(Sortie du territoire et mesures pr\351ventives

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(Sortie du territoire et mesures pr\351ventives
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La prévention des enlèvements internationaux
et l’apport de la loi du 9 juillet 2010
LETTRE THEMATIQUE N°23
I) Le contexte
Le risque d’enlèvement d’enfants est particulièrement élevé lors du franchissement des frontières.
Un des parents peut saisir l’occasion d’un voyage à
l’étranger pour retenir l’enfant et l’empêcher de
regagner le lieu de sa résidence habituelle. Si le
déplacement de l’enfant excède le cadre de vacances et consiste en un changement de sa résidence
habituelle, l’enlèvement est caractérisé et le parent encourt des sanctions pénales allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
La nécessité d’adopter un cadre juridique permettant de prévenir les risques d’enlèvement revêt un
aspect primordial. Les moyens permettant de dissuader un enlèvement parental sont nombreux,
pourtant beaucoup présentent une efficacité limitée. Les conditions posées par les États pour délivrer des documents de voyages et autoriser la sortie du territoire de l’enfant mineur et les mesures
préventives judiciaires et administratives peuvent
néanmoins contribuer à prévenir un enlèvement
international d’enfant.
II) La sortie des enfants du territoire
En France, les enfants mineurs ne peuvent franchir
les frontières qu’avec l’accord du ou des titulaires
de l’autorité parentale. Lorsque l’autorité parentale
est partagée, un système de présomption d’accord
est instauré pour faciliter les voyages à l’étranger,
ce qui peut augmenter les risques d’enlèvement (A).
Dans les pays de tutelle paternelle, l’enfant ne
peut sortir du territoire qu’avec le consentement
du père (B).
A. En France
La présomption d’accord
Le droit français est basé sur un système égalitaire et consensuel de l’autorité parentale. Dès lors
qu’un lien de filiation est établi dans les conditions
prévues par la loi, les parents exercent l’autorité
parentale sur l’enfant de manière conjointe. Pour
faciliter les actes usuels de la vie quotidienne, un
système de présomption d’accord est instauré, chacun des parents étant réputé agir avec le consentement de l’autre. La question s’est posée de savoir si
la décision de sortir l’enfant du territoire national
était un acte usuel de l’autorité parentale ou bien un
acte pour lequel l’accord exprès des deux parents
est exigé. En l’état actuel du droit français, en l’absence de désaccord manifeste de l’autre parent,
chacun des parents peut autoriser son enfant à sortir du territoire.
La délivrance des documents de voyage
En droit français, l’enfant doit désormais être titulaire de son propre passeport et ne peut plus être
inscrit sur celui de ses parents. Au titre de la présomption d’accord, chacun des parents est néanmoins habilité à demander la délivrance d’un passeport en faveur de son enfant. De plus, les règles
relatives à la délivrance des passeports ont un effet
limité dès lors que l’enfant a une double nationalité,
la délivrance du passeport étant alors soumise aux
règles en vigueur dans l’État d’origine. Par ailleurs,
ces enfants étant dispensés de visa dans leur pays
d’origine, cela peut encore faciliter l’enlèvement.
B. Dans les pays de tutelle paternelle
L’Algérie, le Maroc et la Tunisie ainsi que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne et du MoyenOrient retiennent un système de tutelle paternelle
sur les enfants mineurs. L’autorité parentale
conjointe n’existe pas. Les rôles des parents ne sont
pas perçus en terme d’égalité mais de complémentarité. La tutelle, exercée par le père, consiste à assurer la protection des intérêts matériels et moraux de l’enfant tandis que la garde, plus généralement dévolue à la mère, a trait à son éducation et à
sa protection physique. Le père est ainsi seul à
prendre les grandes décisions relatives aux enfants.
Ainsi, une mère qui souhaite emmener ses enfants
au Maroc devra demander une autorisation au père
pour faire établir un passeport à ses enfants, ainsi
qu’une autorisation paternelle de sortie du territoire pour pouvoir rentrer en France.
Association loi 1901 à but non lucratif - n° SIRET 499 638 260 00012
En Algérie, la réforme du 27 février 2005 permet aux
mères divorcées qui ont la garde de leur enfant
d’exercer automatiquement la tutelle. Elles doivent
ainsi pouvoir sortir du territoire algérien avec les
enfants sans l’autorisation du père. Une circulaire du
11 janvier 2003 prévoyait déjà la possibilité pour les
mères algériennes séparées ou divorcées résidant à
l’étranger de repartir dans leur pays de résidence avec
les enfants sans l’autorisation du père. En dehors de
cette hypothèse, la sortie du territoire de l’enfant
peut s’avérer très compliquée si le père refuse de
donner son autorisation.
