouent entre 6 et 10 heures par semaine.
- Quand on leur donne la parole, 80% des joueurs européens avouent choisir ce
mode de divertissement par plaisir « for the fun of it » et plus de la moitié d’entre
eux (55% ) y trouvent une occasion de se détendre. On peut en conclure que le
jeu vidéo porte bien son nom : c’est avant tout du jeu, en dépit de la progression
constante de l’âge des joueurs.
- Il est aussi très intéressant de comparer l’impression que laissent les jeux vidéo
sur les gens qui le pratiquent, notamment par comparaison avec les loisirs
audiovisuels comme le cinéma ou, surtout, la télévision devant laquelle les
européens passent pratiquement partout une moyenne de trois heures par jour.
Il est raisonnable d’en déduire que le jeu vidéo est un passe-temps sain. L’étude Nielsen
2008 permet également de mieux cerner la remarquable montée en puissance du jeu en
ligne. Cette pratique, à nouveau, concerne d’abord les plus jeunes : si 62% en moyenne
des joueurs interrogés déclarent jouer en ligne, ce ratio s’élève à 70% chez les
adolescents contre 52% chez les 40-49 ans. Elle affecte davantage les pays scandinaves,
le centre et l’Est de l’Union européenne que le cœur de nos régions : pour une moyenne
de 62% en Europe, on enregistre : 78% en Norvège, 76% en Pologne et Lettonie, contre
60% en France et 41% en Espagne.
La table suivante est instructive à cet égard.
6
Allemagne, Autriche, Benelux, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Lettonie, Norvège, Pologne,
République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse
LPE
13
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Que cherchent les joueurs dans la pratique des jeux vidéo ?
Comparaison
entre :
Se divertir
« Fun »
Stimuler
l’imagination
Remueméninges
Maintenir
sa
forme mentale
Jeu vidéo
72 %
57 %
45 %
42 %
Cinéma
68 %
48 %
38 %
25 %
TV
48 %
35 %
42 %
26 %
(source : Nielsen 2008)
Parce que son attrait principal est de permettre le jeu compétitif à plusieurs, le jeu en
ligne augmente la dimension sociale du jeu vidéo : si 13% des joueurs interrogés citent
celle-ci parmi leurs motivations pour jouer, la proportion double (27%) chez les joueurs
en ligne pour atteindre 32% chez le joueurs en ligne de moins de 25 ans. Ainsi l’instinct
de compétition est bien au cœur de cet engouement pour les jeux en ligne.
La montée en puissance du jeu en ligne :
Typique de la nouvelle génération :62% en moyenne mais
- 70 % chez les ados
- 52 % chez les 40-49 ans
Usage typé géographiquement :62% en moyenne mais
- 78 % en Norvège
- 76 % en Pologne, Lettonie
- 60 % en France
- 41 % en Espagne
Impact social : 13 % des joueurs citent la dimension sociale comme motivation pour jouer.
La proportion double (27 %) chez les joueurs en ligne (32 % chez ceux de moins de 25 ans)
Le classement par plate-forme (ordinateur domestique, console diverses etc.) ne manque
pas non plus d’intérêt : il établit respectivement que les joueurs jouent à 61% sur PC, à
45% sur la PS2 de Sony, à 17% sur la Wii de Nintendo, à 15% sur la PS3 de Sony, à 14%
sur la Xbox 360, à 13% sur la PSP et à 12% pour la DS. Certes ces données, publiées en
2008, portent sur l’année 2007. Mais on peut penser que si elles ne reflètent pas (encore)
l’engouement massif pour la Wii et les consoles portables, c’est que ce phénomène
s’observe surtout sur les marchés les plus murs et les plus solvables, essentiellement dans
la partie occidentale de l’Europe (Grande Bretagne, RFA, France, Hollande etc.) .
LPE
14
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Consoles portables
Consoles de salon
7,4
millions
Nintendo
Nintendo
Wii
3,2
millions
DS
1,4
million
2,3
millions
PS3
PSP
1,3
million
Xbox 360
Parc installé de consoles en France à fin mai 2009
Origine entreprises, source GfK - LSA
En ce qui concerne les parents, segment de pratiquants cher à l’ISFE puisque c’est pour
leur usage qu’a été conçu le système de classification PEGI, ceux que Nielsen a
interrogés (rappelons qu’ils sont tous joueurs) citent dans cet ordre les raisons de jouer
avec leurs enfants : 67% jouent à la demande de l’enfant ; 54% jouent pour jouir d’un
divertissement en famille ; 47% souhaitent passer « un bon moment » avec les enfants ;
34% souhaitent surveiller le contenu du jeu que pratiquent leurs enfants ; et 24% des
parents expriment le besoin de surveiller le temps consacré aux jeux vidéo par leurs
enfants . La notion de contrôle vient en dernier: étant eux-mêmes joueurs, leur
perception du jeu n’est pas – ou moins – celle d’une menace que celle d’un
divertissement, là encore !
A la demande de l’enfant
67 %
Fun pour toute la famille
54 %
« Quality time » avec l’enfant
47 %
Surveillance du contenu
34 %
Maîtrise du temps de jeu
24 %
Raisons pour les parents de jouer avec leurs enfants
Quant à PEGI, 80% de ces parents « éclairés » déclarent ce système utile ou très utile.
Mais 57% d’entre eux ne sont pas certains de reconnaître spontanément les descripteurs
LPE
15
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
PEGI sur les boites de jeu. Ces icônes qui expliquent les raisons de recommander tel ou
tel âge via le logo adéquat, 47% des parents avouent en effet avoir du mal à les
comprendre. Et 81% d’entre eux ne reconnaissaient pas le label « PEGI Online » au
moment de l’enquête, ce label ayant été lancé, il est vrai, en juin 2007.
2/ Le jeu, instrument d’appropriation de savoir ?
L’ISFE n’a éprouvé que récemment l’intérêt de faire la lumière sur les usages
pédagogiques du jeu vidéo. Cela s’explique parce que, à la différence de la protection
des mineurs, les experts, psychologues et pédagogues notamment, s’étaient de longue
date emparés du sujet ! Une conférence organisée par l’OCDE en Octobre 2007 sous le
titre « Videogames and Education » a effectivement recensé un nombre impressionnant
d’expériences menées à travers le monde 7 sur l’acquisition de compétences et de savoir
par le biais du jeu (www.enlaces.cl/seminariovideojuegos).
Experts de l’éducation et de la relation entre jeu et éducation, enseignants, créateurs et
administrateurs du jeu, éditeurs et industriels étaient invités à procéder à un état des
lieux et à émettre des recommandations. Parmi celles-ci, certaines ont été largement
corroborées par la recherche de terrain qui a été menée depuis en Europe :
- parce qu’ils sont différents de leurs aînés, les jeunes apprennent différemment.
La technologie numérique, y compris le jeu vidéo, occupe une place de choix
dans leur apprentissage du monde qui les entoure ;
- les systèmes éducatifs traditionnels sont mal adaptés à l’accueil et à la
valorisation de ce que certains appellent « le nouvel élève » ;
- à l’inverse, des entreprises purement commerciales, tels les éditeurs de jeu
vidéo, gagnent aisément les cœurs et les esprits des jeunes (Sefton-Green,
2003) ;
- la pédagogie classique devrait s’ouvrir à la « société du savoir numérique » et
s’efforcer de lancer des ponts entre école et vie réelle .
Les experts réunis à Santiago ont aussi tenté de décrypter les mécanismes qui font du
jeu vidéo un excellent outil d’apprentissage : engagement personnel et partiellement
ludique 8 : objectifs clairs, retour (feedback) instantané, défi relevé, sentiment de
maîtrise. On peut citer à ce propos :
- l’apprentissage de pratiques et techniques professionnelles (cf. David Shaffer
et ses jeux « épistémiques », http://epistemicgames.org), Harvard Business
review (http://hbr.harvardbusiness.org/2008/05/leaderships-online-labs/ar/1)
- la découverte des règles et de l’intérêt qui s’attache à les respecter : comme les
sportifs à nouveau, les joueurs se plient volontairement à un réseau de règles à
l’intérieur duquel ils vont donner libre cours à leur virtuosité ou leur ingéniosité.
Sauf le caractère facultatif de l’adhésion, ceci n’est pas très éloigné du contexte
scolaire ;
7
à commencer par le Chili, qui accueillait cette conférence
on ne dira jamais assez combien les joueurs, comme les sportifs en quête continuelle de dépassement,
sont des adeptes du « hard fun » et non du plaisir facile
8
LPE
16
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
- pour que ces bénéfices soient tangibles, le jeu doit être intégré au curriculum
et soutenu par une méthode pédagogique spécifique.
