Programme détaillé

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Programme détaillé
Geste et corps dessinant
programme de la Journée d étude
9h
accueil
9 h 30
ouverture
richard conte et yves winkin
10 h 15
Modération : yves winkin
qu’est-ce que les « performance studies » ?
david zerbib
Head Genève - Paris 1
10 h 45
le projet « museum on the couch » :
explorations réflexives et créatives
des collections ethnographiques de saxe
(allemagne) et d’ailleurs.
bernard müller
Institut für Ethnologie zu Leipzig également
associé à IRIS, EHESS, Paris
11 h 15
11 h 45
pause
Modération : richard conte
le geste au ralenti : de l’attention
aux gestes, aux gestes de l’attention
coline joufflineau
Doctorante en esthétique, EsPAS/ACTE Paris 1
Panthéon-Sorbonne/CNRS
12 h 15
un corps utopique, entre physique
et numérique
david ayoun
Artiste plasticien, réalisateur et performeur, diplômé du Fresnoy,
Studio national des arts contemporains
esther mollo
Metteure en scène et interprète, théâtre Diagonale, Lille
12 h 45
pause
14 h 15
ouverture
barbara formis
Modération : barbara formis
14 h 45
topological gestures – poke, stroke,
touch, caress…
(communication en anglais avec traduction simultanée)
sha xin wei
Professeur et directeur de laboratoire
de recherche à l’Arizona State University, USA
15 h 15
between pose and flow: choreographics
exhibition, carriageworks sydney 2007
(communication en anglais avec traduction simultanée)
erin brannigan
Professeur en arts et médias à l’université
de New South Wales, Australie
15 h 45
16 h 15
pause
Modération : arnaud dubois
la gestothèque :
from gesture to technology and back
anne dubos
En résidence à l’Institut des études avancées, Nantes
16 h 45
le corps rythmique
michel sicard
Professeur des universités
17 h 15
2
conclusion
arnaud dubois
6 décembre 2016
F
aire un geste implique de
se confronter à l’insaisissable. Un geste n’est ni simplement mécanique comme
l’est un mouvement, ni pleinement sémantique comme
peut l’être un signe, ni foncièrement intentionnel comme doit
l’être une action. L’idée de « geste »
échappe aux catégories de sens les
plus classiques et ne se développe
jamais comme une notion autonome.
Claude Lévi-Strauss, dans son introduction à l’œuvre de Marcel Mauss,
notait que les gestes, malgré leur
apparente insignif iance, attestent
souvent mieux des activités humaines
que des gisements archéologiques ou
des monuments figurés. Depuis le travail de Mauss dans les années 1930,
on sait en effet que les techniques du
corps sont des constructions sociales
et que les étudier permet de mettre au
jour des logiques d’actions que l’on ne
pourrait saisir autrement.
Les musées d’art et de techniques sont
pourtant remplis d’objets et vides des
gestes qui ont permis leur réalisation,
alors que l’on considère, à bien des
égards, le musée comme le lieu de
la mémoire des activités humaines.
Que ce soit dans l’art, la science ou la
technique, la maîtrise de gestes et de
techniques corporelles spécialisés participe du processus de fabrication des
œuvres. Cette maîtrise doit être prise
en considération pour s’éloigner d’une
vision formaliste de l’objet et réintroduire toute l’épaisseur des interactions
complexes qui s’établissent entre les
artistes et les techniciens au cours des
divers moyens d’action sur la matière
mise en œuvre pour produire des
œuvres. Comment saisir donc le geste
et sa fonction au croisement des arts
et des techniques ?
Un trait qui caractérise souvent un
geste est sa capacité à utiliser le corps
comme un moyen pour dessiner des
traces évanescentes. Car un geste
crée de façon souvent intempestive
Geste et corps
dessinant
un enjeu entre art et technique
une relation, il s’introduit dans les
interstices du « vivre » pour produire
un « milieu », provoquer un « lien » et
métamorphoser notre quotidien. Le
geste est souvent un outil de transformation de soi et du monde. « L’outil
n’est réellement que dans le geste qui
le rend opératoire et n’existe que dans
le cycle opératoire » écrit ainsi André
Leroi-Gourhan pour insister sur le fait
que s’intéresser à la production des
choses et des êtres, demande d’en passer par une analyse des mouvements
de la main qui manipule les outils et
interagit avec des matières selon des
logiques sociales spécifiques.
