Femina atteint ses objectifs - WAN-IFRA
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Femina atteint ses objectifs - WAN-IFRA
Marketing février 1999 techniques de presse 2 millions d’exemplaires pour le supplément du groupe Hachette Femina atteint ses objectifs Femina hebdo est le projet magazine le plus ambitieux sorti des cartons Hachette ces dernières années. Lancé avec une certaine discrétion par Hachette Filipacchi Médias (HFM), ce supplément féminin destiné à la presse quotidienne régionale a rempli ses premiers objectifs en décembre dernier. Tout est désormais possible : c’est le credo du groupe qui aura investi près de 120 millions de francs sur la première étape (1995-1998) de ce lancement. Philippe Zagdoun, directeur délégué de HFM, est en charge de la presse régionale et de ses suppléments. Sur le papier, l’idée paraît brillante : Femina hebdo représente toutes les synergies possibles au sein du groupe Hachette. Ce magazine combine ses intérêts d’éditeur de presse féminine mais aussi de presse quotidienne régionale (via La Provence, Nice Matin). HFM ne partait pas sans expérience puisqu’il a le savoir-faire (en gestion et impression) du TV Hebdo actuellement diffusé avec la presse régionale. Confrontée, via ses propres quotidiens, aux difficultés de développement de la presse régionale, la direction du groupe est convaincue que la déclinaison de suppléments consti- tue une bonne riposte, tant pour satisfaire des cibles de lecteurs moins intéressées par l’offre traditionnelle du quotidien que pour pénétrer des « niches » publicitaires locales. Leader en presse féminine haut de gamme, HFM table aussi sur un nouveau marché publicitaire national. Avec deux millions d’exemplaires, Femina est en tête des féminins grand public, devançant le leader traditionnel, Femme Actuelle (du groupe Prisma Presse), en diffusion et prix de vente (Femme Actuelle coûte 6,50 FF). La marge de progression est vaste : la PQR représente six millions d’exemplaires vendus chaque jour. A ce jour, le groupe Socpresse n’ayant pas sorti une offre similaire pour ses titres régionaux, Hachette est seul sur ce nouveau terrain. Des tests pour valider le concept > Transferts de publicité ou réels gains ? « Au niveau national, explique Philippe Zagdoun, le magazine est perçu comme appartenant au marché de Femme Actuelle, Prima, mais un peu plus haut de gamme en positionnement que la presse féminine très grand public. Nous souffrons un peu du principe des suppléments tant que la diffusion n’est pas totalement nationale, ce qui est le cas aujourd’hui il faut le reconnaître. Cependant, là où nous sommes, nous bénéficions de la forte pénétration de la presse régionale ». HFM annonce une pagination publicitaire nationale de 300 pages en 1998 et prévoit 600 pages pour l’année 1999 ... soit près de 100 millions de francs de recettes publicitaires. Au niveau local, le groupe peut citer l’exemple de son quotidien La Provence : « nous avons bientôt deux ans d’historique à la Provence et nous pouvons affirmer que les transferts publicitaires sont inférieurs à 10 %. En 1998, les investissements publicitaires émanant de nouveaux annonceurs pour La Provence étaient de 4,5 millions de francs dont 3,5 millions directement liés au Femina. Nous avons noté un impact négatif marginal pour le supplément TV. Pour résumer, des annonceurs ont découvert le quotidien et nous ne croyons pas au risque de transferts ». 