Dossier L`autisme infantile : diagnostic et dépistage précoces

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Dossier L`autisme infantile : diagnostic et dépistage précoces
Dossier
L’autisme infantile :
diagnostic et dépistage
précoces
Marie Douniol
Fondation Vallée, 7, rue Bensérade, 94257 Gentilly Cedex
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RÉSUMÉ
L’autisme infantile est une pathologie sévère, nécessitant des soins complets et
spécialisés dès le diagnostic établi, c’est-à-dire le plus précocement possible.
Même si sous le terme d’ « autisme infantile » sont probablement regroupées des
entités étiologiques différentes, un certain nombre de symptômes communs
permet d’établir le diagnostic de manière formelle après l’âge de trois ans et de
manière plus probabiliste avant cet âge. À trois ans, le tableau clinique complet
est en effet constitué d’une triade symptomatique composée d’anomalies du
contact et des interactions sociales, de troubles de la communication verbale et
non verbale et de comportements stéréotypés ou restreints. Avant cet âge, un
certain nombre de signes non spécifiques et à lier au développement de l’enfant
devront alarmer comme une pauvreté de la communication et du contact
visuel, des anomalies posturales, des troubles du tonus, des troubles alimentaires et du sommeil. Le diagnostic se base sur l’examen clinique et l’interrogatoire des parents, des outils diagnostiques standardisés ont cependant été établis
et permettent une évaluation complémentaire éventuelle.
Mots clés : dépistage précoce, autisme, diagnostic
L’
mtp
Tirés à part : M. Douniol
autisme infantile est une maladie
grave et douloureuse car elle
touche de jeunes enfants dans leurs
capacités de communication avec le
monde. Cette incapacité de communication rend souvent difficile les processus d’attachement et les mouvements empathiques des soignants.
Cependant, malgré cela, l’autisme a
toujours suscité l’intérêt voire une véritable passion chez certains chercheurs ou thérapeutes. Cet investissement du monde soignant a permis
l’apparition de très nombreuses théories sur la conception de la maladie et
de ses origines, mais aussi sur les différentes modalités possibles de prise
en charge thérapeutique [1].
mt pédiatrie, vol. 8, n° 1, janvier-février 2005
En effet, depuis une centaine d’années, l’autisme a pu voir une très
grande évolution de ses considérations.
Initialement, des cas isolés furent
décrits. Un des plus célèbres est sans
doute celui de Victor, retrouvé à l’état
sauvage par des chasseurs dans
l’Aveyron en 1800, et montrant des
troubles du comportement faisant
évoquer un trouble autistique. Toujours au XIXe siècle, fut décrit à
Nuremberg en 1828 le cas d’un jeune
adolescent, Kaspar Hauser, emprisonné depuis son enfance et qui montrait des signes faisant évoquer un
syndrome d’Asperger. Ces enfants
montraient tous des signes de troubles
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de la communication, une étrangeté, parfois un retard
mental dont l’origine était rapportée à la carence de soins
et d’affection qu’ils avaient gravement subie. Cette première hypothèse psychopathologique fut reprise par la
suite dans les travaux de Spitz sur l’hospitalisme. Tous ces
auteurs mettaient l’accent sur les carences graves (hospitalisme dans les orphelinats de pays défavorisés, négligence grave voire abandon à la vie sauvage) qui seraient à
l’origine de l’ensemble des traits autistiques retrouvés.
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Des psychiatres d’enfants comme Kanner en 1943, ou
Asperger en 1944, isolèrent pour la première fois un
syndrome autistique issu de l’observation clinique d’enfants. Ceux-ci ne présentaient aucune dysmorphie faciale
mais se caractérisaient tous par un retrait de la vie sociale,
une intolérance au changement et des troubles du langage
et de la communication.
Parallèlement à cette première définition diagnostique, des théories psychopathologiques d’inspiration psychanalytiques furent élaborées. Des auteurs comme Mélanie Klein [2], Margaret Mahler [3] ou Donald W.
