Allocution du Président du Fonds international de développement

Transcription

Allocution du Président du Fonds international de développement
 Allocution du Président
du
Fonds international de développement agricole
A l’occasion
de la 35ème Réunion annuelle du Conseil des Gouverneurs de la BID à
Bakou - Azerbaïdjan
11-12 Rajab 1431H (23-24 juin 2010)
Version Originale
Anglais
Intervention de Kanayo F. Nwanze
Président du Fonds international de développement agricole
Discours inaugural
21 symposium annuel de la
Banque islamique de développement
ème
Excellences, Collègues, Mesdames et Messieurs,
Introduction
1.
C’est pour moi un plaisir et un honneur que d’être parmi vous aujourd’hui. Il s’agit de
ma première visite en Azerbaïdjan, dans la cité historique de Bakou, en qualité de
Président du FIDA. Je suis extrêmement reconnaissant à M. Ahmad Mohamed Ali et à
la Banque islamique de développement pour avoir organisé ce forum de haut niveau et
m’avoir donné l’occasion de m’adresser à cette éminente assemblée. (Hier, j’ai eu
l’honneur de rencontrer Son Excellence Ilham Aliyev, Président de la République, Son
Excellence Artur Rasi-zada, Premier Ministre, et Son Excellence Ismat Abasov,
Ministre de l’agriculture.)
2.
C’est aussi la première fois que je participe à une réunion annuelle de la Banque. Ma
présence ici montre l’importance que les deux organisations attachent à notre partenariat
de longue date.
Le partenariat entre le FIDA et la BIsD est crucial
3.
Comme vous le savez, le FIDA est pour ce groupe un partenaire de premier plan. Il y a
plus de trente ans, les Etats membres de la BIsD – et les pays arabes de l’OPEP en
particulier – ont joué un rôle déterminant pour la création du FIDA. Depuis lors, vous
avez continué à appuyer sans réserve nos travaux, tant au plan collectif qu’individuel.
Les contributions des Etats membres de l’Organisation de la Conférence Islamique, en
particulier des pays du Golfe, ont représenté plus de 20% des ressources du FIDA.
4.
C’est en grande partie grâce à l’appui de membres éminents ici présents que le FIDA est
devenu un organisme de développement et une institution financière internationale en
plein épanouissement. Le FIDA est en réalité une manifestation de la volonté des pays
de l’OPEP et de l’OCDE d’œuvrer ensemble pour éradiquer la pauvreté et relancer la
productivité agricole dans les pays en développement.
5.
Le FIDA est également la seule organisation de ce type au sein de laquelle les pays de
l’OPEP et les autres pays en développement détiennent la majorité des voix. Trois de
mes prédécesseurs étaient originaires de pays donateurs clés, à savoir le Royaume
d’Arabie saoudite, le Koweït et l’Algérie. C’est sous leur direction avisée qu’ont été
façonnées les priorités du FIDA en tant qu’organisation internationale caractérisée par
les partenariats Nord-Sud et Sud-Sud.
2
6.
La majorité de nos bénéficiaires sont des femmes et hommes pauvres vivant dans les
zones rurales de vos pays. Plus de 40% des programmes et projets que nous appuyons
ont été mis en œuvre dans des Etats membres de la Banque.
7.
Notre partenariat se traduit également par un appui conjoint à d’autres institutions, en
particulier celles dont la sphère d’intervention concerne les ressources en eau, enjeu
déterminant pour la quasi-totalité des pays représentés ici aujourd’hui. Ensemble, le
FIDA et la Banque ont favorisé les recherches novatrices menées dans ce domaine par
des institutions telles que le Centre international de recherches agricoles dans les zones
arides, le Centre arabe pour l’étude des zones arides et des terres sèches et le Centre
international d’agriculture biosaline.
Cofinancement FIDA/BIsD
8.
Outre partager le même objectif, le FIDA et la Banque s’efforcent de trouver de
nouvelles voies afin de renforcer leur fructueux partenariat.
9.
L’année dernière à Rome, à la veille du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, nos
deux organisations ont conclu un accord de cofinancement historique de 1,5 milliard
d’USD. Nous avons décidé d’unir nos forces afin de financer 26 programmes et projets
prioritaires dans nombre de nos Etats membres les plus défavorisés.
