Mise en page 1 - Pôle de Ressources Départemental Ville et

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Mise en page 1 - Pôle de Ressources Départemental Ville et
VAL D’OISE
PÔLE DE RESSOURCES VILLE ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Observation & territoires
DISCRIMINATION
TERRITORIALE À L’EMBAUCHE
À L’ENCONTRE DE JEUNES
QUALIFIÉS DANS LE VAL D’OISE
Le Pôle de ressources Ville et développement social a proposé, le 8 octobre 2010, une rencontre
sur la discrimination territoriale, avec la restitution d’une enquête « Les effets du lieu de résidence
sur l’accès à l’emploi ; une expérience contrôlée sur des jeunes qualifiés en Île-de-France ».
Publiée par cinq chercheurs du Centre d’Etudes de l’Emploi (CEE), elle a pour objet d’évaluer
l’influence du lieu de résidence, du sexe et de l'origine sur l'obtention d'un emploi, en s’appuyant
sur les profils fictifs de candidats résidant dans trois communes du Val-d’Oise.
Ce document reprend les principaux enseignements explicités par Pascale Petit, Maître de
conférences à l’Université d’Evry, chercheure associée au CEE et responsable du Programme
GEODE (Groupe d’Evaluation des Origines des Discriminations à l’Embauche).
En préambule
La distinction entre inégalité et discrimination
Dans le monde du travail, les niveaux de salaires traduisent des
phénomènes d’inégalités. Plusieurs facteurs « objectifs »
peuvent les expliquer : niveaux de diplômes et de
compétences, expériences professionnelles,…
D’autres inégalités se fondent, elles, sur des critères tels que le
sexe, l’origine, l’état de santé… Il s’agit alors de discriminations,
puisqu’une rupture d’égalité s’effectue entre des personnes, à
compétences égales, dans l’accès à l’emploi, à la formation, ou
au niveau des salaires.
Un questionnement : mesurer la discrimination
liée au territoire
La discrimination « territoriale » n’est à ce jour pas reconnue
en tant que telle par la loi, puisqu’elle ne figure pas dans la liste
des critères qui caractérisent la discrimination. Pourtant,
l’expérience, tant d’habitants de villes ou de quartiers dits
« difficiles » que de professionnels de terrain, et des travaux de
recherche, tendent à accréditer « l’effet du lieu de résidence »
comme facteur de discrimination dans les champs de l’emploi,
du logement, des services… Mais ce type de discrimination
reste difficile à cerner ou isoler d’autres mécanismes
(distance physique aux opportunités d’emplois, coûts de
transport, effets de voisinage, faiblesse des réseaux
professionnels…), ou d’autres types de discriminations qui
peuvent s’exercer, de manière cumulée, parfois. Il en est ainsi
des discriminations particulièrement structurantes liées au sexe
et à l’origine.
L’objet de la présente étude est précisément de proposer une
mesure expérimentale des effets du lieu de résidence sur
l’accès à l’emploi, toutes choses égales par ailleurs, mais aussi
de vérifier si cet effet est différent pour certaines souspopulations (au regard du sexe et de l’origine : française ou
marocaine).
Avril 2011
1. La méthodologie utilisée :
le testing.
L’étude a été réalisée selon la méthode du testing, à partir
d’un protocole permettant d’examiner les effets croisés de
ces trois dimensions - sexe, origine, lieu de résidence -,
appelée discrimination conditionnelle. 12 profils fictifs de
candidats similaires en tous points ont été créés : même
diplôme, expérience, âge, type de loisirs, compétences
informatiques et linguistiques… Les CV se distinguent
uniquement par le sexe, l’origine et le lieu de résidence.
Le choix d’une profession qualifiée
dans un secteur réputé en tension
Le testing a porté sur la profession de développeur
informatique, de statut cadre, avec un niveau de qualification
élevé (bac+5).
Le choix d’une profession « en tension » permet de limiter
le nombre de refus des employeurs, indépendamment de toute
discrimination. Par ailleurs, l’accès à l’emploi est supposé être
moins sélectif, rendant, potentiellement, plus délicate
l’observation de discriminations.
Le choix de l’origine
L’origine était testée par le biais du patronyme, avec un profil
de « référence », renvoyant à un patronyme « français de
souche », et des profils comportant des noms à consonance
marocaine. Le choix de l’origine marocaine était motivé par
l’importance de cette communauté en France.
Le lieu de résidence : le choix de trois communes du Val d’Oise
La discrimination territoriale a été testée en localisant les candidats fictifs dans trois communes du Val d’Oise : Enghien-les-Bains,
commune réputée plutôt favorisée ; Sarcelles, commune jugée défavorisée ; Villiers-le-Bel, commune jugée défavorisée, ayant été, de
surcroît, très médiatisée lors d’évènements en novembre 2007, véhiculant une image négative.
Les communes sont dites « favorisées » ou « défavorisées » sur la base de données statistiques, telles que le taux de chômage.
Les limites de la mesure
La mesure est partielle - les résultats relatifs à une profession ne se vérifient pas forcément sur une autre, ponctuelle - contexte de crise
économique -, et localisée - en considération de trois communes valdoisiennes -.
