ANNALES DES ÉPREUVES DE BERBÈRE AU BACCALAURÉAT
Transcription
ANNALES DES ÉPREUVES DE BERBÈRE AU BACCALAURÉAT
ANNALES DES ÉPREUVES DE BERBÈRE AU BACCALAURÉAT Tira ) Langues, littératures et civilisations berbères Collection dirigée par Kamal Naït*Zerrad Cette collection est consacrée aux études littéraires, linguistiques, didactiques et de civilisation berbères ainsi qu’à la littérature proprement dite (roman, théâtre…) qu’elle soit en berbère ou sous forme bilingue. Outre les publications originales, elle remettra à la disposition des chercheurs et du grand public des ouvrages de première importance, aujourd’hui épuisés, sur l’histoire, la langue et la culture berbères. La collection contribuera ainsi non seulement à enrichir les études scientifiques par la publication de travaux de recherche, mais également à la diffusion d’une meilleure connaissance d’un monde berbère éclaté. Déjà parus Kamal Naït,Zerrad (éd.), Articles de linguistique berbère, Mémorial Vycichl Djamel Benaouf, Timlilit n tɣermiwin / la ville*rencontre, roman en kabyle Abdallah El Mountassir, Dictionnaire des verbes tachelhit* français (parler berbère du sud du Maroc) Kamal Naït,Zerrad, L’officiel des prénoms berbères (bilingue français – kabyle) Abdallah Boumalk, Manuel de conjugaison tachelhit (Langue berbère du Maroc) Moh Si Belkacem, Chroniques de la Kabylie martyrisée (textes en français et en tamazight) Salem Zenia, Tifeswin * Printemps [poésie] Abdallah El Mountassir, AMARG, Chants et poésies amazighs (Sud*ouest du Maroc) Kamal Naït,Zerrad, Linguistique berbère et applications Kamal Naït,Zerrad, Mémento grammatical et orthographique de berbère, Kabyle – Chleuh * Rifain ANNALES DES ÉPREUVES DE BERBÈRE AU BACCALAURÉAT Kabyle – Chleuh – Rifain 1995 - 2009 Deuxième édition revue et augmentée par Kamal Naït-Zerrad Photo de couverture : Une classe dans une école de Kabylie (Tamazirt - Irjen, vers 1915) Photo E. Laoust (Collection du Centre de Recherche Berbère – Inalco) © L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-54357-7 EAN : 9782296543577 Langues et Cultures du Nord de l’Afrique et Diasporas Centre de Recherche Berbère (INALCO) La première édition de ces Annales (Inalco, 2006) a été élaborée sous la direction de Salem Chaker, par une équipe composée de : Abdellah Bounfour, Professeur des Universités (langue et littérature berbères), Inalco Kamal Naït*Zerrad, Professeur des Universités (langue et linguistique berbères), Inalco Nafaa Smaïl, Ancien chargé de cours, Inalco Ont également contribué : Abdellah Boumalk, Chercheur, Ircam * Rabat Saïd Chemakh, Enseignant*chercheur, Université de Tizi* Ouzou. Mustapha El Adak, Professeur assistant, Faculté pluridisciplinaire de Nador. Masin Ferkal, Enseignant du secondaire ; Chargé de cours, Inalco Mena Lafkioui, Enseignant*chercheur, Université de Milano* Bicocca. Cette deuxième édition a été revue et augmentée par K. Naït*Zerrad avec la collaboration d’A. Bounfour et les contributions d’A. Boumalk et M. El Adak. Préface de la première édition Ce petit livre est un accomplissement. Il couronne de longs efforts d’intelligence et de ténacité pour inscrire le berbère dans la normalité des épreuves d’un diplôme national : sous la forme durable de feuillets imprimés. Avec la légitimité que confère l’écrit dans notre univers culturel, il contribue à sa manière à consacrer le berbère comme langue de France, c’est,à,dire comme une richesse pour tous. Il suffit de tendre l’oreille : parmi les chants croisés qui tissent le grand récit de la France contemporaine, le berbère fait entendre sa voix singulière dans tous les domaines d’expression, dans la vie quotidienne, dans la création artistique, aujourd’hui dans l’enseignement. Saluons donc cette parution qui élargit notre horizon et qui restera dans les annales de la diversité culturelle… Xavier NORTH Délégué général à la langue française et aux langues de France. 