le marché français des produits minceur 450 millions d
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le marché français des produits minceur 450 millions d
SOCIÉTÉ RÉGIME LES CHARLATANS DE LA MINCEUR «B LE MARCHÉ FRANÇAIS DES PRODUITS MINCEUR 450 MILLIONS D’EUROS %&;¼ 7 7777 77 77 kg 77 onjour, je voudrais mincir. » Pas le temps d’en dire plus, déjà la réponse fuse : « Nous avons un appareil révolutionnaire. Le Bodysculptor. Il désengorge rapidement les graisses par l’émission d’ondes basse fréquence biomagnétiques qui pénètrent dans la peau. Vous ressentez uniquement de la chaleur, s’enthousiasme la standardiste de cette clinique esthétique du 8e arrondissement de Paris. C’est 70 euros la séance de 45 minutes. Il en faut deux par semaine, mais on vous fait un prix à 384 euros pour les six. Ou alors, à 120 euros la séance, on a aussi le Thermosculpte, qui permet de dégraisser cinq zones à la fois. » Vous hésitez ? « 22 % des personnes traitées ont perdu entre 3 et 4 tailles, 37 % entre 2 et 3 tailles », vous assure l’opératrice. Il y a peu de temps encore, la même clinique proposait le Thermoplast V37, mais cet appareil qui promettait de perdre des centimètres « dès la première séance » a été épinglé pour publicité mensongère par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Tout comme l’Afssaps a interdit l’année dernière la pub pour les chaussures Dynastatic, capables de réduire un tour de cuisse de 2 centi- 7 PAR CHRISTOPHE LABBÉ ET OLIVIA RECASENS mètres à condition de marcher avec trois heures par jour pendant deux mois. Les charlatans de la minceur n’ont rien à envier au docteur Doxey, qui, dans les albums de Lucky Luke, parcourt en carriole le Far West pour vendre son « élixir miracle tous usages ». Machine à faire fondre la graisse, bracelet pour maigrir, électrostimulation, jean anticellulite et autres crèmes « déstockantes » se vendent comme des petits pains. Chaque année, pour mincir, les Français dépensent 450 millions d’euros. Un marché qui grossit à vue d’œil : + 21 % en 2005. Mais au fait, pourquoi, alors que l’on peut passer des heures à pinailler sur les mérites comparés de deux aspirateurs, est-on prêt à croire à n’importe quoi dès qu’il s’agit de perdre des kilos ? « On est dans le domaine du religieux, explique Nicolas Guéguen (1), professeur en sciences du comportement à l’université de 777 L’obsession de maigrir ne semble faire perdre qu’une seule chose : tout sens critique ! Une crédulité qui assure la fortune des vendeurs de recettes miracles. Mais si certaines prescriptions sont, au mieux, sans effets, d’autres tuent. $;¼ $ ;¼ 1][^Z{[S\ba 2W{b{bW_cS 2S`[]Q]a[{bW_cS Q`|[SaUSZaa^`Oga OZW[S\bOW`SaU{ZcZSa A]c`QS(3c`]abOT Bretagne Sud. Les gens grossissent parce qu’ils mangent trop, mais lorsqu’il faut se mettre en maillot de bain ils se sentent coupables. Le vieux fond judéo-chrétien resurgit, d’autant que la gourmandise fait partie des sept péchés capitaux. Or, pour effacer un péché, on est prêt à tout. » Après avoir essayé un tas de régimes qui n’ont pas fonctionné, on déverrouille son esprit critique pour plonger dans le magique. « Adopter une solution extrême permet également de faire passer le message : je suis gros, mais je fais le maximum pour maigrir. » Une aubaine pour les marchands du Temple, qui n’ont pas trop à craindre des organismes chargés de protéger le consommateur. Prenons le cas de l’Afssaps. Chaque année, l’agence épingle une petite vingtaine d’appareils et de méthodes pour maigrir. Un oukase qui ne porte que sur la publicité. « Ces méthodes amincissantes n’étant pas considérées comme des dispositifs médicaux, nous n’avons pas le pouvoir de les interdire. Nous vérifions juste que les publicités ne sont pas mensongères », explique Marie-Laurence Gourlay, responsable du département publicité et bon usage. Une fois par mois, onze experts se réunissent au siège de l’Afssaps, en banlieue parisienne, pour examiner cinq à dix dossiers, dont beaucoup résultent de dénonciations entre concurrents. Les sociétés qui se font taper sur les doigts sont souvent les mêmes, car, à peine la sanction prononcée, elles ferment boutique pour réapparaître sous un autre nom. D’autant plus facilement qu’elles n’ont besoin d’aucun feu vert pour commercialiser leurs « brûle- 46 | 17 août 2006 | Le Point 1770 046_048MS_minceur_BIS.indd 46 15/08/06 16:57:39