Winnicott [4] mirent l’accent sur le rôle de la mère dans la
genèse des troubles autistiques, la mère ne faisant pas une
interface psychique suffisante permettant à l’enfant une
séparation et une individuation afin qu’il puisse évoluer
de sa phase symbiotique. Cette insuffisance de la mère
était due, soit à des carences de soins et d’affection de type
quantitatif, soit à des anomalies qualitatives c’est-à-dire
des troubles des interactions mère-enfant (cas des mères
déprimées). Ce rôle de la mère fut encore plus mis en
avant par certains auteurs tels que Bruno Bettelheim pour
qui le repli des enfants autistes (la « forteresse vide ») était
dû principalement à une attitude maternelle insuffisamment protectrice qui obligeait l’enfant à se replier devant
des menaces de perte et d’abandon.
Par la suite, ces hypothèses furent critiquées et d’autres
théories émergèrent, soit d’orientation psychopathologique, soit biologique.
Des théories neurophysiologiques mirent en avant des
dysfonctionnements hémisphériques cérébraux (droit,
gauche ou mixte, implication du lobe temporal). Des
études génétiques très récentes ont permis d’isoler des
régions candidates ainsi qu’un gène mis en cause. Des
travaux neuropsychologiques traitant des processus cognitifs se sont aussi intéressés à l’autisme et ont mis en
avant des anomalies non spécifiques de la planification,
de l’organisation et de la persévération de l’action, mais
aussi des défauts de métareprésentation, de la reconnaissance des émotions et un déficit dans les capacités d’intersubjectivité [5].
Actuellement, des auteurs comme S. Tordjmann [6]
proposent des modèles multifactoriels ; dans ces modèles,
l’atteinte génétique avec des lésions spécifiques est modulée par la présence de facteurs environnementaux périnatals et psychologiques comme le stress.
Diagnostic précoce
La recherche de signes précoces d’autisme est une
démarche relativement nouvelle au sein de la communauté médicale.
Ces signes, d’abord rapportés de manière rétrospective, ont fait par la suite l’objet d’une attention plus importante en même temps que se développait tout l’intérêt
pour la psychiatrie du bébé.
Un tableau complet d’autisme infantile est présent aux
alentours de la troisième année de l’enfant. Nous aborderons donc l’ensemble des signes de la période de 0 à 2 ans.
Lors de cette période, les médecins de famille et les
pédiatres sont les plus à même de détecter des signes
précoces grâce à l’observation de l’enfant et mais aussi
beaucoup grâce à l’interrogatoire des parents. Tous ces
signes sont peu spécifiques et ne peuvent s’interpréter de
manière isolée, sans prise en compte de leur chronologie
et de leur dynamique [7].
Plusieurs types de début ont été individualisés :
– le début dit précoce et progressif : les signes apparaissent progressivement dès les premiers mois pour former à 3 ans un tableau complet d’autisme infantile ;
– le début dit secondaire ou tardif où, après un mode
d’évolution normal pendant les premiers mois voire la
première année de vie, on assiste vers 18 mois à l’apparition de signes pathologiques et à la perte d’acquisitions
antérieures.
Enfin, certains tableaux peuvent se constituer très tardivement, après 3 ans.
Les signes de 0 à 6 mois
Classiquement, il a été décrit que les bébés se montraient extrêmement calmes, avec une insomnie silencieuse. Les mères rapportent retrouver souvent dans leur
lit leur enfant éveillé, ne manifestant aucune insatisfaction, inconfort ou joie d’être seul ou de retrouver leur
mère. On note souvent une absence des prémices de la
communication verbale : absence de babillage. La communication non verbale peut être, elle aussi, déjà perturbée : la mimique du bébé est pauvre, il ne sourit pas ou
peu, et il ne s’ajuste pas aux attentions maternelles :
absence d’ajustement postural dans les bras de sa mère
(sensation de « poupée de son » ou au contraire de « bout
de bois »), absence d’attitude anticipatrice des bras. Des
signes de retrait peuvent être présents comme le fait ne pas
réagir à l’environnement : absence de réactions après un
bruit pouvant donner l’illusion d’une surdité, absence
d’émotion ou au contraire réaction émotionnelle très exagérée et incompréhensible après un stimulus sensoriel ou
émotionnel.