10.
Nous avons progressé rapidement afin que cet engagement se concrétise sur le terrain et
avons signé l’accord-cadre lors du Forum économique de Djedda, en février dernier.
11.
A l’issue du présent symposium, nous prendrons les mesures nécessaires afin que soient
conclus les premiers accords de pays – pour un projet au Yémen. Il s’agit du premier
projet qui sera cofinancé au titre de ce nouvel accord-cadre. Et je suis ravi d’être ici à
Bakou en qualité de cosignataire. A l’heure actuelle, nous collaborons avec la Banque
dans d’autres pays, Sierra Leone et Mali notamment, et je me réjouis à la perspective de
cosigner des accords similaires dans les mois à venir.
Sécurité alimentaire
12. Lorsque j’ai reçu l’invitation à la présente réunion, j’ai constaté avec une vive
satisfaction que le thème choisi était celui de la sécurité alimentaire. Il n’aurait pu en
être autrement ! La sécurité alimentaire est le problème majeur auquel se trouve
aujourd’hui confrontée l’humanité, et il en sera ainsi dans les années à venir.
13.
Comme vous le savez, la question de la sécurité alimentaire mondiale, depuis le début
de la crise alimentaire en 2007 et 2008, occupe à nouveau la première place sur l’agenda
international. Et ce n’est pas parce que la crise financière est à la une des journaux que
la crise alimentaire a été surmontée. Le nombre de personnes au monde qui souffrent de
la faim dépasse désormais le milliard, et il est probable que les prix des produits
alimentaires continueront d’augmenter.
14.
En lisant le document thématique préparé pour le présent symposium, j’ai été consterné
de constater que, dans plus de la moitié de vos Etats membres, la faim constitue un
problème grave, voire ‘’extrêmement grave’’ ou ‘’alarmant’’ pour 12 d’entre eux
d’après l’index de la faim dans le monde.
3
Agriculture et sécurité alimentaire
15.
Une crise est parfois nécessaire pour contraindre les gens à revoir leurs priorités. A coup
sûr, la crise des prix des denrées alimentaires a contraint le monde entier à redonner à
l’agriculture la place qui lui revient, à l’ordre du jour national, régional et mondial.
Notre tâche est désormais de travailler ensemble pour faire en sorte qu’elle reste à cette
place et que l’action concertée et efficace qui en résultera parvienne à changer
radicalement la vie des populations pauvres et affamées.
16. Nous devons œuvrer afin que les engagements pris et les promesses faites au cœur de la
crise soient tenus. Tous nos efforts doivent aller en ce sens. Nous avons un devoir
commun envers les enfants, les femmes et les hommes qui, chaque soir, se couchent en
ayant faim.
Le potentiel des petits exploitants
17.
Les trois quarts des pauvres du monde entier vivent en milieu rural. Et la survie de la
quasi-totalité d’entre eux dépend, directement ou indirectement, de l’agriculture. Au
niveau mondial, quelque 500 millions de petites exploitations font vivre environ 2
milliards de personnes. Dans certains de vos pays, l’agriculture représente la principale
source de revenus pour 70% de la population rurale.
18.
Malgré leur pauvreté, les populations rurales pauvres – en particulier les femmes –
produisent la nourriture quotidienne de deux milliards de personnes, soit un tiers de
l’humanité. Et elles cultivent environ 80% des terres agricoles. Imaginez combien de
personnes elles pourraient nourrir à condition de bénéficier d’un soutien approprié ! Au
FIDA, nous avons constaté que, avec un appui adéquat, les petits agriculteurs
parviennent à doubler, voire tripler, leur production.
19.
En d’autres termes, les petits agriculteurs détiennent le potentiel nécessaire non
seulement pour se nourrir eux-mêmes et nourrir leurs communautés et leurs semblables,
mais également pour contribuer à améliorer la sécurité alimentaire au-delà des frontières
nationales.
20.
