Jean Sibelius - Médiathèque de la Cité de la musique

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Jean Sibelius - Médiathèque de la Cité de la musique
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
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Jean Sibelius | Intégrale des symphonies | Dimanche 4, lundi 5, mardi 6 et jeudi 8 novembre
Dimanche 4, lundi 5, mardi 6 et jeudi 8 novembre
Jean Sibelius | Intégrale des symphonies
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Sommaire
DIMANCHE 4 NOVEMBRE – 16H (page 5)
MARDI 6 NOVEMBRE – 20H (page 27)
Sibelius, intégrale des symphonies I
Sibelius, intégrale des symphonies III
Jean Sibelius
La Fille de Pohjola, fantaisie symphonique op. 49
Symphonie no 3 en ut majeur op. 52
Symphonie no 1 en mi mineur op. 39
Jean Sibelius
Le Retour de Lemminkäinen,
poème symphonique op. 22 no 4
Esa-Pekka Salonen
Wing on Wing
Jean Sibelius
Symphonie no 2 en ré majeur op. 43
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
Anu Komsi, soprano
Cyndia Sieden, soprano
LUNDI 5 NOVEMBRE – 20H (page 13)
Sibelius, intégrale des symphonies II
Jean Sibelius
Symphonie no 6 en ré mineur op. 104
Sept Chants, op. 17 nos 4 et 6, op. 36 nos 1 et 4, op. 37 nos
3, 4 et 5 (orchestration de John Estacio)
Symphonie no 5 en mi bémol majeur op. 82
JEUDI 8 NOVEMBRE – 20H (page 37)
Sibelius, intégrale des symphonies IV
Jean Sibelius
Symphonie no 4 en la mineur op. 63
Steven Stucky
Radical Light (création française)
Jean Sibelius
Symphonie no 7 en ut majeur op. 105
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
Ben Heppner, ténor
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
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Né à Hämeenlinna en Finlande centrale, Jean Sibelius (1865-1957) étudia à Helsinki
(1885-1889), Berlin (1889-1890) et Vienne (1890-1891) avant de s’imposer du jour
au lendemain dans sa patrie avec sa symphonie-cantate Kullervo (avril 1892), inspirée
de la mythologie finlandaise du Kalevala. Sa première période créatrice,
dite romantico-nationale, vit naître également la Suite de Lemminkäinen (1896), dont
le célèbre Cygne de Tuonela n’est autre que le second volet, des oeuvres patriotiques
comme Finlandia (1899-1900) et les deux premières symphonies. Le romantisme de
la Première Symphonie (1899-1900) est plutôt d’ordre individuel et légendaire, celui de
la Deuxième (1902) collectif et national. L’installation en 1904 à Järvenpää, à une trentaine
de kilomètres au nord d’Helsinki, dans une maison que Sibelius devait habiter jusqu’à
sa mort, marqua le début d’une phase stylistique plus universelle, inaugurée par
le Concerto pour violon (1903, révisé en 1905) et marquée notamment par plusieurs
poèmes symphonies dont La Fille de Pohjola (1906), le quatuor à cordes Voces intimae
(1909), la lumineuse Troisième Symphonie (1907) et l’austère et radicale Quatrième (1911).
Après les poèmes symphoniques Le Barde (1913) et Les Océanides (1914), le travail sur
la puissante Cinquième (1915, révisée en 1916 et en 1919) couvrit une période agitée :
celle de la Première Guerre mondiale ainsi que de l’indépendance (1917) et de la guerre
civile (1918) finlandaises, période au cours de laquelle Sibelius dut renoncer à ses nombreux
séjours à l’étranger. La transparente Sixième Symphonie suivit en 1923, la monolithique
Septième en 1924 et le poème symphonique Tapiola, sa dernière grande oeuvre, en 1926.
Sibelius est avant tout un maître de l’orchestre. Il fut étroitement mêlé à la vie culturelle
et politique de la Finlande, mais s’attacha toujours, surtout à partir des premières années
du XXe siècle, à en dépasser les frontières. Empreinte d’une très forte personnalité,
sa musique ne ressemble à aucune autre, mais Sibelius n’avait rien d’un isolé, et il se tint
constamment au courant de ce qui se faisait en Europe. Sa solitude fut d’ordre
psychologique. Ses relations avec la Finlande furent d’ordre mythique et non folklorique.
Il ne rompit jamais avec son pays, mais son dieu était Beethoven, et il fut de ceux qui, pour
se dégager de l’influence germanique, eurent recours à l’antidote debussyste. Il fut surtout
un grand inventeur de formes, et son apport est fondamental au plan syntaxique, dans
le renouvellement de la notion de forme musicale organique. « Pour moi, l’aspect crucial
de son œuvre réside dans sa conception de la continuité », a déclaré son compatriote
le compositeur Magnus Lindberg (né en 1958).
Marc Vignal
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DIMANCHE 4 NOVEMBRE – 16H
Sibelius, intégrale des symphonies I
Jean Sibelius
La Fille de Pohjola, fantaisie symphonique op. 49
Symphonie no 3 en ut majeur op. 52
entracte
Symphonie no 1 en mi mineur op. 39
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
Toute photographie et tout enregistrement sont strictement interdits.
Fin du concert vers 17h55.
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Jean Sibelius (1865 – 1957)
La Fille de Pohjola, fantaisie symphonique op. 49
Composition : 1905-1906.
Création : 29 décembre 1906 à Saint-Pétersbourg, sous la direction du compositeur.
Durée : environ 13 minutes.
« Librement inspirée » de l’épopée finlandaise du Kalevala, cette œuvre est l’une des
rares de Sibelius à suivre un programme précis. À l’origine, en janvier 1905, le compositeur
envisagea un poème symphonique intitulé Luonnotar, du nom d’une vierge-fille, plus
précisément de la fille de l’air. Le 6 avril 1906, il écrivit à son éditeur allemand Robert
Lienau que ce Luonnotar était prêt, mais le 26, il lui annonça soudain l’envoi d’une fantaisie
symphonique avec un tout autre programme : l’épisode du chant VII du Kalevala relatant
la rencontre du vieux et sage Väinämöinen avec la Fille de Pohjola et son échec dans
sa tentative de conquérir cette belle vierge. Pohjola, dans le Kalevala, est le Pays du Nord.
L’éditeur trouva le titre de Väinämöinen, proposé par Sibelius, trop ésotérique pour
le marché allemand, refusa aussi celui de L’Aventure d’un héros, qui rappelait trop Une Vie
de héros de Richard Strauss, et proposa lui-même La Fille de Pohjola que Sibelius accepta.
Les sources montrent que La Fille de Pohjola, dont certains thèmes remontent à 1901,
utilise les mêmes idées que le Luonnotar mort-né, alors que le poème symphonique
Luonnotar pour soprano et orchestre, composé par Sibelius en 1913, est une page
tout à fait distincte.
« Le ferme et vieux Väinämöinen rentre chez lui sur son traîneau, il vient de l’obscur
Pohjola. [...] Il lève la tête et aperçoit, là-haut sur un arc-en-ciel, la Fille de Pohjola occupée
à filer, rayonnante dans le ciel bleu. Sa beauté le saisit et l’enivre : « Descends vers moi,
ô très belle ! » Mais elle refuse et se moque. Il la prie à nouveau, et elle le défie :
« Construis-moi par ta magie, des débris de mon fuseau, une barque, depuis longtemps
j’en ai envie. Montre-moi tes pouvoirs magiques, et volontiers je te suivrai. » Le ferme et
vieux Väinämöinen s’épuise, travaille, essaie en vain : la formule magique reste introuvable !
Triste et profondément blessé, car la belle lui a échappé, il saute sur son traîneau. [...]
En avant ! Et déjà, voilà qu’il relève la tête. »
Comme spécimen de musique à programme, La Fille de Pohjola n’a rien à envier
aux meilleurs poèmes symphoniques de Strauss alors qu’en tant que musique pure,
l’œuvre atteint un degré de cohésion et d’intégration encore supérieur. C’est le poème
symphonique d’un symphoniste. Sibelius admirait Une Vie de héros de Strauss, entendu
à Berlin en janvier 1905 sous la direction du compositeur lui-même. Il existe entre
cet ouvrage et La Fille de Pohjola des rapports d’ordre biographique et psychologique
sur lesquels il est impossible de s’attarder ici. Constatons simplement qu’à la fin,
dans chaque cas, le « héros » reste solitaire mais redresse la tête.
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dimanche 4 novembre
Symphonie no 3 en ut majeur op. 52
Allegro moderato
Andantino con moto, quasi allegretto
Moderato – Allegro ma non tanto, con energia
Composition : septembre 1904 à septembre 1907.
Création : 25 septembre 1907 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Durée : environ 28 minutes.
La Symphonie no 3 est la première grande œuvre entreprise par Sibelius après son
installation en 1904 dans sa villa Ainola, à une trentaine de kilomètres au nord d’Helsinki.
Son travail fut plus d’une fois interrompu et l’œuvre ne fut terminée que trois ans plus tard.
Sibelius s’y remit sérieusement après la création de La Fille de Pohjola, espérant diriger
la première audition le 2 mai 1907 à Londres. À cette date, la symphonie n’était pas prête,
au grand regret de l’éditeur Lienau, qui souhaitait utiliser les comptes-rendus londoniens
pour sa promotion de la partition. Jusqu’au dernier moment, Sibelius se demanda
comment la faire débuter. Le 1er juillet, il annonça à Lienau que la Troisième était presque
achevée mais que le finale demandait encore « beaucoup de travail ».
Pour la première audition, on utilisa un matériau manuscrit car la symphonie ne fut publiée
par Lienau qu’en novembre. Les voies nouvelles ouvertes par la Troisième ont été maintes
fois soulignées : allègement et éclaircissement de la forme et de l’orchestration, objectivité
et concision de l’expression, insistance sur le rythme, le timbre et la mélodie, recherche
d’un « nouveau classicisme ». Ces traits l’opposent au romantisme national des deux
symphonies précédentes ; elle est moins spectaculaire et plus disciplinée que les deux
premières et d’une constante énergie en ses deux mouvements extrêmes. La tonalité
principale d’ut majeur semble colorer la partition toute entière, ce qui en réalité est loin
d’être le cas. Cette tonalité est traitée de façon non normative, plutôt cumulative, car elle
surmonte les uns après les autres les obstacles accumulés sur sa route pour agir dans les
dernières mesures comme une manifestation de vérité, comme une révélation au sens fort.
L’allegro moderato initial est une forme sonate claire dans ses grandes lignes. Cette forme
est néanmoins prise comme point de départ, non comme modèle. On y retrouve l’énergie
musculaire, la vigueur athlétique et le côté bondissant de la quatrième symphonie
de Beethoven, en particulier de son finale, mû lui aussi par un déroulement continu,
quoique non sans ruptures, de doubles-croches. Sans la moindre introduction, trois motifs
se succèdent en quelques instants, formant un « premier groupe ». Le premier motif,
apparenté à la marche, doté d’une chute de quarte initiale et d’une formule rythmique
de quatre notes répétées, apparaît dès l’abord aux violoncelles et aux contrebasses
à l’unisson. Le deuxième, fortement martelé, suit dès la quatorzième mesure. Le troisième
motif (mesure 17), d’abord partagé entre flûtes, hautbois et clarinettes, se poursuit par
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un vigoureux motif de cordes. Un sommet d’intensité perçant culmine sur la note fa dièse,
à coloration modale (lydienne), mais cette note, au lieu de conduire à la dominante sol
majeur, se retrouve soudain dominante de si mineur, tonalité du « thème secondaire ».
Pratiquement juxtaposé au « premier groupe », ce « thème secondaire », très chantant,
est énoncé pianissimo par les violoncelles (mesure 40). Dans la transition vers
le développement, le cours des évènements semble s’arrêter et la musique regarder en
elle-même. Le développement est parcouru par le déroulement de doubles-croches déjà
évoqué sur lequel des fragments thématiques semblent flotter. Le discours se consolide
peu à peu et la réexposition jaillit, le « thème secondaire », en mi mineur, étant cette fois
non plus chanté pianissimo aux violoncelles mais énoncé forte à l’ensemble des cordes
soutenues par un ostinato rythmique des bois fortissimo et des timbales marcato. Exutoire
de la tension accumulée depuis le début, cet épisode « toutes forces déployées » annonce
fortement le Stravinski du Sacre du printemps (1913), ce que, à en croire Leonard Bernstein,
Serge Koussevitzky mettait en évidence lorsqu’il dirigeait la Troisième Symphonie.
Et c’est l’ample coda, au tempo plus lent, à allure de choral et prenant fin sur trois
cadences plagales.
L’andantino, en sol dièse mineur, constitue un moment de détente. Il adopte une forme lied
A-A’-B-A”-C-A”’ avec coda, l’épisode B et surtout la coda étant réduits au minimum.
L’épisode C, dominé par les bois, révèle un monde d’une intense poésie, féerique et irréel.
Mélancolique, le thème principal – celui des quatre sections A – est un des rares
chez Sibelius symphoniste à évoquer une chanson populaire. Identiques ou presque
au plan mélodique, les sections A se différencient essentiellement par leurs sonorités,
leur environnement et leurs détails harmoniques.
Création capitale, le troisième mouvement ne se réfère à aucun schéma formel connu.
Il joue un rôle aussi bien de scherzo que de finale. Il ne s’agit cependant pas de deux
mouvements enchaînés mais bien d’un seul. On peut y distinguer quatre sections de
dimensions inégales, d’une durée totale d’environ huit minutes : la première (à 6/8) ferait
office d’introduction, les deux suivantes (également à 6/8) de scherzo en deux parties
(la troisième section ayant en outre une allure de développement) et la dernière (à 4/4),
aussi longue que les trois précédentes réunies, de finale proprement dit ou plutôt de zone
d’aboutissement de la partition dans sa globalité. Aucune de ces quatre sections n’a
d’existence autonome. Toutes adoptent, comme le mouvement dans son ensemble,
une structure sui generis, et chacune tend à donner, a posteriori, à celle ou celles qui l’ont
précédée un caractère introductif très marqué : progression inexorable, sans un regard en
arrière, vers un sommet terminal, sentiment de tension progressivement accumulée,
libérée au dernier moment seulement. La brève première section cite fugitivement
la mélodie du deuxième mouvement. Dans la deuxième section, portée par un flux rapide,
des fragments thématiques se répondent aux bois. Un puissant sommet d’intensité,
en rafale et en fa mineur, la sépare de la troisième : soudain changement d’éclairage,
la facture se morcèle et se désintègre, de courts fragments thématiques se poursuivent
dans un désordre apparent, en une écriture de chambre. Tandis que les cordes continuent
de s’agiter, les altos entonnent soudain à l’arrière-plan un fragment mélodique dont le sens
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dimanche 4 novembre
n’est pas clair. Immédiatement après, à découvert, ce fragment se transforme aux altos et
aux violoncelles divisés en une sorte de thème hymnique inaugurant la quatrième section,
avant de la dominer de bout en bout : c’est l’événement longtemps attendu. Le discours
se ressoude et le thème hymnique est entendu en ostinato, en quatre vagues successives
aux sonorités toujours plus fournies. Des fa dièse insistants introduisent une coloration
lydienne tout en mettant en évidence, par rapport à la tonique ut, l’intervalle de triton
(quarte augmentée). Mais la modulation attendue vers sol majeur ne se produit pas :
ut majeur envahit l’espace sonore, et une fois le sommet atteint, tout est dit et la musique
s’arrête. Au moment où l’on s’y attend le moins, trois accords de tonique mettent le point
final.