Pour sa part, John Dowell (http://www.oecd.org/dataoecd/44/16/39414809.pdf University College, Londres) résume la novation apportée par le jeu au mécanisme de
l’apprentissage : le dispositif pédagogique n’est plus centré sur le maître mais sur
l’élève . Ce faisant, il donne une clé pour comprendre les résistances manifestées ici ou
là par le corps enseignant face aux nouveautés de cet ordre. John Dowell suggère de
compléter le savoir dispensé de manière traditionnelle par une approche fondée sur je
jeu vidéo, c’est-à-dire offrant les caractéristiques suivantes qu’il souligne :
- « Learning by doing » : faire l’expérience virtuelle de situations réelles, sans
mode d’emploi mais sans risque
serait un bon moyen de faciliter
l’apprentissage,
- « Learning as a social process » revient à prendre ses pairs pour ressource, à
négocier leur assistance dans le contexte d’un groupe social, et non plus par un
acte solitaire,
- « Thorough engagement, emotions » en s’immergeant totalement dans une
situation simulée, au-delà du simple investissement intellectuel, le joueur suit
une démarche qui est aux antipodes de la méthode du « par cœur » et qui fait
moins intervenir la mémoire mécanique que la mémoire des situations.
Meilleure motivation des élèves
21 %
Participe aux objectifs pédagogiques
19 %
Souplesse d’utilisation
17 %
S’intègre au programme
13 %
Facilité d’emploi
13 %
Valeur pédagogique (feedback)
10 %
Se prête au travail de groupe
10 %
Stimule la créativité
2%
Attente des enseignants à l’égard du jeu
3/ Besoin d’une confirmation empirique
L’ISFE a bien senti que ce sujet mérite un complément de recherche empirique. Elle en
a chargé le réseau « European Schoolnet », ce réseau de trente et un ministères de
LPE
17
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
l’Education, réunis dans le cadre d’un projet intitulé « Games in Schools » 9. Le rapport
de ce groupe de réflexion est public ; il se trouve sur ce lien :
http://games.eun.org/upload/gis-synthesis_report_en.pdf.
Curieusement,
les
enseignantes ont été légèrement (52%) plus nombreuses à répondre à cet appel à
coopérer que leurs collègues masculins. Qui a dit que le jeu vidéo était un
divertissement « mâle » ?
La répartition entre niveaux d’enseignement (primaire, secondaire essentiellement)
montre une nette supériorité de l’intérêt exprimé pour le jeu vidéo au sein des classes
primaires (40%), cela sans doute en raison du temps disponible pour l’éducation qui se
réduit à mesure que se chargent les programmes traditionnels ? Le début du secondaire
est concerné pour 27% et la fin de ce cycle à hauteur de 22%.
Autre surprise : 57% des enseignants qui utilisent le jeu se déclarent d’un niveau moyen
à cet égard (28% avouent débuter et 15% d’entre eux seulement se proclament experts
des jeux vidéo). Il est donc entendu que l’enseignant n’a pas besoin de surpasser ses
élèves par sa pratique du jeu vidéo pour prendre en considération l’usage de ce support
pédagogique en classe. Les caractéristiques utiles prêtées au jeu vidéo par ceux des
enseignants qui l’utilisent effectivement s’énoncent ainsi:
- 21% des enseignants s’attendent à une motivation accrue de la part des élèves ;
19% approuvent son intégration aux objectifs pédagogiques ; 17% apprécient sa
souplesse d’utilisation ; 13% acceptent son intégration au curriculum ; 13%
admettent sa facilité d’emploi ; 10% reconnaissent sa valeur pédagogique ;
10% jugent utile son adaptation à l’usage en groupe ; et 2% croient que le jeu
vidéo stimule la créativité des élèves ;
- les principaux obstacles rencontrés dans cette pratique en classe sont : pour
33% des enseignants interrogés, l’adaptation aux programmes est un obstacle ;
pour 27% d’entre eux, le nombre de PC disponibles en classe est insuffisant ;
23% de ces enseignants expriment une attitude négative à l’encontre du jeu ;
20% affirment manquer de temps pour l’utiliser ; 17% des maîtres estiment
encore manquer d’information sur cette pratique ; 15% sont inquiets du
comportement des élèves (incompatibilité entre le divertissement et la classe ?) ;
pour 10% des enseignants, enfin, le coût (de ces outils est trop élevé tant pour
les achats que pour la formation nécessaire des maîtres...
- les administrations centrales de l’éducation ont une conception très variable de
l’utilisation du jeu à l’école : en France, le propos est surtout de soutenir les
élèves en difficulté ; aux Pays-Bas, en Autriche et en Italie, de moderniser le
système éducatif ; au Royaume-Uni, de stimuler l’innovation et le
développement de capacités avancées. Quant au Danemark, il dépasse les jeux
et se voue à préparer ses citoyens à faire le meilleur usage des mondes virtuels.
En conclusion, le projet « Game in Scools » a mis en lumière la grande disparité entre
objectifs, méthodes et résultats de ces pratiques éducatives, selon les pays. Tous
s’accordent cependant à identifier cette condition sine qua non à l’utilisation
pédagogique du jeu : elle demande un engagement des enseignants à la mesure de
9
369 enseignants répartis dans 8 pays (Autriche, Danemark, Espagne, France, Italie, Lituanie, Pays-Bas,
Royaume-Uni) ont participé à cette vaste enquête qui concernait la gamme intégrale des jeux (éducatifs,
commerciaux, « sérieux ») et toutes les plates-formes.
LPE
18
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
l’immersion de leurs étudiants dans l’univers du jeu. On retrouve là la théorie du
coaching chère à Simon Egenfeldt-Nielsen et, à nouveau, sa similitude avec la pratique
du sport. En bref, le jeu vidéo semble en mesure d’apporter un complément utile aux
modes traditionnels d’acquisition du savoir. Il ne souhaite pourtant ,ni ne saurait, s’y
substituer.
(http://www.learninginvideogames.com/research-and-papers/beyondedutainment-a-dissertation-by-simon-egenfeldt-nielsen/).
4/ Notice bibliographique:
- Buckingham, D. & Sefton-Green, J. London: (1994): Cultural Studies goes to school:
Reading and Teaching Popular Culture, Taylor and Francis
- Dowell,J., Smith,W. (1999). Designing case-based learning. The European Cognitive
Science Conference (EuroCogSci 99) Bagnara,S. (ed.) , 453-458
- Egenfeldt-Nielsen S. (2005) Beyond Edutainment: Exploring the educational
potential of videogames PhD thesis, IT University of Copenhagen
- Egenfeldt-Nielsen S. (2006) Overview of research on the educational use of
videogames. Digital Kompetanse, 3(1), 184-213
- Egenfeldt-Nielsen S. (2007) Third Generation Educational Use of Computer Games.
Journal of Educational Multimedia and Hypermedia, 16(3)
- Kutner L., Olson C. K. (2008): Grand Theft Childhood, Simon & Schuster
- Sefton-Green, J. London (1998): Digital Diversions: Youth Culture in the Age of
Multimedia UCL Press
- Sefton-Green, J. Bristol: (2004): Literature Review in Informal Learning with
Technology Outside School REPORT 7 Futurelab
- Sefton-Green, J.: Informal Learning: Substance or Style?’ Teaching Education 2003
(13) 1.
- Sefton-Green, J.: ‘Changing the Rules? Computer Games, Theory, Learning and
Play’: The Cultural Politics of Education Vol. 26.N°3. Sep 2005 pp:411-419
- Shaffer D. W. (2007) How videogames help children learn. New York: Palgrave
Macmillan.
- Tscholl,M., Dowell,J. (2003). Collaborative Learning from an Analogy. The 25th
Meeting of the Cognitive Science Society,
- Tscholl,M., Dowell,J. (2003). Collaborative Learning with Multiple Cases. The 10th
ISPE International Conference on Current Engineering, Jardim-Goncalves,R., Cha,J.,
Steger-- Garcao,A. (ed.) AA Balkema Publishers
-R. Willet, R. and Sefton-Green, J. : ‘Living and Learning in Chatrooms (or does
informal learning have anything to teach us ?) Education et Sociétiés 2002:2.
Patrice CHAZERAND
Juillet 2009.
________________________________
LPE
19
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Deuxième partie : une nouvelle culture ?
Avènement d’un « bien culturel »
Sébastien Genvo, maître de conférences,
Université de Limoges
Cet article met en forme notre présentation des enjeux culturels du jeux vidéo, préparée
pour la rencontre de recherche organisée par le Laboratoire de psychologie
économique & par Gameconsort. Les thèmes abordés demandent à être approfondis.
Pour compléter sa réflexion, le lecteur pourra se référer à notre ouvrage : « Le jeu à
son ère numérique : Comprendre et analyser les jeux vidéo » paru en 2009 aux éditions
10
L’Harmattan .