En fait, les petits agriculteurs sont souvent des producteurs extrêmement efficients, en
mesure d’apporter une contribution notable à la croissance économique et à la sécurité
alimentaire d’un pays. Il suffit de regarder ce qu’est parvenu à faire le Viet Nam. Ce
pays à déficit alimentaire est devenu le deuxième exportateur mondial de riz grâce aux
investissements en faveur de l’agriculture familiale. Ainsi, les taux de pauvreté son
passés de 58% en 1979 à 15% à l’heure actuelle.
21.
Ce que je veux donc dire, c’est que si aujourd’hui les millions de ruraux pauvres des
pays en développement sont les victimes du problème de la sécurité alimentaire, demain,
avec notre appui, ils peuvent être la solution de ce problème.
Agriculture et croissance économique
22. Comme vous le savez tous, l'agriculture joue un rôle déterminant non seulement pour la
sécurité alimentaire, mais également pour la croissance économique. Et la croissance du
4
PIB générée par l'agriculture s'est révélée au moins deux fois plus efficace pour réduire la
pauvreté que la croissance d'autres secteurs.
23. Dans les zones rurales, la croissance économique alimente et est alimentée par la
croissance du secteur agricole. Toutes deux doivent être soutenues par l'infrastructure
fonctionnelle - routes, approvisionnement énergétique et marchés.
24. Un secteur rural dynamique favorise la demande locale de biens et services produits
localement, facteur susceptible de stimuler la croissance durable d'emplois non agricoles
en termes de services, de transformation agroalimentaire et de produits manufacturés a
petite échelle. Cela est fondamental pour l'emploi en milieu rural. Faute d'emplois
locaux, les jeunes quitteront les zones rurales pour les villes. Et qui nourrira le monde en
2020 ou 2030 ?
25. Le ciblage exclusif de la pauvreté rurale fait du FIDA une organisation unique en son
genre. Nous sommes une source majeure de financement du secteur rural dans de
nombreux pays à bas revenu. Et, dans certains pays, notamment en Afrique
subsaharienne, nous sommes à l'origine du principal soutien multilatéral en faveur de
l'agriculture et du développement rural.
Investir dans l'agriculture
26. Si l'on veut relancer la productivité agricole, améliorer la sécurité alimentaire et créer des
économies rurales dynamiques, il est essentiel d'accroître les investissements dans
l'agriculture.
27. D'après les estimations fournies par la FAO, pour que le monde parvienne a couvrir ses
besoins alimentaires d'ici à 2050, l'investissement net moyen en faveur de l'agriculture
devrait atteindre 83 milliards par an, soit une augmentation de 50% par rapport aux
investissements actuels.
28. Comme vous le savez, les membres de l'Union africaine se sont engagés à accroître leurs
investissements dans l'agriculture à hauteur de 10% de leurs budgets nationaux. II s'agit
là d'une cible louable, et j'encourage d'autres pays à suivre cet exemple. Certains pays
africains - dont des Etats membres de la BIsD - ont déjà atteint la barre des 10% et
méritent pour cela d'être vivement félicités.
29. Je suis très heureux de voir que la Banque a créé un département de l'agriculture et du
développement rural, signe évident de son appui à long terme en faveur de ce secteur
névralgique. Les institutions financières du Golfe ont, elles aussi, commencé à soutenir
l'accroissement des investissements dans l'agriculture. Mais beaucoup reste encore à
faire.
Investir dans l'agriculture à l'étranger
30. L'investissement dans le secteur agricole peut prendre de multiples formes. Ainsi, au cours
des deux dernières années, des pays pauvres en terres sont parvenus à améliorer leur
sécurité alimentaire en accordant des investissements aux grandes exploitations
commerciales de pays riches en terres afin de produire des cultures vivrières destinées à
leurs marchés nationaux.
5
31. Ce type d'investissement a, à juste titre, suscité quelques préoccupations quant à ses
répercussions éventuelles sur les populations pauvres dont la subsistance dépend des
terres qui sont l'objet de ces mêmes investissements.
32. En fait, il est essentiel que les investissements dans le secteur agricole respectent les droits
des utilisateurs actuels de la terre, de l'eau et des autres ressources. Ils devraient protéger
et améliorer les moyens d'existence des ménages et des communautés. Et ils ne devraient
pas dégrader l'environnement.