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Symphonie no 1 en mi mineur op. 39
Andante ma non troppo – Allegro energico
Andante (ma non troppo lento)
Allegro
Andante – Allegro molto – Andante (ma non troppo)
Composition : avril 1898-printemps 1899.
Création version originale : 26 avril 1899 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Création version révisée : 1er juillet 1900 à Helsinki, sous la direction de Robert Kajanus.
Durée : environ 37 minutes.
À la fin des années 1890, la symphonie relevait, pour Sibelius, de la tradition
austro-allemande, qu’il vénérait, mais aussi de celle pratiquée par divers courants
nationalistes qui l’avaient enrichie de mélodies, d’harmonies et de rythmes perçus comme
« nationaux » ou en contact avec le « peuple ». Pour lui, les modèles les plus prestigieux
étaient, sur ce dernier plan, ceux fournis par la récente école russe, en particulier par
Tchaïkovski et Borodine. C’est dans ce contexte que naquit sa Première Symphonie alors
qu’il avait déjà à son actif la symphonie-cantate Kullervo (1892) ou encore la Suite
de Lemminkäinen (1896), inspirées l’une et l’autre du Kalevala. La Première Symphonie se
situe dans la descendance de ces deux œuvres dans la mesure où son romantisme
est d’ordre individuel et légendaire.
Depuis peu, un célèbre critique d’Helsinki reprochait à Sibelius, à mots à peine couverts,
de n’avoir pas encore osé aborder le genre. Même sans ses exhortations, Sibelius se
serait tôt ou tard tourné vers la symphonie. C’était pour lui le meilleur moyen de se faire
connaître en Europe. Dans les pays de langue allemande, il risquait toutefois d’être
considéré sur ce plan comme un « outsider » exotique, comme quelqu’un de
fondamentalement différent de « nous, les symphonistes germaniques » : c’est ce qui
se produisit souvent et son apparition comme symphoniste sur la scène internationale
fut source, en particulier en Allemagne, de plus d’un malentendu.
La version originale de la Symphonie no 1 fut donnée lors d’un concert qui comprenait
aussi une page d’inspiration nationaliste intitulée Le Chant des Athéniens, la version
définitive lors du concert d’adieux précédant le départ de l’orchestre d’Helsinki et de son
chef Robert Kajanus pour une tournée européenne avec comme objectif ultime l’Exposition
universelle de Paris. Sans le diriger lui-même, Sibelius accompagna l’orchestre durant
cette tournée et sa première symphonie fut donnée dans les différentes villes visitées.
Un de ses traits les plus frappants est le radicalisme de son orchestration. Son premier
mouvement, andante ma non troppo, s’ouvre par un solo de clarinette de vingt-huit
mesures. La version originale entendue en 1899 a disparu mais on sait que ce solo
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n’y figurait pas. L’allegro energico qui s’enchaîne, splendide forme sonate, est une merveille
de logique et de concentration. On y trouve la rhétorique du romantisme avec tous
ses attributs, mais alliée à une franchise d’expression et à une économie de moyens toutes
classiques. Cette page très personnelle est « russe » par sa rudesse, voire sa sauvagerie,
et « austro-allemande » par sa maîtrise de la forme. On peut y voir la synthèse de tout
ce vers quoi la production de Sibelius des années 1890 avait tendu.
L’andante (ma non troppo lento), en mi bémol majeur, est d’allure rhapsodique et conçu
comme une succession d’atmosphères. Il débute par une mélodie nostalgique, avec phrase
conclusive de clarinette agissant comme un refrain. Le basson inaugure un bref épisode
fugué, un sommet d’intensité suivi d’un decrescendo introduit un climat d’attente que
vient intensifier une rêveuse mélodie de cors. Suit un épisode très agité culminant en de
violents coups de butoir des vents, sur un dramatique énoncé en mineur de la mélodie du
début. Le mouvement se termine dans le calme par une brève évocation de ses premières
mesures.
Le scherzo (allegro) en ut majeur, dans la tradition de Bruckner, est un morceau brillant
dont l’élan découle du motif rythmique de sept notes énoncé au début. On y remarque
de dramatiques solos de timbales et des traits rapides de bois avec ruptures de timbre.
Après un développement central et huit mesures de réexposition, le discours bute soudain
sur un accord dissonant de bassons, cors, tuba et violoncelles : cet accord se résout en mi
majeur, tonalité de ce qui sert de trio (lento ma non troppo). Ce trio fait un large usage,
avec de très poétiques sonorités de vents, de la syncope et du silence. Un geste
péremptoire précipite la reprise abrégée du scherzo.
Le finale (quasi una fantasia) énonce pour commencer, aux cordes à l’unisson (andante)
et dans la nuance forte, les premières mesures du solo de clarinette du début de l’ouvrage.
Il ne s’agit cependant pas, comme chez Tchaïkovski, d’un thème récurrent mais d’une
simple citation. Le tempo s’anime peu à peu (allegro molto) : épisode violent et dramatique
débouchant sur une chute des cordes, un pizzicato de contrebasses et un silence. Alors
s’élève aux cordes une ample mélodie de vingt-trois mesures en ut majeur, franchement
tonale et d’un souffle évoquant l’école russe. Puis retour de l’allegro molto, plus développé,
très énergique et ponctué de coups de cymbales, decrescendo, et réapparition à
la clarinette, en la bémol majeur, de l’ample mélodie (andante ma non troppo). Elle est
plusieurs fois répétée, pour finir en apothéose, en si majeur et par l’ensemble des cordes.
Une brève coda culmine, avec sept fff successifs, mais ce sont deux pizzicati de cordes
qui concluent soudainement dans un climat modéré (nuance mezzo-forte), comme si
la musique s’était soudain abîmée dans une trappe.
Marc Vignal
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LUNDI 5 NOVEMBRE – 20H
Sibelius, intégrale des symphonies II
Jean Sibelius
Symphonie no 6 en ré mineur op. 104
Sept Chants, op. 17 nos 4 et 6, op. 36 nos 1 et 4, op. 37 nos 3, 4 et 5 (orchestration de John Estacio)
entracte
Symphonie no 5 en mi bémol majeur op. 82
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
Ben Heppner, ténor
Toute photographie et tout enregistrement sont strictement interdits.
Fin du concert vers 21h55.
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Jean Sibelius (1865 – 1957)
Symphonie no 6 en ré mineur op. 104
Allegro molto moderato
Allegretto moderato (Andantino) – Poco con moto
Poco vivace
Allegro molto – Doppio più lento
Composition : premières esquisses fin 1914, poursuivie en 1918, terminée d’octobre 1922 à février 1923.
Création : 19 février 1923 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Durée : environ 29 minutes.
En août 1914, au retour de son unique voyage aux États-Unis, Sibelius commença à noter
diverses idées thématiques dont la plupart devaient aboutir dans deux symphonies :
les Cinquième et Sixième. La Cinquième connut trois versions successives, entendues
respectivement en 1915, 1916 et 1919, celle de 1919 étant la seule passée à la postérité.
Quant à la Sixième, elle ne fut créée que plus de trois ans après. Ce fut sans doute la mort
de son frère Christian, le 2 juillet 1922, qui poussa le compositeur à mener l’ouvrage à bien.
Extérieurement, la Sixième est la plus sereine des sept symphonies de Sibelius mais les
tensions sous-jacentes y sont formidables. On n’y trouve ni la dimension héroïque de
la Cinquième, ni la grandeur épique de la Septième (1924), mais c’est sans doute la plus
profonde des trois, et comme l’a écrit le compositeur britannique Robert Simpson,
« plus on la connaît, plus on se rend compte qu’elle ne put être écrite qu’au terme de
longues méditations ». Lorsque Sibelius la dirigea en Suède, un journaliste lui demanda
de la définir d’une seule phrase. Il répondit : « Quand les ombres s’allongent ».
Bien que souvent dite « en ré mineur », la Sixième fait de la modalité un usage tel que
celle-ci colore la partition tout entière. La modalité n’y est pas utilisée pour rendre plus
piquantes les harmonies ou les mélodies mais comme un principe unificateur, cela de deux
façons principales : en utilisant les modes, entre autres le mode de ré (dorien), comme
une tonalité classique, c’est-à-dire en les transposant sur les divers degrés de l’échelle
et en exploitant dramatiquement l’opposition tonalité-modalité. Dans le mode dorien,
le fa naturel s’oppose au fa dièse de ré majeur, le si naturel au si bémol de ré mineur,
et le do naturel au do dièse (ou sensible) de ré majeur ou mineur. La Sixième exploite
à fond ces oppositions et en tire une grande partie de son pouvoir expressif. Elle tourne
le dos à l’esprit « frivole » des années 1920. Deux instruments insolites s’y font entendre :
la harpe, qu’avec la Première, mais de façon bien plus originale, cette symphonie est seule
à utiliser, et la clarinette basse qui n’apparaît dans aucune autre. Elle illustre à merveille
cette phrase qu’aurait adressée Sibelius à un éditeur : « Tandis que d’autres compositeurs
vous livrent toutes sortes de cocktails, je vous sers quant à moi une eau froide et pure. »
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lundi 5 novembre
Le premier mouvement (allegro molto moderato) est un exemple suprême de croissance
organique. Pendant une trentaine de mesures, une merveilleuse polyphonie de cordes
divisées se développe librement. Hautbois et flûtes, puis cuivres et timbales se joignent
au discours. D’un sommet d’intensité dissonant où se heurtent les notes do (aux cuivres)
et do dièse (aux altos et aux violoncelles), se dégage un motif chatoyant de flûte
accompagné par la harpe en croches régulières, transition magique donnant une
impression d’accélération alors que le tempo ne change pas. Également coloré par
la clarinette basse, le mouvement se dirige peu à peu vers un sommet avec des visions
en clair-obscur « à la Rembrandt ». Le sommet atteint, la musique se désagrège et
s’interrompt.
Suit un allegro moderato (Sibelius changea plus tard le tempo en andantino) en deux
parties principales. Dans la première, après trois coups de timbales et une série d’accords
en valeurs longues (flûtes et bassons), un thème doucement balancé apparaît aux violons
en alternance avec des fragments de gammes ascendantes. Dans la seconde (poco con
moto), l’atmosphère change soudain : « murmures de la forêt » et « cris d’oiseaux », reflets
d’une nature mythique, abstraite. Fin abrupte, comme celle du mouvement précédent.
Le bref troisième mouvement (poco vivace) est une sorte de scherzo sans trio central,
au rythme trochaïque insistant, implacable jusque dans sa retenue sonore. Des cuivres
font brutalement irruption et la monotonie apparente du discours finit par exercer
une véritable fascination.
Le finale (allegro molto) se divise en quatre parties principales. La première oppose
en antiphonie, dans un climat de grande sérénité, deux groupes d’instruments (le plus
souvent les cordes aux vents). La deuxième, très agitée, constitue le sommet dramatique
de toute la symphonie. Le discours, assez sauvage, s’effondre soudain. La troisième partie,
progressif retour au calme, reprend pour l’essentiel la matière thématique de la première
mais dans une atmosphère à la fois discrète et tendue et débouche sur le silence.
La quatrième (doppio più lento) est le pendant expressif et psychologique du début
du premier mouvement. L’intensité diminue, un espace infini se révèle : « les ombres
s’allongent ». Fin dans la nuance pianissimo aux cordes seules ponctuées par les timbales.
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Sept Chants, op. 17 nos 4 et 6, op. 36 nos 1 et 4, op. 37 nos 3, 4 et 5
Orchestrations de John Estacio, 2006 (révision 2007), dédicacées à Ben Heppner.
Instrumentation : 2 flûtes (dont piccolo), 2 hautbois (dont cor anglais), 2 clarinettes (si bémol et la, dont clarinette
basse si bémol), 2 bassons, 4 cors en fa, 2 trompettes en ut, 2 trombones, trombone basse, tuba, timbales,
percussions (glockenspiel, petit triangle, caisse claire, grosse caisse, cymbales frappées), harpe, cordes.
Orchestrations commandées par Neil Crory et la Société Radio-Canada (Canadian Broadcasting Corporation) pour
Ben Heppner, Peter Oundjian (direction) et le Toronto Symphony Orchestra.
Création : 15 juin 2006 au Roy Thomson Hall, à Toronto.
Durée : environ 18 minutes.
On possède, de Sibelius, un total de cent dix mélodies pour voix et piano, pour la plupart
en langue suédoise et s’étendant de 1888 à 1925, soit quinze numéros d’opus contenant
de deux à huit mélodies et quelques pages isolées. Il mit en musique trente-cinq poètes
différents, privilégiant nettement ses contemporains et prédécesseurs immédiats,
en particulier Johan Ludwig Runeberg (1804-1877). Parmi les thèmes traités dominent
l’amour et la nature, souvent mis en rapport et mêlés de symbolisme, de surnaturel ou
de mysticisme. Les poèmes lui fournirent en général une sorte de programme plutôt que
des vers à déclamer en insistant sur chaque mot. Certaines mélodies ont été orchestrées
par Sibelius lui-même ou par d’autres.
Marc Vignal
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Étant un fervent admirateur de Jean Sibelius, je suis flatté que l’on m’ait donné
l’opportunité d’orchestrer sept de ses mélodies pour Ben Heppner, dont j’apprécie tout
autant le travail. Ces orchestrations m’ont été commandées par Radio-Canada et elles
ont été créées par le chef Peter Oundjian, le Toronto Symphony Orchestra et Ben Heppner
en juin 2006. Bien qu’étant relativement familiarisé avec la musique pour orchestre
de Sibelius, je connaissais mal ses cycles de mélodies. Ces sept mélodies, en particulier,
m’ont littéralement bouleversé, et le fait de concevoir une nouvelle orchestration pour
Heppner m’a procuré un plaisir immense. Les couleurs orchestrales et les timbres se
sont imposés à mesure que j’étudiais les pièces. Dans Soluppgång, par exemple, une phrase
évoquant une annonce a suggéré d’elle-même un arioso pour trompette solo ; des cordes
chatoyantes semblaient plus adaptées aux longs accords frémissants du début d’Illalle,
tandis que le caractère agile et féerique de Vilse ne pouvait être exprimé autrement
que par les bois.
Sibelius ne doublait que très rarement la ligne vocale dans ses accompagnements de piano
mais, devant la majesté de certains passages mélodiques (comme les longues phrases
vocales de Var det en dröm ?), il était difficile de ne pas avoir recours à cette technique.
J’ai cherché, par-dessus tout, à obtenir un accompagnement équilibré, c’est-à-dire
reflétant à la fois le texte et les intentions musicales de Sibelius. La création américaine
de ces orchestrations a eu lieu à Los Angeles et leur création européenne aura lieu
à Londres et à Paris avec le Los Angeles Philharmonic.