2. Les principaux enseignements de l’enquête
1. Taux brut de succès
T a u x b r u t s d e s u c c è s s u r l e s m e ̂m e s o f f r e s d ’ e m p l o i
Origine française
Femmes :
Taux de réponses
favorables
Intervalle de confiance de niveau 90%
Borne inférieure
Borne supérieure
Enghien-les-Bains
22,5%**
18.60%
26.40%
Villiers-le-Bel
17,9%**
14.30%
21.50%
Sarcelles
Hommes :
Enghien-les-Bains
Sarcelles
Villiers-le-Bel
Origine marocaine
Femmes :
Enghien-les-Bains
Sarcelles
Villiers-le-Bel
Hommes :
Enghien-les-Bains
Sarcelles
Villiers-le-Bel
Taux de réponse en nombre d'offres(1)
22,1%**
16,9%**
19,9%**
18,6%**
19,5%**
18.20%
13.40%
14.30%
21.10%
16%
23.10%
11.70%
18.20%
10.40%
18,6%**
15%
19,2%**
17,3%**
20.50%
23.80%
15.00%
13,7%**
15%**
26.10%
15.60%
13.70%
52.10%
16.90%
22.10%
23.10%
20.80%
L es inter valles de c onfiance ont été c alculés par la méthode du b ootst rap réalisée sur 10 000 tirages. * signific atif au seuil de 10% ; * * : signific atif au seuil de 5%.
1.
Pourc entage d ’offres p our lesquelles les c andidats fic tifs du testing ont reç u au moins une rép onse favor able.
Les 2 candidatures ayant les plus forts taux de succès sont les femmes d’origine française d’Enghien-les-Bains (22,5%) et de Sarcelles (22,1%).
Cette donnée tient beaucoup à la spécificité du métier étudié. La profession de développeur informatique est historiquement masculine,
or, la mixité tend à devenir une norme dans les entreprises. Pour « rééquilibrer » la proportion hommes/femmes, les employeurs peuvent
donc avoir tendance à recruter des femmes.
À l’inverse, le plus faible taux de succès d'invitation à un entretien sont les femmes d'origine marocaine résidant soit à Sarcelles (13,7%)
soit à Villiers-le-Bel (15%). Les hommes d’origine française qui résident à Enghien-les-Bains(16,9%) ou d’origine marocaine résidant à
Villiers-le-Bel (17,3%) connaissent un taux de réussite plus faible. Ainsi, globalement, malgré la volonté des employeurs de tendre vers
plus de mixité, mieux vaut, pour être sélectionnée, être une femme d’origine française et résider à Enghien-les-Bains ou Sarcelles plutôt
qu’être femme d’origine marocaine et habiter à Sarcelles ou Villiers-le-Bel.
2. Les effets de l’origine
Pour la plupart des communes de résidence, l’origine marocaine n’est pas systématiquement discriminante pour les hommes, mais elle l’est pour les
femmes résidant à Sarcelles. Un facteur explicatif consiste en ce que la profession, en tension, entraîne de fait un moindre choix pour l’employeur.
Néanmoins, le résultat de l’origine marocaine, qui ne serait pas discriminante pour les hommes, est à nuancer. Parmi les hommes et les femmes habitant
à Sarcelles, le candidat d’origine marocaine a moins de chances que le candidat d’origine française d’obtenir un entretien pour un poste en contrat à durée
indéterminée.
3. Les effets du sexe
Au sein de cette catégorie, les seules femmes pénalisées sont celles d’origine marocaine habitant Sarcelles.
Concernant les hommes, la discrimination pénalise les hommes d’origine française résidant à Enghien-les-Bains. En effet, les employeurs
vont s’intéresser à un profil « idéal » de la « femme française qualifiée, qui réside dans une commune très favorisée », pour venir
rééquilibrer la proportion de femmes dans leur main d’œuvre.
4. Les effets du lieu de résidence
Une hypothèse de départ était qu’allait s’exercer une stigmatisation à l’encontre d’hommes, plutôt d’origine étrangère, dont le profil se
rapprochait le plus des images médiatisées lors des évènements de 2007 à Villiers-le-Bel. Or, les résultats montrent qu’une
discrimination territoriale s’exerce exclusivement pour les femmes. Résider dans une commune défavorisée (Villiers-le-Bel ou Sarcelles)
plutôt que dans une commune favorisée (Enghien-les-Bains) réduit la probabilité d’une candidate à accéder à un entretien d’embauche,
quelle que soit son origine. L’effet « Villiers-le-Bel » ne pénalise que les femmes d’origine française. Une interprétation possible de ce
résultat est qu’une femme d’origine française, de surcroît diplômée, qui habite dans une commune comme Villiers-le-Bel peut susciter, au
regard de l’employeur, une certaine interrogation, car son profil ne correspond pas aux représentations communes de ce type de territoire,
a contrario d’une femme d’origine étrangère.
3. En conclusion
Si les résultats de l’étude ne sont pas généralisables, le résultat fort de ce travail, sur l’entrée du territoire, est de mettre en lumière que les
seules à subir une discrimination territoriale sont les femmes, en particulier les femmes d’origine française résidant à Sarcelles et Villiers-le-Bel.
Si une profession en tension, qualifiée, semble un terrain peu propice aux discriminations, les résultats de l’enquête démontrent
pourtant que le lieu de résidence a un réel impact sur l’accès à l’emploi.
La question de la discrimination liée à l’origine est, quant à elle, la plupart du temps tellement forte, qu’une fois exercée, il semble ne
pas avoir d’effet cumulatif du lieu de résidence.
,Les résultats de l’enquête démontrent qu’un véritable enjeu existe, pour les acteurs locaux, les élus, à porter des démarches de lutte
contre les discriminations, au regard de critères particulièrement forts - genre, origine… - mais que la relation des discriminations au
territoire doit être un objet de travail pleinement investi. D’ailleurs, la reconnaissance par la Loi par de ce type de discrimination fait
actuellement l’objet de débats publics.
L’étude est à télécharger en version intégrale à l’adresse suivnate :
http://www.cee-recherche.fr/fr/doctrav/128-effet-residence-emploi-experience-jeunes-idf.pdf

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