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Qu'appelle-t-on SERIOUS GAMES ? Le terme 'serious game' désigne une application informatique qui emprunte au monde du jeu vidéo ses technologies et savoir-faire. Cette application n'a pas pour objectif premier le divertissement, mais pourra souvent et avantageusement intégrer une dimension ludique qui servira sa mécanique pédagogique, ou plus simplement favorisera son attractivité. Cette définition correspond à celle qui est diffusée par la Serious Games Initiative, fondée en 2002 par David Rejeski et Ben Sawyer au sein du Woodrow Wilson Center for International Scholars de Washington, D.C., Etats-Unis. Les serious games sont, le plus souvent, développés pour des clients professionnels qui recherchent des logiciels de formation, de simulation ou de communication destinés à leurs salariés ou à leurs propres clients. Toutefois, de nombreux débats subsistent encore à ce jour sur le périmètre des applications que l'on peut ou non mettre sous l'ombrelle "Serious Games". En effet, le terme peut s'appliquer à nombre d'activités professionnelles qui préexistaient à la fondation de la Serious Games Initiative et qui utilisaient d'autres appellations (notamment les métiers de la simulation, du multimédia ou du eLearning, lesquels font de plus en plus appel à des savoir-faire ou techniques de production provenant de l'industrie vidéo-ludique). D'autre part, le terme a rapidement franchit les frontières et, bénéficiant d'un certain phénomène de mode, a parfois été utilisé pour décrire des applications que les fondateurs de l'initiative originale n'avaient pas envisagés. Pour clarifier les choses, Ben Sawyer et Peter Smith ont entrepris depuis 2007 la réalisation d'une taxonomie des serious games. Ce travail titanesque est toujours en cours, mais peut être consulté en l'état. Les auteurs seront ravis de recueillir avis et suggestions destinés à enrichir ce document. En France, Julian Alvarez, Damien Djaouti et Olivier Rampnoux travaillent également sur une classification des Serious Games. Un peu d'histoire Aussi loin que l'on remonte dans l'histoire de l'homme, on constate que le jeu a toujours été au centre des processus d'apprentissage. On peut à cet effet citer Platon, qui disait dès l'antiquité "On peut en savoir plus sur une personne en une heure de jeu qu'en une année de conversation", ou encore "L'éducation la plus efficace consiste à laisser jouer un enfant au milieu de belles choses". Toute personne ayant cotoyé des animaux de compagnie sait également que les mammifères de manière générale apprennent beaucoup par le jeu. Plus récemment, c'est Benjamin Franklin qui disait "Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends.". Or, quel meilleur moyen d'impliquer un apprenant que de le mettre en situation et de le rendre acteur de son apprentissage ? C'est ce que se propose de faire le jeu, de manière générale, et c'est précisément ce que permettent aujourd'hui les univers virtuels rendus possibles grâce à l'avènement de l'informatique moderne. Toutefois, les premiers serious games sont nettement plus ancien, même si on ne les appelait pas ainsi, puisqu'on a utilisé des jeux vidéos à des fins pédagogiques quasiment dès leur apparition dans les années 70. Ces jeux étaient souvent l'oeuvre d'amateurs éclairés, enseignants ou chercheurs qui comptaient bien utiliser l'outil informatique, nouvellement accessible au grand public, pour transmettre des connaissances. On pourrait peut-être considérer le Logo, langage développé par Seymour Pappert, comme un précurseur en la matière. Le premier serious game professionnel pourrait bien être une modification du jeu Battlezone, développé par Atari en 1981, et qui représentait un combat de chars futuristes représentés en 3D vectorielle. Ce jeu aurait été modifié pour servir de logiciel d'entraînement aux pilotes de char de l'US Army qui, comme on le verra par la suite, a été (et demeure aujourd'hui) un important client de solutions serious games. Plus connu, et plus récent,le jeu Doom, qui a largement contribué à populariser la 3D dans les jeux vidéo en 1993, a été modifié à son tour par l'US Army pour servir à l'entraînement tactique de ses troupes. Certains studios de développement de jeux vidéo se sont mis, vers le milieu des années 90, à développer tantôt des simulations grand public (Comanche, de Novalogic, ou encore EF2000, de D.I.D.), tantôt des simulations pour l'armée. Ils trouvaient là deux marchés complémentaires leur permettant de valoriser leurs savoir-faire et leurs technologies. D'autres domaines, comme l'enseignement scolaire, la santé ou encore la sécurité civile, vont assez rapidement imiter les militaires et, à leur tour, emprunter au monde du jeu vidéo ses technologies pour développer des serious games. Ben