John Estacio
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Vilse (Seuls) op. 17 no 4
Poème en suédois de Karl August Tavaststjerna.
Composition : sans doute en 1898, révision en 1902.
Création : 17 septembre 1903 par Aino Ackté (soprano) et Oskar Merikanto (piano).
Cette mélodie évoque, sur un mouvement rapide de danse, le frisson et les premiers
émois de deux amants qui, volontairement, se sont égarés dans la forêt.
Vi gingo vävilse ifrån varann
Var togo de andra vägen? Jag ropar i skogen vad jag kan
Men du står och låtsar förlägen. Nous voilà seuls dans la forêt
Ayant perdu trace de nos amis.
Je les appelle de toutes mes forces
Pendant que tu fais part de tes craintes.
Blott eko det svarar: hallå, hallå! Och gäckande skrattar en skata,
Men himlen blir plötsligen dubbelt så blå
Och vi höra upp att prata. Seul l’écho nous répond : holà, holà !
Une pie rit d’un ton moqueur
Mais le ciel semble soudain plus bleu
Et force notre silence.
Säg, skulle din puls slå takt till min,
När samtalet går så staccato?
Min kärlek, min kärlek tar våldsamt mitt sinn’,
Jag glömmer att känna som Plato. Ton pouls bat-il en rythme avec le mien ?
Nos voix montent d’un ton,
Mes sens sont en émoi
Et j’oublie de savoir, comme Platon.
Jag ser i ditt öga, jag forskar och ser,
Pupillerna vidgas och slutas,
Och när du ett ögonblick strålande ler,
Då kunde ett helgon mutas.
Je sonde ton regard
Y vois tes pupilles danser,
Un sourire apparaît sur tes lèvres
Auquel nul ne pourrait résister.
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Illalle (Au soir) op. 17 no 6
Poème en finnois d’Aukusti Valdemar Forsman (patronyme changé à partir de 1906 en Koskimies).
Composition : fin 1898.
Les quatorze vers donnent lieu à autant de phrases musicales subtilement variées,
avec notes répétées puis brèves chutes d’intervalles.
Var hälsad, kväll, med dina stjärnors skara!
Med drömfylld andakt kommer du mig nära.
De mörka lockarna omkring din klara
Och höga pannas natt bli mig så kära.
Sois le bienvenu, soir étoilé, sombre et doux !
Je salue ta dévotion rêveuse
Et caresse les boucles brunes
Ondulant sur ton front.
O kväll av höghet, om du kunde vara
Den bro, som själens längtan ville bära
Mot drömmens länder, rena, underbara,
Från bojorna, som här mig trycka, tära!
Ô soir, si tu étais ce pont magique
Qui emporte les âmes en ces contrées
Où les tourments de la vie
N’ont plus d’existence !
Hur rik min lycka, när du mig hugsvalar,
När dignande hos dig jag finner vila,
Och dagen dör och all dess oro tiger!
Då dimman täcker jordens berg och dalar,
Och natten upp på dunkla vingar stiger,
Då will min ande dig till möte ila!
Et si c’était le jour heureux
Où, transporté de joie,
Je pourrais te rejoindre
Une fois le travail accompli,
Lorsque la nuit déploie ses ailes noires
Et que la brume recouvre collines et vallées,
Ô soir, comme je m’élancerais à ta rencontre !
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Soluppgång (L’Aube) op. 37 no 3
Poème en suédois de Tor Hedberg.
Composition : mai 1902.
Création : 9 octobre 1902 par Ida Ekman (soprano) et son mari Karl Ekman senior (piano).
Cette mélodie traite du contraste entre la beauté et le calme de la nature avant le lever
du soleil et l’impatience du chevalier avant la bataille. Elle a été orchestrée par Sibelius
lui-même en décembre 1913.
Under himlens purpurbrand
Ligga tysta sjö och land,
Det är gryningsstunden.
Snöig gren och frostvit kvit
Tecka dig så segervist
Mot den röda grunden.
Sous le feu pourpre du ciel
S’étendent silencieux lacs et terres ;
C’est l’aurore qui vient.
Les branches enneigées
Se détachent
Du fond incarnat.
Riddarn står vid fönsterkärm,
Lyssnar efter stridens larm,
Trampar golvets trilja.
Men en smal och snövit hand
Kyler milt hans pannas brand,
Böjer mjukt hans vilja.
Le chevalier regarde par la fenêtre.
Il écoute le bruit de la bataille
Et arpente la demeure.
Mais une main blanche comme la neige
Tiédit son front brûlant
Et fléchit sa volonté.
Riddarn sätter horn till mun,
Bläser vilt I gryningsstund,
Over nejd som tiger.
Tonen klingar, klar och spröd,
Branden slockner, gyllenröd,
Solen sakta stiger.
Le chevalier porte la trompe à sa bouche,
Et couvre d’un vibrant appel
La terre et le ciel alentour.
La note sonne claire et distincte,
Le foyer rougeoyant s’éteint,
Tandis que le soleil se lève lentement.
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Var det en dröm? (Ai-je rêvé?) op. 37 no 4
Poème en suédois de Josef Julius Wecksell.
Composition : été 1902.
Création : 9 octobre 1902 par Ida Ekman (soprano) et son mari Karl Ekman senior (piano).
Cette mélodie chante avec extase la nostalgie d’un amour perdu.
Var det en dröm att ljuvt engång
Jag var ditt hjärtas vän?
Jag minns det som en tystnad sång,
Då strängen darrar än.
Ai-je rêvé qu’en un temps merveilleux
J’étais l’ami de ton cœur ?
Je m’en souviens comme d’un chant lointain
Dont les sons vibrent encore.
Jag minns en törnros av dig skänkt,
En blick så blyg och öm;
Jag minns en avskedstår, som blänkt,
Var allt, var allt en dröm?
Je me souviens de la rose que tu m’as lancée,
De ton regard limpide et tendre,
D’une larme lorsque je suis parti,
Cela n’est-il qu’un rêve ?
En dröm lik sippans liv så kort
Uti en vårgrön ängd,
Vars fägring hastigt vissnar bort
För nya blommors mängd.
Un rêve aussi fugitif qu’une primevère
Dans un pré vert de printemps,
Dont la beauté s’affadit bientôt
Devant les fleurs nouvelles.
Men mången natt jag hör en röst
Vid bittra tårars ström:
Göm djupt dess minne i ditt bröst,
Det var din bästa dröm!
Mais souvent à la nuit, j’entends
Parmi mes larmes, une voix qui me dit :
Enfouis ce souvenir dans ton cœur
Car c’est ton rêve le plus cher !
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Flickan kom ifrån sin älsklings möte (La fille revient des bras de son amant) op. 37 no 5
Poème en suédois de Johan Ludwig Runeberg.
Composition : janvier 1901.
Création : janvier 1901, à Berlin, par Ida Ekman (soprano) et son mari Karl Ekman senior (piano).
La jeune fille revient de son rendez-vous les mains rouges, puis les lèvres rouges et
enfin les joues pâles, humiliée et déshonorée par l’infidélité de son amant.
Flickan kom ifrån sin älsklings möte,
Un jour encore, la fille revient des bras
de son amant,
Les mains toutes rougies. Sa mère lui demande :
Pourquoi tes mains sont-elles rouges, ma fille ?
La fille lui répond : J’ai cueilli des roses
Et leurs épines m’ont piquée.
Kom med röda händer. Modern sade :
Varav rodna dina händer, flicka ?
Flickan sade: jag har plockat rosor,
Och på törnen stungit mina händer.
Åter kom hon från sin älsklings möte,
Un autre jour, la fille revient des bras
de son amant,
Les lèvres toutes rougies. Sa mère lui demande :
Pourquoi tes lèvres sont-elles rouges, ma fille ?
La fille lui répond : J’ai mangé des framboises
Et leur jus m’a tachée.
Kom med röda läppar. Modern sade :
Varav rodna dina läppar, flicka ?
Flickan sade: jag har ätit hallon,
Och med saften målat mina läppar.
Åter kom hon från sin älsklings möte,
Un jour encore, la fille revient des bras
de son amant,
Les joues toutes pâlies. Sa mère lui demande :
Pourquoi tes joues sont-elles pâles, ma fille ?
La fille lui répond : Prépare une tombe, ma mère,
Jettes-y-moi, plante une croix
Et sur cette croix écris ces mots :
Un jour elle revint les mains rougies,
Rougies d’avoir enlacé les mains
de son amant.
Un autre jour elle revint les lèvres rougies,
Rougies d’avoir serré les lèvres
de son amant.
Le dernier jour elle revint les joues pâlies,
Pâlies de l’infidélité de son amant.
Kom med bleka kinder. Modern sade :
Varav blekna dina kinder, flicka ?
Flickan sade: red en grav, o Moder !
Göm mig där, och ställ et kors däröver,
Och på korset rista, som jag säger :
En gång kom hon hem med röda händer ;
Ty de rodnat mellan älskarns händer.
En gång kom hon hem med röda läppar ;
Ty de rodnat under älskarns läppar.
Senast kom hon hem med bleka kinder ;
Ty de bleknat genom älskarns otro.
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Säv, säv, susa (Murmurez, roseaux, murmurez) op. 36 no 4
Poème en suédois de Gustav Fröding.
Composition : automne 1900.
Création : automne 1900 par Adée Leander-Flodin (soprano) et Karl Flodin (piano).
Cette mélodie relate le destin tragique d’Ingalill, poussée au suicide par les gens
d’Östanålid, jaloux de ses richesses et de son amour.
Säv, säv, susa
Våg, våg, slå,
I sägen mig var Ingalill
Den unga månde gå?
Hon shrek som en vingskjuten and,
Nar hon sjönk i sjön,
Det var när sista var stod grön.
Murmurez, roseaux, murmurez
Battez, vagues, battez !
Me direz-vous où la jeune Ingallil
S’en est allée ?
Elle a crié comme un canard blessé
Lorsqu’elle s’est noyée dans le lac.
Le printemps était alors à son comble.
De voro henne gramse vid Ostanålid,
Det tog hon så illa vid.
De voro henne gramse för gods och gull
Och for hennes unga kärleks skull.
On l’enviait à Östanålid
Elle en était très affectée
On enviait ses biens
On enviait son jeune amour.
De stucko en ögonsten med tagg,
De kastade smuts i en liljas dagg.
Sa sjungen, sjungen sorgsång,
I sorgsna vågor små,
Säv, säv, susa,
Våg, våg, slå!
On a profané son trésor,
On a souillé son lit de fleurs.
Alors lamentez-vous
Tristes vaguelettes,
Murmurez, roseaux, murmurez,
Battez, vagues, battez !
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Svarta rosor (Roses noires) op. 36 no 1
Poème en suédois d’Ernst Josephson.
Composition : été 1899.
Création : 21 septembre 1899 par Ida Ekman (soprano) et son mari Karl Ekman senior (piano).
Cette mélodie raconte comment ces roses enfoncent leurs racines et leurs piquants
dans un cœur déprimé et finissent par le ronger complètement.
Säg varför är du så ledsen i dag,
Du, som alltid är så lustig och glad?
Och inte är jag mera ledsen i dag
Än när jag tyckes dig lustig och glad;
Ty sorgen har nattsvarta rosor.
Dis-moi, pourquoi es-tu si triste aujourd’hui,
Toi qui es toujours rieuse et gaie ?
Je ne suis pas plus triste aujourd’hui
Que lorsque je te semblais rieuse et gaie ;
Car les roses du chagrin sont noires
comme la nuit.
I mitt hjärta där växer ett rosendeträd
Som aldrig nånsin vill lemna mig fred.
Och på stjelkarne sitter det tagg vid tagg,
Och det vållar mig ständigt sveda och agg;
Ty sorgen har nattsvarta rosor.
Dans mon cœur pousse un rosier
Qui ne veut pas me laisser en paix.
Ses tiges sont couvertes d’épines,
Elles m’accablent sans cesse ;
Car les roses du chagrin sont noires
comme la nuit.
Men af rosor blir det en hel klenod,
Än vita som döden, än röda som blod.
Det växer och växer. Jag tror jag förgår,
I hjertträdets rötter det rycker och slår;
Ty sorgen har nattsvarta rosor.
Mais des roses surgit un parfait joyau,
Aussi blanc que la mort, aussi rouge que le sang.
Il grandit et grandit. Je sens ma force me quitter.
Il déchire et se tord à la racine de mon cœur ;
Car les roses du chagrin sont noires
comme la nuit.
Traduction des poèmes : ACI
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Symphonie no 5 en mi bémol majeur op. 82
Tempo molto moderato – Allegro moderato
Andante mosso, quasi allegretto
Allegro molto – Largamente assai
Composition : premières esquisses été 1914, version définitive terminée à l’automne de l’année 1919.
Création version originale : 8 décembre 1915 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Création version intermédiaire : 8 décembre 1916 à Turku, sous la direction du compositeur.
Création version définitive : 24 novembre 1919 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Durée : environ 31 minutes.
La Cinquième Symphonie eut une genèse difficile. Sibelius la commença en 1914 au retour
de son unique séjour aux États-Unis et en donna successivement trois versions différentes.
En 1915, la Cinquième comprenait quatre mouvements et durait environ quarante minutes.
Les deux révisions effectuées par Sibelius consistèrent à effectuer diverses modifications
de détail affectant la nature et l’ordre du matériau thématique, à réduire de quatre à trois
le nombre des mouvements en soudant l’un à l’autre, non sans les avoir modifiés, les deux
premiers mouvements de la version originale, et à exclure du finale toute allusion précise
aux mouvements précédents. La version de 1915 a survécu, mais pas celle de 1916.
Dans la Cinquième, Sibelius se détourna du langage introverti, aphoristique, aux limites de
l’atonalité, de la Quatrième (1911), et se concentra sur la recherche de solutions formelles
inédites, ce qui devait se retrouver dans les deux symphonies suivantes et dans le poème
symphonique Tapiola. L’œuvre est aussi concentrée que la Quatrième mais plus ensoleillée
et marquée par une nette volonté de puissance. C’est la plus beethovénienne des sept.
Le premier mouvement, complexe et fort original de structure, comprend quatre parties
qui toutes débouchent sur un sommet d’intensité. Avec un roulement de timbales, l’œuvre
s’ouvre sur un appel de cors (absent, aussi surprenant que cela puisse paraître,
de la version de 1915), fondement mélodique et rythmique du mouvement tout entier.
À un premier groupe de thèmes en mi bémol majeur confié aux seuls vents s’oppose,
en sol majeur, un deuxième groupe entonné par les cordes qui fait aussi office de fond
sonore.
Ce second groupe conduit au premier sommet d’intensité, au balancement régulier.
