Cure
Transcription
Cure
CURE La trilogie suicidaire entiers. Il a peur d’y perdre son temps, son âme. Il renonce à l’étude de l’art asiatique, à la fréquentation des filles (I can lose myself in chinese art and american girls sur « The Figurehead »). On le voit, un bras rejeté sur sa tête, rêvasser, immobile. Par son attitude et sa mélancolie, il ressemble à un génie funèbre, à un Winnie l’Ourson gothique, destroy. Ce n’est pas une saison, ce sont deux ans que Robert Smith va passer en enfer. Il y rencontre le néant, les désillusions les plus sévères, les faux amis d’ivresse. Lui et ses compagnons d’infortune subissent de graves dépressions liées à toute une série de deuils. SEVENTEEN SECONDS (1980) obert Smith est né le 21 avril 1959, à Blackpool. Mais il est élevé à Crawley, non loin de Londres, entre la capitale et la côte sud. Il peut se nourrir du courant punk car il a 18 ans au moment de la sortie de « Anarchy In The UK » des Sex Pistols. Il est de cette génération. Ainsi, dès 1972, il s’escrime sur sa première guitare. Avec Michael Dempsey (basse) et Lawrence Lol Tolhurst (batterie), ils commencent à jouer en trio. Ils deviennent un quator avec l’arrivée d’un second guitariste, Paul Porl Thompson, et prennent le nom de Malice, en 1976, avec un répertoire axé uniquement sur des reprises de Jimi Hendrix. En 1977, le combo se rebaptise Easy Cure, d’après un titre composé par Lol et recute le chanteur Peter O’Toole qui fait long feu ! Robert Smith redevient vite vocaliste et le groupe signe avec Hansa pour qui il enregistre dix morceaux. En mars 1978, le contrat est cassé suite au refus du label de sortir le simple « Killing An Arab ». Porl Thompson s’en va alors et la formation abrège son nom en Cure. En août, Chris Parry, directeur artistique chez Polydor, prend leur destinée en main au sein de Fiction. Mais, c’est sur Small Wonder que paraît, en décembre 1978, la pre- mière édition du 45 tours « Killing An Arab », thème inspiré du roman d’Albert Camus «L’Etranger», à travers la scène du meurtre. Un morceau douloureux qui fait scandale quand, en février 1979, lors d’un concert, le National Front (parti d’extrême-droite anglais) distribue des tracts avec la mention tuer un Arabe ! Profitant de cette macabre publicité, Cure publie son premier 33 tours, « Three Imaginary Boys », en mai, illustré par un réfrigérateur, un aspirateur et un abat-jour ! Robert Smith se cache déjà, pourtant, à cette époque, il est encore beau. Il n’a pas ce visage bouffi qu’on lui a connu depuis, cet air de chat qui digère, de Raminagrobis repu (« The Lovecats »). Il promène autour de lui des regards pleins de tristesse. Sa démarche, sa physionomie, son sourire, sa voix ont quelque chose de rêveur ou de souffrant. D’ironique parfois. De désolé souvent. Il lui prend des accès de pensées noires qu’on a peine à dissiper. A vingt ans, Robert déplore déjà la perte de ses jeunes années (« Primary »). Il voudrait s’ensevelir au fin fond de la campagne, contempler l’océan à longueur de journées. Tout lui est souci, chagrin, blessure. Une suite d’accords difficiles, une mélodie qu’il cherche, le tourmente des jours Musiciens : Robert Smith (chant, guitares), Matthieu Hartley (synthétiseurs), Simon Gallup (basse), Lawrence Lol Tolhurst (batterie). 33 tours original : A Reflection/ Play For Today/ Secrets/ In Your House/ Three/ The Final Sound/ A Forest/ M/ At Night/ Seventeen Seconds. Deluxe edition + CD de raretés 1979-80 : I’m A Cult Hero (simple par Cult Hero)/ I Dig You (simple par Cult Hero)/ Another Journey By The Train (maquette)/ Secrets (maquette)/ Seventeen Seconds (live)/ In Your House (live)/ Three (mixage studio différent)/ I Dig You (Cult Hero live)/ I’m A Cult Hero (Cult Hero live)/ M (live)/ The Final Sound (live)/ A Reflection (live)/ Play For Today (live)/ At Night (live)/ A Forest (live). En mai 1979, le premier album de Cure, « Three Imaginary Boys » (rebaptisé « Boys Don’t Cry » aux Etats-Unis avec des titres de simples), arrive en pleine fin de période punk et offre des chansons pop un peu névrosées. « Seventeen Seconds », publié un an après, en mai 1980, est déjà plus lugubre. Lol Tolhurst est toujours là, avec son sourire inquiétant, son alcoolisme gothique, son prénom de mauvais goût, mais Michael Dempsey, le bassiste des débuts, a quitté le groupe. Il a été viré comme un malpropre et remplacé par Simon Gallup, l’homme de confiance du patron, son alter ego, son Keith Richards batcave. Robert Smith est tyrannique. En soutien, Matthieu Hartley est engagé pour jouer du synthé. Mais bientôt le combo sera réduit à un trio. « Play For Today » sonne déjà comme du Cure classique. Tout est en place, et pour de longues années. Ils ont trouvé leur formule, même si le morceau est un peu monotone. « Secrets » est un instrumental qui manque un peu d’éclat, mais le travail de restitution de l’édition Deluxe lui redonne tout son lustre, son relief. Sur « In Your House », la voix de Robert est plaintive, geignarde, la rythmique trop répétitive. Ce ne sont, certes, pas encore des musiciens accomplis. La musique est à la fois minimaliste et inquiétante. On évoque une forêt, des bois hivernaux, mais ce n’est pas pour la beauté du lieu, c’est pour l’errance dans ces broussailles sans vie, désolées. « A Forest », c’est la forêt du capi- 45 tours-4 titres de l’époque Easy Cure. En 1978 simple anglais «Killing An Arab». Simple anglais «Boys Don’t Cry» en juin 1979. Il y a eu la trilogie électrique de Bob Dylan en 1965-66 («Bringing It All Back Home», «Highway 61 Revisited», «Blonde On Blonde»), les trois albums berlinois de David Bowie en 1977-79 («Low», «Heroes», «Lodger»). Mais il ne faudrait pas oublier la série crépusculaire de Cure, trilogie fuligineuse, fleuron de la new-wave, prototype du mouvement gothique, avec «Seventeen Seconds», «Faith», «Pornography». R 7