Sawyer, qui fondra un peu plus tard la Serious Games Initiative, est de ceux-ci, puisqu'il développera en 2000 le jeu sérieux Virtual U, destiné à apprendre la gestion d'un campus universitaire. Au début des années 2000, il s'agit assez souvent de jeux traditionnels du marché du divertissement qui sont modifiés pour être utilisés à des fins pédagogiques. En effet, développer un jeu in-extenso est long et coûteux, et il est parfois plus facile, rapide et économique de modifier un jeu existant. Ces jeux modifiés sont couramment appellés Mods. Un des premiers serious games militaire français sera ainsi une modification d'un jeu du commerce, édité par Codemasters. La modification va consister à s'appuyer sur les outils fournis avec le jeu pour y intégrer les véhicules, armes et uniformes de l'armée française. Le jeu ainsi modifié, nommé Operation Frenchpoint, a été réalisé par des amateurs particulièrement doués qui ont ensuite travaillé avec l'Armée Française pour peaufiner le réalisme de leur travail. Il existe de nombreux exemples de jeux vidéo commerciaux détournés pour servir de support pédagogique dans l'histoire récente des Serious Games, comme Civilization 4 utilisé pour apprendre l'histoire des civilisations, Neverwinter Nights utilisé par une école de journalisme, Midtown Madness utilisé pour soigner les traumatismes psychologiques consécutifs à un accident de la route, et bien d'autres... Utiliser un Mod pour réaliser son Serious Game à moindre coût est certes une idée attrayante, mais qui est loin d'être facile pour une très large majorité d'utilisateurs. Il faudra en effet avoir à disposition des infographistes, développeurs informatiques et scénaristes spécialisés dans ce type de tâche pour transformer le jeu de manière satisfaisante, ce qui n'est pas toujours évident. C'est pourquoi, très rapidement, on a vu des sociétés se spécialiser dans le développement de logiciels à façon pour réaliser des applications Serious Games répondant précisément aux besoins des clients. C'est le modèle aujourd'hui le plus répandu, même si l'évolution naturelle du marché et la maturité des produits va permettre de plus en plus l'émergence de produits vendus sur étagère et facilement configurables par les clients. Technologies et Savoir-Faire Si, dans les années 80, il était possible pour un adolescent doué de programmer un jeu vidéo commercial seul dans sa chambre, il va sans dire qu'il en va tout autrement aujourd'hui. L'arrivée progressive de machines de jeu de plus en plus puissantes (une console de jeu de dernière génération dispose d'environ un million de fois plus de puissance de calcul que les premières consoles Atari des années 70) a permis d'accroître considérablement le réalisme graphique et sonore des jeux, d'y ajouter de la simulation physique, de l'intelligence artificielle. Mais il a fallu pour cela d'immenses investissements en recherche et développement, et la réalisation d'un jeu actuel nécessite des équipes très professionnelles et organisées de plusieurs dizaines de personnes, parfois même plus de 100, chacune étant affectée à des tâches spécifiques tout au long de la chaîne de production d'un jeu. Il existe aujourd'hui de nombreux cursus de formation spécialment pensés pour les métiers du jeu vidéo, comme par exemple Gamagora qui, à l'initiative de l'association professionnelleLyon Game, a ouvert ses portes en 2007 au sein de l'Université Lyon 2. Le marché mondial du jeu vidéo génère aujourd'hui plus de 40 milliards de dollars annuels, en hausse constante, et, au vu des investissements réalisés pour les mettre au point, les technologies utilisées constituent bien souvent l'état de l'art dans leurs catégories respectives. Dans un milieu où l'on doit constamment innover à un rythme effrené, on observe également une obsolescence très rapide des technologies, ce qui, comme on le verra, permet d'accéder à des technologies suffisament récentes et performantes à moindre coût. C'est tout à fait approprié à la réalisation de certains Serious Games ! Les Avantages des Serious Games Même si, intuitivement, on peut avoir la sensation qu'apprendre, simuler ou communiquer à l'aide de Serious Games sera plus efficace et séduisant qu'avec des méthodes plus traditionnelles ou moins interactives, il est intéressant de regarder plus en détail ce qu'ils peuvent réellement apporter. Immersion C'est l'un des points forts les plus évidents : la capacité d'immerger l'apprenant dans un univers qui va le mettre en condition optimale pour suivre sa formation. Implication L'apprenant devient lui-même acteur de sa formation et se sent donc plus concerné par sa formation, ou par le message qu'on cherche à lui communiquer. Experimentation Dans la vie réelle ou dans une salle de classe, on est soumis à diverses conventions ou pressions