Des troubles du tonus peuvent être notés de type
hypotonie : bébé mou et lourd dans les bras, plus rarement
une hypertonie. Des troubles somatiques comme des troubles de l’alimentation ou des troubles du sommeil (insom-
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nie ou hypersomnie). Enfin, quelques stéréotypies peuvent
déjà apparaître comme des balancements ou des gestes
répétitifs.
Les signes de 6 mois à 1 an
Les mêmes troubles peuvent se retrouver et sont alors
plus remarquables du fait du développement plus avancé
de l’enfant : retard au développement moteur avec une
hypotonie et un retard à l’acquisition de la position assise,
l’absence d’interactions apparaît plus visible : évitement
du regard, strabisme, peu de vocalises. Certains signes
peuvent apparaître lors de cette période comme le développement d’intérêts pour des stimulations sensorielles
(jeu avec les lumières) et des autostimulations visuelles ou
auditives. Enfin, on note une absence des jeux d’imitation.
Les signes entre 1 et 2 ans
Lors de cette période les troubles du tonus (hypotonie)
et les troubles somatiques (troubles alimentaires et troubles du sommeil) s’esquivent et ce sont les difficultés de
communication qui apparaissent plus au premier plan :
difficultés dans les interactions sociales : absence de jeux
d’imitation mais aussi absence de jeux de faire semblant.
L’enfant joue souvent seul, refuse ou n’apprécie pas tous
les jeux partagés. Il recherche l’isolement, ses jeux sont
pauvres et stéréotypés. Il peut passer un temps important à
utiliser un objet de manière stéréotypée ou à se balancer.
La communication verbale peut être totalement absente,
seuls des cris lui permettent de s’exprimer, ou partiellement présente avec quelques mots. La communication
non verbale est elle aussi très touchée avec une absence
de pointage et d’attention conjointe. Le partage des émotions est rare.
Tous ces signes s’accompagnent d’autres témoignant
d’un retard psychomoteur plus ou moins intense. Quand
le retard est précoce et profond, les signes d’allure autistique apparaissent au rythme du développement perturbé
de l’enfant.
Les outils d’évaluation du diagnostic précoce
Plusieurs outils diagnostiques existent afin d’objectiver
des anomalies développementales chez un très jeune
enfant. L’interrogatoire des parents reste une source d’information très importante mais qui nécessite une certaine
précision des questions afin d’éviter tous les biais apportés
par l’interprétation spontanée des parents.
Plusieurs questionnaires d’aide au diagnostic existent :
l’ECA-N (ou IBSE) [8] dérivée de l’ECA est une échelle
d’évaluation des comportements autistiques pour nourrisson. Elle comporte 33 items et permet d’évaluer de très
jeunes enfants âgés de 6 mois à 4 ans.
Le CHAT (Checklist for Autism in Todlers) [9] est un
instrument basé sur les travaux neuropsychologiques de
Baron Cohen, et l’hypothèse d’un défaut de métareprésen-
tation (théorie de l’esprit). Ce questionnaire est divisé en
deux parties : l’une destinée aux parents, l’autre destinée
au clinicien afin de diriger son observation de l’enfant. Il
permet d’évaluer des enfants âgés de 18 mois à 3 ans.
Trois items avaient montré leur caractère hautement significatif s’ils étaient absents : le pointage protodéclaratif,
absence d’orientation du regard de l’enfant vers le pointage de l’adulte et l’absence de jeux de faire semblant.