Considérés comme un phénomène de mode pour adolescents jusqu’à la fin des années
1990, les jeux vidéo acquièrent depuis quelques années une légitimité nouvelle qui se
traduit notamment en France par une institutionnalisation de plus en plus marquée dans
les domaines de la culture et des arts. À titre d’exemple, on peut souligner qu’en mars
2006, trois créateurs de jeux vidéo (Michel Ancel, Frédéric Reynal et Shigeru
Miyamoto) ont reçu les insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres.
Cette prise en compte de la dimension culturelle de l’objet s’opère également à travers
l’investissement de passionnés. De nombreux amateurs d’œuvres vidéo-ludiques
concourent aujourd’hui à la constitution d’une mémoire collective, condition nécessaire
à la construction d’une culture du médium. Car ceux-ci établissent un patrimoine des
jeux vidéo à travers différents modes d’appropriation : utilisation d’émulateurs
d’anciennes machines et diffusion (illégale !) sur Internet de contenus ne faisant plus
l’objet d’exploitation commerciale («abandonware»), création d’associations dédiées à
la mise en place d’événements consacrés à l’histoire du phénomène etc.
Des rapprochements commencent à ce titre à apparaître entre certains initiateurs de ces
pratiques et le milieu institutionnel, comme en témoigne le partenariat qu’a établi
l’association Mo5.com avec la Bibliothèque nationale de France, au sujet de la
conservation d’anciennes machines informatiques. Ces différents aspects incitent alors
à l’exploration de nombreux questionnements encore peu évoqués dans la littérature
scientifique française.
Qu’est-ce que cela veut dire, en effet, de considérer le jeu vidéo comme objet culturel ?
Il semblerait aujourd’hui que la dénomination d’industrie culturelle ne puisse guère être
remise en cause pour qualifier ce secteur, si l’on considère que cette notion renvoie aux
« activités industrielles qui produisent et commercialisent des discours, sons, images,
arts » (Warnier, 2004 : 16). Mais l’emploi de ce terme ne doit pas faire oublier que
10
Centre de recherches sémiotiques, [email protected]
LPE
20
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
l’expression «industrie culturelle» fut originellement forgée par Adorno et
Horckheimer, dans une optique d’analyse critique de la standardisation du contenu et de
l’uniformisation des pratiques.
À ce titre, les jeux vidéo suscitent de nombreuses interrogations quant aux
représentations qu’ils seraient susceptibles de véhiculer parmi les peuples, cela au
regard des fortes logiques de globalisation qui structurent leur marché. Des analystes
tels que Stephen Kline (2003) décèlent, par exemple, la présence de thématiques
empreintes de « masculinité militarisé » au sein de ces productions. Néanmoins, les
pratiques d’amateurs que nous avons évoquées ci-dessus incitent aussi à prendre en
compte leurs rôles dans la mise en forme culturelle de l’objet, notamment celles qui
donnent un ancrage historique au domaine et qui sont susceptibles de créer des frictions
avec les logiques du développement économiques.
Cette attention accordée aux pratiques permet de mettre l’accent sur la consommation
comme création, qui va, de ce fait, participer à la production de la culture dans laquelle
elle s’inscrit. Comment en est-on arrivé à parler de mode pour adolescent, en termes
d’entreprise de légitimation mais aussi de perception du public ? Cette interrogation
rappelle la nécessité d’inscrire le domaine dans une généalogie si l’on veut comprendre
la fortune qu’il rencontre de nos jours, en analysant les liens que peuvent nourrir ces
productions avec d’autres secteurs, comme le cinéma ou le complexe militaroindustriel.
À partir de la présentation de quelques jeux-clés qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo,
mon propos sera de délivrer quelques clefs de compréhension des enjeux culturels du
domaine en faisant un lien avec les logiques économiques et technologiques, qui
donnent forme à ce phénomène social de grande ampleur.
1/ L’époque des précurseurs : Spacewar
Les ouvrages qui abordent l’histoire des jeux vidéo débutent généralement cette histoire
par la conception de Spacewar. Souvent considéré comme le premier jeu vidéo, il fut
programmé en 1962 par Steve Russel, étudiant au Massachusetts Institute of
Technology (MIT). L’intitulé de ce jeu est d’ailleurs évocateur à plus d’un titre. Dans
un contexte de guerre froide, l’époque est à la course à l’armement et à la conquête
spatiale. Aux États-Unis, des fonds militaires soutiennent les recherches de plusieurs
institutions telles que le MIT ; les fonds de soutien proviennent notamment de l’agence
des projets de recherche avancée 11 du Pentagone, fondée en 1959. Toutefois, Spacewar
ne résulte pas d’un programme de recherche officiel de l’institut technologique de
Cambridge. Steve Russel est alors membre d’un club du MIT, le Tech Model Railroad
Club (TMRC), qui a pour particularité, outre son activité principale de modélisme
ferroviaire, d’être l’un des creusets du mouvement hacker 12. Selon Steven L. Kent,
ces étudiants du MIT avaient consacré leur vie au bricolage intellectuel. Ils croyaient en
une société coopérative et s’imaginaient vivre dans un monde où les personnes
partageraient l’information – parfois sans regard pour les droits de la propriété. Une
fois qu’ils découvrirent les ordinateurs, ils devinrent connus en tant que hackers.
C’est dans ce contexte que Steve Russel décida de faire le « hack ultime » : un jeu
interactif . En ce sens, la création de Spacewar relevait du détournement de l’usage
11
12
Usuellement dénommée ARPA soit Advanced Research Projects Agency.
Ce terme n’avait pas alors la connotation péjorative que l’on connaît aujourd’hui !
LPE
21
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
d’un des supercalculateurs du MIT, un PDP-1. Il y avait dans Spacewar une véritable
volonté d’en faire un jeu, au risque de s’écarter du réalisme de la simulation. Le jeu de
Steve Russel ne connut pas d’exploitation commerciale mais rencontra un grand succès
au sein des campus universitaires qui disposaient de PDP-1 où le jeu était diffusé
gratuitement et où il connut plusieurs déclinaisons.
En 1969, Nolan Bushnell découvre ce jeu et entreprend la fabrication d’un appareil qui,
à l’inverse des supercalculateurs des universités, ne serait dédié qu’à une seule tâche :
faire fonctionner un dérivé de Spacewar tout en étant plus facile à produire. Nolan
Bushnell eut alors l’idée de placer les circuits électroniques et le téléviseur dans un
caisson auquel il adjoint un monnayeur. Il contracte avec une entreprise spécialisée
dans la construction de machines pour salles de jeux, Nutting Associates, qui produit
1.500 bornes de Computer Space en 1971. Les machines sont installées dans des bars
mais ne rencontrent cependant que peu de succès. Du fait de la complexité de prise en
main du jeu –des pages d’instructions sont fournies avec l’engin– il implique un certain
apprentissage qui convient mal à son nouveau contexte. Spacewar était en effet conçu
pour un public d’étudiants scolarisés dans le supérieur, ayant déjà une certaine
familiarité avec les dispositifs informatiques.
2/ Des instituts de technologie aux consoles et aux salles d’arcade
En 1972, Bushnell crée la société Atari avec un capital de départ de 500 dollars ! Il
demande à un de ses employé, Al Alcorn, de concevoir un jeu de Ping-Pong, à la
représentation graphique minimaliste et de prise en main immédiate : une balle, deux
raquettes de chaque côté de l’écran et un score. Le premier prototype est installé fin
septembre 1972 à la « taverne d’Andy Capp », un bar d’une petite ville de Californie,
avec cette seule instruction : évitez de manquer la balle pour obtenir un haut score.
Le succès est instantané. L’anecdote veut qu’au bout de quelques jours le gérant ait
appelé Al Alcorn pour lui signaler que la machine était tombée en panne. Sur les lieux,
Alcorn constate que la panne est due au trop grand nombre de pièces dans le
monnayeur. Si cette anecdote figure de façon récurrente dans les ouvrages abordant
l’histoire des jeux vidéo, c’est qu’elle est emblématique de la réussite fulgurante,
exponentielle, de cette industrie. À titre d’exemple, alors qu’Atari fut fondé en 1972
avec un capital de départ de 500 dollars, la société affiche déjà un chiffre d’affaire de
3,2 millions de dollars en 1974 ; puis 40 millions en 1976 ce qui qualifie cette
compagnie pour la plus rapide croissance de l’histoire des Etats-Unis, à l’époque. Le
fait que Pong ait été originellement installé dans un lieu public permettait à Nolan
Bushnell et à Al Alcorn d’avoir un retour immédiat des consommateurs sur la viabilité
de leur création, en observant sur le terrain le comportement des joueurs. Comme nous
le verrons, cette pratique allait fixer pour l’avenir le rôle des salles d’arcade 13 comme
terrain d’expérimentation de certains jeux vidéo, avant leur diffusion à une échelle plus
large pour les consoles de salon.