Intrinsèquement inter-corporel et
inter-subjectif, le geste est un « moyen
sans fins » pour le dire avec Giorgio
A g amben. Le geste est toujours
une forme de l’inter-médiaire. Mais,
quand le geste saisit sa « médialité »
de façon honnête et noble, il devient
œuvre d’art. Il se donne ainsi comme
un « corps dessinant » qui laisse
une trace dans l’espace et dans la
mémoire de celui qui l’exécute et de
celui qui le regarde. Qu’il émerge dans
un contexte rituel, artistique ou technique, le geste s’étend et se transmet
bien au-delà de la durée de sa manifestation concrète, autant pour celui
qui l’accomplit (l’acteur) que pour
celui qui l’observe (le spectateur).
Voilà le cœur de ce qu’on appelle
l’art « performance » : une manière
de donner à voir le corps comme un
simple moyen en identif iant ainsi
l’œuvre d’art à la saillance des gestes
humains. La danse, le théâtre, mais
aussi la peinture et le cinéma, ont permis d’indiquer, à la période contemporaine, une attention de plus en
plus aiguë au geste comme pratique
visant à créer des œuvres immatérielles et donc à défaire l’art en redéfinissant ses contours. De plus, si les
coordonnées spatiales et temporelles
du geste, dans son émergence et son
apparence, deviennent mesurables
grâce aux technologies de capture
du mouvement, il s’agit, pour cette
journée d’étude, de se pencher sur
les rythmes profonds qui animent
les micro-gestes corporels en dévoilant leur durée vécue et leur portée
relationnelle. Alors seulement la singularité irréductible de la personne
porteuse du geste, ainsi que la seule
manifestation externe de celui-ci,
s’effacent au profit du mouvement
vibratoire qui l’accompagne. Cette
vibration forme donc le lien même
de la relation, l’opérativité de la
transmission implicite du geste, et
de ses extensions, qu’elles soient
temporelles, spatiales ou intersubjectives. C’est là que le corps dessine
un simple geste et aspire à montrer
la forme la plus rudimentaire, mais
aussi la plus essentielle, de ce qu’on
appelle « art ».
En réunissant des artistes et des
chercheurs en sciences humaines et
sociales autour des problématiques
de la gestualité, des techniques
du corps et de la performance en
contexte artistique et muséal, la journée d’étude « Geste et corps dessinant : un enjeu entre art et technique »
organisée par le Musée des arts et
métiers et l’Institut ACTE de l’université Paris 1 et du CNRS, en lien avec
le week-end performatif Corps dessinant, permettra de réfléchir à ce que
le corps fait à l’art et à la technique.
En s’intéressant aux gestes, on remet
l’humain et son action au cœur des
problématiques muséologiques et on
cherche à comprendre la performativité incorporée dans les objets inertes
exposés dans les musées. Observer,
décrire et analyser les relations entre
des corps et des objets permet de
comprendre les liens qui s’établissent
entre la technique et l’esthétique.
Arnaud Dubois, Barbara Formis, Coline Joufflineau
les organisateurs : arnaud dubois, chargé de recherche au musée des arts et métiers et post-doctorant de la fondation fyssen à university college london, anthropology department, material culture group. barbara formis, maître
de conférences à l’université paris 1, panthéon-sorbonne et directrice de l’équipe e spas (esthétiques et arts de la
scène) de l’institut acte de paris 1/cnrs. coline joufflineau, doctorante à l’université paris 1, membre de l’équipe espas.
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Geste et corps dessinant
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David Zerbib enseigne la Philosophie de l’art à la HEAD –
Haute Ecole d’Art de Design de
Genève. Ses recherches portent
sur la philosophie contemporaine de l’art, la question de la
performance, de l’expérimentation ou encore du format.
qu’est-ce que les « performance studies » ?
Bernard Müller est chercheur,
dramaturge et concepteur de
programmes culturels. Depuis
2003, il dirige un séminaire
à l’EHESS – Ecole des Hautes
Etudes en Sciences Sociales
(Paris) où il est chercheur
membre de l’Institut de Recherche Interdisciplinaire sur
les enjeux sociaux (http://iris.
ehess.fr/index.php?575).
the museum on the couch
explorations réflexives et créatives des collections
ethnographiques de saxe (allemagne) et d’ailleurs.