D’autres échelles telles l’ADI-R (Autisme Diagnostic
Interview Revised) Lord 1991, le PDDST [10] (Pervasive
Developmental Disorders Screening Test-Stage) Siegel,
1998 [8], questionnaires adressés aux parents permettent
d’évaluer des comportements avant l’âge de trois ans.
Parallèlement doit être faite une évaluation du développement psychomoteur de l’enfant (Cf. ci-dessous).
Diagnostic différentiel avant trois ans
Troubles sensoriels
Le diagnostic de surdité doit être évoqué devant un
enfant qui ne présente aucune réaction à un stimulus
auditif et qui présente un retard de langage. La communication non verbale est préservée dans la surdité et doit
permettre de différencier les deux pathologies.
De même, un diagnostic de cécité doit aussi être
évoqué, en particulier chez un enfant très jeune, pour
lequel le dépistage de cette anomalie est plus complexe.
Dépression du nourrisson
Le diagnostic sera évoqué devant un nourrisson apathique, en retrait, triste, détournant le regard et refusant le
contact. La notion de rupture avec un état antérieur devrait
permettre d’orienter le diagnostic en cas de traumatisme
(séparation brutale avec une figure d’attachement, etc.).
La réponse rapide aux attentions soignantes doit elle aussi
être un argument diagnostic en faveur d’une dépression.
Retard mental isolé
Le diagnostic de retard isolé se différenciera sur l’absence de bizarrerie et de retrait, l’absence de comportements stéréotypés qui orienteront le diagnostic vers
l’autisme. Avant trois ans, il est parfois difficile d’isoler ces
deux troubles d’autant qu’ils sont le plus souvent associés.
Troubles du langage isolé
La plupart des enfants dysphasiques ont une présentation assez différente des enfants autistes (capacité d’expression non verbale d’émotions, etc.), cependant, des
troubles de la relation peuvent apparaître secondairement
en cas de trouble sévère.
À ce stade du développement de l’enfant, l’annonce
d’un diagnostic doit se faire avec beaucoup de prudence.
Certaines pathologies (sensorielles, dépression du nourrisson) doivent être avant tout éliminées comme une surdité
ou une anomalie de l’acuité visuelle, parfois difficile à
diagnostiquer. Par ailleurs, peu d’études existent sur l’évolution de nourrissons présentant avant deux ans un syndrome autistique isolé. Enfin, l’approche thérapeutique à
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L’autisme infantile : diagnostic et dépistage précoces
cet âge se résume à une forme d’observation dont le but est
le travail sur le développement de l’enfant et l’aide dans sa
communication.
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Diagnostic clinique à partir de 3 ans
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Le diagnostic clinique d’autisme infantile repose à la
fois sur l’examen du développement psychomoteur de
l’enfant et sur l’examen de l’ensemble de ses moyens de
communication et de contact avec autrui. En effet, le
diagnostic d’autisme selon les classifications internationales DSM-IV et CIM-10 repose sur la présence d’une
« triade symptomatique autistique » :
– anomalies du contact et des interactions sociales ;
– anomalie de la communication verbale et non verbale ;
– comportements stéréotypés et restreints.
À cette triade s’ajoute la présence fréquente d’un retard mental.
Le retard psychomoteur
Il est présent dans 3 cas sur 4 environ. Il correspond à
une efficience intellectuelle inférieure à 70, la moyenne
internationale étant fixée à 100. Le déficit touche le plus
souvent plus sévèrement les capacités verbales que le
quotient de performance. Son intensité joue un rôle dans
l’expression des troubles autistiques. En effet, un retard
mental sévère aura pour effet de masquer les difficultés
autistiques « pures ». Inversement, des troubles autistiques sévères peuvent être associés à des capacités mentales préservées.