Cette logique de l’observation immédiate du consommateur ne cessa d’être employée
par la suite par les stratégies marketing des industriels : la conception d’un jeu est un
processus au cours duquel les prototypes sont modifiés à la suite des évaluations des
premiers consommateurs.
13
Ce sont des salles de jeux spécialisées dans le jeu électronique.
LPE
22
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
En 1975, Atari produit une console dite « de salon », pouvant se brancher sur un
quelconque téléviseur. Un seul jeu était intégré dans la machine (nommée Home Pong).
La société enregistre un chiffre d’affaire de 40 millions de dollars en 1976 ; cette
réussite incite de nombreuses sociétés à produire des jeux vidéo, elles aussi. Durant
l’année 1976, environ 70 marques sont présentes sur ce marché. Tout comme Home
Pong, ces consoles ne proposent qu’un seul jeu intégré dans leurs circuits, le plus
souvent un dérivé de Pong. De plus, ces appareils devant être vendus à un prix
raisonnables, leurs composants ne permettent pas d’atteindre la qualité technique des
jeux présentés dans les « salles d’arcade ». Cela se traduit par exemple par des
graphismes et des sons plutôt pauvres. De plus, dans les salles d’arcade,
l’environnement imposait également un certain formatage du contenu de ces jeux : « les
patrons des salles de jeux cherchent en effet la rentabilité de leurs investissements.
Cela implique que la durée de jeu ne soit pas trop longue de manière à provoquer une
forte rotation des joueurs. On ne verra donc jamais de jeux trop longs ou trop
complexes dans une salle d’arcade. Pas de jeux d’échecs donc, mais des jeux d’action,
ne nécessitant que peu ou pas d’apprentissages des règles » (Le Diberder, 1998 : 56).
La multiplication des marques qui proposent, pour la plupart, le même type de jeu
entraîna rapidement la saturation du marché et les petits fabricants durent très vite
abandonner la partie, de même que les compagnies plus importantes comme Atari
enregistrèrent leurs premières difficultés. Fin 1976, Atari est racheté pour 28 millions
de dollars par Warner Communications qui est alors l’un des plus importants
conglomérats de médias des années 1970 : Warner était à la fois impliqué dans les
industries cinématographique, musicale et télévisuelle. Ce rachat permet à Atari de
produire en 1977 une nouvelle console de salon, la VCS 14. Outre le fait qu’elle propose
quelques améliorations techniques (comme la gestion du noir et blanc et de la couleur
pour la télévision ou encore l’apport du premier joystick sur console) l’atout majeur de
cette machine réside dans le fait que les logiciels de jeu ne sont plus solidaires de la
machine mais peuvent être chargés par des cartouches qui s’enfichent dans l’appareil.
Ce système de cartouches permet de vendre indépendamment les logiciels et le support
matériel qui le fait fonctionner. Des branches spécialisées apparaissent alors dans cette
industrie naissante : des sociétés sont dédiées au développement de logiciels de jeu
tandis que d’autres produisent les plate-formes. Atari continua toutefois à conjuguer ce
double statut.
3/ Premiers succès et première crise.
La VCS remporte un vif succès, du fait notamment de l’achat par Atari de la licence des
jeux plébiscités en salles d’arcade, jeux qui marquent par ailleurs l’arrivée en force de
firmes japonaises. À titre d’exemple, le jeu Space Invaders, conçu et produit par Taito
en 1978, est adapté sur VCS en 1980, de même que Pac-man, lancé en 1980 par
Namco, est présent sur la console d’Atari. En 1982, le marché de ces jeux représente un
volume financier considérable, au point d’éclipser les secteurs de loisirs traditionnels :
une étude menée aux État-Unis révèle en effet que les consommateurs dépensent neuf
milliards de dollars par an dans les jeux vidéo – huit dans les salles d’arcade et un
milliard à la maison – chiffres supérieurs à ceux du disque et du cinéma. Les jeux vidéo
constituent déjà un marché populaire, un rival potentiel des autres industries du
divertissement sur le plan économique. Autre exemple représentatif: en 1982 la moitié
14
Abréviation qui signifie Video Computer System.
LPE
23
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
des revenus de Warner communications provient du chiffre d’affaires généré par Atari
qui couvre 80 % du marché des consoles de jeu !
Mais ce fut ce succès qui précipita en 1983 le secteur des jeux vidéo dans sa première
crise d’envergure. « À cette époque, la surproduction de jeux est dantesque. Les ventes
sont d’un niveau suffisamment élevé pour faire croire que le public sera prêt à acheter
n’importe quoi, pourvu qu’il s’agisse de jeu vidéo. […] L’ensemble de la production est
d’une qualité affligeante. Chez Atari, il est d’ailleurs courant d’entendre l’adage selon
lequel “nous pouvons publier n’importe quoi et cela se vendra”. Les éditeurs euxmêmes publient des titres à tour de bras, n’obtenant généralement des succès qu’au gré
du hasard » (Ichbiah, 2004 : 33). Alors que les revenus d’Atari étaient de 2 milliards de
dollars en 1982, ils chutent de 40% l’année suivante et la filiale de Warner accuse
brutalement un déficit de 539 millions de dollars, cette tendance se confortant en 1984.
Tout comme Daniel Ichbiah, le chercheur canadien Stephen Kline, co-auteur de
l’ouvrage Digital Play (Kline S., Dyer-Witheford N., De Peuter G., 2003), voit dans la
médiocrité des produits saturant rapidement ce marché l’une des causes de cet
effondrement économique. En ce sens, les productions sont marquées par une même
thématique, que ce chercheur identifie comme une « masculinité militarisée »,
renvoyant à des contenus ayant trait au conflit, à la compétition ou au sport. Cette
thématique répond aux attentes d’une cible essentiellement masculine qui pratique en
majorité le jeu vidéo dans les salles d’arcade et les bistrots, comme l’indique l’étude
citée de Daniel Ichbiah.
Né dans le contexte de recherches subventionnées par des instituts militaires,
initialement mis à disposition du grand public par l’intermédiaire des bars et salles de
jeux puis diffusé et produit à grande échelle par les majors des médias, le jeu vidéo est
une industrie qui, après une décennie d’existence, propose majoritairement des
thématiques étroites (sport, combat, guerre, etc.), pour reprendre l’expression des
auteurs de Digital Play. Toutefois, l’échec en 1983 de corporations qui avaient pourtant
de l’expérience dans les industries du loisir montre que des modèles de développement
adaptées à l’industrie vidéoludique restaient encore à trouver, tant sur le plan
technologique, marketing que culturel. D’autant que des pratiques de création et de
distribution divergentes des modèles alors établis se structuraient peu à peu, comme en
atteste l’avènement des jeux sur les premiers micro-ordinateurs, qui rappelait qu’à son
origine le jeu vidéo était aussi issu du monde des « hackers ». Le développement qui a
suivi de l’industrie se fit par la suite dans la gestion perpétuelle des frictions et
complémentarités qui résultèrent de ces trois champs.
4/ Consécration des consoles de salon : la NES
La reprise économique se fit par l’intermédiaire d’un industriel japonais qui fut pendant
un temps investisseur dans le riz, le taxi ou tenancier d’hôtel d’amour : Nintendo réussit
à relancer le marché en proposant une console de technologie très avancée (la NES),
vendue à prix coûtant ce qui la différenciait de ses prédécesseurs. L’objectif était de
proposer une nouvelle expérience du jeu à travers un nombre limité de titres, mais de
grande qualité. Afin de ne pas tomber dans le même piège qu’Atari, Nintendo ne
sélectionne dans un premier temps que six éditeurs à qui s’imposent des conditions
drastiques. Avant d’être mis sur le marché, le jeu doit être approuvé par un comité
d’experts. De plus, sur chaque cartouche vendue, l’éditeur doit verser 20% de royalties
à Nintendo. Enfin, seul Nintendo fabrique les cartouches. Pour concevoir un jeu, les
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24
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
éditeurs doivent passer commande de 10 000 cartouches minimum afin que la
production s’amortisse. Ce modèle perdurera dans le cadre des consoles de salon,
comme celui des lames de rasoir : le support est vendu à bas prix, mais les
consommables (lames de rasoir ou cartouches de jeu) assurent la rentabilité du
fabriquant. De plus, Nintendo ne vend pas uniquement une technologie mais une
expérience du jeu singulière qui dispose d’un département « loisir » dédié à la
conception de jeux pour la NES, à la tête duquel est nommé Shigeru Miyamoto.