34 Au début, le scepticisme régnait dans la presse régionale. Un supplément hebdomadaire féminin accompagnant un quotidien dont on sait le lectorat plutôt masculin (70 % des lecteurs selon HFM) était déjà une gageure. Mais, quand cette proposition se traduit par une vente forcée (une hausse de deux à trois francs le jour de parution du supplément), le risque d’une sanction sur la diffusion paraît inévitable. C’est le quotidien La Provence qui a servi à tester sur l’année 1996 la viabilité de cette idée au niveau régional. Femina hebdo était diffusé le samedi à 22 000 exemplaires avec un coût additionnel pour le lecteur de deux francs (soit un prix de 8,50 FF pour le quotidien, le supplément TV Hebdo et Femina). Le Journal du Dimanche, autre quotidien du groupe, portait l’autre phase du test sur 40 000 exemplaires avec un coût supplémentaire de 2,50 F. Un panel de lecteurs était régulièrement interrogé pour observer l’évolution de la perception du supplément. Au départ de l’enquête, les interviewés se montraient peu réactifs au produit. Fin décembre 1996, quelques semaines après les débuts des tests, environ 64 % des lecteurs estimaient que Femina était une bonne idée. Le taux est monté à 72 % en mai 1997. Côté ventes, après une période de baisse de diffusion de plus ou moins deux mois, liée à la réaction hostile des hommes à l’achat obligatoire du supplément, les ventes ont retrouvé leur niveau initial et Philippe Zagdoun, directeur délégué de HFM en charge de la presse régionale et de ses suppléments, estime que sur une année complète Femina hebdo permet une augmentation le jour de sa diffusion. « L’opération de prospection de la presse régionale a commencé en octobre 1997, poursuit Philippe Zagdoun, nous sommes allés voir nos confrères en leur disant : le supplément fonctionne bien sur nos titres donc cela devrait aussi marcher chez vous. C’est avec des preuves que nous avons pu les convaincre aussi rapidement. techniques de presse fevrier 1999 Valérie Arnould La montée en régime a été particulièrement forte : au début de l’année 1998 nous diffusions environ 400 000 exemplaires du supplément et l’année s’est terminée à près de 2 millions d’exemplaires. Femina est un projet de très grande envergure et il ne faut pas se focaliser sur la diffusion actuelle, tout à fait transitoire. La diffusion d’aujourd’hui est une étape importante car elle nous permet d’équilibrer notre exploitation. Grâce au niveau atteint, nous commençons à prospecter avec plus d’ardeur le marché publicitaire. Mais nous avons dans l’idée de continuer à développer et d’arriver bientôt à 3 millions d’exemplaires ou plus. A partir de maintenant, tout futur développement contribuera à rentabiliser Femina ». Une partie locale, une partie nationale Le magazine comprend une partie nationale pilotée par les équipes d’Hachette sous la responsabilité de Hélène Tokay (transfuge de Prima) et une partie locale laissée à l’appréciation des journaux régionaux. La combinaison ne s’est pas avérée facile au départ. Hélène Tokay devait répondre à un cahier des charges difficile : non seulement fédérer des femmes d’âges et de catégories sociales très différentes, mais aussi attirer les autres membres de la famille. La pagination nationale place en tête des sujets habituels de la presse féminine comme la beauté, la mode, la santé, la cuisine, la décoration... Mais on y trouve également des sujets sur les enfants, sur le droit, sur l’argent. Ces derniers sujets ont d’ailleurs trouvé un écho très favorable dans le lectorat régional : « nous recevons la plupart de nos courriers lecteurs sur les sujets tels que votre argent et vos droits, explique la journaliste responsable du Femina hebdo du journal la Voix du Nord, Marie-Laure Fréchet. Nous nous apercevons que le supplément est aussi lu par les hommes, qu’il est aussi perçu comme un journal familial ». Le cahier national du magazine a, pour le moment, une pagination fixe de 52 pages (format 220 x 285) : 40 pages de rédaction et 12 pages de publicité. Les pages locales sont flexibles : 4 à 16 pages en moyenne, mais certains quotidiens investissent plus lourdement sur ce cahier : « Nice Matin a opté, dès le départ, pour un cahier local de 24 pages, explique Philippe Zagdoun. Cette offre lui a permis de main- La Une du Fémina est estampillée du nom du quotidien avec lequel le supplément est distribué et les sujets locaux sont également en couverture. Un exemple de l’ouverture du cahier local (à droite) pour La Voix du Nord. tenir une diffusion stable même les premières semaines de diffusion du supplément ». La Une du Femina est estampillée du logo du quotidien avec lequel il est distribué et des grands titres de sa section locale. Les pages sont réalisées, pour la rédaction et la maquette, par le journal régional ; quant à l’impression, elle est sous la responsabilité du groupe Hachette. 