La seconde partie est une reprise variée et consolidée de la première partie, avec second
groupe et sommet d’intensité à la tonique. La troisième partie fait retraite aux limites
du silence avec son basson chantant lugubrement sur un fond de cordes. Le premier
mouvement de 1915 s’arrêtait là. Mais on entend maintenant, datant de 1919, un dramatique
crescendo culminant sur une modulation vers si majeur puis un appel de trompettes
fortissimo repris sept fois et enfin une éclaircie soudaine menant vers la dernière partie
(version modifiée du deuxième mouvement de 1915). Le tempo devient plus rapide (allegro
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moderato), la musique prend peu à peu le caractère d’un scherzo mais le matériau
thématique reste le même. Dans toute la musique, il n’est pas de transition plus magistrale
que celle-là. Ce scherzo apparaît comme l’exutoire de la tension accumulée jusqu’ici et
en tire une nécessité interne qu’il ne possédait pas en 1915. Après un appel de trompettes
(de cordes en 1915), la tension s’accumule à nouveau et donne naissance à un quatrième
sommet d’intensité (plus court en 1915), le plus puissant de tous, et vers lequel tout
convergeait depuis le début. Il est soudain coupé net.
L’andante mosso, quasi allegretto en sol majeur est parcouru par un rythme de cinq noires
qui laissera des traces dans le finale de la Sixième (1923). Les subtilités, d’ordre harmonique
notamment, y sont nombreuses. Ainsi, ce frottement do – do dièse (au hautbois et à la flûte
respectivement), superposant à la tonalité de sol le mode lydien sur la même note,
est un bel exemple d’écriture par couches superposées, se mouvant à des vitesses
différentes, ce que l’avant-garde germanique des années 1950 et 1960 devait appeler
« Mehrschichtigkeit » (« pluralité de couches »). Ce deuxième mouvement, dans l’ensemble,
se déroule sans heurts avec pourtant, vers la fin, des appels de cuivres assez sauvages
précédant la conclusion apaisée.
Le finale (allegro molto) retrouve immédiatement, avec mi bémol majeur, le ton héroïque
de la fin du premier mouvement. Ses trois éléments thématiques, dont les deux premiers
ont un côté ostinato bien marqué, sont présentés successivement mais sans que
l’un chasse l’autre : ils se superposent, envahissant l’espace sonore en un gigantesque
« effet de zoom ». Ce sont : une sorte de mouvement perpétuel des cordes ; une espèce
de carillon énoncé par les quatre cors et qui fut inspiré à Sibelius par un vol de cygnes ;
une ample mélodie à caractère d’hymne, hommage conscient ou non à l’Hymne à la joie
de Beethoven et modulant bientôt vers ut majeur. Le développement central, assez court,
fait contraste par son calme et sa légèreté. L’orchestre se rétrécit soudain, et la
réexposition, d’abord fondée sur le premier élément en sol bémol majeur et pianissimo,
fait ensuite intervenir les deux autres, toujours de façon superposée.
Le troisième élément soudain s’échappe puis est, à son tour, développé isolément
dans une atmosphère pathétique (Un pocchetino largamente). Enfin (largamente assai),
le « vol de cygnes » se charge de la vaste coda. Inlassablement répété en un puissant
crescendo, cet élément conduit, en une magnifique péroraison, à un sommet qui,
une fois atteint, débouche soudain sur le silence. Sur quoi six accords incisifs, largement
mais irrégulièrement espacés (reliés en 1915 par des trémolos de cordes) et dont seul
le dernier rejoint la tonique, mettent le point final à l’œuvre.
Marc Vignal
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MARDI 6 NOVEMBRE – 20H
Sibelius, intégrale des symphonies III
Jean Sibelius
Le Retour de Lemminkäinen, poème symphonique op. 22 no 4
Esa-Pekka Salonen
Wing on Wing
entracte
Jean Sibelius
Symphonie no 2 en ré majeur op. 43
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
Anu Komsi, soprano
Cyndia Sieden, soprano
Toute photographie et tout enregistrement sont strictement interdits.
Fin du concert vers 21h40.
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Jean Sibelius (1865 – 1957)
Le Retour de Lemminkäinen, poème symphonique op. 22 no 4
Composition : 1895-1900.
Création version originale : 13 avril 1896 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Création version intermédiaire : 1er novembre 1897 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Création version définitive : 3 juin 1901 à Heidelberg, sous la direction du compositeur.
Durée : environ 7 minutes.
Ce morceau est le quatrième et dernier volet de la Suite de Lemminkäinen op. 22 qui relate
les aventures de Lemminkäinen, un des personnages du Kalevala, sorte de Don Juan
nordique. Après avoir séduit « les jeunes filles de l’île », échoué dans sa tentative de tuer
le Cygne de Tuonela (équivalent aux Enfers de la mythologie grecque), été assassiné par
un berger et ramené à la vie par sa mère, Lemminkäinen, « épuisé par ses luttes et ses
combats change ses soucis en cheval, ses chagrins en un hongre noir. [...] En revenant
dans son pays, il reconnut les terres, les rives, les îles et tous les détroits, il reconnut
ses ports précédents ».
La Suite de Lemminkäinen fut créée dans son entier en 1896. Les versions définitives
des deux volets les plus brefs, Le Cygne de Tuonela (no 2) et Le Retour de Lemminkäinen
(no 4), sont de 1900, celles des deux volets les plus vastes, Lemminkäinen et les Jeunes
Filles de l’île (no 1) et Lemminkäinen à Tuonela (no 3), de 1939. Des quatre volets, Le Retour
de Lemminkäinen est celui qui, après 1896, fit l’objet des modifications les plus
importantes.
Sans entrer dans les détails, disons que la version de 1900, deux fois plus courte que
celle de 1896, comprend trois sections au lieu de cinq. Elle est durchkomponiert, ses trois
sections étant distinctes les unes des autres. De tempo allegro con fuoco (poco a poco più
energico), elle est animée d’une constante énergie mais conserve prudemment
ses réserves de puissance pour l’apothéose terminale. Elle évolue d’ut mineur à mi bémol
majeur sans donner à l’une de ces tonalités un statut de tonalité principale. Au plan formel,
il s’agit d’une des pièces les plus innovatrices du jeune Sibelius. Elle est lancée par
une formule de trois notes qui se modifie par ajouts de notes supplémentaires. Parvenu
à un premier sommet, le morceau, pour sa partie centrale en demi-teinte, se transforme
en un mouvement perpétuel, dans une tension croissante que deux fanfares successives
semblent vouloir briser sans y parvenir. Tout en maintenant la tension, la troisième partie
stabilise le discours en trois étapes successives. La conclusion triomphale libère enfin toute
l’énergie accumulée, confirmant le caractère positif du héros.
Marc Vignal
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mardi 6 novembre
Esa-Pekka Salonen (1958)
Wing on Wing
Composition : 2003-2004.
Création mondiale : 5 juin 2004 par le Los Angeles Philharmonic, sous la direction du compositeur.
Orchestration : 4 flûtes (flûte – flûte, 2e piccolo, flûte basse – flûte et 1er piccolo, flûte et flûte alto), 3 hautbois,
cor anglais, 4 clarinettes (clarinette – clarinette et clarinette basse – clarinette en mi bémol et clarinette basse –
clarinette contrebasse), 3 bassons, contrebasson, 4 cors, 4 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, percussions
(cloches-plaques, bongos, congas, cencerros, crotales, glockenspiel, tambour à fente, carillon, sand-blocks, cymbale
cloutée, cymbales suspendues, tam-tam, tom-toms, triangles, cloches d’orchestre, gongs accordés, vibraphone,
machine à vent), 2 harpes, clavier MIDI, célesta, cordes, 2 sopranos.
Durée : environ 25 minutes.
En 1822, Beethoven a composé l’ouverture Die Weihe des Hauses (La Consécration de
la maison) op. 124, pour l’ouverture d’un nouveau théâtre à Josefstadt. Et, en 1971,
le compositeur finlandais Joonas Kokkonen a écrit une autre ouverture, Inauguratio,
pour l’inauguration du Finlandia Hall d’Helsinki. Le fait de mentionner ici ces deux
évènements n’est pas tout à fait hors de propos car c’est précisément dans la seconde
de ces deux salles qu’en 1979 Esa-Pekka Salonen a, pour la toute première fois, dirigé
un orchestre symphonique professionnel. Un quart de siècle plus tard, à Los Angeles,
il était, lui aussi, en position de composer son propre hommage à une salle de concert
(« la construction exceptionnelle d’un homme exceptionnel ») à la conception de laquelle
il avait été associé.
Une nouvelle salle de concert mérite une nouvelle musique car l’une et l’autre sont le reflet
de leur époque. Dans de nombreux cas (comme dans les deux exemples mentionnés
ci-dessus), la musique écrite pour une inauguration est évidemment une ouverture.
Dans d’autres cas (par exemple, lorsqu’il s’agit d’inaugurer un festival ou un lieu différent
d’une salle de concert), la musique en question peut être une fanfare. En 1986, près de
vingt ans avant Wing on Wing, c’est d’ailleurs une fanfare que Salonen a composée pour
la première édition du Festival Suvisoitto de Porvoo (Finlande). Dans cette pièce de deux
minutes et demie (orchestrée pour un petit ensemble de bois et de cuivres), la clarinette
contrebasse jouait un rôle prépondérant. Or, quand j’ai entendu Wing on Wing pour
la première fois, j’ai eu une impression de déjà-vu (ou plus exactement de « déjà-entendu ») :
dès les cinq premières mesures de la pièce, j’avais le sentiment d’entendre la clarinette
basse murmurer avec son cousin, le contrebasson, au milieu des harmonies luxuriantes
jouées par les cordes.
Wing on Wing n’est ni une fanfare ni une ouverture. À vrai dire, il est difficile de rattacher
cette pièce à une catégorie préétablie de musique orchestrale. L’instrumentation, par
exemple, est très particulière. Ajoutez deux parties de soprano sans texte et quelques
échantillons de voix à un orchestre symphonique puis mélangez le tout ; obtenez-vous
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une cantate ? Pas exactement. Mais le résultat fait immanquablement penser à des
compositeurs comme Debussy, Sibelius, Berio, Stockhausen, Saariaho, Lindberg ou Salonen
lui-même, dans la mesure où ces derniers ont tous utilisé la voix de très nombreuses
façons. Il évoque également une multitude d’images musicales, suscite des associations
maritimes et fait songer à la technique du faux-bourdon tandis que certaines échelles,
comme le mode octatonique (qui alterne les demi-tons et les tons), indiquent clairement
l’influence de la musique française (Debussy, Messiaen). L’entrée du Porichthys notatus
dans la « cadence » inaugure, quant à elle, une sorte de nouveau paragraphe qui n’est pas
sans rappeler la Vox balaenae de George Crumb. Les longues notes pédales, les trémolos
des violons et les brusques accords de cuivres, dans la section qui suit immédiatement la
cadence, rappellent enfin Sibelius au même titre que les différents « épisodes orageux ».
Dans les récentes partitions pour orchestre, rares sont les musiques pouvant se targuer
de mener un dialogue aussi riche et aussi constructif avec la musique du XXe siècle.
Au fond, Wing on Wing n’est pas éloigné d’une fantaisie symphonique. Dans ses notes de
programme, Esa-Pekka Salonen distingue dix sections dans la pièce. On pourrait dire,
plus schématiquement, qu’elle présente quatre mouvements : introduction, scherzo I,
mouvement lent avec cadence, et finale (scherzo II) avec coda (stretto).
Ilkka Oramo
Traduction : Olivier Julien
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En navigation maritime, quand un voilier hisse la misaine et la grand-voile à
cent quatre-vingts degrés de manière à obtenir une surface de voilure maximale,
la magnifique constellation sculpturale que l’on obtient s’appelle un « ciseau tangonné »
(« wing on wing »). Frank O. Gehry utilise cette expression pour décrire la vue offerte par
le Walt Disney Concert Hall à l’angle de Grand Avenue et de la Première Rue, à Los Angeles.
Dans Wing on Wing, je n’essaie évidemment pas de traduire l’architecture du Walt Disney
Concert Hall en musique – ce serait tout simplement impossible. Je n’essaie pas non
plus de dresser le portrait de Frank Gehry mais plutôt de rendre hommage à la construction
exceptionnelle d’un homme exceptionnel – et, à travers lui, aux femmes et aux hommes
dont les compétences, le dévouement et la foi ont permis à cette vision fantastique
de se concrétiser.
Certains passages de Wing on Wing peuvent être interprétés comme des métaphores
de l’eau et du vent. J’ai également choisi d’utiliser le son étrange d’un poisson des eaux
de Californie du Sud, le Porichthys notatus, ou poisson-crapaud à nageoire unie, comme
un instrument (les bancs de Porichthys notatus émettent le son en question pour rester
en formation). Ce poisson, bien sûr, symbolise l’arrivée inattendue de Frank Gehry dans
le jeu postmoderne de l’architecture. L’image est magnifique, parfaite, et pourtant
totalement inattendue dans le contexte d’un discours intellectuel.
On peut entendre la voix de Frank échantillonnée (et altérée) ici et là. À certains moments,
on peut même distinguer des mots qui résument son travail et sa vie. À d’autres, les mots
perdent totalement ou partiellement leur intelligibilité pour devenir des sons musicaux.
La partition comporte d’autres couleurs inhabituelles comme les deux sopranos coloratures
qui se joignent à l’orchestre, parfois comme solistes, parfois comme des instruments parmi
les autres. Au début de la pièce, elles doublent les voix les plus graves (le contrebasson
et la clarinette contrebasse) pour donner naissance à un nouvel instrument hybride,
une chimère futuriste à mi-chemin entre l’humain et la machine.
J’ai décidé de penser la répartition de certains sons dans l’espace, les sopranos,
les sons échantillonnés et plusieurs des percussions se déplaçant d’un endroit à l’autre
de l’auditorium.
Le plan formel de Wing on Wing comporte dix sections :
1. Introduction. Un choral alterne avec une mélodie interprétée par les deux sopranos,
le matériau thématique évoluant légèrement à chaque reprise. Une musique plus enlevée
commence à se développer dans le fond pour aboutir à…
2. …des phrases nerveuses aux cordes et aux bois. Le mouvement se fige sur une pulsation
de triolet et la musique devient la métaphore d’un vent violent. Un orage éclate, se dissout
puis disparaît dans le néant.
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3. Un nouveau commencement. Une autre bourrasque se lève, mais elle s’apaise
rapidement pour laisser la place à une section plus calme, où les mélodies précédemment
chantées par les sopranos sont reprises par les bois. L’accumulation de ces mélodies crée
une texture de plus en plus dense. Les cordes s’effacent et les bois s’unissent
progressivement pour interpréter un choral.
4. Les sopranos reviennent, cette fois à l’extérieur de la salle. Après une explosion
de sons éclatants, métalliques, la musique s’apaise à nouveau mais elle évolue cette fois en
une section mystérieuse, avec des trémolos aux cordes et des fragments de phrases
mélodiques répartis entre les hautbois et les sopranos.
5. Entrée du Porichthys notatus (ce poisson chante un mi naturel).
6. Nouveau mouvement rapide. Les sand-blocks et les cordes jouent des ornements,
qui évoluent en une…
7. …section scherzando. Les sopranos sont de retour : elles se tiennent à présent sur scène.
Légères textures virtuoses qui se transforment progressivement en une nouvelle
bourrasque (réminiscence d’un épisode précédent).