Cette équipe développe en 1985 un jeu qui sera l’un des titres phares de la NES et un
emblème pour la politique éditoriale de Nintendo, Super Mario Bros. Ce jeu explore un
paysage féérique où les opposants sont des champignons, des tortues, des plantes
carnivores et dont le but est de délivrer une princesse, ce qui rompt avec les thémes
« masculins militarisés » alors prégnantes dans les productions sur consoles. De plus,
avec Super Mario Bros., le jeu est un espace à explorer. Pour renforcer cette
impression, ses concepteurs ont inclus des passages secrets que le joueur peut très bien
manquer s’il ne connaît pas les astuces pour y accéder, et cela ne l’empêche pas de
terminer le jeu. Les objectifs peuvent de ce fait être multiples : la découverte de ces
salles cachées peut primer pour certains joueurs sur la libération de la princesse !
La découverte de l’univers de Mario ne se fait pas d’ailleurs pas uniquement à travers
ses exploits vidéo-ludiques. Prenant exemple sur Disney avec qui la société japonaise a
déjà traité, Nintendo entend faire du petit plombier à casquette rouge un personnage
aussi connu que Mickey. De nombreux produits dérivés sont produits, Mario est présent
sur les chaînes américaines de télévision comme Fox channel et un magazine mensuel
est publié en 1988, Nintendo Power, qui sert de vitrine promotionnelle pour les
productions de la compagnie. Ce magazine, rapidement diffusé à deux millions
d’exemplaires, dévoile aussi des astuces pour découvrir les lieux dissimulés par les
concepteurs ou donne des codes permettant de tricher 15 (invincibilité, vies infinies),
créant un lien entre les supports médiatiques dirigés par Nintendo. En somme, Nintendo
apprend à tirer profit de la tradition du hacker, origine de l’industrie vidéo-ludique, qui
consistait notamment à explorer les détails d’un système programmable16. Cette
découverte se fait à la fois en explorant les moindres recoins du jeu et en acquérant des
produits dérivés. L’expérience des salles d’arcade requiert de rester en contact avec les
consommateurs. Un service d’appel téléphonique vient en aide aux joueurs qui
piétinent dans les jeux de la marque. Ce service permet conjointement de dévoiler les
goûts des joueurs et de recueillir leur point de vue sur les dernières productions.
« En 1989, avec un revenu de cinq milliards de dollars sur le sol américain, Nintendo
réalise à elle seule 20 % des revenus du jouet et l’on retrouvera bientôt une NES dans
un tiers des foyers américains » (Ichbiah, 2004 : 50). Avant la fin des années 80, la
compagnie reprend le flambeau d’Atari aux États-Unis en contrôlant 80 % du marché
des consoles de salons, tandis qu’elle en détient 90 % au Japon. Ce quasi-monopole est
aussi dû à une politique d’exclusivités en matière de logiciels ou de personnages,
notamment développés par Nintendo : les titres-phares comme Super Mario Bros ou
The Legend of Zelda (1986) étaient uniquement présents sur les consoles de la firme
japonaise. Enfin, si le succès fut acquis sur le continent nord-américain, il fut aussi
obtenu grâce à des logiciels dont le contenu était adapté pour l’exportation. Ainsi, bien
15
Cette « triche » est bien sûr permise puisque les programmeurs ont inclus par avance les moyens de
l’activer.
16
Comme le souligne la définition du terme hacker, disponible dans The Online Hacker Jargon File :
http://www.catb.org/jargon/html/H/hacker.html.
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
que conçu par un studio japonais, Super Mario Bros. fait-il référence à de nombreux
contes occidentaux : Mario peut doubler de taille en mangeant un champignon, tout
comme Alice aux pays des merveilles ; il grimpe à des haricots magiques, comme Jack
dans le conte traditionnel britannique. En somme, Nintendo a compris que l’industrie
vidéo-ludique tend à la globalisation, cet aspect étant central pour les stratégies
commerciales comme pour les produits.
5/ L’ordinateur personnel pour jouer : Doom
Parallèlement au développement du parc des consoles de salon, les premiers ordinateurs
personnels tels que l’Apple 2 17 apparaissent à la fin des années 1970, offrant de
nouveaux supports aux concepteurs de jeux. À l’inverse des consoles qui ne sont
dédiées qu’à la seule fonction des jeux vidéo, les ordinateurs personnels permettent à
l’utilisateur initié de programmer ses propres jeux, certains fabricants proposant aussi à
des sociétés d’édition de commercialiser des jeux pour l’ordinateur personnel. La
politique de ces fabricants d’ordinateurs est moins restrictive que celle des fabricants de
console : l’offre de logiciel est plus ouverte, laissant à d’autres l’opportunité de
commercialiser librement des logiciels. Cette ouverture entraîna une diversification des
jeux pour micro-ordinateur. Les programmeurs allaient jusqu’à diffuser le code de leur
jeu dans les magazines spécialisés, mode de diffusion original du programme. Sans
rivaliser avec les consoles de salon en termes d’impact économique (du fait notamment
du piratage et d’un coût plus élevé des machines), les jeux sur micro-ordinateur se
diversifiaient, tout comme les supports (Amstrad, Commodore Amiga, Atari…).
Aux yeux de nombreux analystes, c’est en 1993 qu’un titre consacre l’ordinateur
personnel, plus particulièrement le PC comme machine de jeu : Doom (Id Software). Ce
logiciel a marqué une étape dans chacun des trois sous-circuits composant le marché
des jeux vidéo, tout en jouant de leur interaction. Sur le plan culturel, Doom a fondé un
nouveau genre de jeu, aujourd’hui dénommé « jeu de tir à la première personne » mais
qui a longtemps été qualifié de « Doom-like » (littéralement « comme Doom »). Le
joueur contrôle un space marine18 à l’intérieur d’un complexe spatial dont tous les
occupants ont été massacrés par des démons surgis de l’enfer. Le but est d’explorer des
dédales pour trouver un interrupteur qui permet d’accéder au labyrinthe suivant afin
d’éliminer le chef des damnés. Une horde de créatures hostiles attend le joueur à
chaque recoin ; la seule solution pour progresser est de s’en débarrasser par la manière
forte, de nombreuses armes étant disséminées dans la base (du fusil à pompe à la
tronçonneuse en passant par le lance-roquette). Si ce principe peut s’apparenter à
d’autres jeux, l’une de ses particularités est de mettre le joueur au cœur de l’action en
représentant le décor comme s’il était vu par le commando. L’environnement est donc
modélisée en trois dimensions et la seule représentation du joueur est l’arme dont il
dispose qui apparaît en bas de l’écran. Si cette vue en perspective n’est pas inédite,
l’avancée technique des composants électroniques pour PC permet un rendu graphique
et une rapidité de déplacement inégalée jusqu’alors, un rythme d’action élevé et une
ambiance morbide (signes sataniques sur les murs, des flots de sang jaillissent à chaque
blessure, etc.).
17
La société Apple fut co-fondée par un ancien employé d’Atari, Steve Wozniack, qui appartenait
également à la communauté des hackers citée plus haut !
18
Soit « marine de l’espace ».
LPE
26
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Doom marque aussi une différence avec la distribution « traditionnelle » des jeux
vidéo : jusqu’alors, les jeux de large diffusion étaient acheminés par les distributeurs
des maisons d’édition, certains éditeurs étant à la fois distributeurs et concepteurs.
Doom, conçu par une petite équipe, est, au départ, gratuit et téléchargeable directement
sur Internet. Cependant, seul les premiers labyrinthes sont fournis. Si le joueur veut en
avoir plus, il doit commander chez l’éditeur les autres épisodes . Selon Ichbiah, les
ventes de Doom dépassèrent les deux millions d’exemplaires tandis que la version
gratuite fut diffusée à plus de trente millions : « l’absence d’intermédiaire entre
producteurs et consommateurs a amené des profits records – environ 85 % du chiffre
d’affaires – un pourcentage extrêmement élevé dans l’industrie du logiciel, où les
bénéfices sont généralement de l’ordre de 15 % » (Ichbiah, 2004 : 192).
Avec ce succès, Id Software entrevoit la viabilité économique de la diffusion par
Internet tout en montrant que le PC est une machine de jeu. Le logiciel tire aussi parti
de la mise en réseau. En connectant plusieurs postes informatiques, il est possible
d’affronter d’autres joueurs au milieu des dédales du jeu infesté de démons. De plus, les
développeurs diffusent des outils de conception pour leur logiciel. Ces différents trucs
augmentent la durée de vie du jeu tout en maintenant l’utilisateur au cœur du processus
de production. Grâce au logiciel fourni pour Doom, de nombreux joueurs peuvent
proposer leurs propres créations ce qui contribue à fédérer une communauté autour du
produit. Doom était aussi précurseur sur ce point puisque peu de jeux en ligne peuvent
aujourd’hui se passer de cette dimension communautaire, l’une des clés du succès.