david zerbib
Fruit d’une rencontre entre un certain théâtre expérimental et des recherches
anthropologiques, les « Performance Studies » naissent aux Etats-Unis au début
des années soixante-dix. Provoquant depuis la mutation de nombreux départements académiques dans le monde, ces « Études de la performance » demeurent
relativement peu connues en France. Quelles sont les raisons du désintérêt voire
de la suspicion dont elles semblent victimes ? Nous verrons que la première a trait
à son objet même. Comment en effet fonder un cadre disciplinaire à propos de la
performance, qui par définition semble échapper à toute saisie conceptuelle claire
et objective ? Le discrédit relatif dont pâtissent en France les « Studies » anglophones – Cultural studies, visual studies, etc. – joue également un rôle, en ce qu’il
traduit la menace que paraît représenter, au-delà de mots d’ordres largement partagés, l’appel à l’interdisciplinarité ou la transdisciplinarité, ainsi qu’à la dé-hiérarchisation des objets d’étude. Plutôt que chercher à essentialiser la performance
ou même ses études, demandons-nous alors ce que sont les performances studies,
dans toute leur pluralité. Mieux encore, examinons plus pragmatiquement ce que
peuvent les performance studies, face aux questions que les artistes, les scientifiques et les philosophes se posent à propos de gestes qui, d’un champ à l’autre,
paraissent se faire signe.
bernard müller
Cette intervention est consacrée à une expérience en cours au musée d’ethnologie
de Leipzig en collaboration avec l’Institut d’ethnographie (UL, Allemagne). Il est
mené en collaboration avec l’Institut für Ethnologie in Leipzig et le Staatliche Ethnographische Sammlungen Sachsen.
Il s’agit dans ce séminaire-atelier d’ouvrir un espace au cœur du musée ethnographique, un lieu interactif où sont posés les problèmes que rencontre actuellement
cette institution et où sont proposées des solutions pratiques, à l’épreuve du public
du musée.
A partir d’objets des Collections Ethnographiques de Saxe (SES), de projets passés ou de thématiques connexes, les participants du séminaire-atelier mettent en
œuvre des propositions muséographiques : interventions, chorégraphies, visites,
performances, installations, etc. Ces projets sont à chaque fin de cycle présentés
au public dans l’exposition permanente.
On évoquera ici plus particulièrement les réflexions occasionnées par les interventions mettant en jeu d’autres sens que la vue : ouïe , odorat, toucher, etc., revisitant
ainsi le corps du visiteur-spectateur dans une intégrité que lui refuse l’approche
visualiste classique.
Les interventions
le geste au ralenti : de l’attention aux gestes,
aux gestes de l’attention
David Ayoun est artiste plasticien, réalisateur et performeur,
travaillant en France et en Inde.
Enfant de la « créolisation », il
s’intéresse à la transformation
du corps et de ses perceptions
dans son rapport à la technique, à l’endroit de bascule de
l’image et de la danse, du langage et de l’inconscient, du rite
et du rêve.
un corps utopique, entre physique et numérique
Esther Mollo est metteure
en scène et comédienne, elle
fonde Théâtre Diagonale dont
elle assure la direction artistique et toutes les mises en
scènes. Elle questionne le
rapport corps/image/texte en
plongeant le corps dans des
dispositifs interactifs, mêlant le
travail corporel à la vidéo et aux
nouvelles technologies.
coline joufflineau
La vitesse des gestes, qu’ils soient techniques et/ou ordinaires, est le signe de
leur intégration. Les artistes des champs de la danse et de la performance nous
montrent combien c’est d’abord en réorientant et en intensifiant l’attention portée
aux gestes en train de se faire qu’ils sont ralentis. Si la pratique de réception se
caractérise elle-même comme un moment de ralentissement et d’intensification du
vécu, qu’en est-il lorsque le spectateur, au théâtre ou au musée, observe un geste
au ralenti ?
A travers une recherche transdisciplinaire nous avons cherché à multiplier les perspectives et les points de vue pour explorer ce que peut et permet le geste au ralenti.