sociales qui auront tendance à restreindre la curiosité des apprenants où leur volonté de tester des situations atypiques ou extrêmes, mais dans le cadre d'une simulation, il va pouvoir expérimenter tout un tas de stratégies pour "voir le résultat" et ainsi apprendre également par l'échec. Personnalisation Tout le monde ne progresse pas à la même vitesse ou n'a pas les mêmes disponibilités pour se consacrer à une formation. Un Serious Game pourra adapter la vitesse de progression aux capacités d'apprentissage de l'apprenant en réglant automatiquement la difficulté, comme dans un jeu vidéo. Evaluation L'outil informatique va permettre la mise en place de toute une série d'indicateurs qui mettront en évidence pour chaque apprenant quels savoirs ont été effectivement transmis et compris. Le tuteur ou formateur aura ainsi à sa disposition de puissants outils de tracking qui lui permettront d'avoir une évaluation précise de l'efficacité de ses outils. Attractivité Les jeunes générations baignent aujourd'hui quotidiennement dans les environnements numériques : jeux vidéo, internet, téléphonie mobile, univers virtuels, et il est normal et naturel pour eux d'utiliser ces mêmes outils dans le cadre de la formation et de la communication. On se rends compte qui plus est que ces nouveaux outils séduisent tout autant les moins jeunes qui trouvent tout à fait intéressant et valorisant d'être eux aussi concernés par ce type de formation innovante. Mobilité Le déploiement des infrastructures haut-débit permet aujourd'hui à de très nombreuses entreprises et personnes d'accéder de chez eux à des contenus numériques très riches. On peut donc facilement mettre en oeuvre des formations ou communications serious games à distance qui pourront être utilisées via internet et déployées facilement sans contraintes géographiques. Coûts réduits Si la création d'un serious game est un investissement qui n'est pas toujours anodin, on constate bien souvent que le retour sur investissement est très positif, grâce notamment aux avantages évoqués ci-dessus Le Marché des Serious Games Quel est le marché actuel des Serious Games ? Quelles sont ses perspectives de croissance pour les années à venir ? Ces questions reviennent souvent, et il n'est pas facile d'y répondre. En effet, comme évoqué dans le chapitre "Qu'appelle-t-on Serious Games ?", la définition même d'un serious game est encore très fluctuente, en fonction des interlocuteurs auxquels on posera la question. Dès lors, réaliser une étude de marché sans en connaître le périmètre relève de la gageure. En prenant connaissance des quelques rares études qui commencent à apparaître, il faudra donc toujours prendre soin de vérifier sur quelle définition des serious games l'auteur de l'étude s'est appuyé. Pour prendre un exemple, on va dans certains cas inclure le marché des jeux sérieux pour le grand public, comme les jeux d'entraînement cérébral sur le Nintendo DS, ce qui, bien évidemment, gonfle les chiffres significativement. Dans d'autres cas, le terme serious games n'est pas employé, car on lui préférera "business games", "training simulations" ou "edutainment". Les éléments que nous avons à disposition pour estimer le marché des Serious Games sont les suivants : Etude International Data Corporation citée par le Financial Times en septembre 2005 : “The potential (for games-based learning) is huge and remains largely untapped. For example, in educational applications alone International Data Corporation, the IT market research company, predicts that about 40 per cent of the US corporate e-learning market will use simulations by 2008 and estimates the market will be worth $10.8bn (£6bn) by 2007.” Etude Apply Group "Corporate Learning Games in Europe to 2012 Réalisée auprès d'une cinquantaine de grands donneurs d'ordre européens, cette étude à cherché à déterminer quelles étaient leurs attentes et leurs besoins en terme de formation pour les années à venir, et en quoi les serious games pouvaient répondre à ces besoins. Etude Idate de 2008 "Cette étude explore le serious gaming dans l'optique d'en identifier les caractéristiques, les usages et les différentes familles. Elle présente les approches et enjeux des phases de conception, de développement et de diffusion des différents types de serious games. Le rapport analyse les perspectives et leviers de développements qu'offre le serious gaming au niveau industriel." Etude Gartner de 2008 "How to Justify Enterprise Investment in Virtual Worlds" Les univers virtuels deviennent progressivement des outils au service du travail collaboratif en entreprise, permettant ainsi de conserver un lien fort entre salariés travaillant à distance, mais aussi des outils de marketing et de communication permettant de créer un lien fort entre une entreprise et ses clients.