Avec Windows 95 qui propose une interface plus conviviale, le jeu sur micro-ordinateur
rivalise avec celui des consoles tout en proposant d’autres modèles pour l’industrie, ne
serait-ce que parce que les éditeurs n’ont pas à régler de royalties au constructeur .
6/ Vers la structuration d’un patrimoine ?
Les jeux du genre de Doom (jeux de tir à la première personne) sont particulièrement
représentatifs d’une tendance qui a structuré le marché des jeux vidéo pendant trente
ans. Jusqu’au début des années 2000, chaque « génération » de console ou de
périphérique PC dédiés au jeu (les cartes graphiques principalement) devait rendre
obsolète la génération précédente. Cette obsolescence se traduit principalement par le
rendu des images affichées à l’écran, le point couramment retenu pour estimer ce rendu
étant le photo-réalisme. Mais cette course à l’innovation ne garantit pas le succès
commercial d’une plate-forme. L’offre logicielle doit aussi remplacer l’offre
précédente. Pour ce faire, les studios ont appris à maîtriser les machines tout en
proposant une « nouvelle expérience » à l’utilisateur. Atteindre ce dernier objectif
impose de fournir une plus grande liberté au joueur au sein de l’univers fictionnel. Cela
est particulièrement prégnant dans le cas des jeux qui se déclinent en série et qui
constituent des franchises essentielles pour les constructeurs, comme le Super Mario
Bros.
Dans le cas de l’industrie des jeux vidéo, alors que les produits véhiculent
effectivement un idéal de liberté d’usage et mettent en avant les possibilités
d’appropriation, voire de création, laissée au joueur 19, les restrictions imposées par la
globalisation d’un marché sans cesse croissant conduisent en sens inverse à une forte
standardisation des supports (les marques de constructeur de consoles se comptent sur
19
Nous renvoyons ici plus particulièrement aux possibilités de conception que permettent certains jeux
tels que Doom, qui fournissent un utilitaire de création de niveau pour la communauté des joueurs.
LPE
27
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
les doigts d’une main) et à la multiplication de franchises. Le renouvellement perpétuel
des contenus contrarie la nécessité que chaque constructeur dispose d’un socle de
logiciels éprouvés : le seuil de rentabilité s’élève avec les coûts de production croissants
avec chaque génération de console. Dès lors, ces conflits créent une instabilité du
marché, qui se traduit concrètement par des crises cycliques ; les acteurs de l’industrie
sont remis en cause, les modèles dominants connaissent de profondes modifications,
suscitant l’apparition de modèles alternatifs. Le succès et la survie au sein de ce marché
passe donc par la maîtrise de cette instabilité et de ces contradictions.
Depuis quelques années l’impératif d’obsolescence est plus relatif du fait des amateurs
qui donnent véritablement forme culturelle à l’objet en créant une mémoire collective.
Ces pratiques, dénommées « retro-gaming », concourent à la naissance d’un patrimoine
d’archives en diffusant d’anciens jeux de façon parfois illégale. Comme le souligne
Jean-Pierre Warnier, les cultures se fondent sur la tradition : ce qui en persiste dans le
présent est accepté par ceux qui la reçoivent qui, à leur tour, la transmettent. Les
logiques d’obsolescence faisaient écran à une mise en forme culturelle. Les pratiques de
patrimoine changent la donne puisqu’elles conservent une mémoire du phénomène qui
concourt à lui donner une histoire, et donc à l’inscrire dans une culture !
7/ Quelques références 20
- Genvo S., 2009, Le jeu à son ère numérique. Comprendre et analyser les jeux vidéo,
Paris, L’Harmattan.
- Ichbiah D., 2004, La saga des jeux vidéo. De Pong à Lara Croft, Paris, Vuibert Éd.
- Kent S. L., 2001, The ultimate history of video games, New York, Three River Press.
- Kline S., Dyer-Witheford N., De Peuter G., 2003, Digital Play, Montreal & Kingston,
McGill-Queen’s University Press.
- Le Diberder A. & F., 1998, L’univers des jeux vidéo, Paris, La découverte.
- Warnier J.-P., 2004, La mondialisation de la culture, Paris, La découverte, 1999.
Sébastien GENVO
Août 2009.
20
NDLR : voir en annexe 1 une bibliographie indicative en français.
LPE
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Annexes
__________________
Annexe 1
Indications bibliographiques
Les références suivantes peuvent constituer un premier fonds documentaire de langue
française pour les lecteurs qui souhaiteraient en savoir plus sur ce nouveau domaine de
recherches en sciences sociales. Les notes et les références qui accompagnent les
articles précédents sont centrées sur les sources propres aux communications de notre
rencontre
________________________
•Beau F., 2007, Dir., Culture d’univers, FYP.
•Bruno P., 1993, Les jeux vidéo, Paris, Syros
•Fichez E., Noyer J., dirs., 2001, Construction sociale de l'univers des jeux vidéo, Lille,
Éd. du conseil scientifique de l’université Charles-de-Gaulle Lille3.
•Fortin T., Mora P., Tremel L., 2006, Les jeux vidéo : pratiques, contenus et enjeux
sociaux, Paris, L’Harmattan.
•Genvo S., 2003, Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo, Paris,
L'Harmattan.
•Genvo S., 2006, dir., Le game design de jeux vidéo. Approches de l’expression
vidéoludique, Paris, L’Harmattan.
•Guardiola Emmanuel, 2000, Écrire pour le jeu , Dixit.
•Jacquinot G., dir., 2001, « Qui a encore peur des jeux vidéo ? », Mediamorphoses, 3,
pp. 19-103.
•Kelman N., 2005, Jeux vidéo, l'art du XXIe siècle, Paris, Assouline.
•Kerbrat J.-Y., 2006, Manuel d'écriture de jeux vidéo, L'Harmattan.
•Lafrance J.-P., 2006, Les jeux vidéo, Paris, Hermes.
•Le Diberder A., Le Diberder F., 1998, L’univers des jeux vidéo, La découverte
(originellement Qui a peur des jeux vidéo ?, 1993).
•Lenhard G., 1999, Faut il avoir peur des jeux vidéo ?, Paris, ESF Editeur.
•Natkin S., 2004, Jeux vidéo et médias du XXIe siècle, Paris, Vuibert.
•Flichy P., 1994, Dir., « Les jeux vidéo », Réseaux, septembre/octobre 1994, 67.
•Rollings A., Morris D., 2005, Conception et architecture des jeux vidéo, Vuibert.
•Roustan M., dir., 2003, La pratique du jeu vidéo, réalité ou virtualité, Paris,
L’Harmattan.
•Trémel L., 2001, Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia, les faiseurs de mondes, Paris,
Presses universitaires de France.
•Virole B., 2003, Du bon usage des jeux vidéo, Hachette littératures.
_______________________
LPE
29
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Annexe 2
Programme de la journée du 29 mai
Laboratoire de psychologie économique (LPE)
Organisée en coopération avec le
CONSORTIUM ACADEMIQUE POUR LE JEU VIDEO
« Game Consort »
LE JEU VIDEO :
Usages & pratiques en Europe
Vendredi 29 mai 2009
à partir de 13h.
143 avenue de Versailles
75016 PARIS
Deux invités introduiront l’échange:
Patrice CHAZERAND, secrétaire général ISFE, Bruxelles :
Données empiriques sur la pratique du jeu vidéo en Europe
&
Sébastien GENVO, maître de conférence à l’université de Limoges (IUT) :
Genèse d’un nouveau bien culturel
PROGRAMME DE LA RENCONTRE
A partir de 12h30 : enregistrement des participants, distribution
des badges & des dossiers
accueil : département « Techniques de commercialisation »
en présence de Said Halla, chef du département TC
13h15 : ouverture de la rencontre par Annick Decoux, professeur
directrice du Laboratoire de psychologie économique de Paris Descartes
13h30 : exposé de Patrice Chazerand sur la pratique du jeu vidéo en Europe
14h15 : débat avec les participants, modéré par Jean-Pierre Chamoux, professeur
15h : pause sur place
15h15 : exposé de Sébastien Genvo sur l’histoire et la genèse de ce nouveau bien
culturel
16h :débat avec les participants, modéré par Jean-Pierre Chamoux, professeur
16h45 : réflexions de clôture.
NB : les participants s’expriment à titre strictement personnel. Une synthèse de la rencontre
sera mise en ligne sur le site «www. game consort.com » hébergé par l’IDATE.
LPE
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Annexe 3
Objectifs de « Gameconsort » :
UN CONSORTIUM ACADEMIQUE
POUR LE JEU VIDEO
Comme l’avait déjà fait le 7ème art au début du XXème siècle, le jeu vidéo
met les moyens humains, techniques et financiers les plus avancés de ce
début du XXIème siècle au service de l’imaginaire créatif et du
divertissement. Après le livre, le théâtre, le cinéma et l’audiovisuel, le jeu
vidéo distrait ; mais il peut aussi éduquer, informer ou instruire. Associé
aux méthodes de pédagogie active, il permet de s’entraîner sur un
simulateur de vol, de tester des comportements managériaux au cours d’un
jeu d’entreprise ou de découvrir les mythes éternels de l’histoire des
hommes.