8. Le vent se fixe sur une pulsation de triolet. Une sorte de danse se développe.
9. Le tempo de la danse est multiplié par deux. Joie et énergie. La section atteint son point
culminant avec deux accords monumentaux, après quoi la musique s’apaise pour aboutir
à un…
10. …épilogue. À la toute fin de la pièce, on entend une dernière fois Frank Gehry,
le poisson-crapaud et les sopranos.
Wing on Wing est dédié à Frank Gehry, Yasuhisa Toyota et Deborah Borda.
Esa-Pekka Salonen
Traduction : Olivier Julien
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Jean Sibelius
Symphonie no 2 en ré majeur op. 43
Allegretto
Tempo andante, ma rubato
Vivacissimo
Allegro moderato
Composition : 1900-1902.
Création : 8 mars 1902 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Durée : environ 43 minutes.
La Deuxième Symphonie, la plus souvent exécutée des sept de Sibelius, constitue
l’aboutissement de sa première période créatrice dite « romantico-nationale ». Elle naquit
dans un contexte bien particulier. En 1899, le grand-duché de Finlande faisait partie de
l’empire russe depuis bientôt un siècle mais y jouissait d’une autonomie appréciable.
Or, cette année-là, le tsar Nicolas II désigna comme nouveau gouverneur le général
Bobrikov, tristement célèbre pour son action panslaviste dans les pays baltes. Et bientôt
parut un train de mesures destinées à faire de la Finlande une province comme les autres :
enrôlement de force dans l’armée, russification de l’enseignement, censure, etc. Dans
le cadre des manifestations organisées pour protester contre la censure, Sibelius composa,
en 1899, une série de pages patriotiques parmi lesquelles le fameux Finlandia. La même
année fut également créée la Première Symphonie.
En juillet 1900, Sibelius se rendit avec l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, dirigé par
Robert Kajanus, à l’Exposition universelle de Paris. En automne, il visita Berlin où on l’invita
à participer, en juin 1901, au festival de l’Allgemeiner Deutscher Musikverein (Société des
musiciens allemands) à Heidelberg. De Berlin, il se rendit en Italie et y travailla,
en particulier à Rapallo (février-mars 1901), à la Deuxième Symphonie. Lors de sa création
un an plus tard, l’œuvre connut un succès tel que trois autres exécutions suivirent en une
semaine. La salle était comble les quatre soirs, ce qui ne s’était jamais vu en Finlande.
C’est à tort que plusieurs commentateurs devaient faire de la Deuxième Symphonie
le chant de combat et de libération d’un peuple encore opprimé.
L’écrivain néerlandais Simon Vestdijk, auteur d’ouvrages sur les symphonies de Bruckner,
Mahler et Sibelius, voit dans l’allegretto initial « un regard lancé vers le Sibelius de
maturité, mais laissant subsister le ton romantique : tout y est libre et léger, presque
tout y est subtil et ramassé, tendant vers l’idylle. C’est pourtant une conception de grande
envergure que ce premier mouvement, et par-dessus le marché une solution
particulièrement heureuse du problème de la forme ».
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Le début frappe par son côté apparemment disloqué et fragmentaire. Après un motif
rythmique de cordes (onze noires régulières en mesure à 6/4), essentiel pour la suite,
et un thème d’allure pastorale entonné par clarinettes et hautbois, des bribes mélodiques
semblent se succéder, au hasard, d’un instrument à l’autre. Sans entrer dans les détails,
disons que les deux extrémités du mouvement (le début surtout) se montrent assez
instables et morcelées au plan des timbres et de la dynamique alors que le centre, après
un crescendo soutenu, énonce les mêmes idées (ou la plupart d’entre elles) de façon
dramatique, avec une puissance impressionnante et en unifiant le discours par la nuance
forte. La musique semble enfin synthétiser des éléments jusqu’ici épars. À un point d’orgue
et à un silence succède la réexposition (retour du thème pastoral), fortement abrégée.
Le mouvement s’achève dans la nuance piano.
Le tempo andante, ma rubato en ré mineur, après cette exceptionnelle entrée en matière,
nous ramène en terrain plus connu. La structure est plus rhapsodique et certaines
tournures sont modales. Le début est impressionnant : un roulement de timbales sur la
note ré introduit trente-huit mesures de pizzicati de contrebasses et/ou de violoncelles
auxquels se mêle ensuite un thème « lugubre » de bassons. Quand il en eut l’idée à Rapallo,
Sibelius associa ce thème à la Mort se présentant chez Don Juan. Après un sommet,
on entend aux cordes divisées à l’extrême, aux limites du silence, une mélodie en fa dièse
majeur, notée à Florence en avril 1901, dans une première version, avec l’indication
« Christus ». C’est le seul épisode lumineux du mouvement. Le discours se poursuit avec
divers thèmes dans le registre grave (bassons, tubas, altos, violoncelles) et plusieurs
rappels des idées du début, le tout ponctué de tourbillons en triples-croches et de violents
éclats de cuivres.
Le troisième mouvement (vivacissimo en si bémol majeur) est une sorte de mouvement
perpétuel à 6/8. Le motif initial incisif de ce scherzo surgit à intervalles plus ou moins
réguliers aux registres les plus divers, mais toujours porté par des cordes à l’unisson.
Trois notes martelées aux cors, timbales et cordes graves mènent à une seconde idée,
aux bois, rythmiquement indépendante mais toujours soutenue par le mouvement
perpétuel. Cinq coups de timbales espacés sur la note si bémol introduisent le trio (lento
e suave en sol bémol majeur), ouvert par une mélodie de hautbois rappelant le début de
l’ouvrage et dont les neuf si bémol initiaux (note non plus tonique mais troisième degré)
ont suscité de nombreux commentaires. Le climat pastoral subsiste tout au long de ce trio.
Suivent une reprise brutale (cuivres et timbales fortissimo) et variée du scherzo puis du
trio. Les cordes se livrent soudainement à des figurations agitées qui, mêlées à des appels
de cuivres, constituent une transition vers le finale qui suit sans interruption.
Ce finale (allegro moderato à 3/2 en ré majeur) transforme la symphonie en vaste poème
épique. C’est une forme sonate à quatre thèmes principaux accompagnés de nombreux
motifs secondaires, avec développement central fort court et brève coda triomphale.
Il débute dans l’éclat de ré majeur, tonalité abandonnée depuis le premier mouvement.
Les sept premières notes du thème principal – elles deviendront un motif récurrent
unificateur – sont immédiatement énoncées aux cordes, soutenues par un rythme guerrier
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des cuivres, de la percussion et des contrebasses. Une fanfare héroïque des trompettes
répond, suivie de l’envolée du premier thème. Le deuxième thème, plus passionné, oppose
cordes et bois.
L’intensité diminue et, sur d’incessantes figurations des cordes graves et un roulement
étouffé de timbales, apparaît le troisième thème au hautbois relayé par la clarinette :
c’est une sorte de marche lente, ou plutôt de marche funèbre, car on sait que Sibelius
voulut y évoquer la mémoire de sa belle-sœur Elli Järnefelt, morte par suicide en juillet
1901. On a ici l’élément de contraste indispensable.
Le quatrième thème est une fanfare de cuivres entendue deux fois. Le bref et serein
développement, largement fondé sur le troisième thème, adopte un caractère hymnique.
La réexposition est pour commencer assez régulière puis bute sur le troisième thème
inlassablement répété (ostinato rythmico-mélodique) en un vaste crescendo qui lui donne
son vrai caractère : celui d’un monde clos apparemment impossible à fuir. L’évasion réussit
pourtant sous forme d’une éclaircie en majeur suivie aux cuivres par le quatrième thème,
fanfare décidément rédemptrice. Un decrescendo et des échos du troisième thème sous
son aspect hymnique mènent à la coda triomphale, surgie des profondeurs de l’orchestre,
d’aspect hymnique elle aussi et dominée par les trompettes, l’écriture des cordes étant
néanmoins d’une extraordinaire transparence. « De toutes les grandes œuvres du
répertoire, aucune n’est mieux calculée pour enflammer un auditoire », écrivit le critique
et producteur phonographique Walter Legge, en 1935, après avoir entendu à Londres la
Deuxième Symphonie dirigée par Serge Koussevitzky.
Marc Vignal
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JEUDI 8 NOVEMBRE – 20H
Sibelius, intégrale des symphonies IV
Jean Sibelius
Symphonie no 4 en la mineur op. 63
entracte
Steven Stucky
Radical Light (création française)
Jean Sibelius
Symphonie no 7 en ut majeur op. 105
Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen, direction
Toute photographie et tout enregistrement sont strictement interdits.
Fin du concert vers 21h45.
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Jean Sibelius (1865 – 1957)
Symphonie no 4 en la mineur op. 63
Tempo molto moderato, quasi adagio
Allegro molto vivace
Il tempo largo
Allegro
Composition : décembre 1909-avril 1911.
Création : 3 avril 1911 à Helsinki, sous la direction du compositeur.
Durée : environ 35 minutes.
La Quatrième Symphonie de Sibelius est une des partitions les plus radicales du XXe siècle.
Comme l’a écrit le compositeur britannique Robert Simpson, l’auteur y manifeste à la fois
« sa répudiation la plus profonde et la plus absolue du romantisme et son expression
personnelle la plus intense [...]. On n’y décèle aucun pessimisme, malgré ses couleurs
sombres, mais plutôt un courage invincible, renforcé par un sens de l’adversité persistant
jusqu’à la fin ». Peu avant de l’entreprendre, Sibelius nota dans son journal :
« Un changement de style ? »
En septembre-octobre 1909, il effectua avec son beau-frère, le peintre Eero Järnefelt,
futur dédicataire de l’ouvrage, une excursion dans les hauteurs désolées de Koli en
Finlande centrale et, avant Noël, il joua au piano, devant son ami et protecteur le baron
Axel Carpelan, deux extraits de la future Quatrième en les intitulant respectivement
La Montagne et Pensées du voyageur. En novembre 1910, la cantatrice Aino Ackté lui
commanda un morceau pour soprano et orchestre d’après Le Corbeau d’Edgar Poe :
il ne fut jamais terminé mais passa en partie dans le finale de la Quatrième Symphonie.
Au concert du 3 avril 1911, les sonorités ascétiques et le langage aphoristique de la nouvelle
symphonie, à l’opposé de l’optimisme flamboyant de la Deuxième (1902) comme de
la vigueur athlétique de la Troisième (1907), ne suscitèrent de la part du public d’Helsinki
qu’indifférence polie. Les dernières notes furent suivies d’un silence empreint de surprise
et d’attente : l’œuvre était-elle finie ou non ? Des années après, Aino Sibelius (l’épouse du
compositeur) devait raconter : « Les gens évitaient de nous regarder en face, ils avaient
des sourires ironiques, furtifs, embarrassés. Peu sont venus nous saluer en coulisses. »
En novembre 1912, à Copenhague, on accusa Sibelius de s’être « coupé de la réalité ».
Le mois suivant, Felix Weingartner programma la Quatrième à la Philharmonie de Vienne
mais la remplaça au dernier moment, sous un prétexte fallacieux, par la Huitième
de Beethoven. En 1913, à Boston, on parla à son propos de « musique cubiste » et de
« musique du XXIe siècle ». À Copenhague toutefois, en 1912, un critique ayant apprécié
l’œuvre la qualifia de « grande œuvre de musique de chambre pour orchestre ».
En Angleterre, la même année, Ernest Newman, le grand spécialiste de Wagner et
de Berlioz, estima que « Schönberg essayait d’en faire autant, mais avec moins de succès ».
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L’élément fondamental de la Quatrième est le triton (quarte augmentée). Au plan tonal,
c’est un élément disruptif. Sibelius lui aussi porta au tombeau la tonalité, non pas en
tentant d’en annihiler toute trace ou de faire table rase, comme d’autres à la même époque,
mais en laissant subsister des pans de tonalité dans un paysage en ruines, comme ravagé
par un cyclone.
Il y a quatre mouvements : le premier et le troisième sont lents, le deuxième et le
quatrième rapides. Le tempo molto moderato, quasi adagio initial, sorte de forme sonate
d’une ampleur wagnérienne mais aussi concise que du Webern, définit dès l’abord la quarte
augmentée ut – fa dièse aux violoncelles et aux contrebasses. Dans une grande ambiguïté
harmonique, un thème s’élève au violoncelle et on arrive progressivement à un puissant
sommet d’intensité dans la région de fa dièse majeur. L’extraordinaire développement
central est largement monodique mais n’en correspond pas moins à un paroxysme de
tension. Il débouche directement sur le retour du puissant sommet et la conclusion est
désincarnée, aux limites du silence.
L’allegro molto vivace, officiellement en fa majeur, comprend deux parties principales. La
première est une danse immatérielle. La seconde, plus lente (doppio più lento) et plus
dramatique, répète jusqu’à l’obsession un motif incisif descendant de deux notes couvrant
l’intervalle de triton (on songe à la fin de De l’aube à midi sur la mer de Debussy). La reprise
amorcée de la première partie s’interrompt au bout de six mesures sur trois discrets coups
de timbales sur la note fa, et la musique se dissout dans le silence.
Le troisième mouvement (il tempo largo), joué lors des funérailles de Sibelius en 1957, est
noté en ut dièse mineur. À lui, en particulier, s’applique ce qu’écrivit en 1912 un journaliste
du Times : « Sibelius ne laisse pratiquement jamais des instruments de couleurs différentes
faire la même chose. En conséquence, leurs personnalités se heurtent parfois de la façon la
plus tranchée, car ils poursuivent indépendamment l’un de l’autre des pensées différentes. »
Au début, la tonalité et la rythmique sont floues. Non sans ruptures, un thème se constitue
peu à peu, le discours se consolide progressivement, aboutissant à un puissant sommet.
Puis la musique retourne au silence, s’éteignant sur un ut dièse grave syncopé
inlassablement répété.
Le finale, un allegro en forme d’arche, est une musique en demi-teinte, délicate mais
énergique. Le triton sert ici à faire entrer en conflit des tonalités différentes,
principalement la majeur et mi bémol majeur qui se superposent plusieurs fois : d’où
finalement une mêlée d’une force stupéfiante. La tonalité de la en ressort victorieuse, mais
il s’agit (alors que le mouvement était officiellement en la majeur) de la mineur. Après ce
sommet dramatique, la musique se désintègre (il ne faut surtout pas ralentir le tempo). Ne
subsistent des seules cordes, pour finir, que huit la à l’unisson dans la nuance mezzo-forte,
démarche qu’on ne retrouve sans doute nulle part ailleurs pour terminer une symphonie.
Ce finale, alternance rapide d’ombres et de lumières débouchant soudain sur le vide, avait,
à cet égard, un précédent beaucoup plus long mais dans la même tonalité : celui de la
Sixième de Mahler (1904). C’est à bon escient qu’Herbert von Karajan situait la Sixième
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de Mahler et la Quatrième de Sibelius parmi les rares chefs-d’œuvre se terminant sur une
« totale destruction ». Quant à Sibelius lui-même, il déclara dans une lettre datée du 2 mai
1911 à propos de sa Quatrième : « Sans être à proprement parler un morceau de concert,
elle m’a valu de nombreux amis. [...] Ma nouvelle symphonie est une totale protestation
contre les compositions d’aujourd’hui. Rien, absolument rien qui évoque le cirque ».