A la croisée des pratiques, de la phénoménologie et des sciences cognitives ; et à
partir d’un cas spécifique, les chorégraphies de Myriam Gourfink, nous verrons tout
d’abord que c’est en développant une véritable technè de l’attention associée au
souffle que la chorégraphe ralentit le tempo spontané des danseurs et qu’elle prolonge celle-ci en organisant la multiplicité des focales dans ses partitions chorégraphiques. Puis nous nous plongerons dans l’expérience de réception de ses
chorégraphies, et nous verrons qu’en relation à ces gestes ralentis les spectateurs
déploient des gestes spécifiques de l’attention. Nous présenterons le dispositif
expérimental que nous avons développé et qui nous a permis de découvrir que
certains de ces gestes de l’attention sont directement corrélés à l’augmentation de
processus inter-subjectifs, telle que la synchronisation et la contagion d’états entre
danseurs et spectateurs.
david ayoun et esther mollo
Dans le cadre d’une résidence de recherche intitulée Le Corps Utopique, David
Ayoun et Esther Mollo travaillent avec un dispositif de capture de mouvements
(Kinect et logiciels iPiSoft) et particulièrement avec les erreurs que celui-ci génère.
Ce dispositif est utilisé comme support de partitions dérivatives : que se passe-t-il
lorsqu’une captation, synthétisée dans un modèle 3D, est reproduite par le corps
physique puis captée de nouveau ?
Un déplacement, une transformation mise en abîme.
Leur analyse les conduit à la construction d’un lexique et d’une corporéité singulière, dans la perspective de développer divers objets artistiques.
La conférence « Le Corps Utopique » (1966) de Michel Foucault est la toile de fond
de ce projet où l’articulation entre « corps physique et corps numérique » questionne la notion d’« interprète augmenté ».
un enjeu entre art et technique
Coline Joufflineau est doctorante en Esthétique (Paris 1) et
performeuse.
Elle mène une recherche interdisciplinaire, à la croisée des
pratiques (dansées, performatives, contemplatives), de
l’esthétique, et des sciences
cognitives.
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Geste et corps dessinant
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Sha Xin Wei is Professor and
Director of the School of Arts,
Media + Engineering at Arizona State University. He also
directs the Synthesis Center
for transversal art, philosophy
and technology at ASU, and is a
Fellow of the ASU-Santa Fe Institute Center for Biosocial Complex Systems. Dr. Sha’s core
research concerns a topological
approach to poiesis, play and
process.
topological gestures – poke, stroke, touch, caress…
Dr. Erin Brannigan is Senior
Lecturer in Dance at the University of New South Wales and
works in the fields of dance
and film as an academic and
curator. Erin was the founding
Director of ReelDance (19992008) and has curated dance
screen programs and exhibitions for Sydney Festival 2008,
Melbourne International Arts
Festival 2003 and international
dance screen festivals.
between pose and flow: choreographics exhibition,
carriageworks sydney 2007
sha xin wei
A poke is not a stroke is not a caress. And clearly poking – which is a state – is more
than a poke – which is an event. But it is less clear how caressing is more than a
caress, and how touch can be an event or a mode of irreducibly relational sense.
Over the past decade and a half, we have created ways to blend gesture and timebased media — light and sound modulated in realtime in concert with corporeal
movement — against the grain of digital conceits, to achieve some sense of breath
and nuance. We have paid special attention to gesture not rooted on atomic subjects but as inextricably collective. To make sense of this motivates considering
the space of gestures not as an alphabet but as an infinitely more ample topological field.
How do we do this when our thoroughly computational media technologies are built
on models of discrete logic and finite state automata? We present some ways to
track movement as continuous and arbitrarily variable gesture, and to modulate
computational light (aka video), and sound not as “images” but as media of gestural articulation.
erin brannigan
Choreographics was presented at Carriageworks in Sydney in 2007. The three
works curated were an installation version of Violin Phase / Top Shot by Anna Teresa
De Keersmaeker and Thierry De Mey, Still-Live by Australian choreographers Simon
Ellis and David Corbet, and In Situ II by Dutch/Morrocan artist Said Mahrouf and
collaborators Hester Tammes and Toon de Zoeten. Choreographics looked back to
the originary encounters between choreography and mechanical reproduction in
proto- and early cinema where the body in motion seemed to call for increasingly
sophisticated technologies of capture. This presentation looks at the theoretical
work behind the exhibition in light of the works chosen and the design of the exhibition space at Carriageworks. Drawing from my work in Dancefilm (NY: OUP, 2011)
I will discuss the rich cultural, aesthetic and philosophical ground between ‘pose’
and ‘flow’ in movement research of the 19th and early 20th centuries, including the
work of François Delsarte, Henri Bergson, and the choreographies of Loïe Fuller
and Ruth St. Denis. The expansion of orders and qualities of movement during this
period that were both grounded in the body and expanding beyond the same, offer
much to discussions of corporeality, gesture, graphic inscription and movement.