C’est un média nouveau, puissant, captivant pour la jeunesse ; mais il arrive parfois
qu’il dérange, comme l’ont fait avant lui les médias antérieurs. Comme ses
prédécesseurs, il véhicule également des idéologies, selon des formes qui lui sont
propres et qui sont encore à étudier. Les fondateurs du consortium ont une commune
conscience que ce phénomène marque la société contemporaine : ce média constitue
leur champ commun d’analyse, de recherche ou d’investissement. Ils constatent sa
maturité et son ampleur internationale, comparable à celle de la télévision ou de la
musique avec lesquelles se développent de nombreuses synergies. Au delà du
divertissement, ils soulignent les retombées du jeu vidéo dans des domaines comme
l’éducation, le loisir et même la culture contemporaine ; depuis une vingtaine d’années
l’image, les composants électroniques, le logiciel multimédia, l’art du récit ou
l’esthétique de la mise en scène les ressentent. C’est pour faciliter la compréhension des
enjeux industriels et sociétaux de ce nouveau média et pour mieux les faire comprendre
à la société qu’ils ont décidé d’unir leurs efforts, leurs savoirs et leurs recherches, dans
une perspective d’intérêt général.
Les actions du consortium portent conjointement sur l’industrie et sur la recherche,
fondamentale et appliquée. Elles touchent aussi bien aux technologies qu’aux sciences
de l’homme et de la société. Issu d’une initiative universitaire et institutionnelle, le
consortium est et restera ouvert aux agents économiques et aux collectivités qui
manifestent leur intérêt pour le jeu vidéo et pour ses développements dans le monde
actuel.
_________________________
LPE
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Extraits des statuts de Gameconsort :
Les soussignés ont décidé de constituer entre eux et toute autre personne qui adhérera
aux présents statuts une association sans but lucratif régie par la loi du premier juillet
1901 dénommée « Consortium académique pour le jeu vidéo »:
Article premier : dénomination et objet social.
L’association prend le nom : « Consortium académique pour le jeu vidéo » (en abrégé :
Gameconsort). Elle a pour objet de reconnaître le jeu vidéo comme un phénomène
majeur de la société contemporaine, d’en confirmer la légitimité et la validité comme
champ d’étude et de stimuler les recherches scientifiques qui concernent ce domaine, au
regard de toutes les dimensions du savoir : technologique, industriel, économique,
humain, social ou autre.
L’objectif du consortium est de fédérer les initiatives qui peuvent concourir à l’objet
précédent et d’encourager la coopération université-industrie, les perspectives pluridisciplinaires et toute passerelle entre le monde académique, l’industrie et les pouvoirs
publics européens, nationaux ou locaux concernés par cet objet.
Article 2 : siège social, ressources et moyens.
… Le consortium peut mobiliser toutes les ressources matérielles et humaines mises
à sa disposition par ses membres ou par des tiers, prélever des cotisations, recevoir
toute subvention, don, contribution, aide ou soutien en nature ou en espèces qui
contribue à cet objet. Le consortium peut entreprendre, susciter ou coopérer à toute
étude ou recherche entrant dans le cadre de son objet social.
Le consortium peut développer tout moyen d’information ou d’échange utile à ses
membres et au public en général, notamment par l’intermédiaire de journaux, écrits ou
non, de sites ou de forums internet et plus généralement par tout moyen de
communication propice à réaliser son objet.
Il peut se rapprocher des organismes français, étrangers ou internationaux poursuivant
des objets similaires ou connexes au sien, contribuer à l’action internationale dans la
mesure où elle concerne directement le jeu vidéo dans une perspective scientifique,
socio-économique ou culturelle.
Article 3 : membres et règlement intérieur.
Le consortium réunit plusieurs catégories de membres :
A/ Les membres fondateurs sont ceux qui ont signés les statuts du consortium.
B/ Les membres actifs sont des personnes physiques, françaises ou non, adhérentes
aux présents statuts et justifiant de leur intérêt pour le domaine du jeu vidéo.
C/ Les membres bienfaiteurs sont des personnes physiques ou morales adhérentes aux
présents statuts et justifiant d’un dévouement particulier pour réaliser l’objet du
consortium.
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
D/ Les membres donateurs sont de personnes physiques ou morales justifiant d’une
donation significative et durable en faveur du consortium et de son objet.
E/ Les membres d’honneur sont des personnes physiques dont la contribution au
domaine du jeu vidéo est particulièrement éminente et qui ont marqué un dévouement
particulier pour atteindre l’objet du consortium.
Un règlement intérieur précise les conditions particulières à chacune des catégories de
membres, notamment en ce qui concerne leur participation à la vie sociale du
consortium.
La qualité de membre s’acquiert aux termes d’un agrément donné par le bureau. Elle
est personnelle et implique d’adhérer aux présents statuts et de respecter les termes du
règlement intérieur...
Article 4 : fonctionnement et durée.
L’organisation opérationnelle du consortium et son fonctionnement sont précisés par le
règlement intérieur. La durée du consortium est indéfinie… Le premier exercice se
terminera le 31 août 2009.
Article 5 : organes dirigeants
L’assemblée générale réunit tous les membres au moins une fois par an...
Le consortium est géré par un bureau qui comprend trois membres au moins et douze
membres au plus…Toutes ces fonctions sont gratuites…Le premier bureau est
constitué d’un président, d’un vice-président, d’un secrétaire et d’un trésorier
signataires des présents statuts…L’assemblée générale fixe le montant des cotisations
dues par les membres actifs et par les membres bienfaiteurs, sur proposition du bureau.
Les autres membres ne sont pas astreints à payer de cotisation.
Article 6 : modes d’action du consortium.
Dans le cadre de son objet, le consortium peut notamment :
- assurer toute veille technologique ou scientifique au profit de ses membres
ou du public en général ;
- organiser des rencontres ou séminaires ouverts aux membres et aux
personnes extérieures ;
- susciter toute réflexion, étude, analyse ou publication permettant de
comprendre et de faire connaître les enjeux des jeux vidéo dans le société
contemporaine ;
- développer ou favoriser toute formation universitaire ou professionnelle
utile au champ du jeu vidéo et à ses acteurs économiques et sociaux ;
- constituer toute référence sur l’industrie, sur les usages ou sur les
conséquences sociales du jeu vidéo ;
- stimuler toute recherche autour de son objet et lancer tout concours à ce
propos sous la forme de prix, de bourse, de challenge ou d’autre
récompense ;
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
-
créer ou susciter la création de tout observatoire du jeu vidéo et faciliter la
diffusion des connaissances à ce propos
développer toute coopération scientifique, industrielle ou intellectuelle
autour de son objet dans un cadre national et international…
Le règlement intérieur est établi par le bureau et ratifié par la prochaine assemblée
générale…
Sébastien Genvo
[email protected]
Julian Alvarez
[email protected]
Jean-Pierre Chamoux
[email protected]
Damien Djaouti
[email protected]
Laurent Michaud
[email protected]
Etabli par JPC au 15 avril 2008.
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
Annexe 4 : Données IDATE
Le marché mondial du jeu vidéo 2009
Laurent Michaud,
Chef du département « jeux & loisirs numériques » de l’IDATE
Les années 2008 et 2009 ont été marquées par une recrudescence de la
concurrence dans le secteur des jeux vidéo. Elle y est plus vive que
jamais. Elle s'exerce sur tous les supports de jeux, sur tous les réseaux,
sur tous les genres de jeux. N'est-ce pas le signe que cette industrie se
porte bien ?
A/ Les tendances industrielles : un renouveau permanent
Le secteur des jeux attire ; il est régulièrement pris pour exemple, notamment pour sa
capacité à s'adapter à la donne numérique car :
- il est le seul secteur des loisirs numériques à avoir relativement bien
négocié le virage de la dématérialisation et de la révolution numérique,
quand bien même demeurent encore des résistances au changement ;
- ses revenus enregistrent toujours une croissance continue, malgré
quelques phénomènes cycliques contraires, notamment pour la vente des
équipements.
Le secteur a été aussi marqué par plusieurs événements qui feront des années 20082009 une phase charnière dans son développement :
- la distribution dématérialisée est en marche. Sur toutes les plate-formes,
elle se déploie et rencontre progressivement l'adhésion du public. La
distribution numérique semble désormais être admise par tous, des
développeurs aux détaillants en passant par les éditeurs, et elle a
commencé par les joueurs eux-mêmes.
- Apple, avec son écosystème organisé autour de l'iPhone et de son App
Store, révolutionne le jeu sur les plate-formes portables. La firme
américaine adopte un modèle économique qui défie les modèles des
consoliers 21.