33. Un nouveau rapport élaboré à la demande du FIDA et de nos partenaires montre comment
les investissements agricoles dans les pays en développement peuvent se transformer en
alternatives viables aux acquisitions foncières à grande échelle. Des modèles
opérationnels sans exclusive peuvent apporter aux petits agriculteurs des avantages et
protéger leurs droits fonciers tout en assurant des bénéfices aux compagnies.
34. De cette manière, ces investissements de grande envergure - y compris les ressources
provenant des fonds souverains - peuvent, à condition d'être correctement gérés, se
révéler bénéfiques pour toutes les parties. Ils peuvent appuyer un développement agricole
élargi en mobilisant des ressources pour les investissements indispensables. Et ils
peuvent améliorer les conditions d'existence des populations rurales pauvres, femmes et
hommes, en créant des emplois, en améliorant les technologies et la productivité et en
renforçant l'accès aux marchés.
Quelles devraient être nos priorités?
35. Permettez-moi de revenir brièvement sur le thème de notre débat: quelles devraient être
nos priorités, en tant que partenaires fortement déterminés à œuvrer de concert en faveur
de la sécurité alimentaire?
36. Nous devons faire une agriculture plus productive - et nous devons y parvenir malgré
les effets du changement climatique et la pénurie d'eau, graves limites auxquelles sont
confrontés nombre de vos Etats membres. Pour ce faire, nous devons veiller à ce que les
populations rurales pauvres, femmes et hommes, et pas uniquement les grands
exploitants, plus riches, puissent disposer de nouvelles technologies. Et il nous faut avant
tout accroître les investissements dans le secteur agricole, à tous les niveaux.
37. Nous devons faire en sorte que les petits exploitants soient considérés comme des
entrepreneurs - en les mettant en position de compétitivité et en leur fournissant les
infrastructures et les filières qui les relient aux marchés. L'agriculture est une entreprise,
quelle qu’en soit la taille ou l’échelle. Le FIDA est prêt à travailler avec vous pour
permettre aux petits agriculteurs de faire de leurs exploitations des entreprises rentables
en mesure de garantir nourriture et emplois et, partant, de stimuler l’économie locale.
38. Nous devons investir dans les jeunes - femmes et hommes - qui vivent en milieu rural
car ce sont les agriculteurs de demain. Nous devons financer la formation professionnelle
agricole et les activités non agricoles et offrir des opportunités d'apprentissage. Et nous
devons appuyer l'alphabétisation de base, en particulier pour les jeunes femmes rurales
pauvres qui, bien souvent, ne sont pas en mesure de parfaire leur instruction.
6
39. Enfin et surtout, nous devons forger des partenariats entre secteur public et secteur
privé. Ce dernier peut jouer un rôle crucial pour le développement rural de l'ensemble du
monde en développement. Mais les partenariats public-privé doivent être soutenus par
des politiques adéquates et un appui aux communautés rurales, de sorte que les
populations rurales pauvres puissent accroître leur production vivrière, améliorer leurs
conditions de vie et contribuer à une meilleure sécurité alimentaire pour tous.
40. Aujourd'hui, une occasion - devrais-je dire une obligation? – sans précédent s'offre à nous
de réduire véritablement la pauvreté et, partant, de parvenir à éradiquer la pauvreté des
masses. Les membres de la Banque islamique de développement peuvent jouer un rôle de
premier plan aux fins de réaliser le potentiel d'un monde plus prospère, équitable et juste
- un monde caractérisé par la dignité humaine et non par une pauvreté diffuse.
41. Pour notre part, au FIDA, nous avons hâte d'intensifier notre partenariat stratégique avec
la Banque et ses Etats membres afin d'atteindre ce noble objectif, celui que l'humanité
recherche depuis le début de la civilisation, celui que réaffirme l'enseignement des esprits
les plus remarquables de l'humanité.
42. Dans cet esprit, je suis heureux d'être parmi vous et d'avoir l'occasion de débattre de ces
graves questions avec les gouverneurs et les hôtes ici présents.
Je vous remercie.
7

Documents pareils