L’œuvre était dans son esprit une manifestation d’originalité et d’indépendance absolues.
Marc Vignal
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Steven Stucky (1949)
Radical Light (création française)
Composition : 2006-2007.
Création mondiale : 18 octobre 2007 par le Los Angeles Philharmonic.
Orchestration : 3 flûtes (3e aussi piccolo), 3 hautbois (3e aussi cor anglais), 3 clarinettes (3e aussi clarinette basse), 2
bassons, contrebasson, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba, percussions (grosse caisse, carillon, crotales,
glockenspiel, marimba, tam-tam, xylophone), harpe, cordes.
Durée : environ 16 minutes.
D’après Lao-Tseu, « rien de ce qui peut être exprimé par les mots ne vaut la peine d’être
dit ». Et selon Goethe, « la musique commence là où s’arrête la parole ». S’ils ont raison,
il est doublement impossible pour moi d’expliquer de quoi « parle » ma nouvelle œuvre
pour orchestre. Cependant, l’homme n’est pas seulement un animal chantant : il est aussi
un animal parlant, incapable de résister au besoin d’analyser et de se justifier.
Je peux donc dire que la composition de Radical Light a été influencée par le fait que la
partition était à l’origine destinée à accompagner deux symphonies de Sibelius dans un
festival consacré à ce compositeur. J’étais terriblement intimidé à l’idée de me trouver
dans la situation d’un parvenu s’invitant parmi deux monuments aussi imposants que la
Septième et la Quatrième de Sibelius, mais m’étant engagé, je n’avais d’autre choix que de
mener ce projet à bien. J’ai longtemps été sous l’influence de Sibelius dont je considère la
Septième Symphonie comme une merveille d’architecture. J’ai toujours eu envie d’essayer
quelque chose d’approchant ; aussi, j’ai cherché, dans Radical Light, à m’inspirer de la
construction formelle de ce chef-d’œuvre : une étendue couvrant différents tempos,
différents climats, mais dans laquelle tout s’enchaîne avec fluidité – la pièce ne comporte ni
coupure, ni interruption, ni virage brusque ou franchissement de frontière.
L’idée d’une musique en perpétuelle évolution m’a aussi été inspirée par deux autres
Finlandais, Magnus Lindberg et Esa-Pekka Salonen, et par mon collègue suédois Anders
Hillborg (je m’empresse naturellement d’ajouter que le son de ma musique n’a rien à voir
avec Sibelius ou avec les autres compositeurs que je viens de mentionner, en tout cas pas
intentionnellement). Radical Light est fondamentalement une pièce lente mais elle
comporte plusieurs épisodes plus animés.
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Et le titre ? Il m’est venu après coup, et difficilement. Je l’ai trouvé dans ces lignes
remarquables de mon poète favori, Archie Randolph Ammons :
Son crâne renfermait
une lumière radicale : la musique
tournait, comme
la lumière du soir apparaît, immanente,
au-dessus des récifs, puis elle retournait
dans les sillons de son cerveau
vers l’obscurité, frissonnante,
avant de ressortir brusquement
dans de longs roulements de son.
Cette poésie semblait – même si c’était accidentel – dire quelque chose de fondamental
sur le rôle de l’artiste en général, sur la personnalité de Sibelius en particulier et sur
l’architecture même de ma propre pièce ainsi que sur la forme que je voulais lui donner.
J’ai donc décidé d’emprunter le titre à Ammons et de dédier la pièce à ma collègue et amie
Elinor Frey qui m’a aidé à choisir ce titre et assisté de nombreuses autres façons tout au
long de l’écriture.
Je crois pouvoir dire que j’espère, pour ma musique, ce qu’Ammons espérait pour
la poésie : qu’elle nous « guide vers la source déstructurée de nos êtres, vers l’inconnu,
et qu’elle nous ramène à nos êtres rationnels, structurés, avec un regard neuf. Après avoir
fait l’expérience du mystère, de la plénitude, de la contradiction et du calme qui émanent
d’une œuvre d’art, on ne peut que développer une résistance naturelle aux slogans et
à la propagande de la simplification à outrance qui ont si souvent mené l’humanité à
sa perte […]. Rien de ce qui peut être exprimé avec des mots ne vaut la peine d’être dit. »
Radical Light m’a été commandé par le Los Angeles Philharmonic avec le soutien de
Lenore et Bernard Greenberg.
Steven Stucky
Traduction : Olivier Julien
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Jean Sibelius
Symphonie no 7 en ut majeur op. 105
Composition : esquissée vers 1914-1915, terminée le 2 mars 1924.
Création : 24 mars 1924 à Stockholm, sous la direction du compositeur.
Création en Finlande : 25 avril 1927, sous la direction de Robert Kajanus.
Durée : environ 22 minutes.
Jean Sibelius mourut en 1957 à presque quatre-vingt-douze ans mais sa dernière œuvre
majeure, le poème symphonique Tapiola, remonte à 1926. La Septième est sa dernière
symphonie et entre elle et Tapiola, il n’y eut qu’une œuvre majeure : la musique de scène
pour La Tempête de Shakespeare (1925-1926). On a beaucoup épilogué sur le silence de
Sibelius durant ses trente dernières années et sur la destruction, vers 1943, d’une huitième
symphonie. La raison principale de ce silence et de cette destruction fut la crainte
éprouvée par le compositeur de décevoir ses admirateurs et surtout lui-même : pour la
Huitième, il plaça, comme d’habitude, la barre très haut et finit par se rappeler que le
silence pouvait être une forme intensifiée de l’éloquence. Sibelius se préoccupa toujours de
sa « position dans le siècle » : réaction totalement opposée à celle, superbement
indifférente, de son contemporain Richard Strauss. Il reconnut la grandeur de Schönberg
mais le sérialisme ne signifia rien pour lui et encore moins le néo-classicisme de l’entredeux-guerres. « En France on aime la musique mélodique, alors que la mienne est
architectonique », déclara-t-il lors d’un séjour à Paris en 1927.
La Septième Symphonie (1924), apothéose pan-consonante d’ut majeur, achevée et créée
au moment où Schönberg publiait ses premières pages dodécaphoniques sérielles, est sans
doute le seul ouvrage auquel puisse s’appliquer la fameuse phrase du même Schönberg :
« Il reste beaucoup de chefs-d’œuvre à écrire en ut majeur ». Mais elle utilise surtout cette
tonalité comme couleur, en particulier par le truchement d’un thème de trombones
intervenant à plusieurs reprises avec une majesté et une grandeur olympiennes telles
qu’elles finissent par baigner la partition toute entière.
L’œuvre, également à fortes colorations modales, ne dure au total qu’une vingtaine de
minutes et est en un seul mouvement, structure qui ne s’imposa à Sibelius qu’en 1923,
après les premières auditions de la Sixième : à l’origine, il envisagea un ouvrage en trois ou
quatre mouvements. La Septième est même le prototype de la symphonie en un seul
mouvement, comme la Sonate en si mineur de Liszt l’est de la sonate en un seul
mouvement. On songe également à la Symphonie de chambre op. 9 de Schönberg (1906),
de même durée que la Septième, mais dans cet opus 9, chaque mesure et chaque grand
épisode se définissent de façon très précise par rapport aux thèmes, aux mouvements ou
aux parties de mouvements d’une symphonie traditionnelle en quatre mouvements.
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Rien de tel dans la Septième dont la forme est absolument sui generis. Elle fut créée sous
le titre de Fantasia sinfonica et, par sa dialectique contraction-expansion, se situe aux
antipodes de la musique de l’autre grand symphoniste du premier quart du XXe siècle,
Gustav Mahler. L’épisode lent qui ouvre la partition et qui, après une admirable polyphonie
de cordes, aboutit à un premier sommet (première apparition du thème de trombones déjà
mentionné), est d’une ampleur telle qu’on s’attend à une durée totale d’au moins trois
quarts d’heure, alors qu’en vertu de sa dialectique, la symphonie durera environ trois fois
moins. Globalement, on assiste à une accélération non seulement du tempo, mais aussi et
surtout, dans la seconde moitié de l’ouvrage, du temps lui-même : c’est de là
essentiellement que la Septième tire sa cohésion. Peu après le thème de trombones, le
tempo devient progressivement plus rapide et on aboutit à une sorte de scherzo aérien
venant buter quant à lui sur un retour très dramatique (en ut mineur) du thème de
trombones, maintenant entouré de rafales de cordes. On est parvenu au centre de
l’ouvrage.
Une percée se produit et l’atmosphère s’allège instantanément : des cordes bondissantes
mènent à une mélodie d’aspect populaire, développée quant à elle dans une atmosphère à
la fois joyeuse et tendue, en une forme sonate miniature : pour la première fois, l’auditeur
se retrouve « les deux pieds sur terre » (Simon Vestdijk), cet épisode étant le seul constitué
d’éléments bien délimités au double plan thématique et tonal. Un bref second scherzo
précède l’apothéose terminale inaugurée par le thème de trombones (impression soudaine
de quasi-immobilité) et qui, ensuite, reprend en l’amplifiant et en l’abrégeant l’épisode lent
du début de l’ouvrage. La fin, assez abrupte, comme imposée par une main de fer, est un
véritable manifeste : une double progression ré – do dans les basses puis si – do (sensible –
tonique) à l’octave supérieure, cette dernière surgissant d’une masse sonore assez
compacte et s’élevant comme portée par la pureté des seules cordes.
Le procédé de la croissance organique est mis en œuvre dans la Septième avec une
maîtrise stupéfiante. D’un bout à l’autre, les motifs sont en transformation perpétuelle mais
restent toujours reconnaissables. Remarquables apparaissent également le contrôle
simultané exercé par Sibelius sur plusieurs tempos différents et sa faculté de passer
insensiblement d’un tempo à un autre. Après l’épisode lent du début, qui prépare et
équilibre à lui seul tous les autres, l’énergie motrice domine bien que parfois simplement
sous-jacente. La Septième se dresse tel un monolithe et exige de ses interprètes, comme de
ses auditeurs, la plus grande concentration.
Marc Vignal
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biographies
Esa-Pekka Salonen
Esa-Pekka Salonen est le 10e chef dans
l’histoire du Los Angeles Philharmonic,
à la tête duquel il vient d’entamer sa 16e
saison. Il a annoncé, au printemps
dernier, qu’il mettrait fin à son mandat
à l’issue de la saison 2008-2009 pour se
consacrer pleinement à la composition.
Né à Helsinki en 1958, Esa-Pekka
Salonen a étudié la musique à l’Académie
Sibelius de Finlande. Il a fait ses débuts
de chef avec l’Orchestre symphonique de
la Radio finlandaise en 1979, ses débuts
américains avec le Los Angeles
Philharmonic en 1984 et il a récemment
été nommé au poste de Chef principal
de l’orchestre londonien Philharmonia.
Esa-Pekka Salonen a dirigé des festivals
consacrés à la musique de Ligeti,
Schönberg, Chostakovitch, Stravinski,
Berlioz et Beethoven. Il est également
à l’origine du Tristan Project qui a été
accueilli dans le monde entier par une
critique enthousiaste. Depuis 1992,
il tourne régulièrement avec le Los
Angeles Philharmonic qu’il a dirigé dans
des créations mondiales d’œuvres de
John Adams, Franco Donatoni, Anders
Hillborg, William Kraft, Magnus Lindberg,
Witold Lutoslawski, Bernard Rands, Kaija
Saariaho, Rodion Shchedrin, Steven
Stucky, Tan Dun et Augusta Read
Thomas, mais aussi dans certaines de
ses œuvres. En octobre 2003, ils ont en
outre inauguré ensemble le Walt Disney
Concert Hall, un complexe de salles de
spectacles conçu par Frank Gehry, à Los
Angeles. En mars 2003, Esa-Pekka
Salonen a signé un contrat d’exclusivité
avec Deutsche Grammophon qui a
produit l’année suivante un album
réunissant ses œuvres pour orchestre
les plus récentes – Foreign Bodies,
Insomnia, Wing on Wing. Après avoir
passé plusieurs années à enregistrer
pour Sony Classical, Esa-Pekka Salonen
et le Los Angeles Philharmonic ont,
quant à eux, sorti leur premier
enregistrement chez Deutsche
Grammophon en janvier 2006 – il
s’agissait du premier enregistrement
public réalisé au Walt Disney Concert
Hall. Plusieurs de leurs enregistrements
publics produits par Deutsche
Grammophon sont par ailleurs
disponibles en téléchargement sur
iTunes. Au cours de sa carrière, EsaPekka Salonen a été récompensé par de
nombreux prix dont le Prix de
l’Accademia Chigiana (il est le tout
premier chef à le recevoir, en 1993), le
Prix d’opéra de la Royal Philharmonic
Society (1995) et le Prix de direction de
cette même institution (1997). Il a été
élevé au rang d’officier dans l’Ordre des
Arts et des Lettres par l’État français en
1998 et élu « Musicien de l’année » par
Musical America en 2006.
LUNDI 5 NOVEMBRE
Ben Heppner
Ben Heppner est aujourd’hui considéré
comme l’un des meilleurs ténors
dramatiques au monde. De Tristan à
Lohengrin en passant par Othello ou
Énée (Les Troyens de Berlioz), il excelle
dans les rôles les plus difficiles.
Cette saison, Ben Heppner donnera plus
de 25 concerts en Europe et en
Amérique du Nord. Il commencera par
une série de récitals dans l’Ontario
(Canada) et par un concert de gala au
Centre national des Arts d’Ottawa, après
quoi il donnera plusieurs récitals au
Grand Théâtre de Genève et au Shriver
Hall de Baltimore. On pourra également
l’entendre avec l’Orchestre
philharmonique de La Scala et Riccardo
Chailly à l’occasion d’une tournée nordaméricaine qui s’achèvera au Carnegie
Hall, avec le Boston Symphony Orchestra
dirigé par Sir Colin Davis dans The
Dream of Gerontius d’Elgar, avec le
Vancouver Symphony Orchestra, dans
plusieurs mélodies de Sibelius avec le
Los Angeles Philharmonic et Esa-Pekka
Salonen au Walt Disney Concert Hall de
Los Angeles et au Barbican Centre de
Londres, ainsi que dans Le Chant de la
terre de Mahler avec le Berliner
Philharmoniker au Carnegie Hall, à la
Philharmonie de Berlin et au Symphony
Hall de Boston. Il retournera en outre au
Metropolitan Opera de New-York en mars
pour y chanter Tristan et Isolde avec
James Levine (la représentation sera
retransmise en simultané dans plusieurs
salles de cinéma aux États-Unis et au
Royaume-Uni) avant de conclure la
saison en interprétant le rôle-titre dans
une version de concert de Siegfried avec
Sir Simon Rattle et le Berliner
Philharmoniker au Festival
d’Aix-en-Provence.