La triade symptomatique
Les troubles du contact
L’enfant autiste initie rarement le contact. Il apparaît
spontanément en retrait, parfois le refuse ou l’évite. Le
contact est alors souvent indirect : absence de contact
oculaire direct mais regard périphérique où l’enfant semble regarder « du coin de l’œil ». Absence de pointage
mais utilisation de la main de l’adulte pour lui désigner ce
qu’il souhaite. Il semble alors utiliser une partie du corps
de l’adulte : prendre la main, s’asseoir sur ses genoux sans
le regarder, etc. Il paraît souvent indifférent, froid, mettant
à distance l’autre, refusant le contact corporel. L’expression des émotions est souvent pauvre voire absente ; parfois au contraire on assiste à une hyperexpression émotionnelle mais inadaptée par rapport à la situation dans
laquelle elle intervient.
Les contacts avec les pairs ne sont pas plus facilités,
l’enfant reste à l’écart et semble ne pas percevoir la
présence d’autres enfants.
Les troubles de la communication
La communication verbale est souvent sévèrement
touchée avec un langage expressif pauvre aussi absent.
Des anomalies du langage sont parfois présentes comme
des écholalies, un jargon, une modulation prosodique
anormale, un ton monotone, un langage utilisé de manière
non communicative. Il existe des anomalies syntaxiques :
absence d’utilisation du « je » et utilisation à la place des
pronoms « tu » ou « il ». L’accès à l’humour, aux mots
abstraits, aux sens implicite est souvent impossible. La
communication non verbale est elle aussi touchée : absence de reconnaissance d’émotions grâce à la mimique
et peu d’expression émotionnelle, absence d’imitation des
gestes de l’adulte à visée communicative (faire coucou, au
revoir, etc.).
Les comportements répétitifs ou restreints
Les jeux de l’enfant sont décrits comme pauvres et
restreints à certains domaines : intérêt pour les roues, les
toupies et utilisation d’objet de façon détournée comme
regarder par exemple les roues d’une petite voiture tourner. Les jeux imaginés sont rares, on assiste plutôt à des
jeux d’alignement. Enfin, les jeux de faire semblant ou à
tonalité symbolique sont également très limités ou absents.
Autres anomalies
Les stéréotypies motrices
Certains gestes comme la marche sur la pointe des
pieds, les battements d’aile avec les mains, les tournoiements sont parfois présents. De même, des anomalies
sensorielles ont été notées. Il existe des troubles de la
perception sensorielle : absence de réaction après un stimulus auditif de forte intensité ou au contraire réaction de
peur exagérée après un stimulus de très faible intensité
(sursaut après le froissage d’un papier par exemple). Certains bruits peuvent parfois provoquer une véritable panique comme le bruit de l’aspirateur, la chasse d’eau. À
l’inverse, on décrit classiquement un intérêt pour la musique. Les sensations tactiles peuvent être aussi touchées :
refus du contact de certains tissus ou de l’eau. De même,
on remarque au niveau gustatif que les enfants autistes
peuvent faire preuve de goûts particuliers comme le goût
pour les aliments très épicés, la recherche d’aliments
présentant une consistance lisse. Des approches sensorielles particulières ont été remarquées comme le flairage des
objets, le signe « du cube brûlant » où l’enfant tend sa
main vers l’objet puis la retire comme si l’objet était
brûlant. Enfin, il peut s’autostimuler en se balançant, en
jouant avec la lumière devant ses yeux, en tournoyant sur
lui-même, etc.
L’intolérance au changement
Le syndrome d’immuabilité décrit en premier par Kanner correspond aux difficultés qu’ont ces enfants lors des
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changements provoquant parfois des manifestations anxieuses majeures. Leur vie peut donc prendre un cours très
ritualisé.
Les automutilations
Elles sont de nature multiple : morsures, coups, etc. et
surviennent le plus souvent lors de moments anxieux ou
de frustration.
Les troubles du sommeil
Ils peuvent persister au-delà des premiers mois de vie
avec une insomnie persistante.
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L’instabilité motrice
Certains enfants présentent en effet une agitation et
une instabilité comportementale parfois très importante et
pour laquelle un traitement est souvent sollicité par les
parents.