III) les mesures
administratives
préventives
judiciaires
et
Les contrôles aux frontières peuvent permettre de
prévenir un enlèvement international d’enfants. A ce
titre, des procédures d’opposition administrative et
d’interdiction judiciaire à la sortie du territoire
peuvent être sollicitées par les titulaires de l’autorité
parentale.
A. L’opposition
territoire
administrative
à
la
sortie
du
Le parent qui craint que son enfant soit enlevé à
l’étranger peut faire une opposition à sortie du
territoire en préfecture. Il s’agit d’une mesure
administrative d’une durée de 15 jours, non
renouvelable. En cas d’urgence, en dehors des heures
d’ouverture des services préfectoraux, l’opposition
peut être reçue par les services de gendarmerie ou de
police. La mesure est valable 7 jours. L’opposition à
sortie du territoire permet l’inscription de l’enfant sur
le Fichier des personnes recherchées (FPR). Le décret
du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes
recherchées organise les modalités d’enregistrement
des données et d’accès au fichier. L’état civil de
l’enfant est enregistré ainsi que son signalement, sa
photographie et les motifs de sa recherche. Le FPR
est un fichier de la police nationale placé sous la
responsabilité du ministère de l’Intérieur. Il a pour
objectif de faciliter les recherches et les contrôles
effectués par les services de la police nationale, les
unités de la gendarmerie nationale et les agents des
douanes exerçant des missions de police judiciaire ou
des missions administratives. Les agents de douane
exerçant ces missions au sein des aéroports ont accès
à ce fichier qui peut être diffusé auprès de certains
postes frontières déterminés. Cependant, la
consultation du fichier n’est parfois pas faite de
manière systématique dans tous les aéroports.
Le Fichier des personnes recherchées est relié au
Système d’Information Schengen (SIS) utilisé par
les États européens qui participent à la coopération
policière européenne. Le Code frontières Schengen
contient également des dispositions concernant les
mineurs. Il indique aux gardes frontières d’accorder
une attention particulière aux mineurs. Ils doivent
vérifier que le parent accompagnant est titulaire de
l’autorité parentale et procéder à des contrôles
approfondis s’il existe des raisons sérieuses de
penser que l’enfant a été illicitement déplacé.
L’abolition des frontières intérieures à l’espace
Schengen réduit cependant sérieusement la portée
des mesures préventives.
Pour que l’opposition à sortie du territoire se pérennise, le juge aux affaires familiales doit parallèlement être saisi aux fins d’obtenir une décision judiciaire d’interdiction de sortie du territoire.
B. L’interdiction judiciaire de sortie du territoire :
l’apport de la loi du 9 juillet 2010
Les tribunaux peuvent restreindre les modalités
d’exercice de l’autorité parentale lorsqu’il existe un
risque d’enlèvement. La loi du 9 juillet 2010 relative
aux violences spécifiquement faites aux femmes, aux
violences au sein des couples et aux incidences de ces
dernières sur les enfants est venue renforcer le
régime de l’interdiction de sortie du territoire de
l’enfant. Le juge aux affaires familiales peut
ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du
territoire français sans l’autorisation des deux
parents (article 373-2-6 alinéa 3). Ce pouvoir a
également été étendu au juge des enfants qui peut
faire bénéficier de cette mesure l’enfant faisant
l’objet d’une mesure de placement (article 375-7
alinéa 7).
Désormais, l’interdiction est inscrite directement au
FPR par le procureur de la République et non plus sur
le passeport des parents. En effet, l’enfant étant désormais titulaire d’un passeport personnel, cette disposition présentait des limites d’application au plan
pratique. La loi du 9 juillet 2010 vient donc combler,
sur ce point, les insuffisances du régime antérieur.
L’interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents ne peut être prononcée qu’à
l’issue d’un examen circonstancié des faits : le juge
doit établir qu’il y a un risque réel que l’enfant soit
enlevé, le risque de non retour étant accru lorsque
qu’aucune convention d’entraide ne lie la France avec
l’État vers lequel l’enfant risque d’être enlevé. Le
juge se base sur des éléments de fait qui se sont
déjà passés ou qui sont prévisibles tels que des
menaces ou une première tentative d’enlèvement.
Janvier 2012