7 Avant$propos de la première édition Que l'enseignement supérieur inscrive ses perspectives et ses tâches dans une même grande mission d'éducation que les autres ordres d'enseignement ne devrait constituer pour personne une surprise, moins encore un paradoxe. De l'accueil du petit enfant à l'école maternelle à la soutenance d'un doctorat, il y a bien sûr des moments bien à eux, des formes qu'il n'est pas question de confondre. Mais tous les acteurs de ce grand mouvement dont nous savons désormais qu'il se prolonge « tout au long de la vie », s’impliquent avec une même volonté et une même conscience. Qu'il s'agisse de produire les connaissances, d'élaborer les outils et les voies de l'éducation, enseignants et chercheurs poursuivent un même but et l'espace qui les sépare est moins vaste que les découpages administratifs ne semblent l’imposer. Nombreuses et anciennes sont les réflexions et les expériences qui se proposent , et proposent , de franchir ces espaces et c'est une chance de pouvoir y apporter une nouvelle contribution. Cette chance doit être suscitée, encouragée, alimentée. Affirmant la volonté d'ouverture de l'INALCO vis,à,vis des autres ordres d'enseignement, et me plaçant dans le prolongement des démarches déjà engagées par mon prédécesseur Gilles Delouche, je prenais place à ses côtés en indiquant que seraient recherchées « aussi bien des expériences 9 d'enseignement, des recherches pédagogiques que des formations de formateurs ». Déjà pionniers, l'enseignement des langues berbères et la préparation aux épreuves facultatives du baccalauréat se devaient de concrétiser leur avance. C'est ce qu'a consacré la conclusion d'une convention entre l'INALCO et la direction des enseignements scolaires du ministère de l'Education nationale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Tout le mérite en revient à ses initiateurs et à ses artisans les plus directs, en premier lieu au professeur Salem Chaker. Mais il était tout aussi important que l'INALCO en tant que tel affirme fortement sa volonté et son engagement dans toutes les dimensions et dans toutes les conséquences de cet événement. Tels étaient les sentiments qui m'animaient au moment où j'ai apposé la signature du président de l’Institut au bas de cette convention. Sa mise en œuvre est activement engagée, ce qui augure bien de l'avenir. La publication de ces Annales est un nouveau témoignage de la vitalité de cette démarche, mais surtout un nouveau pas concret de son élargissement, comme le seront les développements similaires pour d'autres langues et d'autres cultures, au service d'une population et de toute une société. Un premier objectif est d'apporter une aide aux adolescents porteurs d'une de ces langues de France qui contribuent à l'universalité de notre culture. Cette aide est nécessaire, plus encore en un temps de défis et d'enjeux toujours plus exigeants. 10 Il est en effet plus évident que jamais, dans un tissu toujours plus entremêlé et complexe de connaissances, de compétences et d'expériences, que l'avenir appartient à la diversité des apports, des héritages, des horizons les plus ouverts. Ceci va très au,delà d'une épreuve facultative au baccalauréat, sans le moins du monde la dévaloriser, et cette évidence s'affirmera toujours plus fortement, comme en témoigne la place et la signification croissantes des dispositifs de validation des acquis de l'expérience. La diversité des richesses et des parcours est une dimension toujours plus forte des formations, de leur efficacité. Ouverture à la multiplicité des cultures et des devenirs, cette diversité est à l'opposé des ghettos, des enfermements et des étroitesses communautaires et de leur illusoire sécurité. Donner à voir et à vivre cette diversité est et demeure la grande mission de l'INALCO. Comme une fenêtre ouverte sur le monde, mais dans la vitre de laquelle on reconnaît aussi sa propre image. Par,delà ces quelques réflexions, je tiens à former enfin, et peut,être surtout, le vœu chaleureux que cette action – et ce recueil , contribuent, avec votre succès au baccalauréat, à vous ouvrir cette fenêtre. Jacques LEGRAND Président de l'INALCO. 