Les pathologies somatiques associées
Une épilepsie est associée dans environ 30 à 40 % des
cas. La maladie épileptique n’apparaît pas toujours précocement, elle peut survenir dans l’enfance mais aussi plus
tardivement au moment de l’adolescence ou de l’âge
adulte. Les crises les plus fréquentes sont de type généralisées tonicocloniques ou partielles complexes, mais
d’autres types de crises peuvent aussi être observées parfois chez un même sujet.
Diagnostic différentiel
Les anomalies sensorielles précédemment citées, le
retard mental isolé, les troubles du langage isolés sont là
encore des diagnostics à écarter. Cependant, les difficultés
diagnostiques résident plus dans la différenciation avec les
troubles envahissants du développement.
Examens complémentaires
Les examens complémentaires sont de quatre types.
Évaluation psychologique
Elle permet d’évaluer le niveau de développement de
l’enfant (échelles standardisées de mesure du quotient
intellectuel), mais peut être aussi complétée par des évaluations des fonctions cognitives, de la cognition sociale
et des capacités symboliques.
Évaluation orthophonique
Un bilan du langage (expressif et compréhensif), mais
aussi d’évaluation des capacités de communication non
langagière peut permettre une meilleure adaptation de
soins.
Évaluation psychomotrice
Elle aura pour but de mesurer le retard mais aussi le
comportement de l’enfant, et l’importance des traits autistiques.
Examens médicaux complémentaires
Ils ont lieu afin de détecter des pathologies associées
(sclérose tubéreuse de Bourneville, syndrome d’X fragile)
et afin d’éliminer un diagnostic différentiel (troubles sensoriels).
Examen neuropédiatrique
Il comporte un examen clinique approfondi associé à
des examens complémentaires : EEG de sommeil, scanner
cérébral ou IRM cérébrale.
Examen ORL
Méthodes et outils diagnostiques
Ils se basent sur l’observation clinique, l’interrogatoire
des parents et éventuellement la vision de films familiaux.
Ils peuvent être complétés par des entretiens semistructurés. Nous en citerons quelques-uns.
L’ADI-R (Autistic Diagnostic Interview-Revised) est un
entretien semi-structuré composé de 111 items permettant
une évaluation très exhaustive de l’enfant.
La CARS-T (Childhood Autistic Rating Scale) est une
échelle permettant une cotation quantitative du syndrome
autistique.
L’ECA-R est une échelle comportant 29 items évaluant
le comportement autistique.
Enfin, nous citerons entre autres le PEP-R (Psycho
Educative Profile-Revised) qui évalue les capacités actuelles et en devenir afin de permettre une meilleure appréciation des modalités de prise en charge nécessaire à
l’enfant dans le cadre du programme TEACH, lui-même
basé sur une conception éducative et pragmatique des
soins.
Un audiogramme doit être effectué de manière concomitante à la consultation ORL.
Examen ophtalmologique
De même, un examen ophtalmologique adapté à l’âge
de l’enfant avec fond d’œil, devra avoir lieu.
Consultation génétique
Une consultation génétique pourra être proposée aux
parents. Elle aura surtout une utilité dans le cadre d’un
programme de recherche génétique sur l’autisme. À cette
occasion, un caryotype, une recherche d’X fragile ou
d’autres anomalies chromosomiques particulières pourront être recherchés.
Conclusion
L’autisme reste une pathologie psychiatrique grave,
pour laquelle la nécessité d’un diagnostic précoce permet
une prise en charge située elle aussi tôt dans le développement de l’enfant. Pour cela, l’ensemble des partenaires
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L’autisme infantile : diagnostic et dépistage précoces
(médecins généralistes, pédiatres, puéricultrices) doivent
pouvoir reconnaître des symptômes afin d’orienter un
jeune enfant présentant des signes complets et débutants
de troubles autistiques.
Références
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