John Estacio
John Estacio a été compositeur en
résidence de l’Orchestre philharmonique
de Calgary, de l’Opéra de Calgary, de
l’Orchestre symphonique d’Edmonton et
de Pro Coro. Il a écrit pour de nombreux
ensembles et ses œuvres ont été
retransmises par la radio ou la télévision
canadiennes ainsi qu’à l’international.
Son enregistrement Frenergy lui a valu
deux nominations aux Juno Awards et
son premier opéra, Filumena, a été
monté à plusieurs reprises (l’une de ces
représentations a été retransmise à la
télévision canadienne). Son deuxième
opéra, Frobisher, a quant à lui été créé
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en janvier 2007. John Estacio vit à
Edmonton où il prépare actuellement
une cantate, une symphonie,
un troisième opéra et une partition
originale pour le film The Secret of the
Nutcracker.
chefs de l’envergure de Sir Roger
Norrington, Oliver Knussen, Sakari
Oramo, Osmo Vänskä, Rudolf Barshai,
Leif Segerstam, Jukka-Pekka Saraste et
George Benjamin. Sa collaboration avec
Esa-Pekka Salonen a débuté en 1988
avec la création mondiale de Floof qu’ils
MARDI 6 NOVEMBRE
ont par la suite enregistrée et jouée une
trentaine de fois à travers le monde.
Anu Komsi
Esa-Pekka Salonen et le compositeur
Aussi à l’aise sur une scène d’opéra que coréen Unsuk Chin ont en outre
sur une scène de concert, récitaliste et
respectivement composé Wing on Wing
musicienne de chambre éclectique, Anu et Cantatrix Sopranica pour les voix de
Komsi défend un répertoire qui s’étend
colorature d’Anu Komsi et de sa sœur
de la musique de la Renaissance à la
jumelle Piia. Anu Komsi s’intéresse
musique contemporaine la plus pointue. autant à la musique baroque qu’aux
Sa musicalité exceptionnelle et sa voix
improvisations jazz les plus
dynamique de colorature sont
progressistes. On peut fréquemment
régulièrement applaudies en Europe et
l’entendre dans des œuvres comme
aux États-Unis. Anu Komsi a été à
les Chansons de jeunesse de Debussy,
l’affiche des plus grands théâtres
Chantefleurs et Chantefables de
européens (Théâtre du Châtelet, Théâtre Lutoslawski, Luonnotar de Sibelius,
de l’Europe, Opéra national de Paris,
la Symphonie no 4 de Mahler, les Kafka
Théâtre National de Strasbourg, Opéra
Fragments de György Kurtag, White as
de Stuttgart, Opéra de Francfort) et elle Jasmine de Jonathan Harvey, Natural
compte à son répertoire une quarantaine History de Judith Weir, les Leçons de
de rôles parmi lesquels Lulu, Zerbinette, ténèbres de Couperin, les cantates et
Norina, le Rossignol de Stravinski, Gilda, les oratorios de Bach, les Scènes de
la Reine de la Nuit et Philomela de
Faust de Schumann, le Quatuor à cordes
James Dillon. Elle a aussi chanté la
no 2 de Schönberg et Le Sacrifice de
partie de soprano dans Mysteries of the Kimmo Hakola.
Macabre de Ligeti et remporté l’un de
Les disques d’Anu Komsi sont
ses plus grands succès critiques avec
disponibles chez Deutsche Grammophon,
Neither de Morton Feldman. Lors de
Hänssler Classic, Warner, Ondine et BIS
l’édition 2007 du Festival du Lincoln
Records. Son dernier enregistrement,
Center, elle a enfin interprété la partie de Sydän, est sorti chez Alba en 2007 :
soprano dans Into the Little Hill de
il réunit des chansons composées par
George Benjamin, une pièce que le
des musiciens finlandais romantiques et
compositeur a spécialement écrite pour contemporains (Kaija Saariaho, Jouni
elle. Anu Komsi s’est produite comme
Kaipainen) sur des textes du poète
soliste avec de nombreux orchestres de finlandais Eino Leino. Anu Komsi a
premier plan en Europe et dans les plus récemment participé à la création d’un
grandes salles américaines et
nouvel opéra dans sa ville natale de
européennes. Elle a travaillé avec des
Kokkola, sur la côte ouest finlandaise.
La compagnie (dont elle est aujourd’hui
le Directeur artistique) a fait ses débuts
avec une production des Noces de Figaro
dans laquelle Anu Komsi interprétait le
rôle de Suzanne (direction Sakari
Oramo). Jouée en 2006 et reprise
pendant l’été 2007, cette production a
été décrite en Finlande comme
l’« innovation de l’année ». Elle sera
suivie en 2007 d’une nouvelle
production de La Chauve-Souris de
Johann Strauss – dans laquelle Anu
Komsi interprètera Rosalinde – puis, dans
le cadre de l’édition 2008 du Festival
d’été de Kokkola, d’un diptyque italien
(Jephté de Carissimi et Sœur Angelica
de Puccini) intitulé Offerere et du Pierrot
lunaire de Schönberg – dans lequel Anu
Komsi chantera également. Parmi ses
nombreux projets, on peut mentionner
des débuts attendus avec le San
Francisco Symphony et Sakari Oramo
mais aussi des productions d’œuvres de
compositeurs comme Kaija Saariaho,
Morton Feldman et George Benjamin à la
Cité de la musique de Paris, à la Casa da
Música de Porto, à l’Opéra et à l’Alte
Oper de Francfort ainsi qu’au Festival
d’Osaka.
Cyndia Sieden
La soprano colorature Cyndia Sieden
se partage entre les répertoires baroque,
classique et contemporain. En termes
d’exactitude et de précision, la pureté
de son timbre correspond autant aux
exigences des compositeurs du
dix-huitième siècle (Haendel, Mozart)
qu’à celles des compositeurs du
vingt-et-unième siècle (Thomas Adés,
Esa-Pekka Salonen).
Cyndia Sieden a été applaudie avec
les plus grands orchestres symphoniques
au monde (Orchestre du Concertgebouw
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d’Amsterdam, Los Angeles Philharmonic,
Orchestre de Cleveland, Symphonique
d’Atlanta, Symphonique de St Louis,
London Symphony Orchestra) mais aussi
au Festival Mostly Mozart de New York.
À l’occasion de l’ouverture de la saison
2006-2007, elle s’est produite comme
soliste avec le Chicago Symphony
Orchestra dans son œuvre fétiche,
Le Rossignol de Stravinski (rôle-titre). On
peut aussi régulièrement l’entendre dans
les Carmina Burana, dans les oratorios
de Haendel, de Mozart et
de Haydn, dans des oeuvres de Bach,
dans la Symphonie n° 8 de Mahler et
dans des versions de concert d’opéras
de Mozart, de Bernstein (Candide) ou
de Strauss (Ariane à Naxos). Avec le
Los Angeles Philharmonic, elle a enfin
interprété Wing on Wing d’Esa-Pekka
Salonen et créé les Scenes from
The Tempest (basées sur l’opéra
The Tempest de Thomas Adès).
Sous la direction de Thomas Adès,
Cyndia Sieden a interprété le rôle aérien
d’Ariel lors de la création de The Tempest
à Covent Garden en 2004. L’opéra,
qui fait désormais partie du répertoire,
a par la suite été représenté en France,
au Danemark et à l’Opéra de Santa Fe
(d’autres représentations sont à venir).
Cyndia Sieden a interprété la Reine de
la nuit dans La Flûte enchantée de
Mozart et Blonde dans L’Enlèvement
au Sérail. Les enregistrements de ces
deux opéras sous la direction de John
Eliot Gardiner (Archiv) ont contribué
à asseoir son statut d’interprète
mozartienne de premier plan, lequel
statut a par la suite été confirmé à
l’occasion de représentations dans
les plus grands opéras au monde
(Staatsoper de Bavière, Opéra de
Paris, Gran Teatro del Liceu de
Barcelone, La Monnaie de Bruxelles,
English National Opera de Londres) ainsi
qu’à Pékin et en Australie. Sa voix est en
outre parfaitement adaptée à la musique
de Strauss : on l’a notamment entendue
dans le rôle de Zerbinette (Ariane
à Naxos) à Munich, au Japon et à Vienne,
ainsi que dans les rôles de Sophie
(Le Chevalier à la rose ) au Théâtre
du Châtelet et d’Aminta (La Femme
silencieuse) à Palerme. Elle est l’une des
rares sopranos contemporaines à avoir
chanté la version originale de 1912
d’Ariane à Naxos, dans laquelle l’aria
de Zerbinette est à la fois plus longue et
plus haute d’un ton que dans la célèbre
version révisée de 1916. Elle a fait ses
débuts au Metropolitan Opera de New
York avec Lulu de Berg et ses débuts
à Salzbourg avec Ombra Felice (une
production mise en scène d’arias de
concert de Mozart) avant d’y retourner
pour incarner Aspasia dans une
production de Mitridate, Re di Ponto
mise en scène par Jonathan Miller
(l’enregistrement est récemment sorti
en CD sur le label du Festival de
Salzbourg). Récitaliste renommée,
Cyndia Sieden est fréquemment à
l’affiche du New York Festival of Song.
Elle a créé Dove sta amore (le cycle de
mélodies de John Musto) à l’occasion
de ses débuts dans la Salle Weill du
Carnegie Hall et défendu un vaste
répertoire au Concertgebouw
d’Amsterdam, à Rotterdam, au Festival
de Musique de chambre de Santa Fe,
au Festival de Musique de chambre
de Seattle et au Festival de Moab.
Native de Californie, Cyndia Sieden vit
aujourd’hui dans l’État de Washington.
JEUDI 8 NOVEMBRE
Steven Stucky
Le compositeur Steven Stucky a
remporté le Prix Pulitzer de musique
pour son Deuxième Concerto pour
orchestre en 2005. Il a reçu des
commandes de nombreux orchestres, de
troupes, d’ensembles, de particuliers et
de fondations tant aux États-Unis qu’à
l’étranger. Le catalogue des œuvres de
Steven Stucky comprend des
compositions monumentales pour
orchestre, une pièce de huit minutes
pour cinq percussionnistes, de la
musique de chambre pour différentes
combinaisons instrumentales (du
quatuor de pianos au quatuor à cordes
en passant par le quintette à vent), mais
aussi des pièces a cappella, pour piano
solo, pour voix et piano ou encore des
pièces pour saxophone et piano.
Parallèlement à ses activités de
compositeur, Steven Stucky est très actif
comme chef, comme écrivain, comme
conférencier et comme enseignant. Il a
été nommé compositeur en résidence du
Los Angeles Philharmonic par André
Previn en 1988 et il est à présent
compositeur consultant de l’orchestre en
musique nouvelle – leur association
représente la plus longue association
entre un compositeur et un orchestre
dans toute l’histoire de la musique
américaine. Ses fonctions l’amènent
naturellement à travailler en étroite
collaboration avec le Directeur musical
du Los Angeles Philharmonic, Esa-Pekka
Salonen, sur les programmes de
concerts et de commandes visant à
étendre la programmation
contemporaine de l’orchestre, dans des
commissions de prix, sur des
programmes éducatifs et sur une
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programmation spécialement destinée
aux nouveaux publics. Cette saison,
il organisera en outre la série Green
Umbrella du Los Angeles Philharmonic
avec Marc-André Dalbavie et Leif Ove
Andsnes ainsi que des rencontres
informelles avec ses collègues John
Corigliano, John Harbison et Peter
Lieberson dans le cadre de la série
Hear & Now du New York Philharmonic –
conférences-débats avec les
compositeurs d’œuvres programmées
par l’orchestre new-yorkais. Au cours
de la saison 2005-2006, la musique de
Symphony Orchestra, le Cleveland
Orchestra, le Dallas Symphony
Orchestra, l’Orchestre symphonique de
la Radio de Francfort, le London
Symphony Orchestra, le National
Symphony Orchestra, le New World
Symphony Orchestra, le New York
Philharmonic Orchestra, le Philadelphia
Orchestra, le Philharmonia Orchestra, le
San Francisco Symphony Orchestra, le
Toronto Symphony Orchestra et de
nombreuses autres formations.
Professeur dévoué, mentor de nombreux
jeunes compositeurs, Steven Stucky a
fait partie la saison dernière du jury du
Steven Stucky a été jouée par des
Concours de composition Witold
artistes et des ensembles comme
Lutoslawski à Varsovie. Reconnu dans le
Leonard Slatkin et le Deutsches
monde entier comme un expert de ce
Symphonie Orchester, Marin Alsop et
compositeur, il recevra la Médaille de la
Evelyn Glennie, Günther Herbig et le
Baltimore Symphony Orchestra, Jeffrey Société Lutoslawski cette saison. Il
participera enfin à des résidences à
Kahane et le Colorado Symphony
Orchestra, le Los Angeles Piano Quartet l’Académie américaine de Rome, à
l’Université James Madison et au
ou le Symphonique de la Radio
Grinnell College. Steven Stucky collabore
d’Helsinki. Parmi les temps forts des
régulièrement avec le Los Angeles
précédentes saisons, on peut en outre
Philharmonic New Music Group et avec
mentionner les créations mondiales de
Ensemble X, un ensemble de musique
Spirit Voices, du Concerto pour
contemporaine qu’il a créé en 1997 et
percussions avec Evelyn Glennie
(Singapour, novembre 2003), de Jeu de qu’il a dirigé lors des créations
timbres (Washington, janvier 2004) et du américaines de son Concerto pour flûte à
Deuxième Concerto pour orchestre (Los bec et de ses Études (avec Michala Petri)
Angeles, mars 2004). Au printemps
ainsi qu’à l’occasion de créations
2004, il a dirigé la première exécution
mondiales ou régionales d’œuvres de
publique du cycle de mélodies avec
plusieurs de ses pairs dans le monde de
orchestre de chambre To Whom I Said
la musique nouvelle – Donald Crockett,
Farewell à Los Angeles et sa Sonate en
Jacob Druckman, William Kraft, Witold
forme de préludes a été créée par
Lutoslawski, Christopher Rouse, Joseph
Emanuel Ax dans la Salle Zankel du
Phibbs et Judith Weir. Steven Stucky a
Carnegie Hall avec les membres de la
été Directeur de l’Aspen Contemporary
Société de musique de chambre du
Ensemble (qu’il a dirigé à l’occasion de
Lincoln Center. Les saisons dernières ont nombreux concerts en 2005) et
aussi permis de l’entendre avec
Compositeur en résidence de l’École de
l’Orchestre de la Radio bavaroise, le BBC musique d’Aspen et du Festival de
Symphony Orchestra, le Boston
musique d’Aspen en 2001. Intéressé par
les adaptations d’œuvres de grands
compositeurs par d’autres compositeurs,
il y a notamment dirigé un arrangement
rarement joué des Chants d’un
compagnon errant de Mahler par Arnold
Schönberg – l’arrangement en question
avait à l’origine été écrit pour la fameuse
Société d’exécutions musicales privées
de Vienne. Il sera prochainement le
premier compositeur lauréat du Barr
Institute à l’Université du Missouri
(Kansas City). Au cours de sa carrière, il
a reçu de nombreuses récompenses dont
une bourse Guggenheim, une bourse
Bogliasco et une bourse Goddard
Lieberson de l’Académie américaine des
Arts et des Lettres, sans oublier le Prix
Victor Herbert de l’ASCAP et plusieurs
bourses de la Dotation nationale pour les
arts, de l’American Council of Learned
Societies et de la Dotation nationale
pour les sciences humaines. Son premier
Concerto pour orchestre a par ailleurs
figuré parmi les finalistes du Prix Pulitzer
de musique en 1989. Steven Stucky
enseigne la musique à l’Université
Cornell depuis 1980 – il y a occupé la
chaire du Département de musique de
1992 à 1997 et il y est aujourd’hui
professeur de composition. Il a aussi été
professeur de composition invité à
l’Eastman School of Music et nommé
Professeur Ernest Bloch à Berkeley
(Université de Californie). Né le 7 novembre
1949 à Hutchinson, Kansas, Steven
Stucky a grandi dans le Kansas et au
Texas. Il a fait ses études aux universités
Baylor et Cornell avec Richard Willis,
Robert Palmer, Karel Husa et Burrill
Phillips. Il vit actuellement à Ithaca (New
York) avec sa femme, l’altiste Melissa
Stucky. Le chœur d’hommes Chanticleer
(San Francisco) a commandé à Steven
Stucky Cradle Songs et Whispers, qu’il a
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ensuite enregistrés pour Teldec. Ces
enregistrements ont figuré parmi les
meilleures ventes dans les classements
de Billboard et ils ont été récompensés
par deux Grammy Awards (2000, 2002).