11 Introduction L’épreuve de berbère au Baccalauréat Tamazight – Langue berbère L’écriture usuelle du berbère Bibliographie de base L’épreuve de berbère au Baccalauréat Le berbère au Baccalauréat Depuis la session 1995 du Baccalauréat, les épreuves facultatives de langues "rares", parmi lesquelles le berbère, sont passées à l’écrit. L’INALCO a, par convention, la responsabilité de l’élaboration des sujets et de la correction des copies. Dès la première session de 1995, ce sont 1.534 candidats qui ont subi l’épreuve de berbère, dans toutes les académies de France métropolitaine (avec une nette majorité pour la région parisienne et, par ordre d’importance : Lille, Aix,Marseille, Lyon, St. Etienne…). En 2001, plus de 1.800 candidats ont présenté l’épreuve. Depuis 2004, ils sont régulièrement plus de 2.200. Trois sujets (kabyle : Algérie du Nord ; chleuh : Sud, ouest du Maroc ; rifain : Nord,est du Maroc) sont proposés pour l’instant. Il s’agit des variétés de berbère les plus représentées en France (plus d’un million de Kabyles et au moins 500.000 berbérophones d’origine marocaine). Ultérieurement, et s’il apparaît une demande significative, la palette des dialectes pourra être élargie (notamment avec le chaoui d’Algérie). Jusqu’en 1998, avec quelques fluctuations selon les années, la répartition entre les dialectes a été conforme à ce que l’on pouvait attendre : une nette majorité pour le kabyle (autour de 60%), 40% pour les deux dialectes marocains – avec une percée inattendue pour le rifain dès son introduction en 1999. Puis, progressivement, l’équilibre entre les dialectes a évolué en faveur du Maroc, jusqu’à un véritable renversement de tendances : 15 l’ensemble chleuh + rifain représente désormais environ 65% des copies (en 2004 : chleuh = 40%, rifain = 25%, kabyle = 35%). En dehors de quelques expériences locales aléatoires, reposant sur la bonne volonté d’un chef d’établissement et/ou d’un enseignant, l’épreuve ne faisait l’objet d’aucune préparation organisée dans le cadre des établissements scolaires. L’essentiel des initiatives en la matière venait jusqu’à présent des associations culturelles berbères dont plusieurs organisent régulièrement des cours de préparation. On doit donc se féliciter que le Ministère de l’Éducation nationale ait récemment ouvert, dans le cadre d’une convention,cadre signée le 14 février 2006 avec l’INALCO, la possibilité de mettre en place des classes de préparation à l’épreuve de berbère du Baccalauréat dans les lycées. Cette innovation va certainement permettre d’améliorer progressivement les conditions de préparation. Pour plus d’information, sur ce sujet, on pourra se reporter au site Internet du Centre de Recherche Berbère de l’INALCO : (http ://www.centrederechercheberbere.fr). Ces Annales sont un premier outil dans une série destinée à fournir aux élèves une aide pour la préparation à l’épreuve. Un Mémento grammatical et orthographique qui vient de paraître (voir plus loin la « Bibliographie de base ») en constitue le second. D’autres instruments sont programmés pour les années à venir : une anthologie de textes commentés, un petit guide d’histoire et civilisation… 16 Introduction L’épreuve Cette épreuve écrite concerne le Baccalauréat général et technologique ; pour les Bac professionnels, BTS et autres examens professionnels, l’épreuve demeure orale. Avec l’introduction de l’examen écrit, l’épreuve tend à être alignée sur les pratiques en vigueur pour les langues obligatoires. La durée de l’épreuve facultative est de 2 heures. L’usage de calculatrices et de dictionnaires est interdit durant l’épreuve. Pour l’épreuve de langue obligatoire (LV1 ou LV2, soumise à des conditions très particulières : se renseigner auprès des chefs d’établissements), la durée est de 3 heures. A titre d’illustrations, deux sujets correspondant à des épreuves obligatoires de LV1 (kabyle et chleuh : 1995) sont intégrés dans ces annales, à la fin de chacune des parties concernées. Chacun des trois sujets proposés (kabyle, chleuh, rifain) comporte un texte berbère, en notation latine, de 15 à 20 lignes. Les mots rares ou présentant une difficulté sont expliqués ou commentés en note par un équivalent berbère. A partir de ce texte, deux types de questions sont posés : – des questions de Compréhension : traduction de 8 à 10 lignes du texte berbère en français ; éventuellement des questions ponctuelles sur le texte, destinées à vérifier la bonne compréhension ; – des questions de Compétence linguistique ) expression écrite : trois à quatre questions, liées au texte, destinées à vérifier l’expression écrite en berbère. 