- le jeu en ligne sera très probablement le segment le plus dynamique de ce
marché d'ici à 2013. Il va encore se développer davantage grâce aux
téléviseurs connectés, à la variété grandissante des catalogues de jeux, à la
cohabitation de modèles économiques stimulant la concurrence et à des
21
Celui que l’on appelle souvent : "brick & mortar"
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Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
stratégies tarifaires multiples et agressives, allant du Free-To-Play à
l'abonnement Premium.
-
le secteur s'ouvre à de nouvelles formes de jeux, allant au-delà du jeu,
parfois. Le jeu occasionnel (jeu sans apprentissage, dont les parties sont
courtes, et réalisé dans un environnement graphique pas nécessairement
élaboré) offre des perspectives qui le conduisent vers le marché de masse.
Le serious game, exploitation des technologies du jeu pour un propos qui
n’est plus ludique, va connaître des applications dans tous les secteurs de
l'économie, à commencer par la santé, par la défense, la formation, la
sécurité civile, le tourisme…
Le jeu vidéo est aussi au cœur du Web communautaire et social ; il sera un des
initiateurs du Web intelligent. L'intégration de techniques de data mining dans les
services de jeux en ligne offrira bientôt aussi la possibilité de mieux comprendre les
jeux en construisant une fonction de demande et de consommation individuelle par
joueur.
Le jeu vidéo tirera enfin profit des avancées technologiques des réseaux. Le
déploiement de la fibre optique permettra le développement de services de jeux qui ne
nécessitent ni d'avoir une machine de jeu, ni d'avoir un média de jeu, mais un simple
terminal d'interaction ou un téléviseur numérique.
B/ Un secteur qui continue de croître à long terme
Le secteur des jeux vidéo continue d'enregistrer des résultats prometteurs dans un
contexte économique morose. En fin d'année 2008, les ventes de jeux et de consoles
dans les bacs ont battu des records. Le chiffre d'affaires des ventes d'équipements
(consoles de salon, consoles portables) s'élève à près de 16 milliards d’euros. Le
chiffre d'affaires des ventes de logiciels (sur ordinateurs, consoles de salons, consoles
portables, téléphones mobiles et Internet) s'élève à plus de 33 milliards d’euros.
Au niveau géographique, la région dite EMEA22 reste la zone du monde la plus
consommatrice de jeux vidéo sur terminaux dédiés. Le chiffre d'affaires généré sur
consoles de salon et consoles portables y est plus important que dans les autres zones
géographiques.
La zone Asie/Pacifique est, quant à elle, largement en tête en termes de chiffre
d'affaires généré en ligne et sur le téléphone mobile.
Table 1:
Marché mondial des jeux par zone géographique (previsions)
Source : IDATE
(million EUR)
EMEA
Asie/Pacifique
North America
Latin America
Total
22
2009
20 051
12 111
17 336
2 092
51 590
2010
19 689
13 187
16 174
2 208
51 258
2011
18 792
14 265
15 007
2 262
50 326
2012
18 721
15 653
15 784
2 353
52 511
2013
22 045
17 548
18 588
2 749
60 930
EMEA : zone géographique couvrant l’Europe, le Moyen-orient et l’Afrique.
LPE
36
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
2009
EMEA
2010
2011
Asia/Pacific
2012
North America
2013
Latin America
Source : IDATE
Selon l'IDATE, les résultats de ce secteur continueront sur leur lancée cette année,
avec néanmoins des nuances selon les segments de marché. Ainsi, le secteur des
équipements va entrer dans une période (2010-2012) au cours de laquelle les revenus
issus de la vente vont chuter, les foyers ayant atteint un taux d'équipement optimal.
La croissance devrait revenir dès l'année suivante avec l'arrivée des consoles de la
prochaine génération. La croissance des ventes de logiciels ne suffira sans doute pas à
compenser les pertes avant 2012.
Table 2 :
Marché mondial des matériels (previsions)
(million EUR)
Home Console - Hardware
Handheld Console - Hardware
Total
2009
10 741
4 273
15 014
2010
8 623
3 404
12 027
2011
5 975
3 488
9 463
2012
5 307
4 141
9 448
2013
7 709
5 937
13 646
Source : IDATE
Fin 2009, le segment des jeux sur consoles de salon pourrait être à l'origine de plus de
40% des revenus du secteur. Cette part devrait se réduire à un peu plus de 30% à
l'horizon 2013, du fait de la croissance du segment des jeux en ligne notamment. D'ici
cinq ans, celui-ci l’aura même dépassé en termes de revenus. Mais plus encore, les
jeux sur terminaux portables (téléphones ou consoles) pourraient devenir le premier
LPE
37
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
segment du jeu vidéo avec plus de 15 milliards d’euros de chiffre d'affaires en 2013, à
l'aube de l'arrivée d'une nouvelle génération de consoles de salon.
Table 3:
Marché mondial des logiciels par segment (prévisions)
2009
5 110
3 768
7 832
15 214
4 652
36 576
(million EUR)
Wireless Games
Offline Computer Games
Online Computer Games
Home Console Games
Handheld Console Games
Total
2010
6 215
3 781
9 289
14 580
5 366
39 231
2011
7 100
3 730
10 897
13 236
5 900
40 863
2012
7 862
3 643
12 700
12 840
6 019
43 064
2013
8 457
3 491
14 473
14 222
6 641
47 284
Répartition du marché des jeux video par segments 2009
Wireless Games
Offline Computer Games
Online Computer Games
Home Console Games
Handheld Console Games
Source : IDATE
NDLR : Cette note résume une étude réalisée par le département chargé du secteur
des jeux vidéo à l’IDATE, au cours du second trimestre 2009. Pour obtenir cette
étude, s’adresser SVP à : [email protected] .
LPE
38
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
TABLE DES MATIERES
Pages :
Avant Propos (Annick Decoux)
Sommaire
Pourquoi cette rencontre ? (Jean-Pierre Chamoux)
2
3
4
1/ un usage évolutif
2/ vers un nouveau bien culturel ?
3/ du « jeu sérieux » à l’apprentissage ?
4/ rôle du consortium académique « Gameconsort »
4
5
6
7
Introduction : Synthèse économique (Annick Decoux)
8
1/ historique du jeu vidéo
2/ importance économique de l’industrie vidéo-ludique
3/ évolutions récentes
4/ en guise de conclusion provisoire
8
9
10
10
Première partie : les usages, aujourd’hui.
Le jeu vidéo en pleine évolution (Patrice Chazerand)
12
1/ le jeu en tant que divertissement
2/ le jeu : instrument d’appropriation du savoir ?
3/ besoin d’une confirmation empirique
4/ notice bibliographique
13
16
17
19
Deuxième partie : une nouvelle culture ?
Avènement d’un « bien culturel » (Sébastien Genvo)
20
1/ l’époque des précurseurs : Spacewar
2/ des instituts de technologie aux consoles
3/ premiers succès et première crise
4/ consécration des consoles de salon
5/ l’ordinateur personnel pour jouer : Doom
6/ vers la structuration d’un patrimoine ?
7/ quelques références
21
22
23
24
26
27
28
Annexes
1/ indications bibliographiques sur le jeu vidéo
2/ programme de la journée du 29 mai 2009
3/ objectifs de Gameconsort, consortium académique pour le jeu vidéo
- extraits des statuts de Gameconsort
4/ le marché mondial du jeu vidéo en 2009 vu par l’IDATE
- A/ les tendances industrielles : un renouveau permanent
- B/ un secteur qui continue à croître à long terme
Table des matières
LPE
29
30
31
32
35
35
36
39
39
Gameconsort
Usages & pratiques du jeu vidéo
LES CAHIERS DE L’IUT
____________________________________


CONDUITES ET MONDE DU TRAVAIL, Juin 2007

PSYCHOLOGIE ECONOMIQUE, Juin 2005

CONDUITES ET INSTITUTIONS, Juin 2004



CONDUITES ET ECHANGES, Mai 2009
CONDUITES ET CULTURES, Juin 2002
CONDUITES ET ORGANISATIONS, Juin 2001
CONDUITES ET COMMUNICATION, Décembre 1999
Les anciens numéros peuvent être obtenus en s’adressant à :
Laboratoire de Psychologie Economique
Institut Universitaire de Technologie
143 avenue de Versailles, 75016 Paris
[email protected]
jean-pierre.chamoux@ parisdescartes.fr
[email protected]
Tél. : +33(0)1 42 86 47 06
________________________
Les textes restent la propriété de leurs auteurs.
Nous les remercions de leur aimable autorisation pour cette publication.
Achevé d’imprimé à Paris, IUT Paris Descartes le premier novembre 2009.
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Gameconsort