La discographie de Steven Stucky
comprend également des œuvres
comme Ad Parnassum, Boston Fancies,
Fanfares and Arias, Funeral Music for
Queen Mary (d’après Purcell), Nell’ombra,
nella luce, Partita-Pastorale (d’après J.S.
Bach), Sappho Fragments, Serenade for
Wind Quintet, Son et Lumière, Threnos et
Voyages.
la forme d’activités organisées dans les
écoles, les églises et les différents
quartiers d’une communauté vaste et
variée. Le Los Angeles Philharmonic a
été créé par William Andrews Clark Jr,
un musicien amateur multimillionnaire
qui a décidé de doter Los Angeles de
son premier orchestre permanent en
1919. Walter Henry Rothwell en a été
le premier Directeur musical jusqu’en
1927, après quoi neuf chefs reconnus
se sont succédés à ce poste : Georg
Schnéevoigt (1927-1929), Artur Rodzinski
(1929-1933), Otto Klemperer (1933-1939),
Alfred Wallenstein (1943-1956), Eduard
Los Angeles Philharmonic
Van Beinum (1956-1959), Zubin Mehta
Innovant, exubérant, dirigé
(1962-1978), Carlo Maria Giulini
par Esa-Pekka Salonen (Directeur
(1978-1984), André Previn (1985-1989)
musical de l’ensemble depuis 1992 et
et, depuis la saison 1992-1993, Esa-Pekka
compositeur), le Los Angeles
Salonen (qui sera lui-même remplacé par
Philharmonic est la parfaite illustration
Gustavo Dudamel en 2009). En octobre
de ce qu’est un « orchestre du XXIe
2003, le Los Angeles Philharmonic a
siècle ». À l’heure où il entame sa
donné son premier concert au Walt
89e saison, il est considéré par le public Disney Concert Hall de Frank Gehry pour
et par la critique comme l’un des
l’inauguration de la salle qui, depuis, est
meilleurs orchestres au monde.
devenue sa résidence principale. Salué
Les journalistes s’accordent à
tant pour son architecture que pour son
reconnaître qu’il sert d’exemple aux
acoustique et son revêtement extérieur
institutions culturelles désireuses de
de 89 300 m2 en acier cintré, le Walt
se moderniser sans pour autant abaisser Disney Concert Hall incarne à la
leur niveau d’exigence. Plus d’un million perfection l’énergie, l’imagination et
d’auditeurs assistent chaque année aux l’esprit créatif qui animent la ville de
Los Angeles ainsi que son orchestre.
concerts du Los Angeles Philharmonic
Il est aujourd’hui considéré non
dont la programmation, en termes
d’ampleur et de profondeur, n’a pas
seulement comme une institution
d’égale sur la scène musicale
culturelle primordiale de la ville mais
internationale. Il donne ou présente près aussi comme une salle de concert
de 300 concerts par an dans ses deux
sensationnelle. En termes de qualité
salles de prédilection : le Walt Disney
sonore, cette salle a peu de rivales sur
Concert Hall et le Hollywood Bowl
la scène internationale, et en termes de
(où il se produit depuis 1922). Mais
conception architecturale, il est fort
son association avec Los Angeles va bien possible qu’elle n’en ait aucune. Attirés
au-delà de ses apparitions régulières
par les défis, Esa-Pekka Salonen et le
dans ces deux salles : elle prend aussi
Los Angeles Philharmonic cherchent
à développer une programmation qui
reste fidèle à la tradition tout en étant
susceptible d’ouvrir de nouvelles voies,
de séduire de nouveaux publics et
d’élargir l’expérience de la musique
symphonique. Pendant sa saison d’hiver
de 30 semaines en abonnement au
Walt Disney Concert Hall, le Los Angeles
Philharmonic organise des festivals, des
résidences d’artistes et d’autres
programmes thématiques destinés à
approfondir le travail de certains artistes
et compositeurs. Au même titre que la
résidence d’artiste annuelle On Location,
de récents projets comme Minimalist
Jukebox, le Tristan Project ou Shadow of
Stalin témoignent de l’originalité qui
caractérise cet orchestre. L’engagement
du Los Angeles Philharmonic en faveur
de la création contemporaine est
particulièrement évident dans sa
politique de commandes, dans ses
concerts en abonnement et dans son
enthousiasmante série Green Umbrella.
Le Los Angeles Philharmonic New Music
Group (qui a fêté ses 25 ans la saison
dernière) se consacre quant à lui
exclusivement à la musique
contemporaine en collaborant avec des
compositeurs et des interprètes à la
pointe de ce répertoire. LAPhil Presents
(la section de l’orchestre chargée de
faire découvrir d’autres artistes et
d’autres formations) enrichit enfin l’offre
culturelle de Los Angeles en organisant
des séries de concerts avec des invités
prestigieux. En plus des concerts
spéciaux programmés à l’occasion des
fêtes, ces évènements comprennent des
récitals, des concerts de jazz et de
musiques du monde, des récitals d’orgue,
sans oublier les séries Baroque
Variations, Songbook et Visiting
Orchestras. Avec son Directeur musical
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Esa-Pekka Salonen, le Los Angeles
Philharmonic est entré de plain-pied
dans l’ère numérique en étant le premier
orchestre à proposer certains de ses
concerts en téléchargement exclusif une
semaine après qu’ils aient eu lieu. Par le
biais d’une association avec Deutsche
Grammophon, DG Concerts propose déjà
six concerts du Philharmonic en
téléchargement sur iTunes – d’autres
concerts sont à venir. En octobre 2006,
Tamara Chernyak
Michele Bovyer
Assistant Principal
Rochelle Abramson
Camille Avellano
Elizabeth Baker
Robert Vijay Gupta
Mischa Lefkowitz
Edith Markman
Judith Mass*
Mitchell Newman
Barry Socher
Lawrence Sonderling*
Stacy Wetzel
Aroussiak Baltaian***
Cheryl Norman***
Richard Elegino
Dana Hansen
Ingrid Hutman
Hui Liu
Meredith Snow
David Stockhammer
Leticia Oaks Strong
Minor L. Wetzel
Elizabeth Wilson***
Deutsche Grammophon a, par ailleurs,
sorti l’enregistrement du premier
concert d’Esa-Pekka Salonen et du
Philharmonic au Walt Disney Concert
Hall (œuvres de Bartók, Moussorgski et
Stravinski, dont Le Sacre du printemps
qui est une œuvre fétiche de l’orchestre). Violons II
Lyndon Johnston Taylor*
Jerry Epstein
Violoncelles
Peter Stumpf
Principal, Bram and Elaine Goldsmith Chair
Daniel Rothmuller
Associate Principal, Sadie and Norman Lee Chair
Ben Hong
Esa-Pekka Salonen
Principal, Dorothy Rossel Lay Chair
Assistant Principal
Music Director, Walt and Lilly Disney Chair
Mark Kashper
Jonathan Caroly
Joana Carneiro
Associate Principal
Assistant Conductor
Kristine Hedwall
Johnny Lee
Lionel Bringuier
Assistant Conductor
Ward Stare
Conducting Fellow, League of American Orchestras
Steven Stucky
Consulting Composer for New Music
Deborah Borda
President
Violons I
Martin Chalifour
Principal concertmaster
Marjorie Connell Wilson Chair
Alexander Treger
Concertmaster, Ernest Fleischmann Chair
Dale Breidenthal
David Chernyavsky
Ingrid Chun
Chao-Hua Jin
Nickolai Kurganov
Guido Lamell
Varty Manouelian
Paul Stein
Yun Tang
Jonathan Wei*
Suli Xue
Lorenz Gamma***
Grace Oh***
Stephen Custer
David Garrett
Barry Gold
Jason Lippmann
Gloria Lum
Serge Oskotsky
Brent Samuel
Peter Snyder
Contrebasses
Dennis Trembly
Principal
Christopher Hanulik
Principal
Oscar M. Meza
Assistant Principal
David Allen Moore
Bing Wang
Associate Concertmaster
Altos
Mark Baranov
Principal (vacant), John Connell Chair
Assistant Concertmaster
Dale Hikawa Silverman
Philharmonic Affiliates Chair
Associate Principal
Arthur Royval
Jack Cousin
Richard D. Kelley
Peter Rofé
John Schiavo
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biographies
Frederick Tinsley
Bassons
David Breidenthal
Tuba
Norman Pearson
Flûtes
Anne Diener Zentner
Principal
Minturn Family Foundation Chair
Principal
Associate Principal
Mr. and Mrs. H. Russell Smith Chair
Michele Grego
Patricia Kindel
Principal (vacant)
Shawn Mouser
Timbales et percussions
Raynor Carroll
Principal Percussion
James Babor
Perry Dreiman
Chester Englander***
Kenneth McGrath***
Virginia and Henry Mancini Chair
Catherine Ransom Karoly
Sarah Jackson
Diane Alancraig***
Lawrence Kaplan***
Contrebasson
Patricia Kindel
Piccolo
Sarah Jackson
Principal
Claviers
Joanne Pearce Martin
Eric Overholt
Katharine Bixby Hotchkis Chair
Cors
William Lane
Associate Principal
Hautbois
Ariana Ghez
Elizabeth Cook-Shen*
Principal
Brian Drake
Marion Arthur Kuszyk
Loring Charitable Trust Chair
Associate Principal
Bruce Hudson
Robert Watt
Anne Marie Gabriele
Carolyn Hove
William and Sally Rutter Chair
Assistant Principal
Bud and Barbara Hellman Chair
Cor anglais
Carolyn Hove
Clarinettes
Michele Zukovsky
Harpes
Lou Anne Neill
Sylvia Ré***
Bibliothécaires
Kazue Asawa McGregor
Kenneth Bonebrake
Stephen Biagini
Mark Adams***
Chef du personnel
Jeffrey Neville
Trompettes
Donald Green
Directeur de production
Paul M. Geller
Principal
Principal
James Wilt
Lorin Levee
Associate Principal
Principal
Christopher Still
Boyde Hood
Tour management
Van Walsum Management Ltd
Trombones
Steven Witser
*en congé
Principal
concerts
Monica Kaenzig
Mauk/Nunis Chair
David Howard
Clarinette en mi bémol
Monica Kaenzig
***musicien supplémentaire appelé pour ces
James Miller
Associate Principal, Abbott and Linda Brown Chair
Clarinette basse
David Howard
Herbert Ausman
Trombone basse
John Lofton***
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Salle Pleyel | Prochains concerts
DU mercredi 7 AU vendredi 16 novembre
MERCREDI 7 NOVEMBRE, 20H
SAMEDI 10 NOVEMBRE, 20H
JEUDI 15 NOVEMBRE, 20H
George Gershwin
Un Américain à Paris
Concerto pour piano en fa majeur
John Adams
Harmonielehre
Wolfgang Amadeus Mozart
Concerto pour piano no 23
Anton Bruckner
Symphonie no 7
Orchestre National de France
Kurt Masur, direction
Louis Lortie, piano
Brahms / Gardiner I
LUNDI 12 NOVEMBRE, 20H
VENDREDI 9 NOVEMBRE, 20H
Italian jazz masters
L’Acte préalable (création)
« Mystère » d’Alexandre Scriabine resté
inachevé en 1914
Restitution de la partition par Alexandre
Nemtine
Première partie
Enrico Rava & Stefano Bollani Duo
Enrico Rava, trompette
Stefano Bollani, piano
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Monteverdi Choir
Sir John Eliot Gardiner, direction
Nathalie Stutzmann, alto
Noord Nederlands Orkest
Noord Nederlands Concertkoor
Michel Tabachnik, direction
Louis Buskens, Leedert Runia, chefs de chœur
Susan Narucki, soprano
Håkon Austbø, piano
Deuxième partie
Stefano di Battista Quartet
VENDREDI 16 NOVEMBRE, 20H
Dans le cadre de Haut les Pays-Bas ! / 50 ans de
Stefano di Battista, saxophones alto et
soprano
Baptiste Trotignon, orgue Hammond B3
Fabrizio Bosso, trompette
Eric Harland, batterie
l’Institut néerlandais, avec le soutien du Netherlands
Culture Fund (ministères néerlandais des affaires
étrangères et de l’éducation, de la culture et des
MARDI 13 NOVEMBRE, 20H
sciences) et CULTURESFRANCE.
Mísia
Saudades symphoniques
Orchestre Lamoureux
Bruno Fontaine, arrangements, direction
José Manuel Neto, guitare portugaise
Carlos Manuel Proença, viola de fado
Brahms / Gardiner II
Johannes Brahms
Nänie op. 82
Motet « Warum ist das Licht » op. 74
Motet « Schaffe in mir Gott » op. 29
Schicksalslied op. 54
Symphonie no 2
Robert Schumann
Nachtlied op. 108
Felix Mendelssohn
Mitten wir im Leben sind op. 23
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Monteverdi Choir
Sir John Eliot Gardiner, direction
Imprimeur SIC | Imprimeur France Repro | Licences 7503078, 7503079, 7503080
London Symphony Orchestra
Antonio Pappano, direction
Wayne Marshall, piano
Johannes Brahms
Variations sur un thème de Haydn op. 56
Rhapsodie pour alto, chœur d’hommes et
orchestre op. 53
Symphonie no 1 op. 68
Franz Schubert
Gruppe aus dem Tartarus D 583
(transcription Johannes Brahms)
An Schwager Kronos
Gesang der Geister über den Wassern D 714
(2e version)
Salle Pleyel Président : Laurent Bayle | Notes de programme Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Maquettiste : Ariane Fermont
Mécène de l’art de la voix
Les partenaires média de la Salle Pleyel
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