17 Le barème de correction est de 8 (ou 5) points pour la traduction et de 12 (ou 15) points pour l’ensemble des autres questions (compréhension – expression écrite). Origine des textes Les textes sont extraits de productions berbères publiées : – Œuvres littéraires contemporaines : romans, nouvelles, œuvres originales ou traductions d’œuvres littéraires internationales de : Pour le kabyle : Ahmed,Zaïd, Aliche, Belaïd, Bouamara, Chemakh, Chemime, Mezdad, Mezian,u,Muh, Sadi... ; Pour le chleuh : Safi, Moustaoui, Idbelkacem, Akhiyat... Pour le rifain : Chacha, Ziani, El Walid… – Textes divers (récits, essais...) publiées dans les revues culturelles berbères ou dans la presse : En Algérie : Tidmi tamirant, Izen amazigh, pages berbères des journaux quotidiens… Au Maroc : Tamunt, Tifawt, Tasafut... En France : Tisuraf, Bulletin d’Etudes Berbères (GEB)... – Sources littéraires traditionnelles, notamment les corpus de contes largement connus : Pour le kabyle : Boulifa, Mouliéras, Fichier de documentation berbère, manuels et recueils divers... Pour le chleuh : Destaing, Laoust, Roux, Galand, Pernet, Podeur, Stroomer... Pour le rifain : Renisio, Biarnay, Justinard… ! A noter : deux éditeurs français au moins proposent des documents intéressants pour la préparation de l’épreuve dans leur catalogue : 18 Introduction , EDISUD, La Calade, 13090 Aix,en,Provence. Tel : 04.42.21.61.44 , L’HARMATTAN, 16, rue des Ecoles, 75005 Paris Tel : 01.43.26.04.52 ! Par ailleurs, plusieurs librairies et associations culturelles parisiennes commercialisent des titres susceptibles d’être utilisés ; certaines associations assurent des cours de préparation à l’épreuve : – Editions berbères/Tamazgha, 47 rue Bénard, 75014 Paris 01.45.43.31.44 – Coordination des Berbères de France (CBF & AJBF), 5 impasse Onfroy, 75013 Paris. 01.45.88.09.09 – ACEB, 26 rue Etienne Dolet, 78020 Paris. – AZUL, 19, place des Alizés, 94000 Créteil. – ACB, 37bis, rue des Maronites, 75020 Paris 01.43.58.23.25 – AWAL, 7, rue de l’Epée, 69003 Lyon. [Liste non exhaustive]. ! A noter également : de nombreuses informations complémentaires peuvent être trouvées sur le site Internet du Centre de Recherche Berbère de l’INALCO (http ://www.centrederechercheberbere.fr) 19 Tamazight – Langue berbère : Quelques données introductives Tamazight (nom berbère de la langue berbère), est répartie sur une aire géographique immense : toute l’Afrique du Nord, le Sahara et une partie du Sahel ouest africain ; mais on la rencontre principalement au Maroc, en Algérie, au Niger et au Mali (dans ces deux pays, il s’agit de la variété touarègue). La langue berbère couvrait à l'origine l'ensemble de l’Afrique du Nord et du Sahara : les berbérophones actuels sont minoritaires parce que le Maghreb connaît depuis le Moyen Age un lent processus d'arabisation linguistique, consécutif à l'islamisation (VIIIe siècle) et à l'arrivée de populations arabes nomades venues du Moyen,Orient (XIe siècle). Mais le fond de la population de l'Afrique du Nord est d'origine berbère : l'immense majorité des arabophones actuels ne sont que des "Berbères arabisés" depuis des dates plus ou moins reculées. Le berbère s’est donc maintenu dans des zones refuges, surtout rurales et montagneuses. Il est, de plus, diversifié en de nombreuses variétés dialectales, dont trois sont représentées dans ces annales : le kabyle (ou taqbaylit ; Algérie du Nord), le chleuh (ou tachelhit ; Sud du Maroc) et le rifain (ou tarifit ; Nord du Maroc). On notera que les spécialistes du berbère, comme tous les linguistes, utilisent ce terme de « dialecte » sans aucune connotation péjorative : il désigne simplement une variété régionale de la langue. Bien que le berbère soit une langue essentiellement de tradition orale, les Berbères possèdent, depuis au moins 20