21 % des lecteurs sont réticents à acheter le journal, le chiffre tombe à 11 % lorsque l’offre est à 9,50 FF (NDLR : chiffres cités par Philippe Zagdoun lors d’une conférence de l’Association mondiale des journaux à Vienne, en novembre 1998). L’un des premiers à avoir utilisé le supplément Femina hebdo est le quotidien Le Télégramme de Brest. Le supplément est apparu en même temps que le lancement de son journal du dimanche, diffusé actuellement à environ 120 000 exemplaires. Les premières enquêtes auprès des lecteurs, datant de cet été, montrent que, sans noter un plébiscite du supplément, les lecteurs se sont habitués à cette nouvelle offre. Globalement, Le Télégramme trouve les résultats encourageants, comme l’explique JeanYves Chalm, directeur marketing du Télégramme : « nous avons féminisé notre produit du dimanche qui est très marqué par le sport. Il n’y a pas de rejet de cette offre, si l’on excepte les vieux célibataires ou les machos ! Le fait d’avoir un féminin nous permet d’attirer des annonceurs locaux qui ignoraient le quotidien. La presse régionale a toujours eu des difficultés auparavant à convaincre les annonceurs dont la cible est féminine, même si la moitié des lecteurs de PQR sont des lectrices. Le contenu de nos pages locales est en amélioration et il existe un bon dialogue avec la rédaction nationale du Femina pour échanger des idées. Le développement de nos pages locales reste Définir une méthode de lancement Le groupe Hachette signe des contrats de trois à cinq ans avec ses clients de la presse régionale. Un titre peut cependant se retirer en fin de première année s’il estime son bilan négatif. La stratégie de lancement du supplément hebdo revient au quotidien régional. Différentes options sont possibles concernant la date de vente (avec l’édition du dimanche, avec le supplément TV…) et sur le prix du « package ». Fort de son expérience, le groupe Hachette a tiré un certain nombre de conclusions. Le succès serait lié à trois points : > Le taux de satisfaction existant déjà par rapport au quotidien régional diffusé le même jour (par exemple par rapport à l’édition du dimanche). > La qualité éditoriale des pages locales > Un prix psychologique à ne pas dépasser lors de la vente du supplément avec le journal (9,50 FF). Selon les études du groupe, si le package comprenant Femina est vendu au prix de 10 francs, environ 35 Marketing février 1999 Un réel investissement pour la presse régionale cependant limité au problème du coût de réalisation de ce cahier local ». Si Philippe Zagdoun souhaite laisser une grande liberté à la presse régionale sur l’élaboration des cahiers locaux, il est cependant conscient du risque de décalage entre une partie nationale à la charte éditoriale très « cadrée » et des pages locales par définition plus disparates : « nous aimerions créer prochainement un système d’échange d’idées entre les régionaux clients du Femina. Nous avons démarré une étude en interne afin d’évaluer selon plusieurs critères les forces et les faiblesses des cahiers locaux. Nous irons voir nos clients après une année de publication du Femina afin de leur apporter des suggestions sur leurs maquettes, les sujets traités. Mais il fallait au moins quelques mois de production locale pour établir ce premier bilan ». Comme le soulignait Jean-Yves Chalm, les coûts de réalisation du Femina hebdo sont loin d’être négligeables pour le quotidien régional. Les investissements sont liés aux ressources humaines affectées