Les interventions
« la gestothèque : from body techniques
to technology and back »
anne dubos
L’étude de l’histoire des théâtres en Inde met en évidence la variété des techniques
du corps de l’acteur. D’une ville à l’autre, d’une école à l’autre, on observe des
modulations dans les techniques de jeu. Sur la base de l’analyse de cas concrets de
performance, La Gestothèque 1 tend à mesurer la transformation du geste à travers
le temps et l’espace des pratiques performatives et de leurs passations.
L’enjeu de La Gestothèque repose donc sur la génération de nouveaux outils d’archivage en 2, 3 ou 4 dimensions. À partir de catalogues de gestes, elle a pour objectif
d’interroger la capacité à concevoir une bibliothèque de gestes interactive. Or, le
geste est-il fini ou infini ? Comment l’étudier sans le fossiliser (Bergson : 1903) ?
Comment le rendre accessible à des publics aux origines diverses ? Interrogeant
les progrès épistémologiques et technologiques, La Gestothèque se constitue à
partir d’une série d’installations transmédia, combinant performance traditionnelle
et arts numériques.
La Gestothèque intéresse en cela les politiques des patrimoines immatériels : Comment découper le geste ? En fonction de quelle zone d’émission ? Enfin, comment
cartographier les enjeux de conservation des gestes au sein des politiques patrimoniales internationales ? Car il semble bien que les archives du geste ont un rôle
à jouer dans les écritures des histoires post-coloniales.
1 . Concept formé à la rencontre d’Armand Béhar, ENSCI 2015.
Michel Sicard est écrivain et
artiste. Ses recherches théoriques et poétiques s’accompagnent d’une œuvre plastique
importante — dessins, peintures, photos, livres d’artiste,
objets. Il est professeur en arts
plastiques à l’université Sorbonne Paris 1.
« le corps rythmique »
michel sicard
Comment s’effectue le passage d’un corps brut, énergétique, illisible, à un corps
normé, communiquant, dans son vêtement, son langage, sa gestique ? Une sémiologie des gestes, une histoire des écritures ou des expressions graphiques pourraient y répondre. Mais le corps y resterait occulté : ses écarts, ses inventions,
ses invites, sa pulsion même, et par là aussi le jeu de chassé-croisé entre soi et le
monde, une impulsion et un support, fût-il invisible, fût-il l’espace même. Dans le
rythme seulement quelque chose renaît et revient à sa source, ce dont témoignent
la marque, la trace, le don, dans leur répétition, jusqu’à l’épuisement, ou la folie.
L’entreprise plastique autour du corps – gestualité, performance – consiste à capter
cette fulgurance rythmique, à la marteler, à l’étaler ou même à la recracher jusqu’à
ne plus rien vouloir-dire sinon cette vibration même, sans nom, sans telos, sans ego.
S’appuyant sur les apports théoriques de Theodor Adorno (« Parataxe », in Notes
sur la littérature), Giorgio Agamben (Homo sacer, Ce qui reste d’Auschwitz), Antonin
Artaud (Le Théâtre et son double, Suppôts et Suppliciations, Cahiers de Rodez),
Roland Barthes (L’Obvie et l’obtus, La Préparation du roman), John Cage (Silence),
Gilles Deleuze (Différence et répétition, Mille plateaux), Jacques Derrida (De la
grammatologie, Passions), John Dewey (L’Art comme expérience), Michel Foucault
(Histoire de la folie, Dits et écrits), Henri Meschonnic (Le Signe et le poème, Critique
du rythme), Maurice Merleau-Ponty (Phénoménologie de la perception, La Structure du comportement), la réflexion interrogera des œuvres plastiques d’Artaud à
Twombly, en passant par Pollock, Carolee Schneemann, Yayoi Kusama, ainsi que le
théâtre Nô et le Théâtre Kabuki, le Buto et des artistes de la performance comme
ceux du groupe Gutai ou de Fluxus (Allan Kaprow ou Naim June Paik), et plus près
de nous Boltanski, Marina Abramovic, Orlan, Olivier de Sagazan… et quelques
grapheurs calligraphes.
un enjeu entre art et technique
Anne Dubos est anthropologue
et artiste transmédia. À travers
une étude morphogénétique
des théâtres, sa recherche repose sur l’hypothèse selon laquelle le geste est une matière
vive. Elle a fondé la compagnie
Little Heart Movement, au
sein de laquelle elle interroge
l’émergence de nouvelles théories sur la perception du mouvement et la cognition.
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