aux pages locales, souvent un responsable éditorial pilotant des pigistes, mais aussi un chef de publicité pour la prospection du marché local. Viennent s’ajouter à cela les frais d’achat du Femina (environ 1 franc l’exemplaire versé à Hachette), les coûts de production du cahier local (impression par Hachette), ceux liés à la diffusion (environ 1 franc également) c’est-à-dire la distribution, la promotion et les invendus. Enfin, les incidences sur la diffusion pendant plusieurs semaines, le temps de l’acceptation > La montée en puissance du Femina hebdo Titres* date de lancement jour de parution diffusion *** Le Journal du Dimanche ** mars 1997 dimanche 195 000 La Provence mars 1997 samedi 230 000 L’Alsace décembre 1997 samedi 135 000 Le Télégramme janvier 1998 dimanche 120 000 La Voix du Nord février 1998 samedi 235 000 Le Courrier Picard février 1998 dimanche 45 000 Centre-France mars 1998 dimanche 260 000 L’Yonne Républicaine avril 1998 mercredi 40 000 Nice-Matin juillet 1998 dimanche 155 000 Sud-Ouest octobre 1998 dimanche 295 000 * Début 1999, les quotidiens Var Matin et Corse Matin s’ajouteront à la liste soit environ 200 000 exemplaires supplémentaires. ** Le Journal du Dimanche est pris en compte pour l’Ile de France et Rennes. *** Les diffusions inscrites ne reflètent pas la diffusion totale du quotidien dans la mesure où certains quotidiens proposent le supplément en option à leurs abonnés ou ne le diffusent au départ que sur une partie de leurs éditions. Le tirage cumulé des suppléments est de 2 millions d’exemplaires. 36 techniques de presse ou non du supplément. Ces coûts expliquent une répercussion de 2 à 3 francs sur le prix de vente du journal le jour de diffusion de Femina. Si le groupe Hachette, fort des résultats déjà enregistrés sur ses titres et sur ses clients, est assez serein sur la courbe des ventes, certains régionaux ont souffert et souffrent encore d’une baisse de diffusion. L’exemple de La Montagne, qui aurait perdu jusqu’à 13 % de sa diffusion le jour du Femina, reste un point négatif, même si le groupe Hachette fait du prix choisi par La Montagne (10 francs) un facteur explicatif de cet échec. A la rédaction en chef de La Montagne, on estime cependant que le plus difficile est fait : « le supplément est diffusé le dimanche avec notre magazine de télévision et un autre supplément ; économiquement le prix de dix francs nous permettait au départ de limiter les risques. Dès la période de tests portant sur trois éditions, nous avons eu la surprise de constater que la diffusion résistait mieux en milieu rural. Les femmes sont moins sollicitées dans ces zones par l’offre en presse féminine que les femmes qui vivent en ville. Contrairement à nos confrères, il nous a fallu près de six mois pour faire accepter le supplément. La courbe de baisse s’inverse depuis peu et nous sommes passés de –12 % à –8 % à l’heure actuelle. Nous lançons un jeu le dimanche pour accélérer la reprise de la diffusion. La bonne surprise est sur la publicité locale qui progresse très vite. Finalement, malgré nos craintes, l’opération est très positive ». En conclusion, Philippe Zagdoun estime que : « la preuve est faite que Femina est une opération rentable. C’est une affaire financièrement profitable car, dès la deuxième année, ce supplément représente deux à quatre millions de francs en publicité locale. Le produit féminise la clientèle du journal, rajeunit son lectorat et dope sa diffusion. Sud Ouest, le dernier quotidien régional a avoir adopté le Femina a, en moins de deux mois, redressé sa diffusion et nous avons de très bonnes nouvelles sur les recettes publicitaires locales. Le Télégramme de Brest est aussi un exemple intéressant si l’on compare le succès de son édition dominicale à celle de son concurrent direct. En ce qui concerne L’Alsace, je crois, que ce journal gagnera de l’argent en 1999 même à un prix de vente de 10 francs le jour du Femina ». <